Chapitre 7 - Invasion
Aiden fut enfermé dans une petite cellule, où il devait purger une peine de plusieurs mois. Je crois qu'Héra avait demandé à lui rendre visite, sans en obtenir la permission. Je me demande ce qu'elle lui voulait. Mais allez comprendre cette fille...
En passant plus de temps avec elle et Corbeau, je remarquai qu'à chaque fois que le jeune homme ouvrait la bouche pour lui parler, c'était pour l'envoyer bouler. Il semblait prodigieusement agacé qu'on le contraigne à rester avec quelqu'un, elle en particulier. Mais il était très sympathique avec moi, du moins tant que je ne parlais pas trop.
Un jour, il m'emmena dans un gymnase. Ce dernier, désert, en semblait d'autant plus grand. Des armes d'entrainement étaient accrochées aux murs.
-Tu es comment, à l'épée double ?
Je levai les mains pour montrer mes bandes blanches de Maître.
-Plus que doué.
-Et tu aimes ça ?
Je hochai la tête. Je crus voir une lueur s'espoir dans ses yeux.
-C'est triste à dire, mais les gens ont tendance à l'abandonner dès qu'ils ont leur certification. C'est trop intellectuel pour eux. Quand faire pivoter, quand séparer les deux parties de l'épée... Ils préfèrent défoncer des murs à coup de tête plutôt que de réfléchir pour inventer un outil. Ça te dirait de t'entrainer avec moi ?
-Pourquoi pas ?
Pour la première fois, il sourit.
-Génial !
Il saisit deux armes sur le râtelier, m'en lança une. Puis il vint se placer à côté de moi, et nous commençâmes à répéter les mouvements de base. Puis nous échangeâmes quelques passes d'armes. Ça me fait du mal de l'admettre, mais il était bien plus fort que moi.
-J'aime l'épée double. Je ne me bats qu'avec ça. C'est grâce à cette arme que j'ai vaincu mon prédécesseur.
Il m'enseignait quelques techniques dont il avait le secret quand il se figea.
-Corbeau ? Qu'est ce qui se passe ?
Il semblait extrêmement secoué, comme si quelque chose d'horrible se déroulait devant ses yeux.
-Stanja est attaquée !
Je tressaillis.
-Pardon ?
-Toute une troupe de soldats. Surentraînés. Pas aussi forts que les gens de Stanja, mais bien plus nombreux. C'est un vrai massacre.
-Comment tu sais ?
-Les colliers dwairns permettent une communication télépathique. Une femme de Stanja vient de me transmettre un appel de détresse.
Stanja. La ville où j'étais né. Où j'avais grandi. Où se trouvait ma mère. Je ne savais pas pourquoi, mais cela rendait le besoin de sauver Stanja encore plus fort.
-On doit y aller ! En poussant assez les chevaux, on devrait arriver à temps !
-Non. Tu ne dois pas y aller, Hunter. C'est trop dangereux.
-Il le faut. Corbeau, je sais que tu comprends. Tu ne te bats qu'avec une épée double, quel que soit le duel, même si c'est à ton désavantage. Je suis certain que c'est à cause de ton passé. J'ai compris, enfin. Le passé motive nos actes. C'est à cause de mon passé que je veux aller à Stanja. C'est à cause de ton passé que tu n'utilises qu'une seule arme. Qui s'en servait ? Ton mentor ? Un de tes parents ?
Il cilla.
-Un de tes parents... Tu les as donc connus... Mais peu importe. L'essentiel, c'est que tu sais pourquoi je dois protéger Stanja.
Il soupira.
-D'accord. Ne lâche pas ton épée.
-Comment ?
Il posa la main sur mon épaule. J'eus l'impression que le sol se dérobait sous mes pieds. L'espace d'un instant, tout ne fut plus que du bleu. Puis la vue me revint.
Nous étions en plein milieu de la place centrale de Stanja.
-Par tous les dieux, Corbeau, qu'est-ce qui s'est passé ?
-C'est mon pouvoir. Je suis capable de me téléporter et de me rendre invisible.
Il scruta les alentours.
-Il n'y a personne.
Je levai les yeux pour voir la position du Soleil dans le ciel.
-A cette heure, ils sont presque tous à l'Arène.
-Alors, on doit y aller. Mets-toi en position de garde. On va sans doute atterrir en pleine bataille.
J'obéis. De nouveau, il saisit mon épaule.
J'avais vu des combats. J'étais habitué au sang et à la violence. Mais je n'étais pas préparé à une vraie bataille.
Quand nous arrivâmes, le sol était jonché de cadavre. L'air était saturé de cris de souffrance. Le sable de l'Arène était rougi par le sang. Son odeur me prit à la gorge. Les stanjens étaient en proie à un nombre d'adversaire bien trop importants pour eux. Ils avaient beau semer les cadavres, de nouveaux guerriers revenaient à l'attaque. Les miens avaient subis des pertes bien trop importantes. Ils se faisaient décimer.
A peine avais-je repris mes esprits que trois combattants me prirent d'assaut. Surpris par l'épée double, le premier eut à peine le temps de porter un coup. Une lame qui semblait flotter dans les airs abattit un autre d'entre eux. La lance qui allait me transpercer s'agita d'elle-même.
-Surveille tous tes adversaires, Hunter ! fit la voix de Corbeau.
Les dwairns étaient d'un grand secours. Sans eux, jamais les habitants n'auraient pu tenir aussi longtemps. Des boules de feu et des gravas volaient. Des coups surpuissants projetaient les adversaires plusieurs mètres plus loin. Distribuant les coups, je cherchais Bellatrix du regard. Elle n'était pas là. Un terrible pressentiment me saisit.
-Corbeau !
Je sentis sa présence derrière moi.
-Est-ce que la dwairn qui t'a appelé à l'aide est ici ?
Il y eut un silence, puis il répondit.
-Non. Elle est à quelques rues d'ici. Elle est en vie, mais elle est seule contre cinq guerriers.
Bella. Maman.
-Couvre-moi ! Il faut que j'aille la sauver !
-Hunter...
-Couvre-moi !
Sans attendre plus longtemps, je m'élançai vers la sortie, frappant à l'aveuglette, tranchant les membres, transperçant des corps. Je dégainai Arktiahel. A chaque fois que je frappais, un ennemi s'écroulait en hurlant à la mort. Derrière moi, Corbeau n'était pas en reste. Nous parvînmes à nous écarter du combat.
-Protège-les, Corbeau. Je continue seul.
-Non !
-Ils vont mourir, si tu n'interviens pas.
Il réapparut, plongeant son regard dans le mien.
-Reste en vie.
Puis il quitta à nouveau le domaine du visible. Des soldats s'écroulèrent sous ses coups imprévisibles. Je me hâtai de rejoindre la rue où vivait ma mère.
Les secondes s'écoulaient comme des heures. J'avais beau courir, j'étais trop lent. Beaucoup trop lent. Je ne sais pas pourquoi je m'inquiétais. Après tout, Bella n'était peut-être pas la seule dwairn à ne pas être venue dans l'Arène. Mais quelque chose, au fond de moi, me disait que ce n'était pas le cas. C'était bien chez elle que j'allais trouver les cinq soldats. J'en étais certain.
J'aperçu enfin la maison, vit la porte défoncée. Mon cœur s'emballa. Je me ruai à l'intérieur. Des voix me parvenaient de la cuisine. Je me plaquai contre le mur, attendant le meilleur moyen pour faire irruption dans la pièce.
-... je ne voudrais pas avoir à vous faire du mal, madame. Parlez, et vous vivrez.
-Tuez-moi. Je n'ai pas peur de mourir.
Il y eut un bruit de coup.
-Excusez cet... emportement de mon collègue. Mais il ne m'écoute pas, il pourrait très bien vous frapper à nouveau. Où est le garçon ?
-Il n'est pas à Stanja. Vous ne le trouverez jamais.
-Dites. Moi. Où. Il. Est.
-Je ne dirai rien. Jamais Il ne mettra la main sur lui, vous entendez ? Jamais.
-Ecoutez. Ouranos désire vraiment voir ce jeune homme. Parlez.
-Plutôt mourir.
-Soit.
-Maman !
Je bondis dans la pièce, brandissant ma double épée. Des hommes en uniforme noir entouraient ma mère, ligotée sur une chaise. Elle avait des bleus sur le visage, et saignait du nez. Surpris, les guerriers se désintéressèrent d'elle.
-Tiens, l'oisillon est sorti de son nid, on dirait, susurra le soldat qui la menaçait.
-Ne le touchez pas ! hurla Bella.
Une puissante bourrasque manqua de projeter les hommes sur le sol. Les liens de ma mère prirent feu, et elle se libéra, avant de tirer un poignard de sa botte et de se jeter sur ses bourreaux. Un pic de terre traversa le parquet pour transpercer l'un des soldats. Elle enfonçait son arme dans le cœur d'un autre, quand elle se figea. Ses yeux se baissèrent sur la pointe de lance qui déchirait son abdomen, avant de se tourner vers moi.
-Sauve-toi, souffla-t-elle.
Sa tête retomba sur sa poitrine. Le combattant qui l'avait transpercée par derrière retira son arme avec un sourire satisfait. Elle tomba.
-Non !
Je courus vers elle, la pris dans mes bras. Personne ne fit le moindre geste pour m'en empêcher. Une tâche rouge s'élargissait sur son T-shirt, comme une fleur qui éclot. Comme si quelque chose naissait. Alors qu'en réalité, Bella était en train de mourir.
-Hunter... Il faut... que tu partes...
-Pas sans toi !
Mon cœur se déchirait. Elle ne pouvait pas mourir. Le monde pouvait être détruit, la vie réduite à néant, je m'en moquais. Mais pas elle. PAS ELLE !
-Mon... petit garçon... j'aurais tant aimé... te voir grandir...
Elle ferma les yeux. C'était finit. Comme ça. En l'espace d'une seconde, elle avait disparu de la surface de la Terre. La seule preuve de son existence était ce corps inerte, ce pantin sans vie que je tenais entre mes mains.
Et tout ça, c'était la faute de ces hommes. C'étaient eux qui m'avaient ôté ma mère. Eux qui avaient détruit ce que, je le comprenais à présent, j'avais de plus cher au monde. Ils m'avaient tout pris.
Je ne voulais plus les voir. Je voulais qu'ils disparaissent à jamais.
La flamme monta en moi, cet incendie que j'avais déjà ressenti à la mort de Wanda. Mais cette fois, il était encore plus fort. Cette fois, j'avais l'impression d'abriter à la fois un volcan, un océan, un ouragan, un séisme. Cela me détruisait. Et, en même temps, ça m'éveillait. Ça me rendait vivant.
Un des hommes s'avança.
-Tu vas venir avec nous, gamin.
Il parlait comme s'il n'avait rien fait. Comme s'il ne venait pas de tuer la seule personne que j'aimais. Comme s'il n'était pas un monstre.
Je le fixais, droit dans les yeux. Dans les siens, je ne lisais aucun remord.
Je le haïssais.
Lentement, les poings serrés, je me redressai.
Ma mère était morte. Il l'avait tuée. Il ne me restait plus rien. Rien que la tempête.
Je hurlai.
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Corbeau sentit que quelque chose ne tournait pas rond. Et son instinct le trompait rarement. Mais quand une immense vague de feu s'avança vers lui, il ne put réprimer un cri de surprise. Ses réflexes prirent le contrôle, et il se téléporta.
Il atterrit sur une petite colline boisée, assez proche pour voir un brasier gigantesque engloutir Stanja.
Une bombe.
Il en avait entendu parler quand il était petit. Une arme capable de raser un village entier en l'espace de quelques secondes. Mais, dans les histoires de son enfance, la bombe faisait un bruit assourdissant avant de commencer son œuvre. Il en était certain, ce n'était pas le cas ici.
Les flammes disparurent comme elles étaient venues, ne laissant derrière elles que des cendres et quelques ruines calcinées.
Il se sentit soudain étouffer.
Il avait oublié Hunter.
La honte le prit. Il voulut hurler.
Sans vraiment d'espoir, il se téléporta parmi les décombres.
Et c'est là qu'il ne vit. Bien vivant, debout dans les cendres.
-Hunter !
L'adolescent leva les yeux vers lui. Il était encore plus pâle qu'à son habitude. Le regard perdu, il regarda ses mains, puis recentra à nouveau son attention sur Corbeau.
-Je crois... Je crois que c'est moi qui ai fait ça...
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