Chapitre 4: Dispute et réconciliations

- Parce que nous sommes des femmes, coupa Pandora alors que Caesar essayait de reprendre le fil.

Le public rit, ainsi que Morgane.

- Parlons plus sérieusement, dit le présentateur avec un grand sourire, passant une main dans ses cheveux verts. Qu'est-ce que ça fait d'être mélangés entre riches et pauvres ? Je vous rappelle, chers auditeurs, que pour les district 8,9,10,11 et 12, les tributs ont été tirés au sort en fonction de la classe sociale !

- Et vous avez apparemment oublié de séparer filles et garçons, ironisa Morgane.

- J'adore ! rit Caesar. Ces petites ont le rire dans le sang !

Ne vous inquiétez pas, notre sang, vous le verrez assez dans l'arène.

- Et bien, concernant cela, dit Pandora, plus sérieuse, je crois que nous n'avons pas mis longtemps pour nous apprivoiser l'une l'autre.

- Donc toi, Pandora, tu es issue d'une famille riche ?

- Oui. Mes parents sont vendeurs de fourrure. Ils vendaient des boeufs avant mais depuis au moins une dizaine d'années, il vendent juste la peau des animaux.

- Et c'est pour cela que tu as deux chiens ? demanda le présentateur en montrant Tili et Yuki.

- Chien-loups !

- Redoutable ! Ils sont très impressionnants.

- On se demande encore si on les prendra dans l'arène, dit Pandora.

Elle savait que c'était faux mais préféra crâner. Au vu des districts qui étaient passés avant, avec une classe imparable et une dangerosité qui paraissait élevée, elle voulait montrer à tout ceux-là qu'elle n'était pas insignifiante non plus -bien que ce soit partiellement vrai-.

- Waw ! Un tonnerre d'applaudissements pour... C'est quoi leurs noms ?

- Yuki, et Tili !

Les deux chiens, qui regardaient le public avec curiosité, se relevèrent vers Pandora, qui grattta leur fourrure alors que le public applaudissait.

- Donc, la fourrure qui se trouve sur le vêtement de Morgane, c'est du chien-loup, plaisanta Caesar.

Morgane rit:

- Je vous avoue que je ne connais même pas la provenance de cette fourrure.

- D'ailleurs, vous ? Racontez nous un peu !

- Moi ?

Morgane regarda Pandora, puis le présentateur, avant de déclarer:

- Je suis éleveuse de moutons, mais je botte aussi des culs. Dans l'arène.

Le public se mit à rire, encouragé par Caesar:

- Excellent ! Vous êtes le duo gagnant, vu votre sens de l'humour ! On a jamais autant ri sur le plateau ! Et quels sont vos talents, jeunes femmes ?

Pandora serra la mâchoire. Cette question, Caesar l'avait posé à plusieurs reprises aux tributs. Pour afficher leur force, les districts répondaient à cela par de nombreuses démonstrations. L'un des premiers districts avait fait des pompes, en équilibre sur son fauteuil. Chose impressionnante qui avait fait forte impression dans le public.

Seulement, ni Morgane ni Pandora n'avaient ces capacités-là. Morgane était plutôt douée en arts martiaux, et elle avait de bons réflexes. Seulement, rien qui puisse réellement attirer l'attention du public. Pandora, c'était encore pire.

- Talents ? Vous voulez rire. Regardez la beauté de Pandora, regardez donc ses yeux bleus en amande, ce regard attendri. Ses magnifiques joues, et ses lèvres parfaites. Aucun homme sur cette terre ne résisterait à sa beauté parfaite ! dit Morgane haut et fort.

Pandora se figea. C'était totalement inattendu. Elle s'attendait de la part de Morgane qu'elle dérive du sujet pour éviter la question, mais elle inventait des choses. Elle n'avait pas la beauté enchanteresse des filles des premiers districts, ce n'était que du maquillage...!

- Regardez, elle rougit ! remarqua le présentateur, ravi. Voilà de beaux compliments, jeune femme.

Le public applaudit un peu, alors que Pandora protestait:

- Mais voyons ! Elle parlait d'elle. De plus, Morgane manie parfaitement le couteau. C'est une professionnelle.

- Oh ! Parlez-nous donc de cela, Morgane. Vous nous cachez des choses !

- Trois fois rien. Je suis douée au coutelas. On m'a appris quand j'étais jeune.

- Avec qui ?

- Mes frères. Comment dépecez-vous un morceau de viande sans couteau ?

Il resta perplexe. Pandora se souvint que les citoyens du Capitole étaient en fait d'énormes fainéants qui ne faisaient rien de leurs mains. Elle regarda, affligée, sa camarade tenter d'expliquer ce qu'elle avait appris, sans vraiment chercher à comprendre.

La fin de l'entretien arriva vite, Caesar leur serra la main à toutes les deux, octroyant Tili d'une caresse qui satisfit celui-ci.

Elles sortirent de scène.

Lorsque le grand rideau noir engloutit Pandora, elle défaillit. Elle tomba à genoux, tout les sens hurlant dans sa tête. Trop chaud. Trop lumineux, trop bruyant, trop de monde, trop de mots. Ses oreilles bourdonnaient, il y avait des taches noires dans sa vision, ses membres tremblaient.

Morgane s'accroupit devant elle, alors que des membres du STAFF passaient, curieux. Morgane posa une main sur la joue chaude et fiévreuse de Pandora, et dit d'une voix calme et chuchotée, pour ne pas qu'on l'entende sur le plateau:

- Tu as été fantastique. Regarde-moi, et dit que t'as été fantastique.

- Je ne veux pas te regarder, dit Pandora sur le bout des lèvres, des sanglots coincés dans la gorge.

- Pourquoi ?

- Je... Ça me fait bizarre, après, répondit la jeune femme. Pourquoi t'as fait ça avant de rentrer sur le plateau ? Pourquoi tu as rapproché ton visage comme ça ?

- Tu ne voulais pas ? demanda Morgane.

- Ça m'a troublé, dit Pandora, se noyant dans ses yeux.

- Désolée. Je ne le referais plus.

Pandora et Morgane se turent, les deux envahies par un immense sentiment de frustration. Elles étaient toutes les deux assises au sol. Morgane tenait le visage de Pandora dans ses mains, calmant sa respiration entrecoupée, son visage à deux centimètres.

- Respire profondément.

Pandora ne tint plus, et approcha ses lèvres de celles de Morgane. Qu'est-ce qu'elle rêvait de l'embrasser. Qu'est-ce qu'elle rêvait que quelqu'un vienne la chercher et lui dire que tout cela n'était qu'un rêve. Putain ! Elle allait mourir sans connaitre l'amour. Sans avoir trouvé d'homme à son pied. Sans s'être mariée. Sans avoir présenté son petit copain à ses parents.

Et puis elle se rendit compte que la seule chose qui comptait, à ce moment-là, c'était les lèvres de Morgane contre les siennes.

Ah oui ? Elles s'étaient rapprochées bien vite. Leurs lèvres se touchaient avidement. Peut-être que Morgane y était pour quelque chose, aussi. Peut-être que le parfum enivrant du deuxième tribut l'empêchait de réfléchir correctement et qu'elle ne pensait plus désormais qu'à leurs souffles qui s'entremêlaient, qu'à leurs lèvres qui se découvraient. Pandora était comme ivre de sa peau, ivre de ses doigt qui touchaient ses joues. Tout son corps tremblant s'était détendu pour reposer contre celui de Morgane qui l'enveloppait comme une aura protectrice.

Lorsqu'elle manqua d'air, Pandora se reposa contre la poitrine de Morgane, soudainement fatiguée par cet élan d'excitation passagère qui l'avait habitée. La fatigue la prit soudainement et elle s'endormit, léthargiquement.

- Écoute, Pandora, arrête de faire l'ingénue, dit Morgane en frappant dans le sac.

Le sac se balança entre les deux jeunes filles, sur le rythme des poings de la plus grande. Pandora elle aussi, portant des gants de boxe. Elle aussi essayait de taper dans le sac mais sa force ne le balançait pas.

- On va continuer toute la journée à ne pas se parler, comme ça ? répéta-t-elle, énervée. Tu vas continuer à me bouder ? Je suis si "méchante" que ça ?

Pandora ne la regarda pas, concentrée sur le sac. Elle frappa plus fort, pour ne pas écouter Morgane qui essayait désespérément de lui parler:

- Écoute-moi ! Je te l'ai dit, je suis désolée pour hier soir. Désolée, c'est dans ma nature de faire de la merde, je peux pas m'en empêcher. Si tu veux, on oublie tout ! On reprend à zéro !

Elle se tourna vers Pandora, les bras ballants, l'air désespérée. Cette dernière en profita pour frapper dans le sac en sa direction. Celui-ci effleura la jambe de Morgane sans la toucher:

- Raté. Tu me fais la gueule parce que je t'ai embrassée, c'est ça ? Parce qu'hier soir après le tvshow, il y a eu ce baiser.

Pandora se tourna vers elle, sourcils froncés:

- Ne prononce pas ce mot.

- Un baiser ? Mais putain, Pandora, t'es juste en train de nier la réalité ! Ouais, on s'est embrassées. Pourquoi ça te met dans cet état ? J'oublie tout, promis ! Out of my mind, ça ne s'est jamais passé !

- Et les putains de cinq membres du STAFF juste à côté de nous qui nous regardaient comme si on était des aliens, tu les comptes ? dit agressivement Pandora.

- Oh, ben peut-être que si tu m'avais pas embrassé, ça serait pas arrivé, répondit Morgane.

Face à l'air incrédule et outré de la blonde, elle continua de parler, balançant rageusement ses gants au sol:

- Et ben oui, madame je pète plus haut que mon cul. C'est TOI qui m'a embrassé, et tu es en train de me le reprocher depuis ce matin ! Pendant tout le repas, j'ai eu droit à ton air ronchon de poupée de porcelaine !

- Je t'ai... Tu as continué le mouvement, lui reprocha Pandora.

- Nan mais j'hallucine.

Morgane se posta devant Pandora, le sac de sable s'immobilisant.

- Attend. Moi j'essaie de passer l'éponge sur TON geste, parce que oui, même si j'étais consentante tu m'as même pas demandé mon avis. Et puis, c'est quoi cette façon de faire ?

Pandora fronça les sourcils, et soupira, juste devant elle, provocatrice.

- T'es complètement conne ou quoi ? continua la plus grande.

- Et qui est irréfléchie, débile et agressive ? demanda Pandora sur le même ton levant le menton pour être à sa taille.

- Qu'est-ce qui va pas chez toi, bordel ?

Valentin entra dans la pièce:

- Il se passe quoi ici ?

Il les regarda, désabusé. Nul doute qu'elles étaient en pleine dispute. Morgane et Pandora, leur visages à quelques centimètres l'un de l'autre, se regardaient dans le blanc des yeux. la mâchoire de Pandora était crispée, et une veine pulsait dans le cou de Morgane.

- Elle me fait chier, répondirent simultanément les deux tributs.

- Le but n'était pas que vous vous entrainiez l'une contre l'autre, mais bien contre ce punching ball.

- Alors met la dans une autre salle ! Elle n'arrête pas de me parler, dit Pandora, énervée.

- Parce qu'on doit communiquer en tant que tributs du même district, lui rétorqua durement Morgane.

- Arrête de prendre ce ton à chaque fois que tu me parles, dit Pandora en lui criant dessus agressivement. T'es pas ma mère !

- Nan, c'est sûr qu'on pécho pas sa mère, rétorqua méchamment Morgane, la poussant légèrement.

- Hé ! Les filles, arrêtez !

Valentin mit ses lunettes sur son front, fatigué. Il se prit le visage entre les mains et dit d'une voix calme:

- Morgane, éloigne-toi de Pandora s'il te plait.

- Quoi ! Mais c'est elle...!

- Arrête de faire l'enfant. Tu sais très bien que si vous vous énervez c'est toi qui ira le plus fort. Tu t'éloignes s'il te plait. Écoutez-moi toutes les deux. Il reste très peu de temps avant que les Hunger Games commencent. Vous avez très peu de temps pour vous préparer, vous connaitre, devenir la version optimisée de vous-même. Vous allez mourir !

Il enleva ses mains, fixant de son regard dur les deux jeunes filles, qui s'étaient figées, l'écoutant attentivement.

- Vous allez crever ! J'ai vu cet enfer. C'est vraiment... Une abomination, ce lieu. Cet endroit... Est fait pour vous tuer, à petit feu. Il vous tue physiquement, et il vous tue mentalement.

Il les pointa du doigt. La tristesse infinie de son regard frappa Pandora.

- Et si ce n'est ni un participant, ni un élément de l'arène, ni le manque de nourriture ou d'eau qui vous tue, vous gagnez. Vous n'êtes à ce moment-là qu'une loque. Vous savez, mon binôme s'appelle Iris. C'était... Une petite fille. Elle avait 13 ans, lors des Hunger Games auquel nous avons participé. 13 ans ! Et vous savez ce qu'elle a vu ? Un gars se faire décapiter. Oui, juste devant ses yeux. Une fille mourir de faim parce que les putains de premiers districts l'avaient coincés alors qu'elle était en haut d'un arbre. Une personne se faire empaler sur un pic de bois.

Il le regarda, et dit plus fort, plus agressivement:

- Iris. Mon amie, le deuxième tribut. Celle qui m'a aidé à accéder à ce rang... Débile, de survivant. De finaliste. Elle a vu trois personnes mourir. Elle a dû survivre dans cette jungle, tuer, combattre. Vous croyez que c'est humain ?!

- Non, murmura Morgane.

- Non ! C'est horrible. Tu as raison, Morgane. Tu as raison de t'insurger contre ces jeux de la faim. Cependant... Le temps n'est pas à la révolte. Vous devez gagner ! Vous devez vous serrer les coudes pour survivre, ensemble. Ensemble !

- Tu as raison, dit Pandora. Je suis désolée, Valentin.

- Ne soit pas désolé pour moi. Soit-le pour Morgane. Vous ne devriez pas vous disputer, vous êtes des compagnons d'armes.

- Désolée, dit Morgane à Pandora. Je ne t'approcherai plus. Je ne t'adresserai plus la parole, à part à propos des Hunger Games.

Valentin parut satisfait:

- Je ne veux plus voir ni l'une ni l'autre se disputer. C'est compris ?

Elles hochèrent la tête.

- Hey ! Comment ça va ? demanda Pandora.

Léonore lui adressa un grand sourire. Elle avait mit une belle robe bleue et des boucles d'oreilles assorties à ses pupilles marrons. Deux jours s'étaient écoulés depuis leur rencontre, et depuis chaque matin Léonore était chargée de maquiller Pandora.

- Bien, et toi ?

- Mal dormi, avoua Pandora. Yuki a été horrible cette nuit. Elle a vomi sur le tapis parce qu'elle ne digère pas la nourriture d'ici. Et...

La jeune femme baissa d'un ton, en regardant les loges aux alentours:

- Et Morgane, comme toujours, fait la morte. Elle n'est même pas venue m'aider à nettoyer, alors qu'elle était dans la salle de bain.

- Gros ours est toujours fâché ?

Pandora ne répondit pas. Elle n'avait pas raconté la raison de sa dispute avec Morgane à Léonore. La maquilleuse était son amie mais semblait porter un regard dur et jugeur sur ce qu'elle ne connaissait pas. Bien qu'elle soit très amicale avec la blonde, celle-ci ne souhaitait pas recevoir de commentaires sur sa connerie après le tvshow. Sa connerie, oui. Pandora savait très bien que c'était elle qui avait embrassé Morgane, et elle ne ressentait qu'un sentiment indescriptible à propos de l'affaire. Elle avait raconté à son amie que Morgane et elle s'étaient reprochées mutuellement des tords.

- Vous êtes bêtes quand même. Les Hunger Games approchent !

Pandora se mordilla la lèvre. Pourvu qu'elle revienne vers moi.

- Oui, c'est sûr. Dit, Léonore... Tu me trouves jolie ?

- Carrément ! Je n'arrête pas de te répéter que t'es trop canon. Pourquoi tu n'arrêtes pas de poser cette question ?

- Je sais pas. Je ne me suis pas sentie belle, sur ce plateau. Je n'arrête pas de regarder les rediffusions et... Je vois ces premiers tributs, et puis il y a moi. Il y a cette blondasse trop bête pour... Se réconcilier avec la fille qui va potentiellement la garder en vie dans cette putain d'arène, marmonna Pandora.

Léonore la regarda, un sourcil levé. Bien qu'elle ne sache pas toute la vérité, elle voyait bien que Pandora était affectée par cela, et l'attirance que son amie ressentait pour le deuxième tribut lui crevait les yeux:

- Tu sais quoi ? Tu devrais penser à autre chose. C'est quand même dommage que tu rates l'entretien avec les juges juste pour une stupide histoire ! Va donc t'entrainer.

Pandora soupira et l'écouta quelques temps lui donner des conseils sur un entrainement précis pour avoir de beaux abdominaux. Chose qui lui parut complètement désuète parce qu'elle allait mourir dans l'arène. Soit.

- Les filles, vous êtes prêtes ? demanda Valentin en passant la tête dans la loge de Morgane.

- Oui, répondirent-elles.

Leur routine d'entraînement reprit. Pandora répétait inlassablement les même gestes, monter, descendre à la corde, se faufiler habilement, esquiver les projectiles...

Elle s'appliquait à tel point que ses coudes et ses genoux finissaient souvent pleins de sang, et qu'elle était parsemée de bleus. Le premier jour fut horrible mais elle considérait cela comme normal à présent. Morgane s'entrainait, à côté. Concentrée sur le lancer de couteau, le combat rapproché ou le camouflage, elle ne lançait pas un regard à Pandora. Cela la vexait un peu.

- Allez, plus vite ! disait Valentin en frappant dans ses mains.

La sueur dévalait le front de la plus grande des deux. Elle frappait, esquivait, frappait à nouveau son Mentor sans arriver à lui faire mal. Celui-ci, dur, la rappelait à l'ordre en lui donnant des petits coups au visage:

- Frappe plus fort ! Aucune pitié ! Allez, ne fait pas la précieuse !

Morgane gardait les dents serrées, silencieuse, et augmentait de vitesse, de précision. Toujours plus, toujours meilleur.

- Attend ! essaya-t-elle de dire.

Elle trébucha sur un sac de sable et tomba au sol. Valentin s'accroupit, lui aussi en sueur:

- Hola ! Ça va ?

Morgane releva la tête avec hargne, elle se tenait l'arrête du nez, un peu de sang sur les doigts. Pandora, qui regardait la scène depuis le début, croisa le regard de la jeune femme, et revint à ses occupations.

Le Mentor s'occupa de son saignement de nez, avant de dire à Pandora:

- Viens ici !

Pandora lâcha l'atelier qu'elle faisait pour se poster devant eux. Valentin soupira:

- Cet après-midi, vous allez faire une intervention auprès des juges. Vous allez montrer vos talents, et espérons qu'ils ne vous évitent pas au vu de votre district.

- Ils peuvent faire ça ? Mais c'est super injuste.

- En effet. Vous faites partie des derniers districts et vous êtes des filles. Ça ne leur plaira pas.

Morgane jeta le morceau de tissus plein de sang de son nez pour dire avec beaucoup de colère:

- Parce qu'on est des filles.

Un filet de sang traversa sa bouche pour goutter sur son menton. Elle ne prit pas la peine de l'essuyer, bouillonnante.

- J'ai envie de tous vous buter, dit-elle âprement.

Pandora resta silencieuse. Elle aussi. Elle aussi, elle en voulait à tout ceux qui ne voyaient que leur genre ou leur district. C'était un sentiment tellement frustrant. Tellement culpabilisant, tellement prenant.

- Moi aussi, dit Pandora à l'intention du deuxième tribut.

Celle-ci ne prit pas la peine de relever ce qu'elle disait, et cela blessa Pandora. Leur Mentor ne leur adressa cette pause que quelques minutes, le temps de leur expliquer quelle était l'attitude à avoir devant ceux qui jugeront leurs performances.

Elles reprirent leur entraînement jusqu'à leur déjeuner, ce qu'elles n'avaient jamais fait jusque là. Harassée de fatigue, Pandora avait prit trois ou quatre tasses de café, qui l'avaient fait directement filer aux toilettes. Les repas étaient lourds et silencieux. Les deux jeunes femmes étaient mutiques l'une à l'autre, et Valentin passait coup de fil sur coup de fil indépendamment de son rôle de Mentor.

Après avoir fait des longs étirement qui durèrent bien une grosse heure, elles se présentèrent au jury. Celui-ci, peu intéressé, regarda d'un oeil distrait Morgane et ses couteaux. Cependant, pour Pandora, pas un d'eux ne daigna détourner le regard vers elle.

Frustrée et humiliée, Pandora pleura quelques temps après son passage. Morgane lui manquait terriblement, en ce moment-là. Elle aurait aimé être consolée.

- 5, et 1. C'est vraiment très bas. Mais je ne m'attendais pas à mieux...

- Ils ne m'ont même pas regardée ! dit Pandora, désespérée.

Elle s'accrocha à la barre de métal la plus proche, en proie à des tremblements. De colère, de fatigue, de stress. Elle avait mal dormi, bien qu'elle ait abondamment pleuré avant de se coucher. Et le matin, retrouver ses cheveux emmêlés et de grosses cernes sous ses yeux n'avaient fait ni plaisir à la jeune femme ni à sa maquilleuse qui avait dû passer beaucoup plus de temps sur son apparence.

Morgane avait l'air fraiche comme un gardon, à côté d'elle. Elle se posait, calme, et discutait des résultats avec Valentin. Pendant ce temps, Pandora sentait son souffle s'emballer, son rythme cardiaque s'emballer. Arrête, Pandora. Ils te trouveront faible, et le résultat que les juges t'ont injustement donné sera vrai.

Morgane se tourna vers la blonde, qui se recroquevillait:

- C'est bien aussi, 1.

Le coeur de Pandora rata un battement. Son regard se fit flou, non pas à cause des larmes qui menaçaient de couler le long de ses joues mais bien parce qu'elle sentait un sourire fleurir sur son visage. Elle rougit et marmonna:

- Merci.

Morgane resta silencieuse après ces quelques mots. Son acolyte se sentit si calme intérieurement après cela qu'elle prit part à la conversation:

- Qu'est-ce que ça fait, en fait, cette note ?

- Écoute, un peu ! Je viens de dire que ça déterminait votre niveau par rapport aux autres tributs. Ainsi, avec ces notes... Vous n'aurez pas beaucoup de présents.

- Ca va nous compliquer la tâche, hein ?

- Exactement. Cependant, ne vous stressez pas, les filles. Demain, les Hunger Games commenceront. Je veux que vous preniez du temps libre, et surtout que vous dormiez au moins 11 heures cette nuit ! C'est clair ?

Elles hochèrent la tête.

- Je vous laisse.

Valentin ajusta ses verres dorés sur son nez, passa une main dans ses cheveux et s'éloigna de son pas aérien. Pandora se retrouva, penaude, au milieu du Capitole, toute seule. Cependant, elle n'était pas toute seule... Morgane. Celle-ci posait ses gants sur un banc, toujours murée dans son silence.

- Merci de m'avoir dit ça, dit timidement la blonde en s'approchant de la brune.

Morgane se retourna, pour regarder Pandora fixement, sans rien dire. Oppressée par ce long regard qui voulait en dire beaucoup, elle demanda:

- Est-ce qu'on peut... Se réconcilier ?

Silence pesant. La blonde se tordit les mains et dit:

- Je sais que j'avais tord. D'accord ? On s'est disputée mais tu avais raison. Mais... Je ne veux pas l'admettre parce que je pense que c'était passager, tu comprends ?

- Qu'est-ce qui était passager ? demanda Morgane.

- Mon attirance pour toi.

Morgane ouvrit grand les yeux avant de demander:

- Wow ! Quel travail sur toi ? C'est quoi l'adresse de ta psy ? Faut que j'aille la voir, les résultats sont surprenants !

- Mais arrête de te moquer de moi, merde !

Voyant que Pandora ne rigolait pas, Morgane lui répondit:

- Écoute, Pandora. On se connait pas, après tout, non ? Je sais même pas si on est amies, si on s'apprécie. Depuis le début, tu es soit froide, soit chaude. Moi, j'essaie d'être sympa. Je sais, je fais de la merde. C'est un peu ma marque de fabrique, tu sais, parce que de là où je viens c'est plus simple d'être dure avec les autres.

- Je sais, murmura Pandora.

- Et toi tu me fais des faux espoirs. Puis tu m'engueules, tu me regardes de haut... Je fais quoi, moi ? Comment je suis sensé le prendre ? Je te déteste jusqu'à ta mort ou je ne prend pas compte de tes paroles offensantes et je t'embrasse ?!

Pandora fut surprise de ces propos. En effet, sa camarade ne semblait pas énervée, comme lors de leur dernière dispute d'il y a quelques jours. Non, elle était excédée, sans colère.

- J'avais cru que je t'avais embrassé sans ton consentement, avoua Pandora, honteuse.

Le temps de réponse de Morgane parut à la blonde une attente interminable. Elle regarda son visage, stressée. Le moindre mouvement de ses lèvres, le frémissement de ses joues lorsqu'elle dit:

- T'inquiètes. C'est un peu cul-cul, tout ça, non ?

La réponse et l'air décontracté de la plus grande des deux vexa Pandora:

- Imbécile ! Laissa t elle échapper.

- Quoi ?! Demanda Morgane, en se protégeant des poings de Pandora qui la frappait. Tout ça c'est ridicule. C'est... J'ai fait un pas vers toi, Pandora. À toi de montrer que t'as des valeurs.

Elle sourit, posa une main sur l'épaule de la blonde, puis sortit.


- Ne stressez pas. Ne touchez pas non plus aux caméras et a la puce électronique dans votre cou, ça risquerait de s'infecter.

- Pourquoi ? On pourrait l'enlever.

- Désinfecter dans l'arène est un privilège prisé. Pars du principe que tu ne pourras pas le faire.

Pandora massa sa nuque, où une petite boule de chair lui faisait mal. On lui avait injecté ça pendant la nuit, ce qui avait totalement révolté Morgane.

"Putain, tu te rends compte ! Si on dormait à poil, ça les aurait gênés ? C'est une violation de notre consentement, imagine qu'ils nous aient fait autre chose dans notre sommeil ?!"

Elle déglutit en repensant au long monologue auquel elle avait été témoin de sa part. Cependant, Morgane était une fille intelligente. En présence d'autres gens que sa partenaire et son Mentor, elle se taisait. Pandora comprenait de mieux en mieux la lueur de fureur pure dans son regard, qui ne s'éteignait jamais vraiment. De quels autres événements terribles avait elle été le témoin pour être autant en colère ? Elle n'osa pas lui demander. C'était vrai, elle n'était qu'une petite gosse de riche, fille d'un partisan du Capitole. Comment pourrait elle comprendre ?

Malgré le fait que Morgane ne la ridiculise plus avec ces termes, ils restaient dans son esprit, la poussaient à aller plus loin dans ses exercices, à tirer mieux à l'arc, à se relever après avoir les genoux en sang. Comment pouvait elle prouver autrement qu'elle ne se résumait pas a sa classe sociale ?

Morgane et Pandora s'étaient réconciliées. De plus, laa tension commençait a monter. Peu a peu, les seules conversations que Pandora avait avec la maquilleuse se concentrait sur l'arène alors qu'elles avaient l'habitude de parler de tout et de rien. Les citoyens du Capitole qui la croisaient lui lancaient des petits regards désolés. Comme lors de la Moisson, elle pouvait entendre les voix dans son dos. "Elle est trop menue, elle va vite mourir... Pauvre petite, si belle et jeune"

En parler à Morgane lui avait été impossible: celle ci était très occupée à discuter stratégie avec Valentin. Les conclusions qu'ils en tiraient revenaient le soir même car Morgane lui racontait souvent ses journées à ce moment-là. De plus, la blonde se prenait de plus en plus de remarques de la part de son Mentor. "Plus vite !" "C'est nul, tout ça !" "Tu crois que tu vas t'en sortir en faisant ça ?!"

Bien que le but de Valentin ne soie que de la pousser à faire de son mieux, elle se sentait usée et pataude. Rien à voir avec les résultats de Morgane, qui était toujours félicitée. Elle était grande, douée et intelligente. Pandora se sentait en marge, silencieuse et seule. Ces moments ne duraient jamais: elle reprenait inlassablement ces exercices. Depuis combien de temps était elle au Capitole ? Seulement deux semaines. Mais elle connaissait par coeur les couloirs de ses appartements, ainsi que les employés et les Muets chargés de les assister. Concernant ces derniers, Pandora s'était habituée aux remarques étranges, égocentriques et dénuées de sens des maquilleurs.

Kaloss la complimentait toujours sur sa beauté, faisait toujours des allusions sexuelles très gênantes mais la blonde ne le prenait plus personnellement.

Les Muets étaient des gens serviables, pratiques et surtout très silencieux. Morgane avait beaucoup de mal avec le fait que les Muets soient d'ancien rebelles. Cependant, elle s'était assagie et suivait les règles insensées du Capitole comme une parfaite petite fille.

Et elle se rendit compte que cette dernière journée dans la cage dorée que représentait le Capitole était finie.

Le temps avait passé tellement vite. Elle se sentit vide, dénuée de sentiments, lorsqu'elle fut poussée, bringuebalée comme un stupide paquet dans un jet. Dans une autre dimension, elle ne voyait pas le visage apeuré, animal, de Morgane. Tapies dans le jet, elles se tenaient la main. Les Hunger Games n'étaient qu'à quelques minutes de là, mais Pandora n'y pensait pas. Elle pensait à Yuki et Tili. À sa mère, son père. Que penserait il, lorsqu'il verra sa fille tuée de la main de celui qu'il admirait ? Le Capitole lui semblait tellement inatteignable, tellement rassurant. Avait ils le droit de lui enlever la seule chose à laquelle il croyait ?

Pandora secoua la tête. Ils étaient arrivés.

- Pandora, murmura sa coéquipière, l'air alerte.

- Morgane.

- On va gagner, hein ? On va être les tributs finalistes.

Pandora sentit dans sa voix qu'elle était terrifiée. Morgane serra sa main dans la sienne, malgré la sueur qui coulait entre leurs articulations.

- Oui, dit Pandora calmement. On va réussir, tu m'entends ?

Morgane déglutit, et hocha la tête. Elles se regardèrent, et sortirent ensemble pour entrer dans un étroit sas.

"Bienvenue dans les Hunger Games ! Je suis votre présentateur préféré, César, pour les intimes ! N'hésitez pas à regarder en streaming les dernières news sur les premiers districts qui s'annoncent chaud bouillant ! Dans quelques secondes, nous assisterons... À l'ouverture de ces Hunger games !"

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