~Premier pas : D'une flèche naquit un destin~

     Héloïse m'a affirmée qu'en portant une robe, on devenait désirable et désirée, qu'ainsi, notre pouvoir d'attraction devenait d'avantage important auprès de la gente masculine, et que l'on était plus sûr de soi. Personnellement, je me trouve absolument ridicule même si elle me garanti le contraire. Pourtant j'ai accepté, peut-être que j'avais envie de changer mes habitudes vestimentaires.

Mettre ce genre de vêtement dissimule forcément quelque chose, pour moi. J'essaye de paraître confiante, sûre de moi en affichant mes quelques formes, alors que je me morfond de l'intérieur. 

Et face à Dylan, la sois-disant influence protectrice de ma robe est inefficace. 

Un gout de bile s'étale dans ma bouche et Héloïse vient littéralement de me briser une côte en me donnant un coup de coude, comme si je n'avais pas déjà remarqué qu'il était là.

Le rouquin parvient à notre niveau, un étrange sourire collé à ses lèvres. Toutes mes émotions se mélangent. Je suis étonnée, en colère mais surtout extrêmement déçu par celui que j'appelais "ami". Il échange quelques mots avec mon ange, mais je n'entends rien, les oreilles bourdonnantes de rage. Le jeune homme finit enfin par se tourner vers moi. A en croire son expression, il semble avoir remarqué ma passivité. Son regard noisette me sonde, je soutiens son œillade.

-Tu n'est pas très bavarde ? Un soucis ? Ose-t-il me dire, étirant encore plus ses lèvres, comme s'il feignait de ne rien savoir.

-A toi de me le dire. Tu me dois quelques explications il me semble ? 

Ma voix est sèche, mais elle l'a toujours plus ou moins été. Il grimace tandis que je croise mes bras sur ma poitrine. Je doute qu'il ne soit au courant des années de tourments que j'ai passées, des printemps torturés où chaque jour était un supplice de ne rien lui avouer. Une règle reste une règle, et aussi douloureuse fut elle, j'ai tout mis en oeuvre pour la préserver.

Le type me regarde, apparemment amusé par la situation.

-Justement je n'ai rien à te dire ! Nous étions tous les trois dans la confidence, fait-il en désignant Héloïse du menton. A ce que je saches, tu ne m'as jamais annoncé que tu allais rejoindre les chasseurs ? J'ai fait exactement la même chose, mais depuis tout simplement plus longtemps. Et tu restes quand-même ma meilleure amie Rox'... 

Je ne peux décemment pas rester en colère contre lui alors que nous avions tous deux les mêmes contraintes. Je le connais depuis tant de temps, qu'il m'est de toute façon impossible de rester fâchée avec lui plus de dix minutes.

Dylan est exactement comme un frère pour moi. Même s'il a un an de plus, nous avons les mêmes points de vue, les mêmes réflexions, et maintenant, je sais que nous partagerons notre destin.

Je les suivrai, lui et Héloïse, jusqu'en Enfer s'il le faut. Je me damnerai pour pouvoir rester éternellement à leurs côtés.

Peu à peu, je commence à me détendre, et lui semble un soupçon soulagé. Alors je me jette dans ses bras, son verre se vide à moitié, et je l'enserre du mieux que je le peux avec mes petits bras. J'enfoui ma tête dans le creux de son cou, pour humer son odeur. Un duo de citronnelle et d'épices. Le jeune homme m'imite, pour venir me murmurer une toute petite phrase à l'oreille; qui fait écho dans ma tête.

-Heureux de te revoir, Crevette.

Malgré toute l'affection que j'ai pour lui, je déteste quand il m'appelle comme ça, mais il prend un malin plaisir à continuer.

Ma blondinette se joint à cette étreinte, tous les trois en effervescence, et nous passons le reste de la nuit à discuter, danser avec les autres et nous réjouir de notre future formation. Ces effusions se terminent dans les alentours de quatre heures, sachant que notre première journée aura lieu dans quelques temps. Héloïse dort presque debout, un air candide s'emparant de son visage, Dylan nous propose alors de nous ramener. Mon amie lui donne les clés de sa voiture sans broncher pour s'étaler de tout son long sur la banquette arrière, quant à moi, je n'arrête pas de bailler.

La lune d'argent a disparu derrière un troupeaux de nuages grisonnants, j'essaye de tenir la conversation à Dylan, l'esprit embrumé par une fatigue prévisible.

-Je ne t'ai même pas demandé comment tu as découvert l'existence des chasseurs ? Me questionne-t-il, encore en pleine forme.

-Qu'est-ce que c'est que cette question ? Fis-je avec un air étonné, ça doit être la même chose pour tout le monde ?

Ma remarque le fait rire, il me glisse un regard en coin, la figure enjouée. Mon chauffeur me fait bien comprendre que chaque entrée dans le Centre est différente. J'hausse un sourcil, trouvant ses propos plutôt ridicules, mais je décide finalement de lui répondre. S'il n'y a que ça pour lui faire plaisir, pourquoi pas.

-On aurait pu en parler une autre fois, m'enfin...Ça a commencé par un tout petit symbole.

Je m'en souviens encore à la perfection. Une flèche traversant un croissant de lune, en soit, un idéogramme on ne peut plus banal, si bien qu'au tout début je n'y ai pas porté la moindre attention. Il était gravé sur certains arbres que je croisais, je pensais alors à une marque d'amour immortalisée sur le tronc, scellant à jamais une union naissante.

C'est seulement quand l'insigne est apparue sur mes copies de cours, sur des photos de moi et de Dylan, sur mon écran d'ordinateur, que  j'ai commencé à m'inquiéter. J'ai mené mon enquête, en commençant par la fléchette. Difficile de trouver des informations quand on nous restreint l'accès aux notions de l'Avant. 

Et pourtant, j'ai appris qu'il s'agissait d'un symbole représentant les échanges entre la Terre et le ciel, mais également le dépassement des conditions normales et l'anticipation de la conquête d'un bien, encore hors d'atteinte.

Lorsque qu'elle se tourne vers le bas, elle imite le pouvoir divin, de la même manière que la foudre punitive ou que le rayon du soleil, donneur de vie.

Dès qu'elle s'oriente vers le haut, la flèche exprime la liberté des conditions terrestres, défiant la pesanteur.

La mienne changeait sans cesse de sens. 

Concernant la lune, elle est la beauté, la lumière dans l'immensité ténébreuse, la connaissance indirecte, elle représente le temps qui passe. C'est à cet instant que j'ai tilté, un détail infime, presque invisible me sauta aux yeux.

Ma professeure de français avait, dans la nuque, un tatouage similaire au sceau que je croisait régulièrement. Quand j'ai été la questionner, elle m'a simplement donné une série de chiffres totalement incohérente. Code qui correspondait à des coordonnées, et qui m'ont guidée devant une salle, jusqu'à présent inconnue. Juste en dessous de la poignée, là où devait être la serrure, je retrouvais une nouvelle fois ma lune, inséparable de sa flèche. 

J'ai essayé d'ouvrir. Le portant devint bouillant, je dus lâcher prise.

Curieuse comme je suis, j'ai essayé de trouver un moyen d'entrer. Le nombre de cloque sur mes mains croissait, et je n'y arrivais toujours pas. J'en devenait obsédée. 

Plus rien n'avait d'importance hormis le fait d'entrer dans cette maudite pièce. J'ai lu des milliers de choses sur le sujet, des légendes se dessinaient sous mes yeux voraces de découvertes, j'ai cherché partout et de toutes les manières pour y pénétrer.

Et puis, le passage s'est ouvert. Comme ça, sans que je ne m'y attende, au bout de deux mois d'intenses expérimentations.

-J'ai découvert une classe, et par la même occasion, la demoiselle qui ronfle sur sa banquette arrière. On m'a expliqué que j'étais spéciale, que je devais suivre ce nouveau cursus scolaire pour devenir l'élite de la Terre, et la protéger du mal si j'en était d'accord et surtout capable. Ils se sont montrés très convaincants ! Si bien que j'y ai étudié secrètement pendant six années, comme tous les autres, et que je suis maintenant là, avec toi dans cette voiture. Et toi, t'es rentré chez les chasseurs comment ?

Un sourire se dessine sur ses lèvres pour se muer rapidement en rire. Je fronce les sourcils, vexée, Dylan met un certain temps à se calmer pour me répondre.

-Premièrement, nous ne sommes pas censés parler de ça ! L'entrée d'un chasseur dans le rang devrait lui rester confidentielle; tu t'es encore faite avoir, Crevette. Deuxièmement, tout le monde n'étudie pas six ans, tu auras l'occasion de le constater demain. Rassure toi, ceux-là sont la crème de la crème, et beaucoup trop arrogants si tu veux mon avis. Enfin, j'espère que tu seras moins naïve là-bas, Roxane. Si te soutirer des informations est aussi simple que cela, je ne donne pas cher de ta peau le jour où tu seras en face de l'un d'eux !

Je suis obligée de lui donner une tape sur l'épaule pour qu'il arrête de rire, ses yeux gardent une lueur amusée.
Au bout d'une demi-heure de trajet, durant lesquelles je me suis battue pour ne pas sombrer dans les bras de Morphée, nous arrivons devant chez moi. Un petit quartier à quelques heures de Nantes; un nom de ville qui n'existe malheureusement plus.

Ce sobriquet n'a pas résisté à l'Avant, et s'est éteint dans l'Après.

Dylan coupe le moteur, se tourne vers moi, ses cheveux roux devenus pâles dans l'obscurité profonde.

-Vous voici a destination, Madame ! J'espère que vous passerez une bonne fin de nuit, et que tout à l'heure je n'aurai pas affaire à un zombie plutôt qu'à vous !

-Ça t'arrive d'être sérieux plus de trois secondes ? Lui répondis je ironiquement, tout en essayant d'ouvrir la portière. Qu'est-ce qu'on fait d'Héloïse ? On la réveille ?

-Très rarement, mais tu devrais le savoir depuis le temps qu'on se connait ! Concernant la demoiselle, je vais m'occuper d'aller la coucher...

J'hausse un sourcil plein de sous-entendus, il fronce les siens ce qui a pour effet de me faire sourire. Je lui murmure un rapide "Au revoir" avant de redescendre sur mes talons, à peine capable de tenir debout.

Pas moyen de remonter par la fenêtre, j'entreprends donc de rejoindre ma chambre en passant par le porte d'entrée, aussi discrète et agile qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Tout le monde dort à poings fermés, ce qui arrange ma situation. Je m'étale sur mon lit, sans prendre la peine de me changer tant je suis fatiguée. Le sommeil me trouve pour une fois très rapidement, et je lui en suis reconnaissante.

Il était encore là.

Il la suivait partout, dans tous ses songes. Ses yeux clairs lui transperçaient le cœur, lui brisaient les os, déchiraient ses muscles. Il ne la laisserait pas s'échapper. Après tout, la traque venait de commencer. Sa présence la dérangeait affreusement. Cependant, il l'attirait, c'était indéniable. Chez lui, tout était intrigant, tout le rendait incroyablement irrésistible.

Il ne l'appelait jamais par son prénom, pourtant c'était comme si elle l'avait toujours connu. Ça la brûlait de lui demander qui il était, or ils se contentaient de se tourner autour, sans jamais oser se parler.

Elle sentait la fin approcher, ce fût beaucoup plus rapide que d'aventure. Et pour la première fois, il attrapa son bras. Ce contact soudain, suffit à la faire frissonner, lui glacer les veines. Sa peau était étrangement chaude, lui qui paraissait si froid. La proximité qui les séparait était déroutante, jamais ils n'avaient été aussi proches. Il glissa le temps d'un souffle vers son oreille pour lui susurrer quelques mots.

Je te trouverai.

***

Règle n°2 : Votre esprit est un coffre dont vous devez être les seuls à posséder la clé.


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