✺Chapitre 25: Morgane se marie
Morgane regarda autour d'elle. Tout semblait se passer à merveille, et son coeur s'emballa de joie. Un grand sourire enfantin se peignit sur son visage.
En montant sur l'estrade, elle faillit se prendre dans tout les froufrous de sa robe. Étais ce Kaloss qui lui avait cousu cette magnifique robe rose bonbon, ou le légendaire Cinna, si connu pour ses costumes iconiques ? Elle ne savait plus, son cerveau était embrumé par la joie, l'allégresse complète qui la prenait. Son corps semblait être un soleil, des rayons en émanait, elle n'était qu'une pure cascade qui dévalait ses marches à l'envers pour arriver devant le prêtre.
Morgane était désormais très religieuse, et en ce lieu sain, qu'était l'église, elle posa un regard nouveau sur l'assemblée. Des milliers de personnes en tout genre se tenaient devant elle. Kaloss, les larmes aux yeux, qui se fourrait dans le nez ses ongles surdimensionnés, Valentin en pleine partie de cartes avec Gadjeel... Quelle belle fille, dommage qu'on ne puisse voir la face gauche de son visage, recouverte de terre, pensa Morgane en lui souriant gentiment.
Elle tourna son visage vers Iris, qui s'amusait, encore une fois, à faire la pitre et qui descendait du plafond du lieu religieux en poirier, en avançant sur les mains. Ses prouesses acrobatiques faisaient beaucoup rire Cassiopée, mais n'amusaient pas Morgane. Toujours à faire l'interessante, celle-ci. Dérangée par les éclats de rire bruyants de la Price, elle la chercha activement du regard, mais ne vit qu'un grand homme blond, aux traits identiques à ceux de celle qu'elle cherchait.
- Bonjour ? murmura la brune, étonnée que son interlocutrice aie disparu.
- C'est un garçon, félicitations ! annonça d'une voix profonde et grave le garçon qui s'avérait être Cassiopée.
- Mais non, tu es une fille, marmonna Morgane en fronçant les yeux.
Perturbée, elle se retourna pour faire face à la plus belle femme du monde. Comment décrire le sentiment immense qu'elle ressentit en voyant Pandora, sa Pandora, dans une robe de mariage ? Son air serein, comme une grande déesse en plein sommeil, son corps svelte...
Elle passa en revue la robe qu'elle portait. Sertie d'un blanc nacré, elle présentait des petits détails de dentelle sur les épaules, dotées de grandes bandes de tissus blanc à la place des manches, découvrant ses délicieux bras. Sa poitrine était retenue par un corset, d'une teinte plus foncée sans détonner avec le reste de la robe. Enfin, la robe s'arrêtait à ses chevilles, légère, pour dévoiler des talons aiguille en peau de dragon. Plus que pratique pour marcher sur des ballons électriques, ce qu'elles prévoyaient de faire durant leur nuit de noce. Mais il n'y avait qu'une seule chose à dire: elle était magnifique. Ce n'était pas sans compter ses grands yeux bleus, la couleur rosée de ses lèvres et ses doux cheveux blonds qui se baladaient au vent.
Elle se tourna vers le prêtre, toute son appréhension était disparue. Celui-ci, éclairé à la flamme de la bougie qu'on agitait devant sa tête, déclara à la foule:
- Bonjour à tout les Rebelles de Panem !
La foule applaudit avec enthousiasme.
- Je suis Dimitri Vlaskoff, et nous allons célébrer l'union interdite... De deux femmes ! Pandora Clay et Morgane Lane !
Pandora hocha la tête, en souriant de plus belle. Morgane écoutait ses paroles, songeuse. Elle pensait déjà à son propre père, qui se trouvait dans la foule, et qui serait décidément très heureux d'apprendre que Pandora et elle allaient se marier.
Alors qu'elle s'approchait, pour dévisager de plus près le prêtre, qui tenait à la main un masque de loup marqué d'une croix religieuse, il commença à lire des paroles sacrées en son intérieur. Sagement, elle l'écouta, tout en se tripotant les mains, serties de bagues.
C'était la large flamme d'un énorme dragon qui éclairait toute la pièce, et donnait des allures fantomatiques au personnage d'église qu'était Dimitri, le rebelle. Les pieds du dragon étaient tenus par une main sûre et agile. Celle de Gabriel. En tournant ses yeux sombres vers lui, il lui fit un signe de la tête, tout en agitant ses cheveux blancs. Elle lui répondit en souriant, avant de rire, vu qu'il s'était transformé en petite flaque rouge.
- ... Je vous déclare... Femme et femme !
Maintenant sertie d'un bel anneau où un H et un G s'entrelaçaient, elle agita ses doigts, ravie. Pandora et Morgane s'embrassèrent, mais la brune ne sentit pas le baiser, puisque soudain, c'était elle qui se retrouvait au bord du vide.
Assise sur l'entrebâillement d'une porte, à des centaines de mètre d'altitude, elle se retenait uniquement grâce à la force de ses bras. Non ! Ne pas tomber ! C'était Pandora, la déesse de la Terre, qui l'attirait en ses flancs, redoutable dormeuse et monstrueuse divinité.
La pression de l'air était si forte que Morgane sentait presque ses yeux éclater dans leurs orbites et rejoindre la terre ferme, si loin d'elle. Elle voulut crier, mais ses poumons ne lui laissaient pas la place de faire quoi que ce soit. Bloquée, les jointures de ses mains devenaient blanches au fur et à mesure que la panique montait en elle.
- Au secours ! hurla-t-elle dans le vent, mais rien ne lui répondit, autre que la porte qui s'envolait, et qui traversait l'atmosphère, éloignant peu à peu la brune de la surface de la Terre, qui devenait de plus en plus petite.
Peu à peu, la Terre s'éloignait, la porte volait loin de ses entrailles grondantes où Pandora, jeune mariée, l'attendait avec fureur. Le souffle court et l'angoisse montant, Morgane sentit ses jambes glisser contre l'entrebâillement de la porte, rejoignant le vide qui se faisait de plus en plus grand autour d'elle.
Avec un hurlement de peur, elle entendit le vent siffler à ses oreilles, marmonnant les mots "Gadjeel...." D'autres mots lui parvenaient mais elle était si angoissée que rien n'aurait pu la tirer de sa torpeur. Réfléchir lui semblait complètement hors de cette réalité.
Et elle tomba.
La grande bouffée d'air que Morgane Clay prit alors eut sur elle un effet apaisant, un retour brutal à la réalité. Ses yeux habitués au noir et à la nuit qui l'entourait repérèrent immédiatement le corps de Pandora, penché sur le sien. Les yeux écarquillés, et la gorge si nouée qu'elle ne pouvait respirer, elle fut agitée d'un soubresaut. Son corps tremblant se tordait, tentant de s'échapper d'un étau invisible.
- Tout va bien.
La voix réconfortante de sa petite amie parvint à ses oreilles. Elle se tourna vers elle dans un sursaut, pour se rendre compte qu'elle avait toujours été là, ses mains posées en geste d'apaisement sur ses bras crispés.
- Ça va aller.
Le drap était collé à sa peau tant elle suait, une sueur froide et chaude qui coulait entre ses omoplates. Elle se sentait brûlante, sale. Les doigts de Pandora pourtant posés délicatement sur ses bras brûlaient sa peau, martelée de bleus.
Elle recommença à respirer normalement lorsque Pandora lui dit, d'un ton doux et protecteur:
- Nous sommes au Capitole. Dans notre chambre. Il n'y a pas de danger. Tu es en sécurité ici.
Morgane posa sa main sur la joue de la jeune femme, n'écoutant que les battements de son cœur et les sifflements furieux de sa respiration. Le temps ne s'écoulait pas dans leur chambre, et les reflets tamisés de la lune éclairaient le visage ensommeillé de la blonde.
- Je veux pas me marier avec toi, murmura Morgane, dans un sanglot étouffé.
Aucune larme ne brouillèrent sa vue, cependant, elle les sentait couler dans sa tête, emplir l'espace. Elle les imaginait se faufiler entre ses vêtements, refroidir sa peau. La noyer toute entière.
- Ce n'est pas grave, Morgane. C'était un cauchemar.
Les lèvres rafraichissantes de Pandora se posèrent sur son front. Le dos tendu et les muscles nerveusement crispés de la brune se détendirent et elle reposa peu à peu son corps contre le matelas, ses cheveux étalés autour de sa tête.
Elle se laissa aller aux soins de sa petite amie, la tête ailleurs. Son corps, son esprit, elle se sentait encore coincée dans ce cauchemar affreux. Ces temps-ci, elle en faisait beaucoup de toutes sortes. Cette nuit-là encore, elle un mauvais rêve l'avait réveillée elle et sa petite amie.
Celle-ci murmura d'un ton apaisé :
- Tu as rêvé que tu te mariais avec moi ?
- Oui. Mais que tu voulais m'engloutir.
- Oh.
Pandora se blottit contre le grand corps sa petite amie, espérant lui apporter tout le réconfort dont elle avait besoin, malgré le fait qu'elle était à demi réveillée. Elle murmura de sa voix claire:
- Ce n'était pas moi, avant, dans tes rêves.
- C'était tout le monde.
- Mais je voulais t'"engloutir".
- C'était un rêve.
- D'accord, amour. Tu peux te rendormir ?
- J'ai chaud, marmonna Morgane, en passant ses doigts sur son propre front, baigné de sueur.
Pandora hocha la tête, et elle retira momentanément la couette pour passer ses mains en dessous du tee-shirt humide de sa compagne et de lui enlever. La peau de Morgane, pour la première fois depuis quelques semaines, lui était dévoilée.
- Oh...
✺
"Bonjour, monsieur Snow"
"Charmante petite dame, belle et sans artifice, Louve... Que me vaut cet immense plaisir que de vous avoir au téléphone ?
"Je suis venue parler."
"Oh. C'est vrai que vous m'harcelez depuis le début de la Moisson. Vous êtes tant pressée que cela d'avoir un stupide antidote ? Deux chiens sont morts, et alors ? Des centaines d'animaux meurent tout les jours et je n'en suis pas moins triste."
"Êtes-vous triste pour quelque chose, autre que votre propre petite personne ? Je croyais que vous alliez me donner cet antidote."
"Vous savez, j'ai toujours eu tendance à affirmer que la maladie de Chwartz n'était pas très grave. S'il n'y a que les animaux qui en meurent, je ne v-"
"Arrêtez de jouer à l'innocent."
"Moi ? Jouer à l'innocent ? Mademoiselle Louve, je vous trouve bien culottée de dire ça. Combien de choses vous me cachez encore ?"
"Beaucoup, et ça ne fera qu'empirer, croyez-moi."
"Oh, oui. Toujours ce principe... disons, discutable, de laisser ses propres subordonnés dans l'ombre et de les rendre confus."
"Ne me jetez pas la pierre. Si vous n'étiez pas là, personne n'aurait à-"
"Oh, mais c'est une belle excuse que de se dire que la fin justifie les moyens. Mademoiselle, je suis là. Et visiblement, vous préférez vous réfugier dans des justifications fumeuses plutôt que d'assumer vos échecs manipulateurs. Vous savez ce que l'on dit de vous, par chez moi ? Que vous n'êtes qu'une dictatrice avide de pouvoir et pleine de rancoeur."
"Les potins des citoyens du Capitole ne m'intéressent pas."
"Oui. La seule chose qui vous intéresse, c'est d'avoir ce que vous voulez. Moi, en grand romantique, je vous propose des rendez-vous ...! Je vous offre des roses, je vais me recueillir sur la tombe de votre soeur, je fais des efforts. Vous m'avez demandé d'arrêter la petite grève de la faim organisée dans un district un peu trop adorateur de votre personne, et je l'ai fait."
"Sous la contrainte. N'enjolivez pas les traits."
"Et puis, vous me demandez depuis longtemps l'antidote de la maladie de Chwartz. Et cette dernière chose me pose plutôt problème."
"Pardon ?"
"Enfin, elle me questionne un peu. Est-ce qu'à vos yeux, j'ai trois ans ?"
"Excusez-moi ?"
"Ou alors, je ne sais pas, je suis attardé mental ? Ou naïf ?"
"..."
"Parce que je sais une chose, Louve. C'est que vous me mentez. Cela fait des mois que vous avez en votre possession cette recette, et que vous vous jouez de moi. Relâchez l'otage qui détient ces informations. Vous punissez des innocents."
✺
Dimitri jeta un coup d'oeil à son réveil. Putain, 4 heures du matin. Les aiguilles de l'objet semblaient si lentes et si lascives qu'il se demanda sérieusement si elles n'avaient pas étés truquées. Il papillonna des paupières, en grommelant quelque chose que personne ne pouvait comprendre, y compris lui. Puis, il rejeta le drap sur ses pieds, et se leva.
S'habillant et se préparant, il se décida à se lever. Cela faisait une heure qu'il somnolait inlassablement, quelle idée de se coucher à 22 heures ! S'il le faisait trop souvent, il finirait par se lever tout les jours à cette heure-ci. Et puisqu'il était debout, tant pis.
Il enfila un débardeur et un pantalon ample muni de plusieurs poches, ce qui fut pratique pour cacher ce dont il avait besoin à l'intérieur. Malgré cela, il grimaça en se regardant dans le miroir. Son haut ne faisait que renforcer sa maigreur. Si seulement il avait le corps de Ness, son coéquipier... Tout les deux, ils se ressemblaient beaucoup, à la simple différence que Ness avait tout en mieux. Un corps athlétique, des yeux plus clairs, un caractère plus doux, de meilleures compétences. Il en avait toujours été envieux.
Il ferma soigneusement la porte de sa chambre à clefs. Il serait très dommage de la part de quelqu'un d'ici d'entrer et de remarquer le masque de Loup en bois posé près du lit sur le sol. Et à ce propos, il avait fait part hier soir à la Louve de son inquiétude à propos de la Mentore du groupe. Un personnage inquiétant.
Il s'attarda deux minutes sur la table pour prendre une viennoiserie, avant de regarder un étudiant travailler un tissus dans le fond du salon. La jeune personne, ayant des cheveux rouges courts, assortis à ses grosses boucles d'oreille, était en train de passer dans le loquet d'une étrange machine à coudre un pan de tissus.
- Mais qu'est-ce que c'est ? laissa échapper Dimitri, curieux.
- De quoi ?
- Cette machine.
- Oh, c'est une invention. Mon invention. Vous connaissez la machine à coudre ? Et bien, j'ai inventé la machine à coudre des perles. Disons que ça marche comme le paintball.
Dimitri se retourna en sursautant, face à l'homme qui lui faisait face. Aujourd'hui, Kaloss ne s'était pas apprêté comme d'habitude, ne portant qu'un corset relâché et une jupe écossaise, malgré les couleurs qui juraient un peu. Il avait des cheveux verts courts, ce jour-là.
- Le paintball...?
- Les petites bille dans le réservoir qui descendent, dit vaguement Kaloss en agitant la main.
- Ah, oui, dit Dimitri, qui n'avait pas compris.
- Mais j'ai aussi inventé une nouvelle matière. Un tissus hybride ! Du pur génie, si tu veux mon avis, JE suis un pur génie !
Il sourit, mais parlait moins fort que d'habitude. De son regard perçant cerné de crayon, il dévisageait Dimitri Vlaskoff. Malgré le ton de leurs voix, plus bas pour ne pas réveiller les autres qui dormaient tous, il y avait quelque chose d'aigu dans la voix de l'homme.
- Je ne te connais pas, toi... Qu'est-ce que tu fais là ?
- Morgane est une amie, et j'avais une galère d'appartement, expliqua vaguement Dimitri en souriant diligemment.
Le parfum plutôt fort qu'avait mit le tailleur dérangeait le rebelle, il avait les narines sensibles. Seulement, le dire aurait pu être impoli, et Kaloss ne semblait pas avoir envie de rire si tôt le matin, ou si tard dans la nuit. Le soleil n'était qu'à peine levé. Il n'était d'ailleurs habillé que d'une large chemise de nuit élégante en satin blanc.
- Pourquoi tu es levé si tôt ?
- Je n'arrivais pas à dormir, avoua sincèrement le brun.
- Je vois. Je comprend, avant, je faisais des insomnies tout le temps. Et puis, j'ai pris de l'exomédil tytanopyrex. Et puis là... Oh non, je ne t'en fais pas la publicité, ça te fais des hallucinations.
Il pouffa de rire, et c'était contagieux qu'un sourire se peignit sur le visage de son interlocuteur.
- Excusez-moi, mais je ne vous connais pas non plus. Qui êtes-vous ?
- Je suis Kaloss Abigail Manson, le seul homme bien habillé de cette maison ! C'est moi qui fait les costumes de Morgane et Pandora.
- Les manteaux de fourrure pour les Hunger Games ? se remémora Dimitri avec difficulté.
- Exactement ! Bonne mémoire, mais avec le temps je trouve que ça ne leur va pas. Je suis aussi créateur. Je crée des choses, par-ci par-là. Et puis je suis professeur, tout les petits étudiants que tu vas trouver ici sont à moi.
L'étudiant.e au fond leva sa tête et adressa un timide signe de la main aux deux hommes, rougissant. Son teint avait prit la même couleur que ses cheveux. Kaloss lui adressa un sourire éclatant.
- Et tu vas partir quand, petit Dimitri ?
- Oh, dans pas longtemps, dit-il évasivement. Et vous, vous ne devez pas vous occuper de champions ?
- Si, du district 11. Les boules, ils ne gagneront sûrement pas. Du tissus de gâché, s'ils meurent ! Je met tellement de temps pour leur confectionner des habits... Qu'ils tachent de sang, quelle impolitesse !
- Ah... En effet.
Dimitri rit, très gêné. Voilà donc une des nombreuses raison de pourquoi il détestait les citoyens du Capitole.
- Quand Morgane et Pandora sont revenues de l'arène, elles avaient complètement détruit la précieuse combinaison que je leur avait fait. J'ai failli leur faire une remarque, bien sûr, mais je me suis dit qu'elles avaient assez de problème comme ça.
Il marqua un temps, remarquant l'air perplexe du jeune homme.
- Iris m'a parlé de toi, c'est vrai. D'où viens-tu, déjà ?
Dimitri sentit ses doigts se serrer nerveusement dans sa poche, et la pose nonchalante qu'il avait pris jusque là se transforma en posture de combat petit à petit. Il eut le souffle plus court lorsqu'il répondit du bout des lèvres, un faux air assuré sur le visage:
- Du Capitole. Vous avez entendu parler de la grande Bibliothèque ?
- Bien sûr.
- Mes parents y travaillent, dit-il en déglutissant.
Kaloss inspecta son sourire étrange quelques temps, les yeux plissés.
- D'accord, je comprend. Je vois, je vois de quoi tu parles. Tu leur passeras le bonjour de ma part ?
- Vous les connaissez ?
Dimitri sursauta lorsqu'il entendit le joint d'une porte craquer derrière lui. Il était si tendu qu'un rien pouvait lui faire peur. Il avait tendance à l'oublier car sa cage était dorée... Mais tout ces gens étaient ses ennemis. Des gens qu'il détestait au plus haut point. Des monstres sans coeur et sans âme.
Avec un soupçon de culpabilité, il se retourna pour voir la tête ébouriffée, mais magnifique de Cassiopée Price, dans l'entrebâillement. Si la jeune femme ne souriait que très peu d'habitude, elle semblait encore plus grognon, et ses yeux jetaient des éclairs. Elle alpagua Kaloss avec mauvaise humeur.
- Vous réveillez les gens comme ça, vous deux ? Allez vous faire foutre. Je dors.
Kaloss sourit et assura, en faisant de grands gestes de ses mains, qu'ils feraient moins de bruit et qu'il partirait. Le regard noir de Cassiopée s'éteint lorsqu'elle regarda Dimitri:
- Tu fais quoi là ? Il est trop tôt pour aller travailler, l'électronicien.
- Électricien, dit Dimitri qui trouva utile de corriger sa phrase.
- Mmmh.
Bientôt, elle disparut en grommelant, l'air fatiguée.
✺
Il sembla à Pandora que la journée passa avec une lenteur insupportable. Et à la fois, elle n'avait pas vu le temps passer et voyait approcher le soir avec une vitesse affolante. Il lui était pourtant impossible de se rappeler précisément ce qu'elle avait fait de la journée. Sûrement avait-elle fait partie du fanclub et des caméras qui tournaient autour de Kaloss toute la journée, depuis qu'ils avaient tous appris qu'il s'occuperait des tenues du district 11.
L'homme, qui ne cachait pas son apparente félicité d'avoir tant de succès, paraissait toute la journée resplendissant de bonheur et de joie. Il parvint même à faire adopter à la stoïque Iris un affreux eye-liner rose, qui détonnait avec la couleur de ses yeux.
La lumière déclinait et Pandora regarda l'extérieur d'un air maussade. Aujourd'hui était une journée vide. Vide de sens, vide de gens. Cassiopée était partie à son district, sûrement pour aller plaire, ou effrayer des gens, ses deux activités favorites.
La blonde poussa un soupir de frustration en pensant à son amie. Elle savait que c'était une jeune femme blessée par la vie, par le temps, et elle avait pensé qu'en lui offrant son amitié, elle pourrait ainsi aller mieux et devenir une meilleure version d'elle-même. Elle avait d'ailleurs maintes fois fait promettre à Morgane de ne pas s'énerver contre elle et d'être tolérante. C'était comme l'eau et l'huile. Ces deux femmes ne pouvaient décidément pas se supporter, elles se sentaient forcément obligées de se hurler dessus à chaque fois qu'elles se voyaient. S'il y avait des moments pleins de douceur, où Pandora prenait soin de Cassiopée, lui brossait les cheveux, lui faisait des câlins pleins de sororité, il y avait aussi le revers de la médaille. Et il fallait bien admettre que Cassiopée était une sacrée chipie.
Valentin la regarda, silencieux, et elle se tourna vers lui avant de demander:
- Dis, mon cher Mentor, est-ce que tu as déjà été amoureux ?
- Moi ? s'étonna-t-il.
Elle ne lui laissa pas finir sa phrase, troublée, et déjà lancée dans la sienne:
- Ne tombe jamais amoureux. C'est chiant, douloureux, ça rend la vie... Difficile, et tout parait nul.
- Oh. Est-ce que ça va ? demanda gentiment Valentin, en la regardant au-dessus de ses lunettes.
Elle balaya l'air de sa paume, avant de se prendre le visage entre les mains, et de se recroqueviller sur elle-même. Sur sa chaise, elle se sentait comme une bougie, qui fondait et se décomposait sous l'effet d'une flamme. Cet instant lui parut trop long. Son cœur, dans sa poitrine, semblait se durcir et se transformer en une pierre dure et douloureuse. Son souffle se hacha, mais aucun sanglot ne secoua son corps, silencieusement torturé. Pourtant, son Mentor ne fit aucun geste, ne sembla pas s'en occuper.
C'était d'ailleurs mieux comme ça, car Pandora se sentait tellement choquée qu'un seul mot aurait pu la briser. Au bout d'un moment, la voix plus forte de Valentin parvint à ses oreilles:
- Morgane ? Morgane, s'il te plait ?
- Mmmh ?
La voix cassée de la brune retentit dans la pièce, bien plus proche que Pandora ne le pensait. Cela lui fit comme l'effet d'un électrochoc, et elle releva la tête. Morgane se pencha sur elle avant d'agiter ses longues manches qui flottaient un peu:
- Ca va, toi ?
- Ne me touche pas, dit sèchement Pandora en donnant une tape sèche sur le tissus qui ballotait devant ses yeux.
Elle affronta courageusement le regard choqué de Valentin et de Morgane, qui avait un peu reculé, avant de dire entre ses dents:
- T'es vraiment... Pas quelqu'un de bien, Morgane Clay.
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