Chapitre 4: When I Was Older

 A tous les lecteurs d'Envol.

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— Ton message n'a pas l'air d'être passé comme tu voulais.

— Mais c'est quel genre d'excuse, ça, Gon ?

— Arrête de l'engueuler, Léorio ! Il a fait ce qu'il pouvait !

— C'est pas suffisant ! La chanson finissait même pas en excuse ! C'était juste : Voilà, je suis comme ça.

Il y eut un silence. Gon, tout penaud, restait prostré à sa place. Ses yeux allaient de Kurapika à Léorio sans qu'il les voie vraiment, sans entendre leurs reproches. Son cœur était déchiré. Il n'avait jamais vu Kirua pleurer. Il ne s'était jamais vraiment douté que c'était possible. La seule chose qu'il désirait vraiment ces derniers temps était de retrouver sa relation avec lui, comme avant. Il voulait continuer à s'amuser dans l'insouciance. Et s'il avait été le seul à s'amuser ? Et si Kirua n'avait fait que le suivre pour l'aider ? Se sacrifier pour son bonheur, c'était bien une chose qui lui ressemblait. Gon n'avait jamais vraiment perçu leur relation sous cet angle. Peut-être que pour Kirua, cette intense amitié n'avait été qu'un lent abandon de soi, jusqu'à ce qu'il doive se reconstruire tout seul, loin de lui, parce que Gon, trop têtu, avait dépassé les limites. Ses limites.

Qu'aurait-il dû faire, alors ? Aurait-il dû lui mentir ? Lui dire qu'il était sincèrement désolé, qu'il ne recommencerait plus jamais ? Il s'en voulait, c'était évident. Mais les défauts qui avaient poussé Kirua à s'éloigner de lui étaient aussi les qualités pour lesquelles il l'admirait. Le garçon gentil, doux et attentionné, qui ne jugeait jamais personne, c'était lui. Les tendances kamikazes, la haine, l'oubli de soi, c'était lui aussi.

Il avait traité Kirua comme il se traitait lui-même. Il avait considéré que s'il continuait à voyager avec lui, c'est que la situation lui convenait. Et c'était probablement le cas, jusqu'à ce qu'il ait dépassé les bornes. Sinon, pourquoi serait-il resté si ça ne lui allait pas ? Mais maintenant, la cohabitation était étrange. Ils s'étaient retrouvés, attirés l'un vers l'autre d'un bout à l'autre du monde comme des aimants. Et comme deux aimants trop proches, une force les tenait éloignés l'un de l'autre, les empêchant de se frôler comme ils le faisaient autrefois.

Gon venait de comprendre une chose importante. Il lui faisait peur. Il effrayait celui qui comptait le plus pour lui. Et pour cela, il était prêt à s'excuser. Il ne saurait demander pardon pour ce qu'il était mais pour ses actes répréhensibles, qui avaient blessé son ami, pour ne pas avoir fait attention à ses sentiments, il était prêt à se prosterner à genoux jusqu'à ce que ceux-là s'écorchent.

— Faut que j'aille lui parler.

— Ça vaudrait mieux, oui !

— Bon courage, Gon.

Gon quitta le studio à toute vitesse en claquant la porte derrière lui, sous le regard inquisiteur de Léorio. Ce dernier pesta ensuite après l'adolescent maladroit, avant de s'affaler dans le canapé. Kurapika, qui était resté assis à la batterie, senti son téléphone vibrer et le sortit de sa poche. Son cœur bondit dans sa poitrine alors qu'il sentait la colère monter en lui.

— Kurapika, ça va ?

La voix de Léorio s'était faite soudain pressante, plus inquiète. Il l'avait oublié un court instant et releva ses yeux écarlates vers lui. Il savait que son ami détestait lorsque son regard prenait cette teinte. A vrai dire, ce n'était pas arrivé depuis un long moment.

— Ça va, ça va.

— Ne me mens pas, tes yeux sont rouges. Qu'est-ce qui t'arrive ?

Il avait récolté tous les yeux de son clan depuis plus d'un an. Sa haine s'était amenuisée au fur et à mesure qu'il réalisait que la vengeance ne mènerait à rien. Pourtant, certaines situations lui donnaient envie de sortir de ses gons et se déchaîner une bonne fois pour toute. Il était dans l'une d'elle.

Il ignora royalement la question de Léorio et frappa un message rageur en réponse à celui responsable de son émoi. La notification ne se fit pas prier. Et bientôt, une joute verbale débuta entre le Kuruta et son destinataire, sous le regard atterré de son ami.

— Kurapika ! Arrête de m'ignorer ! A qui tu parles pour que ça te mette dans cet état ?

Il releva rapidement les yeux vers Léorio, sans rien dire, le visage déformé par la rage et tendit son téléphone à son ami, le temps qu'il lise brièvement, avant de recommencer à pianoter sa haine sur le clavier virtuel.

— Tu es sûr que c'est une bonne idée de lui parler ?

— Mais il me harcèle, Léorio ! Tu comprends ?! J'en ai marre, moi aussi, au bout d'un moment, de jouer les bons samaritains ! Je vais le tuer !

— Tu entres dans son jeu !

— Et alors ? Si c'est moi qui gagne ?

Léorio ne répondit rien et regarda son ami s'évertuer à insulter son ennemi par écran interposé. Le Kuruta ne lui avait même pas laissé le temps de lire le contenu des messages. Il n'avait pu lire que le texte affiché en intitulé de conversation, sous les photos de profils :

Vous et Kuroro Lucifer êtes désormais amis.

— Je peux entrer ?

— Mmh...

Gon ouvrit timidement la porte de la chambre de Kirua. Ce geste anodin, qu'il avait machinalement effectué le matin-même, lui paraissait désormais presque insurmontable. Kirua était allongé en étoile de mer sur son lit, à fixer le plafond. Les réverbères filtraient une lumière jaunie à travers les stores, parfois masquée par une voiture, créant ainsi une ombre mouvante. La chambre était plongée dans l'obscurité, de la musique sonnait dans une enceinte déposée sur la table de chevet.

Kirua ne leva pas les yeux vers lui, mais Gon ne se découragea pas. Il tendit un paquet de Chocorobots qu'il avait acheté quelques jours auparavant pour faire plaisir à son ami, et traversa la pièce pour le rejoindre.

— C'est pas grand-chose, mais je me disais que ça te ferait peut-être plaisir.

— C'est gentil, Gon.

*

Il attrapa le paquet de friandises et le déposa sur la couverture sans l'ouvrir. Gon s'assit au bout du lit presque timidement. Kirua le scrutait dans l'obscurité, détaillait la forme de son dos musculeux, ses cheveux tirés en arrière, toujours en bataille mais moins indomptables que par le passé. Gon vieillissait et ressemblait de plus en plus à son père. Mais son regard était empli de douceur et de bienveillance, et sa stature, nettement plus imposante.

— J'ai jamais vraiment pris la peine de m'excuser pour... pour ce qui s'est passé à la NGL. Et j'ai réalisé la dernière fois à quel point ça t'avait fait du mal. Je comprends maintenant que c'est maladroit, mais à travers la chanson d'aujourd'hui, je voulais te montrer que j'avais conscience de ce qui s'était passé.

When I was older
Quand j'étais plus vieux

I was a sailor
J'étais un marin

Kirua s'était redressé sur le lit et l'écoutait avec attention. Ce n'était pas la colère qui l'empêchait de répondre, mais la peine qui le menaçaient toujours. Dans le noir, Gon ne pouvait pas le voir pleurer. Pourtant, des larmes salées roulaient encore sur ses joues.

— Je ne sais pas vraiment ce que je peux faire pour que tu me pardonnes, mais j'ai beaucoup réfléchi et je te promets que je ferai plus attention à toi, désormais.

But now I am underwater
Mais maintenant je suis sous l'eau

And my skin is paler
Et ma peau est plus pâle

Than it should ever be
Qu'elle ne devrait l'être

— Et moi je... Je te promets de te dire ce que je ressens.

Gon se tourna vers Kirua avec un sourire si grand qu'il fendait son visage en deux. L'adolescent aux cheveux blancs aurait pu se damner pour encore voir Gon arborer cette expression joyeuse. Son regard flamboyant ne manquait jamais de lui faire battre le cœur, si bien que Kirua se questionnait de plus en plus souvent quant à la nature de ses sentiments.

I'm on my back again
Je suis à nouveau sur le dos

Dreaming of a time and place
A rêver de temps et d'endroit

Where you and I remain the best of friends
Où toi et moi restons les meilleurs des amis

Even after all this ends
Même après toutes ces fins

Can we pretend ?
Pouvons-nous faire semblant ?

Le sourire de Gon s'effaça lentement, comme si une pensée désagréable avait terni la joie de son esprit. Kirua le remarqua immédiatement. Le visage de Gon était le livre ouvert de ses états d'âme.

— Ça va, Gon ?

— Oui, mais il y a autre chose que je ne t'ai pas dit. Je ne voulais pas te faire peur. Mais je pense que c'est le moment.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

It's seeming more and more
Il semble de plus en plus

Like all we ever do is see how far it bends
Que tout ce que nous faisons, c'est de voir jusqu'où ça plie

Before it breaks in half and then
Avant que ça se brise en deux et qu'ensuite

We bend it back again
Nous le plions à nouveau

Gon s'avança vers Kirua et s'allongea à côté de lui, sur le lit. Il se recroquevilla sur lui-même, si bien qu'il ressemblait à un petit animal effrayé. Kirua, inquiet et attendrit, s'allongea à son tour, sans le quitter des yeux.

— Tu te souviens que peu après notre séparation, j'avais perdu mon Nen.

— Bien sûr que je m'en souviens. C'est aussi pour ça qu'on est retourné à la Tour Céleste. Pour que tu puisses le retrouver... Comment tu veux que j'oublie ça ?

Memories burn like a forest fire
Les souvenirs brûlent comme un feu de forêt

Heavy rain turns any funeral pyre to mud
De fortes pluies transforment tout bûcher en boue

In the flood
Dans le déluge

— Je ne sais pas. Comme j'ai fini par le retrouver et qu'on s'est vite concentré sur la musique, je me suis dit que tu avais peut-être oublié. Moi, ça m'était un peu sorti de la tête.

— Mais moi, je ne suis pas aussi tête en l'air, répliqua Kirua d'un air attendri. Et donc ?

— Quand on a arrêté de faire des combats tous les jours, j'ai réalisé que j'avais de plus en plus de mal à utiliser des techniques avancées de Nen. Je ne sais pas comment t'expliquer, c'est juste que ça mettait plus de temps à venir, c'était beaucoup plus difficile si je ne m'entraînais pas tous les jours. Au début, je ne me suis pas trop inquiété puisque ça revenait toujours au bout d'un moment.

— Tu aurais dû m'en parler, Gon.

— Je sais. Je suis désolé. Je pense que le dire à voix haute aurait été comme admettre vraiment le problème.

— ... Et donc ?

— Et donc, c'est devenu de pire en pire avec le temps. Ça fait plus de deux semaines que je ne me suis pas entraîné. Ce matin, j'ai essayé. Je ne sens plus rien.

— Tu veux dire que...

— Je n'ai plus de Nen.

Kirua garda le silence un moment, accusant le coup, avant de relever des yeux mouillés vers lui. Il essaya de parler. Sa voix tremblait.

— On va s'entraîner à nouveau et tu vas le retrouver ! C'est ma faute, si j'avais pas lancé cette histoire de groupe, tu aurais pu t'entraîner et...

— Ce n'est pas ta faute, Kirua. Si j'avais vraiment voulu, j'aurais continué à m'entraîner. Mais je... Peut-être que je devrais passer à autre chose. Si ça doit s'arrêter là, tant pis. J'aurai su ce que ça fait d'être un super-héros. Au moins, si je fais de la musique, je ne blesserai personne.

Nobody lonely like i'm lonely and I don't know wether
Personne n'est seul comme je le suis et je ne sais pas si

You'd really like it in the limelight
Tu aimerais vraiment être sous les projecteurs

You'd sympathize with all the bad guys
Tu sympathiserais avec tous les mauvais garçons

I'm still a victime in my own right
Je suis toujours une victime à part entière

But i'm the villain in my own eyes, yeah
Mais je suis toujours le méchant à mes propres yeux

A cet instant précis, en entendant son ami prononcer ces mots, Kirua décida d'arrêter de se poser trop de questions, de se battre contre les élans de son cœur, et s'avancer vers son ami pour le serrer dans ses bras. Le fond de conscience qui lui hurlait que câliner ses amis dans son lit n'était pas normal fut bientôt couvert par le bien-être procuré par le doux contact. Gon referma ses bras autour de lui et nicha sa tête dans son cou. Kirua fut presque sûr de l'avoir senti pleurer, mais les deux adolescents n'en parlèrent jamais.

Ils finirent par s'éloigner à contre-cœur, les joues un peu roses, sans avoir envie de comprendre pourquoi et ils fixèrent tous deux le plafond, en étoile de mer. Cette activité s'avéra bien plus amusante à deux.

— Un super-héros, hein ?

— Oui, eh bien ?

— Je ne sais pas. C'est juste que cette formulation, ça m'a rappelé quelque chose, mais je ne sais pas quoi. J'ai dû avoir un déjà-vu.

— Mmh... Tu crois qu'on a déjà existé, avant ?

— Avant quoi ?

— Avant avant. Comme dans une autre vie, un peu.

— Je ne sais pas. Pourquoi tu dis ça ?

— Parfois, j'ai l'impression de te connaître depuis vraiment, vraiment très longtemps.

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