Chapitre vingt-six

Il n'y a pas de bonheur sans prix, et le mien s'est payé par le sang

Tsubasa tomba à genoux. Du sang figurait sur ses vêtements déchirés. Son corps tremblait tandis que des larmes coulaient sur ses joues creusées par ces dernières. Trempée de la tête aux pieds, ses cheveux collés contre sa peau dégoulinaient.

— Tue-moi. Je t'en supplie, murmura-t-elle.

Kuroro la regarda de haut en bas. Il semblait plus que surpris par sa requête. La jeune femme dégagea le chemin jusqu'à sa gorge et ferma ses paupières. Les doigts du brun se froissèrent sur un papier donné précédemment par le numéro onze. Persuadée que le coup arriverait, elle se laissa aller. La douleur qui tiraillait ses plaies disparaissait, proche de tomber dans un sommeil sans rêve. Elle avait déjà perdu tant de sang.

— Achevez vos souffrances.

Il tenait un couteau entre ses doigts. Celui de Tsubasa, tendu quelques secondes plus tôt. Il le déposa contre la veine palpitante de son cou, l'effleurant sans appuyer. Immobile, précis. Son bras se leva pour prendre de l'élan. Le coup venait.

QUATRE HEURES PLUS TÔT

La soleil se coucha. La Berisha attacha le tissu noir faisant office de masque au-dessus de son nez. Elle y déposa des lunettes de soleil et rabattit sa capuche. La lune était levée. La traque pouvait commencer. Au sommet d'un immeuble, elle tendit sa main vers le ciel.

"Hand of the Alchemist : moon symbol"

Le visage de sa proie apparut dans son esprit. Un peu comme toute la journée d'aujourd'hui. Les nuages laissèrent une légère éclaircie désigner un point au milieu de la ville de Yorkshin. Un seul et unique point, là où elle rencontrerait le destin inévitable. Alors, résolue, à la place d'utiliser son Hatsu, elle s'y rendit à pied. Parcourir la distance prit une moitié d'heure, jusqu'à ce que le faisceau ne se trouve plus qu'à une poignée de mètres. Perchée au niveau des toits, elle observa Kurapika marcher au-travers d'une ruelle menant à une place déserte. La pluie torrentielle ne facilita pas sa vision. La jeune femme le suivit lors de quelques minutes avant de sauter.

Kurapika s'arrêta. Il venait de déboucher sur un espace ouvert sans vie aux alentours. La présence qu'il sentit derrière lui l'obligea à se retourner. Le blond tomba face à une silhouette familière qui enleva ses lunettes.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? lui demanda-t-il sur un ton méfiant.

Elle ne répondit pas. Au lieu de ça, elle s'avança de quelques pas et il réussit à mieux distinguer son visage : aucune trace de sourire narquois comme à son habitude. Juste un vide, un manque d'émotion certain. Il connaissait cette expression.

— Ce n'est pas comme ça que j'aurais imaginé te revoir, soupira cette dernière. Mais qu'est-ce qu'on peut y faire ?

Il recula. Mais il ne lui sembla pas surpris. Juste concerné et concentré. Les deux laissèrent passer un instant avant d'esquisser le moindre geste. Les chaînes de Kurapika étaient matérialisées.

— Ne me dis pas que c'est ce que je crois, souffla-t-il.

— Et qu'est-ce que tu crois ?

— Les Dix Dons ont signalé ta disparition après la vente aux enchères. J'ai appris que tu possédais les lots dans le but de les protéger d'une attaque de la Brigade : toute la mafia est à tes trousses pour les récupérer.

— Oh, vraiment ?

— Une photo de toi avec un membre de l'Araignée qui a attaqué les locaux circule. Les Dix Dons te veulent vivante.

Un sourire arrogant se dessina sur les lèvres de la chasseuse. L'orage gronda une énième fois, accompagné d'éclairs. Ce fichu sourire qu'il détestait tant, face à lui, confirmait ses soupçons. Une rage incontrôlable s'immisça au fond de ses entrailles. Il serra les poings mais ne se laissa pas emporter par la colère.

— S'ils me veulent vivante, il va falloir m'attraper, s'amusa-t-elle.

— Ne t'en fais pas pour ça. Je vais leur faciliter la tâche.

Une chaîne se dirigea droit vers la blonde. Elle sauta sur le côté, aura sortie et courut vers son adversaire. Il n'eut pas le temps de l'attaquer une seconde fois et fut obligé de contrer le coup avec ses bras. Chaque assaut repoussé, il tournoya afin d'envoyer une nouvelle chaîne. Tsubasa se pencha en arrière et esquiva de quelques centimètres. Le combat serait rude. Ni l'un ni l'autre ne s'en sortiraient indemnes. La jeune femme laissa donc un nouveau symbole se dessiner sur sa main.

"Hand of the Alchemist : water symbol"

Un fouet d'eau faucha les jambes du Kuruta. Il tomba sur le dos, respiration coupée suite au choc inattendu. Pour rivaliser avec un matérialiste, il fallait l'attaquer à longue distance. C'était exactement ce que Tsubasa faisait, afin de ne pas se retrouver acculée pour son corps à corps. Une seule erreur et il l'attraperait. Malgré ça, il ne se découragea pas. Redressé, il fit tournoyer une chaîne. L'eau se souleva petit à petit aux alentours jusqu'à aveugler la Berisha. Une nouvelle attaqua se dirigea vers elle et effleura sa joue écorchée. Du sang coula de sa plaie, balayé par la pluie aussitôt. Le duo se fonça dessus, leurs poings chargés d'aura s'entrechoquèrent et créèrent une onde choc autour d'eux.

— Tu ne vas pas t'en sortir comme ça ! promit Kurapika.

"Hand of the Alchemist : silver symbol"

La totalité du bras droit de Tsubasa fut recouvert d'un métal. Juste au-dessus du dos de sa main, cachant le symbole, l'argent forma une pointe acérée. Le Kuruta eut à peine le temps de se reculer, esquivant le coup qui lui aurait tranché la gorge. Il savait qu'elle serait un adversaire coriace. La force dont faisait preuve Uvogin était comblée par son temps de réaction et d'action. Tous deux, conscients de l'état dans lequel ils se trouveraient à la fin de l'affrontement, ne retinrent aucune once de puissance.

La jeune femme retourna à l'assaut. Si elle réussissait à dépasser la rapidité de son opposant, le coup fatal ne tarderait plus. Il fallait abréger tout ça. Munie de l'arme blanche attachée à son bras, Kurapika croula sous les attaques. Il décela la seule faille possible : la fatigue. Lors d'une fraction de seconde, Tsubasa replaça son bras. Il se servit de l'ouverture, frappa le dessous du métal pour le voir se briser en morceaux. Elle hurla de douleur et sauta en arrière. Le bruit laissa penser à une fracture. Un sourire se dessina sur les lèvres du blond qui en profita pour se débarrasser de son bas et de son haut, lourds comme des enclumes.

"Hand of the Alchemist : life symbol"

Une lumière emplie de filaments s'agita autour de la blessure de la Berisha. Son visage déformé par la douleur se transforma petit à petit en une expression agacée. Elle se redressa.

— Tu peux te guérir ? s'étonna le Kuruta.

— Comme si j'allais répondre à ta question.

Une prolongation. Les dommages subis n'étaient pas guéris mais endormis pour une durée indéterminée. Lorsque Tsubasa arriverait à court de ressource d'aura, la douleur reviendrait. Elle n'utilisait cette partie du Hatsu que si nécessité. Parce qu'elle ne pouvait pas perdre, ce soir. Sans attendre, la jeune femme attaqua encore. Mais à cause de la distance entre eux, Kurapika eut le temps de projeter sa chaîne. Elle blessa son adversaire aux jambes, déchira son jean noir puis s'enroula autour de sa cheville. Il tira d'un coup sec afin de la ramener dans sa direction. Une fois à ses pieds, elle prit appui sur le sol mouillé et lui asséna un coup de genou en plein flanc. Les entraves libérèrent la blonde qui se releva, matérialisa un couteau d'argent et poignarda la jambe de son adversaire. Ils se reculèrent à l'unisson, essoufflés.

— Putain de merde, jura la chasseuse.

Ses plaies saignaient. La pluie froide congelait son corps, comme celui du Kuruta. Il retira l'arme blanche de sa cuisse d'un geste brusque et retint son cri les dents serrés. Ils se regardèrent, respiration saccadée. Si ça continuait comme ça, aucun d'eux ne gagnerait. Ils s'entretueraient. Alors, synchronisés, ils se remirent en position pour le dernier assaut.

L'eau se décolla sous leurs pieds au moment où ils sautèrent. Le symbole sur la main de Tsubasa changea et une vague de flammes fut projetée sur Kurapika. Sa chaîne lui servit à dissiper l'attaque. Il se retrouva face à la jeune femme qui le prit par surprise, son bras métallique à pointe fixé sur son bras. Il fonça vers cette dernière. La lame déchira sa peau d'un trait simple et profond au niveau du torse. Du sang s'en échappa mais pas ses entrailles. Son poing heurta le ventre de la Berisha et tous deux tombèrent pour rouler à plusieurs mètres l'un de l'autre. Aussitôt relevée, elle marqua un temps de pause. Satisfaite de la blessure infligée au Kuruta, elle ne put retenir un sourire satisfait. Il s'appuya sur sa jambe droit, les cinq doigts sur l'entaille immense.

— Je ne crierais pas victoire si vite, à ta place.

Surpris, elle le vit rire nerveusement puis tendre sa main vers elle. Des chaînes apparurent tout autour du corps de Tsubasa qui tenta de se défaire, sans succès. La rage retourna son estomac quand elle réalisa son incapacité à se libérer. Le combat était terminé. Kurapika porta une main à ses yeux et retira ses lentilles. Ses deux iris écarlates brillaient dans la nuit.

"Chain Jail"

— Tu as failli m'avoir, lui lança-t-il. Je l'avoue.

— Relâche-moi ! cria-t-elle. Bats-toi jusqu'au bout !

Les entraves se resserrèrent. Elle perdit l'équilibre et se retrouva à genoux. Le garçon en face parlait calmement mais la froideur de son ton laissait deviner sa haine. Il s'approcha et tous deux se dévisagèrent dans un long silence.

— Où est ton tatouage ? demanda-t-il.

Sourcils froncés, la jeune femme ne répondit pas. Il attrapa alors sa veste et ouvrit la fermeture éclair. Elle tenta de lui mettre un coup de tête tout en se débattant comme une furie. Son débardeur dévoila les pattes de l'Araignée. Il se recula d'un coup sec.

— Pourquoi ? souffla le blond. Si tu étais l'une des leurs, alors pourquoi...

Elle se recroquevilla, cachant son visage à celui qui venait de la capturer. Impossible d'utiliser son Nen sous la contrainte des chaînes. Ce moment redouté arrivait enfin, lui aussi. Peut-être le jour de sa mort. La douleur était revenue.

— Tout était une partie d'un plan ? Sympathiser avec moi pour mieux me poignarder ensuite ? Récolter des informations ? Trouver mon point faible ?

— La ferme ! cracha-t-elle. Tu crois que c'est facile de se retrouver à ma place ? Tu penses que j'ai eu le choix ? Que comme toi, d'autres options s'offraient à moi ? J'ai fais ce qu'il fallait pour survivre !

— En te joignant à une bande de monstres sanguinaires ? renchérit-il sur le même ton.

— Mon cousin est parmi eux ! La seule putain de famille qu'il me reste ! Et parce que j'ai décidé de protéger ton identité, ils se sont retournés contre moi ! Si je ne ramène pas ta tête ce soir...

Une choc à la poitrine la coupa. Une chaîne venait de s'y insérer. La sensation horrible la fit frissonner.

— C'est le Judgement Chain, expliqua-t-il. Désobéis aux conditions que je t'impose, ton cœur sera compressé et explosera.

Elle n'avait pas eu la force de le regarder depuis qu'elle était tombée à genoux. Son corps tremblait toujours, impossible de se calmer.

— Tu ne peux ni me mentir, ni m'attaquer, ni dévoiler une quelconque information sur mon apparence ou mes Hatsu.

Piégée. La voilà au pied du mur. Elle opina silencieusement et la chaîne se retira de sa poitrine. Elle voulait disparaître de la surface de la terre.

— Lève la tête.

Tsubasa refusa. Agacé, Kurapika tira sur le Chain Jail mais elle ne broncha pas.

— Je t'ai dis de me regarder ! Assume tes actes et regarde-moi ! s'énerva le blond.

Dépitée, la jeune femme se redressa. Paupières fermées, il constata que du sang s'échappait de ses muqueuses. Face à sa découverte, intrigué, il sentit comme le ciel lui tomber sur la tête une fois les deux yeux de la Berisha ouverts.

— Tu es...

Deux pupilles écarlates. Il se rapprocha, comme attiré par leur couleur. Les mots restèrent bloqués dans le fond de sa gorge. Il comprenait enfin.

— J'ai été assignée à la même cible que Maha Zoldyck, bien des années auparavant. Pour punir notre famille de voler le travail, il m'a arrachée les yeux.

Il s'accroupit. La colère laissa place à la surprise. Bouche entrouverte, il contempla l'éclat dans ses iris. Il n'avait pas vu une telle chose depuis bien longtemps.

— Mais l'héritière ne pouvait pas rester aveugle. Alors, pour me sauver, on m'en a implanté de nouveaux, expliqua la Berisha. Là non plus, je n'ai pas eu le choix.

L'amertume dans sa voix se sentait. La main de Kurapika se posa sur la joue non-blessée de Tsubasa. Il ne pouvait plus se détacher. Plus rien ne possédait d'importance, à ce moment. Il voyait son clan vivre au-travers de quelqu'un, se tenait face à une familiarité qu'il ne pensait jamais retrouver.

— Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi beau, murmura-t-il. Ni une personne aussi captivante que toi.

Malgré la situation, elle sentit le rouge lui monter aux joues. La chaîne autour de son corps disparut. Les bras du garçon l'entourèrent. Il l'enlaça sous la pluie, au milieu de la place déserte, tandis qu'une marre de sang se formait sous eux. Incapable de le repousser, elle posa sa tête sur son torse. La situation lui échappait encore.

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