✺Chapitre 30: L'Affrontement final

Cassiopée essuya les larmes dans ses yeux. Sa lèvre inférieure tremblotait, elle avait le souffle court. Elle avait le sentiment que ses pensées voletaient, deçà-delà au dessus d'elle, comme un nuage annonciateur de mauvaises nouvelles. Tout se chamboulait à l'intérieur d'elle, comme si ses organes, d'un commun accord, avaient décidé de chuter à l'intérieur d'elle-même.

Elle ne savait pas. Elle ne savait rien. Elle était face à dilemme cornélien. Comme si tout ses souvenirs, depuis sa tendre enfance, décidaient soudainement de prendre congé et tournaient le dos à leur propriétaire. Toute sa vie, on lui avait donné un but. Le premier fut de faire les Hunger Games. Chaque jours, elle s'entraînait pour un jour se porter volontaire et gagner ainsi les Jeux de la Faim. Puis, ce fut de protéger Franck, l'amour de sa vie. Après sa mort, elle fut bannie par son père. Depuis, son but était tout naturellement de regagner sa confiance et son amour...

Pourquoi cela changeait il soudainement ? Quelques mots de la part de Kaloss, et elle pensait à renoncer à sa famille ? À son père ?

- Quelle fille indigne tu fais, dit celui-ci avec froideur.

Elle hoqueta, et se raccrocha à sa manche. Elle se fichait bien de ce à quoi elle ressemblait. Elle avait tant besoin de lui, tant besoin qu'il l'aime ! Elle ne supporterait pas de le voir partir une nouvelle fois, et agrippait son manteau avec force.

- Je suis désolée... Père.

Ces mots lui semblèrent étrangers à sa bouche. Mais pour une raison qui lui semblait inconnue.

- Ne sais-tu pas pourquoi je voulais que tu te maries avec cet homme ?

Elle hocha négativement la tête, en proie à une terreur enfantine.

- Au lieu de refuser bêtement, de contredire les ordres de celui qui a tout fait pour te donner une vie dans l'aisance et la puissance ...!

- Dites, murmura la blonde, qui semblait défaillir sous les mots plus que durs de son paternel.

- Tu crois vraiment que c'est le moment de faire ton ingénue ? Cassiopée, enfin. Notre lignée s'est perpétuée au fil des âges, parce que les filles, qui deviennent femmes, se marient et ont des enfants.

- Des enfants ? répéta Cassiopée, la tête vide.

- Pourquoi se marier, sinon ? demanda avec médisance l'homme en costume.

Il chassa d'un revers de la main dédaigneux la main crispée de la blonde sur lui.

- Des enfants avec Servilus ? demanda Cassiopée.

Sur son visage se traduisit l'horreur de ce qu'elle venait de comprendre. Qu'elle se sentait bête, ainsi, à ne pas avoir compris ce que son père avait fait comprendre ! Il était pourtant simple que d'imaginer la suite d'un mariage arrangé de cette sorte...

- Je... C'est hors de question que je me marie avec ça, dit-elle.

- Nous connaissons tout deux très bien la nature de ce Zachary Servilus. Seulement... T'ai je laissé le choix ? Ces petites frappes du district 10 t'ont fait oublier où était ta place apparemment.

Il la regarda avec colère, et leva la main. Par un réflexe, Cassiopée se protégea de ses avant-bras, les mettant juste au-dessus de sa propre tête... Mais André Price recommençait à parler, comme si de rien n'était.

- Tu te marieras avec lui. Sinon, j'ai une autre option mais... Assurer une descendance avec lui était plus simple que l'autre homme.

- L'autre homme ?

Ness ?

- Un voyageur. S'il ne reste pas avec toi, comment peux-tu tomber enceinte ?

Le regard qu'il lui lança lui donna des frissons. Elle s'éloigna, comme brûlée. Non. Son père ne faisait pas ce qu'il fallait. Pas du tout.


Morgane connaissait la voix de celle qui venait de parler. Mais impossible pour elle d'ouvrir les yeux. La fatigue et la douleur prenaient le pas sur ses sens, et elle se sentait peu à peu perdre connaissance.

Ness, au contraire, put se retourner. Mais ses mains étaient solidement plantées sur le sol, pour immobiliser la brune. Anne-Lise mit plusieurs coups à leur captive entretemps, qui étouffa une complainte. Une grande femme aux cheveux bruns s'était postée devant eux, une flamme ardente dans ses yeux bleus. Elle avait nonchalamment posé une main sur sa taille, prenait appui sur une de ses jambes seulement.

Elle tenait dans sa main une dague cerclée de jade, mais ne la brandissait pas. Dimitri la regarda des pieds à la tête avant de prononcer son nom avec colère:

- Mentore... Vous n'auriez jamais dû venir ici.

Il enjamba les pieds immobilisés de Morgane Clay pour venir se poster en face d'Iris, et de sortir rapidement de son fourreau une longue épée posée initialement sur un des meubles. Elle le regarda sans bouger... Ce qu'il trouva extrêmement suspect.

- Que personne ne sorte vivant d'ici, gronda Ness.

Il regardait la scène avec animosité, dardant des yeux noirs sur Iris. Il s'était tourné pour cela, et ne pouvait donc voir l'homme derrière eux, qui posa avec vivacité son pied sur le dos d'Anne-Lise:

- Vous ne croyez pas si bien dire.

Le plafond remua tellement, soudain, que Dimitri crut voir le sol s'affaisser sous ses yeux... Il ne savait pas ce qu'il se passait, mais c'était dangereux. La rousse, assise sur sa victime, ne put se retourner alors que l'homme lui donnait un grand coup de pied qui l'éjecta de la brune.

Cet homme n'était autre que Valentin. Dès qu'il leva les yeux vers Iris, elle lui adressa un petit sourire. C'était le signal. Tout le monde, sous le coup de la surprise, s'était tourné vers Valentin. Avec la distraction de la première apparition, ils n'avaient pas vu qu'ils étaient deux. La femme en profita pour s'écarter de Dimitri, dont la pointe de la lame lui faisait légèrement peur. En la voyant bouger, les regards se tournèrent à nouveau vers elle.

Dimitri donna un large coup d'épée dans l'air, fauchant ce qu'il pouvait, mais la Mentore était désormais hors de portée. De plus, il était déconcentré par ce qui se passait derrière lui. Iris planta brièvement son poignard dans son épaule, et le Rebelle poussa un glapissement de douleur.

Anne-Lise s'était relevée, elle grommela quelque chose. Dans sa voix, un soupçon de peur et d'inquiétude se faisait entendre... Et elle avait raison. Son compagnon d'armes, immobilisé car il devait immobiliser Morgane, se prit la semelle de Valentin en plein nez.

Il était accroupi sur la tête de la brune qu'il maintenait au sol, et, déstabilisé, il tomba lamentablement en arrière. Même sans armes et sans capacités physiques extraordinaires, Valentin impressionnait.

Il ignora Morgane qui fut prise d'une quinte de toux sanglante, et tenta de frapper Anne-Lise à la tête. Le corps de Morgane était entre eux deux, et il ne parvint à la toucher. Elle se baissa à temps, et sauta par dessus le corps étendu pour charger le Mentor, qui perdit l'équilibre.

Iris donnait des coups avec son arme là où elle pouvait. Il ne serait d'ailleurs pas improbable qu'elle ait touché Valentin, tant elle le faisait aveuglément. Ses gestes, bien que parfois grotesques et peu précis, firent reculer Dimitri et Ness. Ce dernier n'étant pas armé.

Après quelques instants de flottement, Valentin réussit à donner des coups et à Ness, et à Anne-Lise. Iris s'était faite acculer contre un mur par Dimitri contre des murs de terre du bunker, mais arriva à attraper le lustre et donna un violent coup de genou dans le ventre de son adversaire.

Il leur arrivait de tous s'arrêter net et de contempler les fissures du plafond, avec inquiétude. Rebelles et Capitoliens, tous prenaient une pause et partageaient la même anxiété. Puis, ils reprenaient les combats.

Morgane était toujours au sol, incapable de se lever. Elle se prenait parfois les pieds de Anne-Lise qui virevoltait entre les deux Mentors. Il lui semblait que quelque chose s'était brisé en elle. Non pas mentalement, bien sûr ! Une de ses côtes, ou son coccyx, lui brûlaient le corps et elle avait envie de hurler. Le sol tremblait maintenant comme sous l'effet d'une batterie effrénée.

Elle reprit son souffle, à peine consciente de ce qu'il se passait autour d'elle. Elle entendait le bruit des corps en mouvement, du froissement des vêtements. Elle sentait le gout du sang, de la sueur. Sans hésiter, elle prit un bout de verre qui restait par terre. Anne-Lise avait jeté plusieurs bocaux par terre, et il en résidait un peu partout. Puis, elle leva la main, profitant du manque d'attention qu'on lui donnait, pour entailler profondément une cheville qui passait. Elle ne fit pas attention à la personne qu'elle toucha...

Qui fut Valentin, son Mentor. Le brun poussa une exclamation de surprise et de douleur. L'éclat lui avait coupé la peau si fort que bientôt la peau de sa jambe se colorait de rouge, qu'elle se perçait pour laisser s'échapper un flux dense de sang.

Ness en profita pour plaquer violemment l'homme contre le mur, ses deux mains sur ses épaules. Il était certes plus jeune que son ennemi, mais avait la carrure d'un rugbyman. Ainsi, le Mentor se retrouva vite bloqué. Iris regarda du coin de l'œil la scène se dérouler, mais elle ne pouvait rien faire.

Elle n'avait jamais été douée en ce qui concernait la défense, et se retrouvait complètement désœuvrée face à une jeune femme assez rapide, armée de bouts de verre dans les mains. Après quelques coupures et de l'énergie perdue, la brune battit en retraite avec un grondement de chat furieux.

Elle tourna la tête pour voir que Valentin essayait vainement de s'échapper, sans succès... Avant de se prendre un gros coup de poing de la part de Dimitri. Sonnée, elle s'écroula sur une chaise renversée, sans dommages. Elle sentit son sang battre à ses oreilles alors qu'Anne-Lise se précipitait sur elle pour entailler sa peau nue.

- Vous êtes perdus, dit Ness gravement, en regardant avec colère Valentin se débattre.

- Nous ? crachota la brune en le toisant de son regard clair.

- Pardon ?

- Je crois plutôt que c'est vous qui êtes perdus, dit Valentin en ricanant, malgré sa grimace de douleur.

Anne-Lise poussa un hurlement d'horreur lorsqu'un pan de mur s'écroula sur Ness. Totalement englouti, un nuage de poussière se répandit dans la pièce. Ils ne purent voir qu'une nouvelle personne s'était introduite dans la pièce, par l'énorme trou béant qui s'était créé dans le plafond de terre. Sa voix pourtant résonna entre tous:

- Dépêchez-vo- oh mon dieu.


Pandora venait de surgir de la surface, une énorme machine dans les mains. Il n'était pas sorcier de deviner que l'objet était en réalité une tarière hydraulique d'une taille impressionnante. Une tarière est une excellente machine pour creuser, mais visiblement Pandora ne savait pas vraiment s'en servir. Elle était couverte de terre, paraissait nerveuse et prête à se battre.

Lorsque la poussière se dissipa, elle découvrit alors Valentin qui la regardait avec un mélange de soulagement et d'inquiétude, ainsi qu'Iris qui recommençait à se battre avec Dimitri, lame contre lame.

Elle secoua dans sa main ce qui semblait être un grappin, avant de le lancer au-dessus d'eux. Valentin se rendit compte alors du jeu de lumière du dehors. Le soleil transcendait maintenant le bunker, auréolait Pandora. On aurait dit qu'elle était un ange, vu son apparition soudaine -et plutôt réussite-.

Les yeux de Pandora trouvèrent alors la masse sombre, recroquevillée sur le sol, qu'était Morgane. Son sang ne fit qu'un tour. Parmi mille silhouettes, elle aurait deviné celle de la personne qu'elle aimait en un tour de main. Sans faire attention à Ness, le plus baraqué des Rebelles, qui reprenait ses esprits, à demi coincé sous le tas de terre qui lui était tombé dessus, elle prit délicatement la main de la brune. Elle était tachée de sang, et cela glaça d'horreur Pandora. Que s'était il passé ?!

Mais il n'était pas le moment de se faire ce genre d'état d'âme. Pandora releva Morgane, qui semblait inconsciente, au prix de grands efforts.

- Aidez-moi, lança-t-elle en toussotant, subjuguée par l'effort.

Valentin enjamba le Rebelle enterré, en prenant soin de lui marcher sur les doigts. Il ignora superbement l'insulte qu'il lui lança après cela et aida sa disciple à attacher autour de la taille de Morgane, de la manière d'un baudrier, la corde du grappin.

Un glapissement de douleur de la part d'Iris accentua les battements de cœur de Pandora. Il fallait qu'elle se bouge. Que rapidement ils sortent d'ici.

Sans grande surprise, car le sol tremblait de plus en plus, un énorme pan de mur, au bout de la pièce, s'effondra soudain. Tout fut englouti, chaises, meubles, armes. Anne-Lise recula vers ses adversaires avec épouvante.

Pandora prit la manche de Valentin et l'attira à lui. Derrière elle, elle sentit la main froide de la Mentore sur son épaule. C'était à peu près parfait. Ils n'avaient plus qu'à...

- Donne le signal ! dit Ness à Anne-Lise.

Il lui avait fallu du temps pour s'extirper des gravats, mais il était là. Peu à peu, la pièce se remplissait de poussière, des pans de mur s'écroulaient.

- C'est trop tard ! cria Valentin au milieu des roulements de pierre, et des explosions au dehors. C'est la fin.

Pandora considéra que ces derniers mots étaient le signal idéal, et activa la fonction première du grappin. Son bras failli se décrocher tant la force qui l'attira vers le haut était puissante. L'objet, qu'elle avait prit soin de donner au conducteur de leur fourgon, avait été placé derrière le véhicule. Si elle tirait une fois dessus, l'homme serait chargé d'avancer, propulsant ainsi le grappin vers le haut.

Sauf que la blonde n'avait pas prévu de prendre avec elle trois personnes. Elle serra sa main de toutes ses forces sur la corde, mais faiblissait. Son corps et celui de Morgane frottèrent contre les parois de terre, s'en imprégnèrent.

Mais ils ne furent pas accueillis par des hourras ou des bravos. Dès qu'ils furent trainés à la terre ferme par la camionnette, tout près d'eux, des déflagrations leur vrillèrent les tympans.

Il ne fallut d'ailleurs que quelques secondes avant qu'une énorme zone de terre ne s'affaisse, explosant de partout. Le bunker souterrain venait de sauter, littéralement. Mais Pandora n'avait pas la tête à ça. Il fallait partir, courir, toujours courir. S'ils prenaient la peine de rester quelques minutes, quelques secondes de plus, ils marqueraient leur fin.

Elle se releva, pantelante. Depuis qu'elle avait tenu le grappin sans lâcher, devant soutenir quelques secondes plus de quatre fois son poids, elle avait une douleur à l'épaule. Elle se força à l'oublier lorsqu'elle prit Morgane à l'aide de Valentin, sur ce bras là.

Ils n'eurent pas grand-mal à arriver jusqu'à la fourgonnette, et montèrent dedans. En chemin, ils faillirent plusieurs fois exploser. La zone était fumante, rougeoyante et sinistre. Les arbres cramaient, au mieux ils explosaient en copeaux. Tout devenait aride.

Dans le véhicule, c'était une autre affaire. Valentin avait l'air blessé, mais il n'en prenait pas compte. Il tenait le visage d'Iris, affolé. Il arracha un bout de son tee-shirt pour venir essuyer sa joue. Elle avait une large coupure de la pommette à la mâchoire, et grimaçait légèrement.

- Tu sais, je peux le faire toute seule, dit-elle de sa voix habituelle.

Il la jaugea sévèrement et déclara:

- Je n'aurais jamais dû t'emmener là-bas.

- Pourquoi ? demanda-t-elle, offensée.

- Ca fait chavirer mon cœur de te voir dans cet état.

Le visage d'Iris, bien que terreux comme tout les autres, se colora légèrement et elle sourit. Leurs visages s'approchèrent, comme inévitablement attirés par des aimants. Leurs doux baisers furent interrompu par la toux de Pandora.

- Excusez moi ? J'ai raté un épisode ?

Iris posa sa tête sur l'épaule du Mentor alors que celui-ci se tournait vers sa disciple, un peu gêné:

- Désolé. Et... Non, tu n'as rien raté.

- Mais toi oui. Tu as été un imbécile.

Il se tourna vers Iris qui riait légèrement, et lui pinça sa joue valide, en geste d'affection, mais aussi d'amusement.

- Dit-elle. Alors qu'elle a vraiment cru que j'étais un Rebelle.

- Je ne savais pas !

Pandora les regarda se chamailler avec de grands yeux. Son absence dans la vie sociale de son groupe l'avait elle tant éloignée qu'elle avait raté l'occasion de voir un couple se créer ? Depuis combien de temps étaient ils si proches ? Elle était ravie pour eux. Et voir Iris aussi bavarde et joyeuse était absolument trop mignon.

Son cœur était si léger à présent. Tout ce temps passé à regretter, à se trouver mal, dans son lit... Cela lui avait semblé une éternité, il y a peu. Maintenant, plus rien ne comptait à part elle.

Elle se tourna vers Morgane, étendue sur la couchette à côté d'elle. Ses yeux étaient presque fermés, leur faible éclat luisait légèrement. Pandora se rapprocha d'elle. Physiquement, elle avait besoin de sa présence, de son souffle près de son oreille. Ses mains vinrent, tremblantes, essuyer la terre qui se trouvait sur son beau visage.

Morgane leva les yeux vers elle, toussa à cause de la fumée. Sans rien dire, elles se contemplèrent ainsi.

- C'est donc l'aube d'une nouvelle année qui arrive, déclara Valentin d'une voix de ténor. D'une renaissance.

- Tout a changé, dit Iris en humant avec joie son parfum musqué.

- Et rien n'a changé, dit sombrement Pandora.

- Je fais confiance au futur, murmura Iris. Même si je n'ai plus d'argent.

- Non, dit Cassiopée.

Elle regarda son père. Non, elle ne voulait pas.

- Je n'ai pas envie. Je n'ai pas envie d'avoir peur, je n'ai pas envie de te craindre. Je ne veux pas me marier, encore moins à Servilus. L'amour de ma vie est mort, j'emporterais ça dans sa tombe.

- Quoi ?

- Je ne veux pas ! Non ! J-Je veux être une fille normale.

Cassiopée le poussa brutalement, alors qu'il s'éloignait un peu d'elle, dédaigneux.

- Je veux... Avoir des amis. Être populaire. Je veux qu'on m'appelle quand on a besoin de moi. Je veux qu'on me reconnaisse à ma juste valeur je... Veux m'emporter sur un coup de tête et que ça soit ok. Je veux vivre, bordel !

André Price la regarda de haut, avec médisance. Il la regarda, son visage prenant une couleur étrangement verte.

- Je veux être une fille sympa. Cool, gentille. Je veux me faire marcher sur les pieds sans que ça soit grave. Je veux pas que la vie m'épargne. Ça c'est ok. Mais je veux que toi tu m'épargnes.

Il y eut un long silence, entrecoupé des respirations hachées de la jeune femme.

- Père...!

- Très bien. Très bien, Cassiopée. Tu fais exactement ce que je voulais.

Il se pencha vers elle, et elle plongea ses yeux noirs dans ses iris bleues acier. Il était certain que la petite Price avait les yeux de sa mère. Le même regard perçant, incertain, jugeur. Mais les yeux de son père n'en étaient que pire. La couleur pâle de l'intérieur de ses yeux faisaient ressortir son teint blafard, son air moqueur. Il était maitre, comme à son habitude.

- Tu m'as mis en colère. Je suis extrêmement déçu de ton comportement.

- S'il vous plait... dit la blonde d'une voix mourante, regrettant aussitôt tout ce qu'elle avait dit.

- Non ! Maintenant tu vas m'écouter, petite sotte.

La main d'André attrapa soudain le poignet de la jeune femme. Même si les rides parsemaient son visage, et que ses cheveux étaient blancs, il avait assez de force pour retenir sa fille, qui hoqueta.

- Je te laisse le choix, puisque ces imbéciles t'ont lavés le cerveau. Soit tu vas tuer Morgane Clay et ses deux Mentors... Soit tu t'en remets à moi.

Cassiopée le regarda, figée d'horreur.

Il y a à peine six mois, elle n'aurait pas hésité. Elle aurait monté les armes contre Morgane et Pandora, les aurait tué froidement. Il y a quatre mois, elle n'aurait pas hésité à tuer Morgane seulement. Aujourd'hui, il lui serait incapable de faire une telle chose. Pourquoi demander cela ? C'était de la perversion pure.

Son père la manipulait, en sachant très bien ce qu'elle allait choisir. Elle affronta son regard et dit à regret:

- Je m'en remet à...

- Très bien. Tu pars demain. Je ne te marie pas au doyen, finalement. Trop vieux, compliqué. Plutôt... Au Valet de coeur.


Valentin regarda les deux silhouette par la baie vitrée d'un air protecteur. Derrière ses lunettes dorées, un air doux et heureux prenait place. Il avait plusieurs hématomes sur les bras, sur le torse. Son tee-shirt recouvrait la totalité des blessures, plutôt secondaires. Cependant, un suçon à son cou ressortais, Iris passa ses doigts dessus pensivement.

Il frissonna, conscient de sa froideur, et dit doucement:

- Ca ne m'étonne même pas qu'elle soit là.

- Je me demande comment ça va se passer.

Iris leva les yeux pour regarder à l'intérieur de la chambre d'hôpital, depuis le couloir. Au milieu de la salle vide, un lit blanc. Posée dans les draps comme une morte, Morgane gisait. Elle dormait sûrement, mais Iris eut un doute fugace. Lavée et soignée, elle commençait à ressembler à quelque chose, mais les Muets qui s'occupaient d'elle n'avaient pas l'air très optimiste. Retrouvera-t-elle l'usage de son rein, abimé par les évènements ?

La tête posée sur sa poitrine, la jeune femme dormait en boule. Ses longs cheveux blonds cachaient son visage, mais il n'était pas étonnant que de penser que c'était Pandora. Il était certain qu'elles ne savaient pas qu'elles étaient vues, Morgane même ne devait pas être au courant de tout. Elle dormait depuis plusieurs jours, afin de mieux la soigner.

Iris reporta son regard sur le Mentor, et lui murmura:

- Je retire ce que j'ai dit, Valentin. Tu es un très bon Mentor.

Celui-ci la regarda, légèrement surpris, avant de demander, flatté:

- Tu en doutais ?

- Imbécile.

Elle s'approcha de lui pour l'enlacer, et posa sa tête sur son épaule. Lentement, elle cala sa respiration à la sienne, plus rapide. Sa main vint se poser à l'arrière de sa tête, tendrement. Le Mentor, quant à lui, prit son menton pour tourner sa tête vers lui:

- Tu as dit tout à l'heure que tu étais ruinée ?

- Un doyen m'a tout prit, dit-elle, un peu évasive mais sincère.

- Si tu viens habiter chez moi, ça devrait aller, non ?

Le ton posé qu'il prit trahit un peu de son angoisse, et elle rit légèrement. Son allure timide reprit peu à peu le dessus, elle réfléchit. Elle sentit dans sa voix qu'habiter chez lui voulait aussi dire de partager les dépenses qu'elle ferait avec lui. Et ce n'était pas possible moralement pour elle de dépendre de quelqu'un, et qui plus est de quelqu'un qu'elle aimait.

- Je... Pense que pour l'instant ce n'est pas judicieux.

Elle sourit et voyant son air un peu déconfit.

- J'aime ma liberté. Mais je t'aime aussi.

Valentin sourit, elle répondit à son air joyeux par un petit baiser qu'elle planta sur ses lèvres.

- Ne t'inquiètes pas pour la suite. Ca ira très bien pour moi.

Elle se colla à lui et tendit son cou pour murmurer à son oreille, d'un air espiègle:

- Je te rejoindrais sûrement la nuit, qui sait ?


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