Chapitre quatre
❝ Que tu y crois ou non, tu es toujours sous le joug des oppresseurs tout au long de ta vie ❞
Quelques minutes après la fin de l'épreuve, le président fit son apparition de nulle part. Comme Tsubasa s'y attendait, elle ne pouvait pas être la seule à continuer l'examen. Menchi décida d'une nouvelle épreuve et la blonde s'apprêtait à suivre les participants avant d'être interpellée.
— Non, pas toi jeune fille.
Elle se tourna. Nétéro n'avait pas bougé, tandis que les candidats suivaient Menchi ainsi que Buhara à l'intérieur du dirigeable.
— Tu as remporté la première version de l'épreuve, ta victoire n'est pas remise en cause, lui dit ce dernier.
L'aéronef quitta le sol sans eux. Intriguée, la Berisha resta silencieuse. Ce ne fut qu'après quelques minutes qu'un autre arriva, un peu plus différent. Il ne semblait pas servir au transport de passagers.
— J'ai une épreuve supplémentaire pour toi, annonça le président alors que ses habits volaient dans tous les sens.
La passerelle se déplia jusqu'à leur duo. Il l'incita à monter en première. Tsubasa ne posa pas de questions et obtempéra. Ça ne ressemblait pas à une proposition dans tous les cas. Une fois à l'intérieur, ses soupçons se confirmèrent : tout était recouvert de métal blindé. Les portes possédaient des scans ou bien des codes.
— Quel est cet endroit ? osa-t-elle demander.
— Une prison.
Nétéro prit de l'avance. Mains jointes dans son dos, il s'avança vers le seul et unique couloir. À chaque porte, un laser s'occupait de scanner le président sans que ce dernier ne bouge. Ils en traversèrent bien six, avant d'arriver jusqu'à ce qui semblait déboucher sur une pièce. Il sortit un badge et le passa dans la fente. Les deux pans métalliques se fendirent en deux et dévoilèrent une salle des machines.
— Une prison pour quoi, au juste ? lança Tsubasa.
L'endroit avait l'air bien trop sécurisé pour des personnes normales. Même pour des utilisateurs de Nen, une ou deux portes auraient suffit. La fameuse salle des machines était composée d'un plateau avec une infinité de boutons. Au-dessus, une vitre noire trônait. Peut-être un écran.
— As-tu déjà entendu parler du continent noir, jeune fille ?
Ce nom lui disait vaguement quelque chose. Son père ou son frère avaient dû le mentionner après une mission. Mais elle n'en savait pas plus.
— Non, rétorqua cette dernière.
Il sourit. La situation ne ressemblait pas à une épreuve. Tsubasa se sentait entraînée dans une histoire louche. Son instinct lui criait que tout ceci ne possédait aucun rapport avec l'examen.
— J'observe les participants depuis le début, d'un dirigeable, déclara Nétéro. Pour être honnête, tu as retenu mon attention.
— En quel honneur ?
Surprise. C'était le mot. Pourquoi elle et pas quelqu'un d'autre ? La puissance de cette session avait l'air très élevée.
— Il y a bien longtemps que je n'avais pas autant pensé au passé, répondit-il. Te voir m'a rappelé qui j'étais plus jeune. L'audace, l'orgueil et la naïveté qui me définissaient. Le même potentiel.
Ses mots eurent l'effet d'une douche froide. C'était bien la dernière chose à laquelle la Berisha s'attendait.
— Alors j'ai effectivement une épreuve supplémentaire pour toi. Mais elle est personnelle. J'ai choisi seul de t'amener ici, ajouta-t-il.
— J'apprécie votre considération, Nétéro-san, le remercia-t-elle. Et je me soumettrais à cette épreuve avec plaisir.
Rien n'aurait pu la surprendre plus, à ce stade. Mais la jeune femme se trompait lourdement. Ce qu'elle pensait être un écran se dévoila comme une vitre. De l'autre côté, il y avait quelqu'un. Un homme pendu avec des chaînes aux poignets, à bien un mètre de hauteur. Ses chevilles étaient aussi reliées au sol où du sang s'écoulait. Bras croisés sur sa poitrine, Tsubasa regardait ce spectacle partagée entre l'horreur et la colère. Sa propre image dans la salle de torture familiale lui vint en tête.
— Je t'ai parlé du continent noir, reprit-il. C'est un endroit à peine exploré et très dangereux. On y compte les espèces les plus mortelles du monde. Exportées ici, elles pourraient détruire l'humanité telle que nous la connaissons.
— Un tel endroit existe ? s'étonna la blonde.
— Oui. Cette prison a été conçue pour accueillir les plus dangereux d'entre eux. Et cet homme...
Elle arrêta d'écouter. Ses yeux vairons détaillaient le prisonnier de haut en bas. Il portait un costume noir déchiré. Quelques traces de sang étaient sur son corps tatoué au niveau des bras. Il avait les cheveux blancs, plutôt courts. Impossible de distinguer la couleur de ses iris d'ici. Du moins, ce qu'elle crut, jusqu'à ce qu'il relève la tête. Rouges...
— Qu'attendez-vous de moi ? demanda brusquement la jeune femme.
Nétéro soupira. Il commença à appuyer sur des boutons d'un air rapide.
— Nous avons tenté de l'interroger, mais ça s'est soldé par un échec. J'aimerais que tu entres et que tu lui soutires le plus d'information possibles.
— Moi ? Vous me pensez plus compétente que tous les Hunters que vous avez à disposition ?
— Je te pense plus audacieuse, précisa-t-il.
Le voyant vert de la porte qui menait jusqu'à la pièce du prisonnier s'activa, signe qu'elle était déverrouillée.
— Tu as le droit de refuser, lui assura le président. Un mot de ta part suffit.
L'audace. C'était précisément ce qui poussait Tsubasa à faire les choses. Rien ne coûtait d'essayer. Alors, sans répondre, elle ouvrit et entra à l'intérieur. La porta se referma derrière. L'ambiance changea tout de suite. Les yeux rouges de l'homme se tournèrent vers sa personne. Un sourire étrange se dessina sur ses lèvres. Elle faillit reculer sous l'effroi. La blonde se dirigea jusqu'en face de ce dernier. Son corps entier lui disait de fuir. La sensation au fond de ses tripes devenait de plus en plus difficile à supporter.
— Combien d'entre vous allez encore défiler jusqu'à vous lasser ? soupira-t-il.
— Désolée de te décevoir. C'est mon premier jour ici.
Il sembla plus intrigué que lassé, subitement. Tsubasa se recula d'un ou deux pas afin d'avoir une bonne vision sur sa personne.
— Donc tu ne sais rien sur moi, pas vrai ? en déduit-il.
— Effectivement. Si tu te présentais ?
Elle ne savait pas combien de temps elle pourrait supporter l'atmosphère pesante de cette pièce. Son assurance finirait par s'estomper.
— Comme on dirait dans votre monde, les dames d'abord.
Il semblait bien calme pour sa situation. Et aussi plus ouvert à la conversation que prévu.
— Je m'appelle Tsubasa Berisha.
— Vortimer Kraig. Ton nom ne me dit rien, étrange. Tu n'es pas Hunter.
— Je n'ai jamais dis que je l'étais.
Il rit. Un rire froid et peu communicatif. Des sueurs froides perlaient le long du dos de la jeune femme. Elle n'avait toujours pas établi son degré de dangerosité. Elle n'osait pas essayer.
— Tu ne sais vraiment rien de nous, constata ledit Vortimer. Tu n'as pas la moindre idée dans quoi on vient de t'embarquer.
Voilà. Son instinct avait encore une fois raison. Cette histoire de continent noir était bien plus délicate qu'elle ne pouvait encore se l'imaginer.
— Mais je vais te le dire, repartit-il. Contrairement à tes semblables, je ne mens jamais.
— Mentir sur quoi ?
Il sourit pour la seconde fois. Avoir cette conversation l'aidait à se canaliser et ne pas tomber à genoux. Sa puissance s'étendait à toute la pièce. La présence qu'il avait écrasait totalement la sienne. Il ne la retenait pas.
— Sur votre monde et sur ce qu'il y a au-delà. Je ne suis qu'une infime partie de ce qui vous attend. Votre orgueil mènera à la perte de votre espèce. Tout comme tes semblables m'ont mené à la mienne.
— Tu n'es pas encore mort.
— Tu penses vraiment qu'ils me laisseront en vie ?
La porte émit un bruit, comme si quelqu'un essayait d'entrer. D'un seul coup d'œil, Vortimer la bloqua. Tsubasa ne put bouger d'un centimètre.
— Je fais partie d'une organisation qui perdure depuis des millénaires, humaine. Et vous autres, votre espèce, n'êtes arrivés que bien après. Et pourtant, vous nous chassez comme des bêtes sauvages. Votre peur de l'inconnu sera votre fin.
On frappait violemment contre le métal. On voulait la faire sortir d'ici. Cette conversation ne devrait pas avoir lieu. C'était de le savoir qui la maintenait face à son interlocuteur. Elle voulait...
— J'ai lu en toi, avant même que tu n'entres dans cette pièce et encore à l'instant. J'ai ressenti ton dégoût. Mais il ne m'était pas adressé.
Tsubasa recula enfin d'un pas.
— Tu as été traitée comme un monstre depuis que tu es née. On se ressemble bien plus que tu ne le penses.
Le bruit métallique des chaînes la ramena sur terre. Il forçait dessus et se libéra l'instant d'après. Elle n'eut pas le temps de réagir. La main de Vortimer la saisit par le col de son tee-shirt pour la soulever du sol. Les coups extérieurs se firent plus insistants.
— Et face à mon sort, tu as été envahie de colère. Tu es différente des autres humains que j'ai pu rencontrer.
La terreur se lisait sur le visage de la Berisha. Elle n'essayait plus de la cacher, maintenant. Il n'y avait plus de distance entre eux. Le danger était réel. Tout comme sa peur.
— Malgré l'appréhension, l'épouvante de ma puissance, tu es restée sur tes deux pieds et tu m'as parlé comme un égal.
— Arrête... dit-elle étouffée.
Il se défit du lien sur sa seconde main. Vortimer retomba debout, tenant toujours Tsubasa. Il la projeta au sol. Cette dernière sentit sa respiration se couper quand son dos entra en contact avec le métal. Sa tête se heurta de plein fouet et sa vision se troubla.
— Les Blood Breeds. C'est notre nom, dévoila-t-il. La race du sang.
Il se mordit violemment le poignet. Un liquide rouge coula le long de son bras et resta collé autour de sa bouche et de ses dents.
— Je n'ai plus beaucoup de temps, précisa-t-il. Je ne pourrais pas être sauvé. Mais toi, tu es parfaite. Tu feras l'affaire.
Sonnée, elle ne put réagir. Il mit un genou à terre, saisit la mâchoire de la blonde et disposa son bras au-dessus de ses lèvres. Le fracas irrégulier des personnes qui frappaient autour de la pièce n'était plus qu'un écho. Des gouttes de sang tombèrent à l'intérieur de sa bouche. Le goût métallique la fit grimacer.
— Il viendra te trouver, entendit-elle. Ce n'est qu'une question de temps.
Tsubasa ferma les yeux. Le sang coula jusque dans sa gorge et fut ingéré. La dernière chose qu'elle entendit fut le fracas de la porte derrière finalement ouverte. Et un rire incontrôlable.
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