Chapitre 20: MotorMouth
Encore enlacés, leurs corps bouillonnant serrés l'un contre l'autre, Kuroro s'octroya un dernier baiser des lèvres brûlantes de Kurapika, avant que le jeune homme ne le repousse mollement. Le Lucifer obtempéra et prit soin de lui masquer son tatouage pour ne pas le faire fuir une seconde fois. Soulagé de le voir rester plus longtemps, il se laissa aller à la contemplation de ses traits et de ses yeux aux accents féminins, rivés sur le plafond.
— Alors comme ça, tu n'es définitivement pas amoureux ?
C'était plus fort que lui. Il ne pouvait pas s'empêcher de l'asticoter.
— Définitivement pas.
— Ça tombe plutôt bien, rétorqua Kuroro avec un sourire vicieux. Personne n'a jamais parlé d'amour. Juste de sexe.
— Tous mes amants sont tombés irrémédiablement amoureux de moi, répondit Kurapika d'un ton laconique, donc je préfère prendre les devants avec toi.
« Tel est pris qui croyait prendre », songea Kuroro. Le jeune homme ne s'était pas contenté d'une répartie cinglante. Il l'avait humilié, le plaçant au niveau de ses conquêtes de bas-étages d'autrefois. L'affront amusa le Lucifer, qui se retint de rire. Le tempérament de Kurapika était irrésistible.
— Si tu te crois original, Casanova, tu te trompes lourdement. Je peux me targuer du même palmarès, avec, en prime, bien plus d'expériences que toi à mon actif.
— De l'expérience ? Je n'ai pas remarqué, désolé. En fait, je n'ai presque rien senti.
— Tu n'arrivais pas à articuler deux mots cohérents tout à l'heure.
Le visage de Kurapika se fendit en un sourire provocateur, puis il planta ses yeux dans ceux de Kuroro, qui frémit des pieds à la tête sans rien laisser paraître.
— C'est l'affliction qui m'a provoqué cette réaction... Je te montrerai à quoi une baise digne de ce nom ressemble la prochaine fois, Kuroro Lucifer.
— Tu as l'intention de me prendre ?
— Et plutôt deux fois qu'une.
— Alors il y aura une prochaine fois.
— Oui, souffla Kurapika en se levant pour fouiller sa veste. Malheureusement, les mecs intéressants de la Tour sont déjà pris. Alors je me rabats sur les restes.
Il retourna s'affaler sur le lit, avec ce qui semblait être une cigarette entre les dents. Le sang de Kuroro ne fit qu'un tour lorsqu'il comprit de quoi il s'agissait. Ainsi, ses soupçons s'avéraient bien fondés. La flamme du briquet illumina un instant le visage de Kurapika, puis un nuage de fumée échappa de ses lèvres. Sa tête bascula en arrière. Ses yeux se fermèrent, tandis qu'il s'abandonnait à son rêve artificiel.
— C'est quoi, ça ?
— Tu sais très bien ce que c'est, rétorqua le jeune homme sans daigner le regarder.
— C'est vrai. Tu ne me demandes même pas si ça me dérange ? C'est ma chambre je te rappelle.
Kurapika ricana.
— Parce que tu crois que je te respecte ?
— On dirait que tu ne te respecte pas non plus.
— Est-ce que c'est vraiment toi qui vas me sermonner ?
— Tu sais ce que tu fumes au moins ?
— Je n'en reviens pas. Mais quel foutage de gueule. Je comprends que les autres jouent les sacrosaints, mais toi, franchement... On frise le ridicule.
Il inspira une nouvelle bouffée, fixant désormais Kuroro avec mépris.
— Crois-le ou non, j'évite ce genre de choses. Je préfère garder les idées claires.
— C'est plus pratique pour butter des innocents, c'est sûr.
Le Lucifer soupira, mais ne releva pas.
— Et quand je consomme, je m'assure de ne pas prendre n'importe quoi. D'où ma question, est-ce que tu sais ce que tu fumes?
— Pas vraiment, admit Kurapika. Mais ça marche.
— Ça marche à quoi ?! Tu cherches à te tuer ou quoi ?
— Peut-être un peu.
Ils se considérèrent étrangement un moment, soudainement propulsés au cœur de l'existence de l'autre. Dans les yeux de Kurapika s'esquissaient les prémices d'une lente agonie vers la mort, et dans ceux de Kuroro, une sincère inquiétude, presque maternelle. Si tous deux en furent bouleversé, de l'extérieur, il n'en parut rien.
On ne put voir ni les larmes de Kurapika retomber dans son cœur, devant cet éclat d'affection profonde qu'il n'avait jamais lu que dans les yeux de ses proches défunts, ni l'incrédulité de Kuroro face à ce besoin de protection éprouvé seulement pour sa Brigade, et décuplé par le Kuruta. On ne put voir le trouble leur danser dans les yeux, ni le désir de se perdre et se consoler dans les bras de l'autre. On ne put voir l'un appeler à l'aide, ni l'autre tendre sa main, en le suppliant de l'accepter.
Ce que l'on vit, ce fut Kurapika détourner un regard devenu dur, et l'angoisse poindre sur ses traits. Il tira à nouveau une grande bouffée, puis lança d'une voix cassée.
— Je t'interdis de me regarder comme ça.
— De te regarder comment ?
— Avec de la pitié.
— Crois-moi, ce n'est pas dans la pitié.
— C'est ça. Et moi, je suis la reine d'Egypte.
— Dans ce cas, je t'interdis de continuer à fumer.
— Et puis quoi encore ?
— C'est ça où je continuerai à te regarder avec ce que tu nommes « la pitié ».
— Eh bien tant pis alors, s'agaça Kurapika. Regarde-moi ! Mais arrache mes yeux avant, pour que je ne puisse pas te voir.
— Tu es cruel.
— On fait bien la paire.
Un silence s'établit un court instant, durant lequel Kuroro évalua la marche à suivre. Il trancha finalement, et dit d'un ton sec :
— Sors.
— Pardon ? répondit Kurapika, complètement éberlué.
— Tu sors de ma chambre.
Le jeune homme l'observa sans bouger, cherchant à lire l'humour à travers ses traits durs. Il n'y avait qu'une colère sourde dans ses yeux baissés, puis Kuroro braqua sans ciller son regard gris sur lui.
— Ta drogue te rend sourd ou stupide ?
— Je...
— Je t'ai dit de sortir deux fois, Kurapika. Tu n'as pas envie que je te le répète encore.
Le jeune homme fut si médusé par son changement de ton qu'il ne parvint pas à s'énerver.
— Tu veux que je m'en aille...
— Tu peux te foutre en l'air si c'est ce qui te fait plaisir. Mais je ne te laisserai pas te tuer sous mon nez. Alors si tu veux mourir, va faire ça ailleurs.
— Mais va te faire foutre, Kuroro ! — Il lui jeta son joint au visage — Tu sais ce que c'est, ça ? C'est le fruit de ton travail ! Si je suis dans cet état, c'est de ta faute. Tu as fait ce que tu voulais, eh bien regarde maintenant, contemple le résultat de tes décisions ! — Il se tut un instant pour ravaler les larmes de rage qui le menaçaient — C'est trop facile ! C'est trop facile de tout détruire autour de toi et massacrer les gens, pour dire à ceux qui réchappent miraculeusement à ton contrôle d'aller se faire voir parce qu'ils ne sont pas comme tu veux. Je ne suis pas comme tu veux. Je ne le serai jamais ! Je suis cassé. Tu m'as cassé. Alors assume.
Kurapika resta là, prostré, à observer le Lucifer comme un monstre répugnant, puis se leva, et lui tourna le dos pour s'habiller à la hâte. Kuroro le regarda faire sans répondre. Peut-être par colère, peut-être parce qu'il ne savait pas quoi lui répondre. C'est lorsque le Kuruta s'apprêtait à franchir la porte qu'il dit enfin :
— J'assume. Mais c'est toi qui me repousses.
Pour toute réponse, le violent claquement de porte de Kurapika résonna dans la pièce.
§
Dans les entrailles de l'arène, aux sous-sols de la Tour, Kirua déambulait sans but dans les couloirs. Leur passage était pour bientôt. Sur scènes se débattaient des artistes médiocres très loin dans le classement. L'adolescent était seul. Léorio et Kurapika lui avaient promis de descendre plus tard, et Gon était à ses occupations obscures.
De temps à autres, Kirua comptabilisait son nombre de j'aime sur sa dernière publication. Il ne s'était décidément jamais attendu à posséder ce nombre ahurissant d'abonnés, allongeant semaine après semaine la liste de ses fans. La barre des 100K devait être passée dans les jours à venir. Les Yeezy en édition limitée reçues une semaine auparavant, et qu'il n'avait pas manqué de prendre en photo, faisaient fortement augmenter son nombre de validations par les internautes. Les marches de succès gravies amenaient avec elles leur lot de réjouissances. Ses marques préférées lui envoyaient des vêtements gratuits, simplement pour qu'il les porte en photo, ou sur scène. Et Kirua ne se faisait pas prier. La mode et lui avaient un long passif. Il s'était d'ailleurs souvent désespéré de l'ensemble vert que son ami idolâtrait et possédait en trois exemplaires. Kirua avait sauté de joie lorsqu'il s'était finalement décidé à le mettre de côté, issue d'une longue guerre psychologique entre les deux compères.
Les 3000 j'aime avaient été passés en moins d'une heure. La photo le représentait dans un cadre penché, accroupi sur un muret, les chaussures bien en évidence, un signe de paix dessiné avec les doigts. Cette simple publication était le résultat d'un shooting de quarante minutes, avec plus de cent photos tests effectuées par Kurapika, qui avait été trainé par l'adolescent la veille, en plein après-midi, au parc du coin. Ils avaient d'ailleurs posté un selfie ensemble, sur le compte du Kuruta cette fois-ci, animant commentaires étranges et ships impensables, devant lesquels ils avaient ri tout le reste de la journée.
Kirua releva les yeux, satisfait, et trouva devant lui une vision qui le fit immédiatement déchanter : Hisoka, également sur son smartphone, tapotant sur son écran, un grand sourire aux lèvres. Il se l'était imaginé en compagnie de Gon, mais son petit-ami semblait ne même plus prendre la peine d'utiliser ses entraînements comme excuse pour le fuir.
— Eh ! rugit Kirua du bout du couloir.
L'homme releva ses yeux sans hâte, et posa son regard incrédule sur l'adolescent qui marchait droit sur lui.
— Oh, salut Kirua. Tu es tout seul, fit-il remarquer d'un ton faussement surpris.
— Qu'est-ce que tu veux à Gon ?
— Son bonheur... Tu sais, le truc que tu lui souhaitais quand tu étais encore son ami.
Kirua fronça les sourcils, peu rassuré par le sous-entendu du magicien. Son agacement reprit rapidement le dessus.
— Comme si tu étais capable de vouloir le bien de quelqu'un.
— Pourquoi pas ? Tant que ça sert mes intérêts.
— Qu'est-ce que tu lui veux ?
— Rien de plus qu'avant...
— Fais attention, Hisoka. Ne t'avise même pas de lui faire du mal.
Le concerné eut un léger rire. Un rictus lui tordit les lèvres.
— Sinon quoi ?
— Je n'ai peut-être pas autant d'expérience que toi dans un combat loyal, mais ça ne m'empêche pas de pouvoir te tuer sur le champ.
— Vraiment ?
— J'ai déjà trouvé sept moyens différents d'y parvenir dans l'immédiat.
Il avait attisé sa curiosité. Désormais, Hisoka le considérait d'un regard brillant. Il se lécha les lèvres avant de répliquer :
— Peut-être, mais tu ne mettras aucun de ces moyens à exécution.
— Tu veux parier ?
— Si tu veux. Tu n'as rien à y gagner. Par contre, tes fans seront très déçus de te voir impliqué dans une affaire de meurtre. Et Gon, n'en parlons pas. Pense-tu qu'il voudra encore de toi lorsque tu auras froidement assassiné son seul espoir de redevenir un utilisateur de Nen, juste à cause de tes insécurités ? (Il se délecta du visage décomposé de son interlocuteur, puis parti dans un grand rire.) Ne t'en fais pas, Kirua. Je ne ferai rien à ton petit-ami qu'il ne veuille pas. Mais lorsque dans quelques jours il me suppliera de lui-même, je doute de parvenir à lui résister. Enfin, je ne t'apprends rien, tu sais comment il est...
— Je t'interdis de parler de lui ! Tu ne le connais pas !
— Je le connais bien mieux que tu l'imagines. D'ailleurs, il est plein de ressources et progresse très vite. Et puis il a cet éclat dans les yeux, qui rend son regard brillant. C'est vraiment délicieux. Je suis sûr que tu vois à quoi je fais allusion.
— Tais-toi !
Kirua perdit le contrôle. Son corps s'était mis à trembler de manière incontrôlable. Les larmes le menaçaient désormais. Hisoka le dégoûtait. Son arrangement avec Gon le rendait malade. Et pire que tout, il avait été pris au piège. Quand bien même il décidait d'arrêter la musique, son petit-ami voudrait continuer de voir le magicien, convaincu par ses résultats, et désireux d'aller plus loin. L'adolescent ne maîtrisait plus rien.
— Il n'y a pas à dire, continua Hisoka. Gon est un véritable soleil. Une petite lumière.
— Je vais te tuer !
— Eh ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
Il était là, prostré à l'angle du mur, ses yeux dorés passant nerveusement de l'un à l'autre. Kirua retira la main qu'il s'apprêtait à abattre sur le visage d'Hisoka, prêt à couper son vilain rictus en deux, et jeta à Gon un regard larmoyant.
— Ton ami et moi-même entretenions une petite conversation. Il semble plutôt fâché que tu m'aies choisi pour t'entraîner. J'en suis navré..., dit-il, sans cesser d'observer Kirua convulser de rage.
— Cesse de te mêler de ça, Kirua. Ce ne sont pas tes affaires.
— Mais Gon...
— J'en ai assez ! Je te laisse faire ce que tu veux, alors respecte mes choix, toi aussi !
Hisoka, manifestement ravi, se pencha jusqu'à l'oreille de Gon pour y chuchoter quelque chose, puis disparut du couloir. Kirua manqua de s'étouffer de rage.
— Mais c'est quoi ça ?!
— Rien ! Il m'a simplement dit qu'il partait.
— Pourquoi il a besoin de te chuchoter ça comme ça ? Tu ne vois pas qu'il y a un problème, Gon ?
— Le seul problème que je vois, c'est ta jalousie, Kirua ! Au départ, je croyais que tu t'inquiétais pour ma santé, mais en fait, tu es juste jaloux ! Tu ne me fais vraiment pas confiance !
— Mais non ! Toi, je te fais confiance, mais pas à lui ! Comment peux-tu faire un truc pareil, enfin ? Ce type est un malade !
— Lui, au moins, il m'aide. Est-ce qu'on peut en dire autant de toi ? La dernière fois, tu me disais que je te chassais de ta vie ? Mais tu n'as pas l'impression de me chasser de la tienne ?
— Non, Gon ! (Sa voix s'était mise à trembler. Une boule lui compressait la gorge, menaçant d'exploser à tout instant.) Non, je ne te chasse pas ! Je n'arrête pas de te demander si ça te va, si tu ne veux pas arrêter et partir ailleurs ! Je te le demande encore une fois, je t'implorerai à genoux s'il le faut ! S'il-te-plaît, arrêtons tout ça, laissons tomber ce foutu concours ici, mais par pitié, ne va le voir lui !
Gon le toisa méchamment, à cheval entre le choc et le mépris.
— Et c'est moi l'égoïste ? Regarde-toi, Kirua ! Tu vois que je me sens mal depuis qu'on prétend ne pas être en couple, mais maintenant que je trouve un peu de réconfort dans cette putain de Tour, tu veux me le retirer ? Et tu redoutes quoi exactement ? Que je t'échappe ? Que je veuille partir une fois mon Nen récupéré ? Ou carrément que j'aille ouvrir mes fesses sous son nez pour le supplier de me prendre ?
— Gon... J'ai juste peur de te perdre. Depuis le début, tout ce que je veux, c'est ne pas te perdre.
Mais l'adolescent s'était mué en tempête. Tous ses reproches s'échappaient du gouffre libéré par sa colère. A la place de la détresse de son amant, il entendait une floppée de reproches à peine voilés.
— Comment veux-tu ne pas me perdre alors que tu te perds toi-même ? Tu t'es vu ces derniers jours ? Tu t'es regardé dans un miroir ? Bien-sûr, qu'est-ce que je raconte, tu ne fais plus que ça, de toute façon ! Tout ce qui compte pour toi, c'est de plaire à tes foutus fans, et te pavaner dans les couloirs avec tes fringues hors de prix. T'es tellement obnubilé par l'idée de plaire aux autres que tu m'as renié, moi ! Ton meilleur ami depuis qu'on a douze ans ! Mais tu sais quoi, j'ai fermé les yeux. Sur tout. Parce que je voyais ton sourire s'épanouir sur ton visage. Et depuis le temps que je l'attendais, ce sourire à la con, il était hors de question que je te le retire aussi vite. Sauf que je retourne à ce qui me plait à moi, aux trucs qui me font sourire moi, et comme ça ne convient plus au grand Kirua Zoldyck, je dois arrêter sur le champ ?
— Mais à quoi tu t'attendais, Gon ? Il faudrait que je me balade en guenilles pour que tu ne me trouves pas trop changé ? Je t'ai demandé dès le départ si tout ça te dérangeait ! J'étais prêt à refuser le contrat de Pariston, avec les fans et les fringues, juste pour toi ! Tu m'as dit que ça t'allait, que tu étais content pour moi ! Et maintenant que ça commence à fonctionner, maintenant que ce qu'on a construit ensemble, toi, moi et les autres, décolle petit à petit, tu remets tout ça sur mon dos ? Est-ce que je dois te rappeler qu'à la base, si on a commencé à faire de la musique, c'était pour te faire voir autre chose que le Nen ?
— Alors c'est ma faute, maintenant ?!
— Mais c'est la faute de tout le monde, Gon ! Et je ne te demande même pas de ne pas aller retrouver ton Nen ! Je m'en fous, moi ! Je sais qu'au fond, il n'y a que ça qui compte pour toi ! Plus que la musique ! Plus que moi ! Ça fait des années que je suis au courant, et que je me suis fait une raison ! Tout ce que je te demande, c'est de pas le faire avec lui ! Mais bon, tu l'as choisi, c'est ça ? Tu l'as choisi comme tu m'as choisi moi, il y a quatre ans ! Alors quoique je dise, tu auras toujours une excuse pour aller le voir et travailler avec ! Le reste, ça n'a pas d'importance...
— Lui au moins, il ne prétend pas être quelqu'un d'autre. Il ne va pas raconter sur les plateaux-télés à quel point il est hétérosexuel, et comment Gon est « un frère » pour lui !
— Bien-sûr que non ! Il n'a aucun intérêt à faire, lui !
— Et toi ? C'est quoi ton intérêt ? Être plus connu ? Tu estimes l'amour de gens qui sont incapables de t'accepter tel que tu es, et tu rejettes ceux qui ont toujours apprécié ta vraie personne !
— Je ne te rejette pas !
— Bien-sûr que tu me rejettes, Kirua !
— L.P.M en scène dans cinq minutes, grésilla la voix des régisseurs dans les micros, coupant le : « Je veux juste être heureux. » que Kirua s'apprêtait à répondre.
Les deux adolescents se considérèrent sans plus parler, déçus de l'autre, incapables de se remettre en question. Ils essuyèrent les larmes qui avaient ruisselées sur leurs joues, puis Kirua se mit en route sans plus se soucier de son petit-ami, qui semblait hésiter à le suivre.
— Je ne veux plus y aller. Je ne veux pas y aller avec toi.
— Fais ce que tu veux, Gon. Je n'en ai rien à foutre. Mais ton nouveau copain sera sûrement déçu de te voir fuir comme un lâche.
La dernière réflexion illumina ses yeux dorés d'une lueur nouvelle, et sans plus rien dire, il emboita le pas de Kirua dans un silence de mort.
*musique*
Léorio et Kurapika virent leurs deux amis débouler dans un mutisme inhabituel et se lancèrent un coup d'œil inquiet. Léorio, qui s'apprêtait à demander ce qui leur était arrivé, reçu une violente tape à l'arrière de crâne de la part de Kurapika, qui le fusilla du regard. Le groupe se mit en place derrière la scène, et sans s'encourager mutuellement comme ils en avaient l'habitude, grimpèrent sur les planches. Dans un consentement mutuel, Kurapika et Kirua entamèrent leur duo agressif et compliqué, soulevant immédiatement l'arène entière.
Tell me, mannequin what brings you to move ?
Dis-moi, mannequin ce qui te fait bouger ?
Is it all of the colors in the magazine ?
Est-ce toutes les couleurs des magazines ?
Following sucks
La suite pue
Paint your face now pose and filter the mood
Pains ton visage maintenant pose et filtre l'ambiance
Give it all you've got
Donne tout ce que t'as
You're just a click away from the fame now
Tu n'es qu'à un clic de la célébrité maintenant
Eat shit, motormouth
Mange de la merde, bouche à moteur
Swallow all of it down
Avale le tout
You're pretty when you put the face on
T'es joli quand tu mets ce visage
And when you shut that mouth
Et que tu fermes cette gueule
Those chattering teeth lose my sympathy
Ces dents qui claquent ont perdu ma sympathie
Got a lot to say ?
Tu as beaucoup à dire ?
You've gotta leave it out of the game you play
Tu dois abandonner le jeu auquel tu joues
Kirua releva les yeux et fut stupéfait de voir le regard de Gon rivé sur lui, ses grands yeux dorés remplis par la haine. Ils avaient choisi cette chanson pour se donner un défi, pour revenir à leur style de prédilection, pour permettre à Kirua de jouer une intéressante partie de guitare. Sauf que la musique tournait déjà au règlement de compte. Ils n'allaient faire que poursuivre leur dispute entamée dans les coulisses.
Nothing you say holds any value
Rien de ce que tu dis n'a de valeur
It weaves through the ears like a worm
Ça se tisse à travers les oreilles comme un ver
Searching for light of the masses
A la recherche de la lumière des masses
Motormouth, swallow down shit like you know how
Bouche à moteur, avale la merde comme tu sais le faire
Swallow and shut up
Avale et tais-toi
Motormouth, swallow down shit like you know how
Bouche à moteur, avale la merde comme tu sais le faire
Give it all you've got
Donne tout ce que t'as
You're just a click away from the fame
Tu n'es qu'à un clic de la célébrité
Les paroles décrivaient parfaitement tout ce que Gon reprochait à son partenaire. Kirua le comprit sur l'instant, mais lui en avait peut-être pris conscience depuis longtemps. Et s'il avait orienté leur choix justement pour ces paroles ? Et si, depuis le départ, il attendait sa prise de conscience, agacé par son quotidien de nouvelle célébrité ?
Give it all you've got
Donne tout ce que t'as
You're just a click away
Tu n'es qu'à un clic
Eat shit, motormouth
Mange de la merde, bouche à moteur
Swallow all of it down
Avale le tout
You're pretty when you put the face on
T'es joli quand tu mets ce visage
And when you shut that mouth
Et que tu fermes cette gueule
Those chattering teeth lose my sympathy
Ces dents qui claquent ont perdu ma sympathie
Got a lot to say ?
Tu as beaucoup à dire ?
You've gotta leave it out of the game you play
Tu dois abandonner le jeu auquel tu joues
Oh, mannequin what brings you to move ?
Oh, mannequin qu'est-ce qui te fait bouger ?
You've gotta leave it out of the game you play
Tu dois abandonner le jeu auquel tu joues
Tell me, mannequin what brings you to move ?
Dis-moi, mannequin ce qui te fait bouger ?
Tell me
Dis-moi
You've gotta leave it out of the game you play
Tu dois abandonner le jeu auquel tu joues
La stupeur s'était changée en colère. Kirua ne l'avait plus lâché des yeux. Il le haïssait désormais. Il le haïssait comme son plus grand ennemi. Plus qu'Hisoka. Plus que sa famille. Gon était le pire de tous. Et il allait le lui faire payer.
Un sourire sordide naquit sur son visage alors qu'il activait son Nen sans lâcher son partenaire des yeux. Un éclair d'une blancheur aveuglante envahi toute la scène. Le corps de Kirua s'illumina de la tête aux pieds. Le son de sa guitare redoubla de puissance, faisant saturer les enceintes trop faibles pour contenir une telle force.
Le public devenu ingérable s'était mis à hurler et sauter d'excitation face au spectacle. On n'avait encore jamais vu une telle représentation. Tout semblait vrai. De la haine sur les traits fluorescents de Kirua au rictus méprisant de Gon, qui s'était retourné en riant avec cynisme devant la cruauté de celui qu'il avait longtemps considéré comme son ami. Seul un membre du public savait à quel point cet instant était réel. Mais Hisoka, assis au premier rang, s'en délecta, comme tous les autres.
Gon, hors de lui, fit volte-face reprit de plus belle :
Only a conscience can stop me from beating you in
Seule une conscience peut m'empêcher de te frapper
Not on the side, not on the side of the fuck-stain you leave on the Earth
Pas du côté, pas du côté de la putain de tache que tu laisses sur Terre
I may not be the force constricting sin
Je ne suis peut-être pas la force qui limite le péché
But you defile this planet
Mais tu souilles cette planète
There's shit in your grin
Il y a de la merde dans ton sourire
No way I can end this screaming alone
Il n'y a pas moyen que je finisse ça en gueulant tout seul
No way we can stop this unless we choose to grow
Il n'y a pas moyen que nous arrêtions ça, à moins que nous choisissions de grandir
Mais ce fut trop pour Kirua. C'était trop simple, après tout ce qu'il lui avait envoyé, de lui proposer une trêve. Il n'entendait que des mensonges dans ces dernières paroles. Il n'y avait plus de moyen d'arrêter ce qu'ils venaient d'entamer. Aussi, lorsqu'il prit le micro, il ne fit qu'achever d'enfoncer le clou qu'ils avaient commencé à planter ensemble.
What will they find, digging around in that oh so empty mind ?
Que trouveront-ils en fouillant dans cet esprit si vide ?
Ils se regardèrent alors, et de leur regard mutuel, ils se mirent enfin d'accord. Leur relation s'arrêtait là.
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Je suis désolée ! Ne me détestez pas ! Soyons francs... A ce niveau, ce clash était inévitable. Et j'espère que vous me pardonnerez un jour... Je dois avouer que je suis vraiment fière de cette scène. Je l'avais en tête depuis vraiment vraiment très longtemps. Le moment où Kirua balance le Nen en jouant de la guitare, je l'imaginais depuis le tome 3 d'Envol, c'est vous dire. Bon, dans mon esprit, le contexte n'était pas si sordide, mais j'avoue que je suis très contente d'avoir enfin couché cette scène sur papier.
J'espère que le chapitre vous a transporté à défaut de vous plaire, et je vous promets que je saurai me faire pardonner d'ici la fin de cette histoire. D'ailleurs, c'est avec plaisir que je vous annonce que nous sommes arrivés à la moitié du récit !
Bisous à tous !
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