Chapitre 39 : i love you

Dans la journée du dernier concert, Gon et Kirua profitèrent de leur présence à Padokia pour grimper dans la montagne. La neige tombait en larges flocons. Une brise légère les tirait vers les hauteurs. Ils marchèrent en silence, hypnotisés par l'immensité déployée sous leurs pieds, le souffle court, les joues roses d'effort.

Après deux heures, ils atteignirent le sommet. Une plaine enneigée de soleil s'étendait devant eux. La lumière se reflétait sur les minuscules cristaux de glace. La neige était douce, poudreuse et vaporeuse. On s'y lançait comme dans un lit de nuages, comme sur un coussin pour dieux fait dans la matière des cieux.

Gon poussa un cri de joie, et courut se vautrer sur le sol, bientôt suivi par Kirua, qui se jeta sur lui. Il hurla en sentant le poids de son meilleur ami s'abattre sur son torse, puis ils rirent tous les deux, avant de s'embrasser.

Couchés l'un sur l'autre, insensibles au froid qui leur mouillait la peau, ils s'enlacèrent longtemps. Puis Gon joua sur ses muscles et reprit le dessus. Il garda ses lèvres pressées contre celles de son partenaire, et s'écarta ensuite. Il rit avec la sournoiserie d'un enfant prêt à commettre un méfait, et jeta sur le visage amoureux de Kirua, un énorme bloc de neige en poudre.

— Gon ! hurla l'adolescent avant d'éclater de rire.

L'intéressé cria de toutes ses forces en se levant d'un bond, puis il se mit à courir sur la plaine, hilare.

— Tu sais que tu viens de signer ton arrêt de mort, Gon !

L'autre riait tellement qu'il ne parvenait plus à répondre. Il s'étouffa tout seul et s'écroula un peu plus loin. En quelques secondes, Kirua fut à sa hauteur, avec dans les bras, un tas de neige plus haut que lui.

— Tu veux savoir lequel de nous deux a le plus gros ? demanda-t-il, un air faussement assassin sur le visage.

— C'est toi, c'est toi ! répondit Gon en s'esclaffant. Tu as gagné ! Argh !

Il se redressa juste avant que le tas glacé ne l'ensevelisse, et se remit à courir.

— Reviens, Gon. Tu ne peux pas fuir ta destinée.

— C'est quoi ma destinée ?

— Périr tragiquement dans une micro avalanche.

— Je ne me rendrai pas sans avoir combattu !!

Gon se retourna, les bras chargés de boules de neige.

— Oh putain ! La guerre est déclarée, Gon Freecs !

Commença alors entre eux une longue bataille chargée de cris et de poudreuse. Pariston aurait fait une syncope en les voyant hurler ainsi juste avant un concert. Gon était plus puissant. Kirua était plus rapide. Ils finirent l'un contre l'autre, essoufflés et en sueur, après une heure de combat acharné.

— On va bientôt devoir redescendre, souffla Kirua, déçu.

— Ouais... J'ai faim de toute façon.

— Tu as tout le temps faim.

— Je suis en pleine croissance, Kirua.

— Moi aussi, Gon. Ce n'est pas une raison pour m'empiffrer à chaque repas.

Gon sourit.

— On ne change pas une équipe qui gagne.

Fatigués par leur bataille de boules de neige, ils descendirent de la montagne dans l'apaisement. Le soleil baissait déjà sur l'autre versant, son éclatante lumière peu à peu cachée derrière les monts blanchis par l'hiver. Des oiseaux de proie volaient haut dans le ciel. La nature bruissait sous l'action de la brise.

— Je n'arrive pas à croire que c'est déjà le dernier soir, murmura Gon.

— Moi non plus. L'avenir est plutôt incertain. Je me demande ce qui arrivera demain.

— Tu as peur ?

— Non. Je suis avec toi, alors tout ira bien... J'aimerais bien aller voir Aruka, dans les semaines à venir.

— Comment va-t-elle ?

— Bien. Toujours fourrée avec Zushi. Remarque, je préfère ça plutôt qu'elle soit seule, ou avec ma famille.

— Zushi est gentil.

— Il est adorable, soupira Kirua. Et puis je sais qu'il ne lui fera jamais de mal... J'ai juste tellement pris l'habitude de voir Aruka haïe par tous qu'il m'a fait peur, au début.

— Ne t'inquiète pas. Je suis convaincu qu'il prend bien soin d'elle.

— Merci, Gon, répondit-il en lui prenant la main.

— Moi, je voudrais aller voir Tante Mito. Nous ne nous sommes pas beaucoup parlé depuis qu'elle est passée au concours. Elle me manque beaucoup.

— Je pourrai venir avec toi ?

— Je ne comptais pas y aller sans toi. Déjà, après mon coma, elle n'a pas compris pourquoi tu n'étais pas revenu sur l'île de la Baleine. Elle s'est fâchée, parce que je ne t'ai pas invité à la maison, avec Aruka.

Pour la énième fois, Kirua repensa à cette affreuse période. Le souvenir de sa longue marche à travers la forêt, avec le poids mort de Gon sur le dos, l'étreint de nouveau. Il se souvint de son cœur, qu'il avait dû redémarrer tous les quarts d'heure, de sa peur panique de le perdre. Sa main se resserra dans celle de son meilleur ami.

Leur lien était si fort qu'il gagnait chaque jour en intensité. Aucun n'obstacle n'avait eu raison de l'amour qu'ils se vouaient l'un à l'autre. Son ami souhaitait encore passer du temps avec lui, avec le reste de sa famille, malgré tout ce qui s'était passé entre eux, au cours des derniers mois. Pour Kirua, reprendre leur vie là où ils l'avaient laissée était le plus beau des cadeaux.

Il sourit d'abord, puis il imagina sa petite sœur, quelques années plus tôt. Son pouvoir était surpuissant et intenable. A ses côtés, Gon et sa tante auraient été en danger de mort permanent.

— Ça aurait été inconscient de ma part de vous laisser, toi et Mito, côtoyer Aruka à ce moment-là. Je ne l'aurais pas accepté.

— C'est ce que j'ai tenté de lui expliquer, mais tu la connais.

— Tu es aussi borné qu'elle.

— C'est vrai. Je n'avais pas peur d'Aruka. Ça ne m'aurait pas dérangé de vivre avec, au contraire.

Kirua soupira, amusé de voir Gon si incorrigible. Ils arrivèrent sur le lieu du concert quelques heures plus tard. La file de spectateurs s'étendait déjà jusqu'aux pieds de la montagne.

— Mais où étiez-vous ? demanda Pariston en leur bondissant dessus.

— Dehors, répondit Kirua.

— Vous êtes au courant que le concert le plus important de votre carrière est ce soir ? Kirua, n'as-tu pas conscience que cet événement va être un véritable tremplin pour toi ? Où est ton sens du sérieux ? Tu loupes les répétitions depuis plusieurs jours déjà.

Kirua ignora superbement son manager et se tourna vers Gon :

— Va te préparer, on se retrouve tout à l'heure, dit-il avant de l'embrasser, sous le regard étonné de Pariston.

C'était bien la première fois qu'il voyait une émotion passer sur ce visage au sourire cimenté. Kirua eut un sourire moqueur.

— Vous êtes de nouveau ensemble ? demanda l'homme. Tu sais que ce n'est pas très sérieux de te replonger là-dedans, la veille de ton départ pour ta carrière solo ?

— Il n'y aura pas de carrière solo, Pariston.

— Comment ça, pas de carrière solo ?

— Après ce qui va se passer ce soir, il faudra revoir vos ambitions à la baisse. De toute façon, je ne veux plus travailler pour vous.

— Qu'est-ce qu'il va se passer ce soir ? demanda l'autre dans un calme simulé.

— Surprise !

— Kirua, — l'homme se pinça l'arrête du nez — tu as bien conscience que j'étais en train de signer des contrats pour toi avec des maisons de disques, et des salles de spectacle.

— La plupart d'entre eux vont les rompre très bientôt. Et puis de toute façon, je ne veux plus de vous comme agent.

Cette fois, Pariston fronça les sourcils. Sa voix haussa d'un ton.

— Tu ne peux pas faire ça, Kirua.

— Et qu'est-ce qui m'en empêche ? A ce que je sache, je n'ai pas renouvelé d'engagement avec vous, donc notre collaboration peut prendre fin ce soir. Vous imaginiez qu'une fois au comble du désespoir, j'accepterais n'importe quoi, que vous pourriez me faire signer une clause complètement abusive, n'est-ce pas ? On dirait qu'un élément inattendu est venu contrecarrer vos plans, malheureusement.

— Gon, murmura Pariston, les poings serrés.

— Gon, répéta Kirua.

— Je savais que ce gamin me causerait des problèmes. Le manager reprit une expression parfaitement calme. Son sourire scia de nouveau son visage en deux. Très bien, c'était très bien joué, Kirua. Je vois que tu ne perds jamais complètement pieds. C'est une qualité rare, surtout à ton âge. Quand tu auras fini de batifoler, reviens me voir, dans le doute. Peut-être que je voudrai encore bien de toi.

— Ne comptez pas là-dessus.

Le manager prit un air plus sérieux. Il attrapa Kirua par le bras quand celui-ci tenta de sortir. L'adolescent lui jeta un regard meurtrier, ses mains se transformèrent, en signe de dissuasion, mais l'homme ne bougea pas d'un cil.

— N'oublie jamais, Kirua, que ton talent pour la musique est extraordinaire. Alors, exploite-le comme tu l'entends, mais s'il te plaît, ne laisse jamais tout tomber, surtout pour une chose aussi éphémère que l'amour. Ce que tu as en toi, ça ne partira jamais vraiment, c'est l'ami qui ne te fera jamais faux bond. Alors, entretiens ton talent, fais des concerts. Il y aura toujours des gens pour venir te voir.

Kirua garda ses yeux rivés sur lui, surpris, puis il sourit et baissa la tête.

— C'est sans doute le meilleur conseil que vous m'ayez donné, dit-il avant de partir.


§


Le concert touchait à sa fin. Les dernières notes d'I Kissed a Girl s'évaporaient sous les hurlements et les pleurs du public. Gon, Kurapika, Léorio et Kirua saluaient, leurs mains moites serrées les unes contre les autres. Ils pleuraient, eux aussi. Ce concert signait la fin de leur épopée. Tous s'apprêtaient déjà à partir chacun de leur côté, Kurapika le premier, qui n'attendait même pas le lendemain matin pour prendre son train.

Ils saluèrent la foule, l'embrassèrent des yeux. On leur jeta des fleurs, on resta debout pour les acclamer un quart d'heure durant. Ils s'enlacèrent tous, sur scène, sans plus vouloir quitter la lumière des projecteurs. Pas pour la gloire, mais parce que ça signait la fin, leur fin. Le point final de l'histoire des Petits Musiciens. Aucun d'eux ne souhaitait que tout cela ne s'arrête.


*musique*


On les rappela pour un bis. C'était là. C'était là que tout commençait. C'était là que tout prenait fin. Tout le groupe s'était assis sur l'avant de la scène, chacun sur un petit tabouret. Gon et Kirua, leur guitare en main, commencèrent à jouer à l'unisson, les yeux dans les yeux. Kirua eut la gorge sèche. Son cœur s'emballa dans sa poitrine. Il sentit l'angoisse et l'excitation frémir dans ses veines. Ce morceau, ils l'avaient joué cent fois. Gon ne s'attendait à rien.


It's not true
Ce n'est pas vrai

Tell me I've been lied to
Dis-moi que j'ai menti aussi

Crying isn't like you, ooh
Pleurer, ça ne te ressemble pas


Leur voix était brisée à force d'avoir pleuré. Ils s'en moquaient. Tous se regardaient comme s'ils se voyaient pour la dernière fois.


What the hell did I do ?
Qu'est-ce que j'ai foutu ?

Never been the type to
Je n'ai jamais été du genre

Let someone see right through, ooh
A laisser quelqu'un y voir clair


Leurs frissons se transmettaient de la fleur d'une peau à une autre. Kirua et Gon se perdirent dans les yeux de l'autre dès l'instant ou leurs regards se rencontrèrent. Ils sentaient le lien se tisser entre eux, celui qu'ils avaient senti quelques fois. Celui qui allait au-delà de l'amitié ou de la musique.


Baby, won't you take it back ?
Bébé, ne veux-tu pas revenir en arrière ?

Say you were tryna make me laugh
Dire que tu essayais de me faire rire

And nothing has to change today
Et rien n'a besoin de changer aujourd'hui

You didn't mean to say "I love you"
Tu n'as pas fait exprès de dire : « Je t'aime »

I love you and I don't want to, ooh
Je t'aime et je n'en ai pas envie


Cette chanson leur rappelait à tous quelque chose. Léorio pensait à ses amis pénibles. Gon et Kirua songeaient l'un à l'autre, et Kurapika se remémorait toutes les soirées où il avait chanté ces paroles pour Kuroro, et toutes les fois où son amant l'avait écouté, et félicité ; et à ce soir-là, où il n'était plus présent.


Up all night on another red-eye
Debout toute la nuit avec les yeux rouges

We wish we never learned to fly high
Nous aimerions n'avoir jamais appris à voler si haut

Maybe we should just try
Peut-être que nous devrions juste essayer

To tell ourselves a good lie
De nous dire à nous-même un bon mensonge

I didn't mean to make you cry, I
Je n'ai jamais voulu te faire pleurer, je


Le public chantait à mi-voix avec eux, les bras levés, un briquet ou un écran de smartphone allumé pour créer sur le sol une nuée d'étoiles. Les Petits Musiciens les regardaient, les yeux brillants d'émotion, pour ce public fidèle qui les contemplait pour la dernière fois, sans se douter de tout ce qu'ils avaient vécu, et des obstacles qu'ils avaient dû surmonter.


Baby, won't you take it back ?
Bébé, ne veux-tu pas revenir en arrière ?

Say you were tryna make me laugh
Dire que tu essayais de me faire rire

And nothing has to change today
Et rien n'a besoin de changer aujourd'hui

You didn't mean to say "I love you"
Tu n'as pas fait exprès de dire : « Je t'aime »

I love you and I don't want to, ooh
Je t'aime et je n'en ai pas envie


Ils sentirent leurs voix flancher sur le deuxième refrain. Les larmes ruisselaient sur les joues. Ils ne pouvaient plus faire semblant de ne pas avoir le cœur déchiré par cette séparation. Savoir qu'ils ne se réveilleraient plus tous ensemble le lendemain matin brisait quelque chose en eux.


The smile that you gave me
Le sourire que tu me donnes

Even when you felt like dying
Même quand tu avais l'impression de mourir


Ils se remémorèrent les promesses qu'ils s'étaient faites, s'imaginèrent celles qu'ils se feraient encore :

Les Petits Musiciens pour toujours, avait braillé Léorio en coulisses.

Les Petits Musiciens pour toujours, répétèrent les autres.

— On ne se perd pas de vue.


We fall apart as it gets dark
On se sépare quand la nuit tombe

I'm in your arms in Central Park
Je suis dans tes bras à Central Park

There's nothing you could do or say
Il n'y a rien que tu puisses faire ou dire

I can't escape the way, I love you
Je ne peux pas échapper à ce chemin, je t'aime


On se souvient qu'on est les meilleurs amis du monde.

Au moins une fois par an, on se retrouve quelque part dans le monde.

Et on fait un concert hommage.


I don't want to,
Je ne veux pas,


C'est une promesse.

Les amis n'ont pas le droit de rompre une promesse.

Alors, on va tous se revoir, c'est obligé.


But I love you, ooh
Mais je t'aime


Et on chantera ensemble.

Encore et encore.

Et on ne s'oublie pas.

Jamais.


Ooh, ooh


C'est promis.

On ne s'oublie pas.

On sait qu'on peut compter les uns sur les autres le jour où l'un de nous aura un problème.


Ooh, ooh


Peu importe de quel côté de la planète on se trouve.

Peu importe la distance.

Les Petits Musiciens, c'est nous.

Et on ne disparaîtra jamais vraiment.

Tant qu'on ne s'oublie pas.


Ooh, ooh


— C'est promis, on ne s'oublie jamais.

— Jamais.

Le morceau était terminé, les gens applaudissaient encore. Kirua sentit l'angoisse monter, puis il s'apaisa tout à coup. Il n'eut plus peur. Il regarda Gon, qui pleurait et souriait à la fois. Il regarda ses amis qui saluaient le public. Alors il prit son courage à deux mains, et s'approcha de l'amour de sa vie. Ce dernier se tourna vers lui, l'air plus heureux que jamais. Kirua déglutit en réalisant ce qu'il s'apprêtait à faire, puis une décharge d'adrénaline le traversa.

Il passa l'une de ses mains autour de la taille de Gon, l'autre contre son cou. Le regard de Gon s'allongea de surprise tandis qu'il réalisait lentement ce que son partenaire s'apprêtait à faire. Et avant qu'il n'en ait entièrement pris conscience, les lèvres de Kirua se déposèrent sur les siennes.

Alors, il y eut un grand silence. Toute la salle se figea. On entendit le soupir de Kirua jusque dans les gradins lorsque Gon serra ses bras autour de son cou. Et puis ils s'écartèrent.

Gon rayonnait. Kirua semblait perdu.

Et du fond de la salle, une clameur s'éleva. 








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Bon... On dirait qu'Hunter x Boys Band touche à sa fin. Je sais que vous étiez nombreux à redouter ce moment. C'est difficile pour moi aussi. Je tiens à m'excuser auprès de tous les gens qui m'ont proposé des chansons que je n'ai pas sélectionné. La grande majorité des musiques a été choisie très tôt. 

Réjouissez-vous, ne jetez pas cette histoire dans la poubelle de Wattpad tout de suite. Il reste encore un épilogue.

Merci d'avoir été là jusqu'au bout, merci d'avoir été si nombreux à me soutenir. On se retrouve au tout dernier chapitre <3

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