Chapitre 36 : Miserere | Il Trovatore | Verdi/Liszt
La musique de ce chapitre étant entièrement instrumentale, elle ne comporte aucun texte. Je vous invite donc à lire et écouter simultanément, si vous ne le faisiez plus. Il n'y a pas de vitesse de lecture à respecter. Laissez-vous porter :)
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Le soir fut venteux. L'hiver dans les rues se faisait sentir. Les bourrasques cinglaient les passants. Une fine bruine cristallisait les rares parcelles de peau dénudées. Les arbres effeuillés secouaient leurs branches mortes. Les courants d'air sifflaient. Les trottoirs se désertaient.
Insensibles au froid, Kuroro et Kurapika traversèrent la ville à pieds jusqu'à la gare. Dans le silence, tous deux pesèrent le poids de leur séparation, et de l'incommensurable vide que l'autre allait laisser derrière lui.
*musique*
Ils s'arrêtèrent de concert dans la station déserte, parcoururent à l'unisson les annonces des trains sur les tableaux d'affichage, décoiffés par le froid engouffré au travers des portes grinçantes.
Les mains au fond des poches, l'écharpe montée jusqu'au cou et joues roses, leurs yeux humides s'arrêtèrent sur le train en partance pour Padokia. Il ne leur restait que quelques minutes.
Kurapika voulut plaisanter une nouvelle fois de voir la tête de l'Araignée en transports ferroviaires plutôt qu'en dirigeable, mais les mots s'écrasèrent dans sa gorge. La main de Kuroro se glissa dans la sienne, puis il l'entraîna doucement vers le quai.
Ils s'immobilisèrent sous un lampadaire, puis observèrent sans plus rien dire le regard attristé de l'autre, cherchant à peindre dans leur esprit le tableau indélébile de cet instant.
— Tu es sûr de ne pas vouloir venir ? demanda Kuroro.
Sa voix se fit plus faible et hésitante qu'à l'accoutumée.
— Je ne rejoindrai pas la Brigade, Kuroro...
— Pourquoi ? Ça pourrait apporter tant de bonnes choses. Et on serait ensemble.
— Ça ne me convient pas. Et puis rien ne me prouve que tu respecteras mes opinions.
— Je te donne ma parole de toujours prendre tes revendications au sérieux.
— Ça ne suffit pas.
— Que veux-tu de plus, Kurapika ? Tu crois que je ne saurai pas tenir mes promesses ?
— Je ne sais pas...
— Alors, enchaîne-moi.
Muet de surprise, le Kuruta vit Kuroro ouvrir son manteau et pointer sa main sur son cœur.
— Est-ce que tu as idée d'à quel point cette chose est pénible à enlever ? lui demanda le Lucifer. Non. Tu ne peux pas imaginer. Cette chaîne avec laquelle tu m'as déjà emprisonné, je l'ai sentie à chaque seconde, serrée autour de mon cœur. J'ai senti ta présence en permanence, comme une menace silencieuse, pendant des mois. Et c'était insupportable d'être gavé de ton dégoût, et de ta haine de moi, jusque dans les moments les plus insignifiants de mon existence. Et c'est peut-être à cause de ça que j'ai développé un tel besoin de toi. Parce que tu étais devenu omniprésent. Parce que sentir un morceau de toi, toujours avec moi, me donnait le sentiment de payer le prix de ma faute. Je ne sais pas. Mais s'il faut recommencer, alors recommençons. Je traverserai l'enfer une deuxième fois s'il le faut, tant que tu m'y accompagnes.
Kurapika, abasourdi, ne sut que répondre. Jamais il ne s'était autorisé à se pencher sur le châtiment infligé à son ennemi. Il le trouvait toujours aussi juste qu'au jour où l'eut prononcé, mais savoir qu'il était peut-être la cause de l'amour de Kuroro le bouleversa. D'un coup, le Kuruta sembla réaliser l'impact de ses actes sur lui. Un afflux de bien-être coupable l'envahit. Lui aussi, avait changé sa vie à tous jamais. Et face à cette avalanche de domination déferlée en lui, il eut presque l'envie de d'accéder à la demande du Lucifer, et broyer son organe vital, ou pire, partir, l'abandonner, pour qu'il ressente jusqu'au bout ce lui avait vécu par sa faute.
Le désir soudain le dévora jusqu'à ce qu'il croise de nouveau son regard. Et l'homme de sa vie reparut à ses yeux. Le doux, le drôle, l'attentionné. Kurapika quittait cet homme-là, de toute façon. Il l'abandonnait déjà. Et de cette rupture, il ne sortirait rien qu'un profond mal mutuel.
— Ce pouvoir ne me sert plus à rien, murmura-t-il. Je ne peux pas t'enchaîner.
— Pourquoi ?
— Je t'aime, Kuroro.
Les phares du train trouèrent la nuit derrière le Lucifer. Son visage s'était illuminé de bonheur.
— Si tu m'aimes, alors tout est possible.
Il s'approcha de lui pour l'embrasser. Ses bras entourèrent sa taille. Il pressa plus fort le Kuruta contre lui.
— Je te laisse tout le temps dont tu as besoin pour prendre tes décisions, mon amour. Mais je t'en prie, reviens-moi.
§
Dans un des nombreux salons de l'hôtel où ils séjournaient, Kirua écoutait Léorio jouer du piano pour Pamu. La jeune femme accoudée sur l'instrument dodelinait de la tête, un sourire rêveur accroché aux lèvres. L'adolescent les considéraient sans les voir, perdu dans ses pensées. Gon l'obsédait. Plus encore que d'habitude. Impossible de le sortir de son esprit. Il pensait tant à lui qu'il ne réalisa qu'après de longues secondes que le véritable objet de ses tourments s'était assis à ses côtés.
— Kirua, j'aimerais te parler seul à seul.
Il avait dit ça en le regardant frontalement, légèrement penché vers lui. Après tant de semaines passées à faire semblant de ne pas se voir, ces contacts francs les perturbaient tous les deux. L'intéressé hocha la tête, et ils quittèrent la pièce. Depuis leur baiser, les deux adolescents ne s'étaient plus adressé la parole.
Gon avait quitté les coulisses sans rien dire de plus, avec un sourire rayonnant d'amour et de joie. Kirua était resté planté face au vide durant les cinq minutes qui suivirent son départ, avant de se ressaisir pour assurer correctement la fin du concert.
Ils montèrent religieusement les marches de l'hôtel, et s'engouffrèrent dans la chambre de Gon. Ce dernier se retourna résolument vers son ex-compagnon.
— Je suis désolé, dit-il. J'ai fait n'importe quoi.
— J'aurais aimé que tu m'expliques que tu souhaitais retrouver ton Nen.
Ils semblèrent tous les deux étonnés que ce reproche vienne en premier. Kirua avait redouté plus que tout cette confrontation, mais une fois face à Gon, les mots s'ordonnèrent d'eux-mêmes. Il savait déjà quoi dire.
— J'avais peur que tu te sentes coupable, et que ça te déconcentre de tes objectifs.
— J'aurais préféré être coupable et déconcentré que te perdre. Je suis désolé de ne pas avoir réalisé à quel point tu te sentais mal.
— Je pense que j'aurais réappris à vivre sans le Nen si je ne m'étais pas senti abandonné par toi. Mais c'est ma faute de ne t'avoir pas parlé de ce que je ressentais.
— Je me suis senti rejeté. J'ai pensé que tu me faisais payer d'avoir menti au sujet de notre relation.
— Je crois que tout ce que j'ai fait, je l'ai fait parce que je t'en voulais, même si je ne m'en rendais pas compte. Ça m'a fait beaucoup de mal que tu ne m'assumes pas. J'ai cru que tu avais honte de moi.
— C'est de moi que j'avais honte. J'étais tellement obsédé par l'idée d'être aimé que j'ai perdu l'amour du seul qui compte vraiment pour moi.
— Tu n'as jamais perdu mon amour, Kirua. La vérité, c'est que je n'ai fait que penser à toi, tout le temps. J'ai eu beau essayé de t'oublier, je n'ai jamais réussi.
— Tu as couché avec lui, pourtant.
— Et c'était toi qui me manquais. Pardon d'avoir fait ça, Kirua. J'ai juste cédé à une vulgaire pulsion. Je m'en veux de l'avoir fait, et de ne pas avoir remarqué ta présence.
— C'était vraiment dur, Gon.
— Je sais.
— De toute façon, je ne me sens pas vraiment de te blâmer. Nous n'étions plus ensemble... Et puis, moi aussi, j'ai couché avec quelqu'un.
— Avec Kanaria.
— Comment tu le sais ?
— Elle me l'a dit. Ça m'a fait très bizarre.
— Je suis désolé, Gon.
— Je ne t'en veux pas. Ce que j'ai ressenti à ce moment-là, ça m'a fait réaliser à quel point je t'aime.
Le cœur de Kirua se changea en nuage. Entendre Gon lui avouer son amour, après tout ce qu'ils avaient vécu, lui semblait inimaginable. Il sourit malgré lui. Gon l'imita. Ses frissonnements de bonheur le firent se jeter au cou de Kirua. Il le serra contre lui de toutes ses forces. L'autre referma ses bras autour de ses épaules. Ils restèrent ainsi un long moment. La joie, l'amour et le soulagement les avaient soudés ensemble. Ils se détachèrent finalement pour s'embrasser, émus de se retrouver à nouveau.
— Je ne veux plus partir, Kirua. Je vais rester avec toi. On trouvera des solutions. Tu feras de super concerts partout dans le monde, tu pourras profiter pleinement de ta carrière solo, et moi, je te suivrai, et je prendrai les missions Hunter de la région. Comme ça, on pourra rester tous les deux.
Kirua le contempla sans y croire, les lèvres tremblantes d'émotions. Gon était prêt à ne plus vivre l'aventure comme il l'entendait, juste pour rester avec lui. Il ne pourrait plus partir en vadrouille sur un coup de tête, ni s'entraîner des mois durant avec un mentor, pour vaincre un seul ennemi. Il savait à quel point le sacrifice de sa pleine liberté était lourd pour son ami. Et pourtant, il l'acceptait. Il acceptait de vivre dans son ombre pour toujours, tant qu'ils étaient ensemble. Kirua réalisa pourtant qu'il ne souhaitait pas voir Gon ainsi. Il méritait que le monde entier le voie. Il méritait d'être dans la lumière.
— Il n'y aura pas carrière solo.
Gon resta interdit. Il chercha une explication dans le visage ferme de son ami.
— Pariston n'est plus d'accord ?
— Il ne le sera plus quand j'aurai avoué que je t'aime.
— Kirua... Tu n'es pas obligé, ce serait du suicide.
— Je sais. Tant pis. Je veux qu'on soit heureux, tous les deux. Je m'en fous d'être célèbre. Ça ne m'apportera pas le bonheur, alors que toi... Il me suffit de te voir sourire pour me sentir un peu plus vivant.
Les larmes ruisselèrent sur les joues de Gon. Il les essuya du revers de la main, puis sanglota encore. Kirua l'attira à lui, la gorge nouée par l'émotion. Il enfouit sa tête dans le creux de son cou.
— Je ne veux pas que tu abandonnes la musique pour moi, Kirua. Ça te va si bien. Tu es encore plus beau quand tu chantes.
— Je n'abandonne pas. Mais j'ai réfléchi, et tu as raison. Je veux chanter pour des gens qui m'aiment vraiment, et qui me méritent. Je ne veux plus me cacher. Je veux devenir moi. On fera sans doute moins de concert. Et il y aura probablement beaucoup moins de monde pour nous voir.
— Nous ?
— Est-ce que tu es d'accord pour continuer de jouer avec moi, entre nos missions ?
Le cœur de Gon battit à tout rompre. Kirua lui sembla être une sorte de dieu, tant il rayonnait. Il n'avait jamais osé rêver de leurs quotidiens mêlés, et imbriqués ensemble. Et rien ne lui parut plus beau.
— Oui, je le veux. J'en meurs d'envie.
Ils rirent ensemble, parce que leurs réconciliations prenaient des allures de mariage, puis ils s'embrassèrent encore, plus émus que jamais. Leurs mains s'agrippèrent à leurs vêtements et glissèrent tout le long de leurs dos. Ils se sentirent troublés, fébriles, enivrés d'amour et de passion. Ils ne voulurent plus jamais se séparer.
— Tu m'as manqué, dit Kirua d'un ton plus grave.
— Toi aussi, murmura Gon.
Leurs lèvres devinrent brûlantes. Leurs souffles s'alanguirent. Les baisers multipliés par le désir qui les consumaient pour l'autre s'approfondirent. Les deux adolescents basculèrent sur le matelas, Gon sous Kirua.
Ils comprirent qu'ils n'avaient attendus que de se retrouver, qu'ils avaient cherché cette symbiose chez d'autres, lorsqu'elle n'existait qu'entre eux. Ils comprirent qu'ils s'aimaient tous deux bien plus qu'ils n'avaient jamais osé l'admettre, qu'il suffisait d'une étincelle pour que leur monde s'embrase.
Ils s'ôtèrent leurs hauts à force de caresses, le regard coulé dans celui de l'autre. Ils s'embrassèrent encore, frottèrent la bosse qui leur déformait l'entrejambe, le souffle accéléré jusqu'au halètement, les joues empourprées d'excitation.
Kirua retira leurs deux pantalons dans des gestes nerveux, et dévoila leurs sexes veinés par les afflux sanguins. Sous le regard électrique de Gon, il empoigna leurs érections d'une seule main pour les masser ensemble. Ils gémirent sans se quitter des yeux, tremblants de l'intensité de chaque contact. A deux, ils décuplaient tous leurs sens. Sous leur peau frissonnante grondait le volcan de leur impatience.
Gon se redressa et attrapa les lèvres de Kirua. La main de ce dernier doubla son rythme. Ils grognèrent. Gon mordit la lippe de son amant, et tenta de reprendre le dessus. Kirua s'opposa fermement.
— C'est moi qui vais te prendre. Il eut un sourire sensuel, légèrement narquois, et presque dangereux. Sa voix devint lourde. Ses mots pesèrent un poids particulier. Je vais te marquer, Gon. Ce soir, tu m'appartiens.
Gon en fut tant retourné qu'il n'osa rien répondre. Il se rallongea sur la couverture, et contempla Kirua, glissé entre ses jambes, lubrifier son ouverture étroite à coups de langue. Cette vision était la plus érotique qu'il lui eut été donné de voir. L'application avec laquelle le muscle de son partenaire l'explorait le rendit fou. Il ondula le bassin. Kirua releva ses yeux sur lui. Il sembla sourire. Gon manqua d'exploser.
— Kirua...souffla-t-il malgré lui.
L'autre se redressa. Il s'essuya les lèvres d'un revers de main, pointa son membre dressé sur le rectum luisant, sans jamais cesser de l'admirer.
— Ça te fera sans doute un peu mal, argua-t-il d'un ton indifférent.
Et il s'enfonça en lui. Et il eut raison. Gon souffrit. Mais la brûlure languissante de ses entrailles écartées attisa un peu plus ses sensations à fleur de peau. Le feu s'allumait en lui, sur lui, dans les yeux de Kirua, et du fond de son corps.
Son amant l'embrassa tandis qu'il commençait à remuer en lui. Les mains de Gon s'agrippèrent à sa peau, comme s'il tentait de ne pas défaillir. Kirua semblait décidé à lui faire perdre l'esprit. Les ondoiements de son bassin heurtaient et visaient sa prostate sans aucune pitié. Il lui léchait la langue et les lèvres avec la tendresse la plus sadique possible. C'était comme s'il le connaissait par cœur, et mieux que lui-même, comme si, en un seul coup d'œil, il avait su trouver les parties sensibles de sa chair. Et il les harcelait avec une précision de maître, et une aura de domination tranquille, inaltérable.
Gon se mit à gémir, puis à hurler franchement. Kirua le détaillait, la bouche entrouverte, tout prêt de son visage. Il soupira d'exaltation, tout en accélérant encore ses mouvements. Gon ne tint plus en place. Il devint fou, incapable de se retenir sous les torrents de plaisir qui affluaient et refluaient de ses pieds à la tête. Et fasciné par la beauté sans borne de son compagnon éternel, Kirua le martela de puissants coups qui les firent jouir ensemble.
Lorsqu'ils furent détachés, et moins essoufflés de leur orgasme, Gon se tourna vers Kirua pour admirer son profil. Il aima la pointe de son nez en trompette, ses lèvres fines d'un rose angélique, et ses cheveux qui retombaient tout au-dessus de ses yeux. Quand celui-ci se retourna, et lui offrit son plus beau sourire, il demanda :
— Tu voudrais bien sortir de nouveau avec moi ?
Kirua pouffa de rire.
— Baka, répondit-t-il. Bien-sûr que je veux sortir avec toi.
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