Chapitre 2: Le voyage en train
Après un court silence, Valentin pointa du doigt Pandora:
- Je vois que tu es la plus renfermée des deux. Présentes-toi.
Pandora souffla un coup et lâcha le gâteau qu'elle grignotait compulsivement.
- Je m'appelle Pandora Lane. Je suis née dans le district 10, d'une famille de vendeurs de fourrure. J'ai deux chiens-loups, ils s'appellent Yuki et Tili, et je ne sais pas trop ce que je fais ici, avoua-t-elle dernièrement.
- Je m'appelle Morgane Clay. Pas besoin que je précise mon district, j'ai pas de parents. Je ferais tout pour ne pas caner dans cette foutue arène, mais si je dois mourir alors autant le faire le ventre plein. Vous avez à graille, hein ?
Pandora croisa son regard dur, qui semblait s'être adouci. Cela rassura la jeune fille, qui lui sourit. Mais leur échange de regard ne dura pas longtemps avant que les deux ne se concentrent sur Valentin, qui reprenait:
- Très bien. Comme tu l'as dit, Morgane, il vaut mieux avoir le ventre plein. Je vous laisse aller dans le wagon d'à côté. Nous avons déjà installé votre chambre et du matériel pour être propre et présentables.
Elles se levèrent, avant que Morgane s'exclame:
- Notre chambre ? À toutes les deux ? Je vais dormir avec...
- Vous aurez un lit chacun, évidemment. Mais vous dormirez dans le même wagon.
Morgan avait l'air confuse et grommela quelque chose. Pandora, pourtant, ne semblait pas dérangée. Elle dormait parfois avec Tili, qui aimait se reposer contre elle, et cela ne la dérangeait pas. Bien que le contact humain soit une chose différente, elle ne comprit pas la réaction butée de sa camarade.
- Si tu veux je peux aller dormir ailleurs, proposa paisiblement Pandora.
- Ce n'est pas possible, dit Valentin. Mais c'est gentil de proposer. Filez, maintenant !
Morgane et Pandora entrèrent dans ce qui allait être leur chambre pour les quelques jours de voyage en direction du Capitole. Deux lits à l'opposé de la pièce, avec deux fenêtres qui donnaient sur le paysage aride qui défilait lentement. Il flottait une odeur de propre, contraire au fumet un peu ragoutant de la veste de Morgane, qui mélangeait le feu de bois et la saleté pure et dure. Lorsqu'elle fut sûre que Valentin n'était pas là, Pandora relâcha toute la pression dans sa gorge, et laissa échapper un long soupir. Elle s'assit sur le lit, le souffle court.
- Je vais faire les Hunger Games.
Morgane la regarda, et ricana:
- Pandora, c'est ça ? T'es une fille de marchands ? Une riche, quoi.
Pandora releva la tête, refoulant quelques émotions négatives. Elle lui serra la main:
- Désolée de l'être. Je crois que... Toi et moi on va faire du chemin ensemble. Parce qu'on... Fait les Hunger Games.
La gorge de Pandora se noua, mais elle resta extérieurement calme. Ne pas montrer à quel point elle était faible.
- On fait les Hunger Games, affirma Morgane. Tu sais pourquoi ça me fout pas en l'air cette histoire ? Parce que j'ai rien à perdre.
Elle soupira et prit la main de Pandora, qui tremblait un peu depuis un petit bout de temps.
- Toi, tu as l'espoir de rentrer chez toi. De revoir ton père, ta père, ta famille. Tes amis, ton petit copain.
- J'ai pas de petit copain, dit Pandora amèrement.
Morgan leva un sourcil.
- Bref. Tu as l'espoir de rentrer chez toi, de prendre un bon bain chaud avec des conneries comme du lait d'ânesse et des pétales de roses dedans. Prendre un chocolat chaud avec tes adorables chiens. Et bien moi, non.
Pandora croisa son regard et se sentit plus calme intérieurement.
- Moi, on m'a abandonnée dans ce district à ma naissance. Parce que j'étais une fille, et que mes parents voulaient un garçon. C'est un grand-père du village qui recueille tout ce qu'il trouve d'abandonné qui s'est occupé de moi. Tu vois, avec lui, je devais gagner ma croûte. Travailler, travailler comme une folle pour avoir le droit de dormir un peu l'aprèm.
- Je suis désolée.
Morgane lâcha sa main:
- Le sois pas. T'es née avec une cuillère d'argent dans la bouche, donc t'as peur d'aller au combat, hein ? Et bien laisse-moi te dire un truc: oublie ta vie d'avant. Oublie tout ce que tu avais, ce que tu vivais. Maintenant, on se prépare et on fait les Hunger Games. On meurt, ou on survit toutes les deux.
Pandora baissa le regard, l'écoutant toujours. Même si les mots de Morgane étaient durs et la blessaient, elle avait raison. Elle ne devait pas s'apitoyer sur son sort, et devait apprendre dès maintenant à devenir la plus redoutable possible pour survivre dans l'arène. Morgane, penchée vers elle, se releva et soupira:
- Je prendrais bien une douche.
Elle s'empara d'une serviette et entra dans la douche. Pandora, songeuse, regarda par la fenêtre le paysage défiler. Elle s'éloignait de sa maison, pour se rapprocher peu à peu de la mort.
✺
Lorsque Morgane et Pandora se furent lavées, nettoyées et habillées correctement, elles rejoignirent Valentin dans le wagon juste à côté. Il était galamment posé sur le sofa rouge, les jambes croisées. Il lisait une revue d'une couleur criarde.
- Alors, vous en avez mit du temps ! s'exclama-t-il.
- Oui, on est pas si pressées que ça de passer aux choses sérieuses, soupira Morgane.
- Et pourtant, il le faut. Parlons maintenant des Hunger Games. Il va falloir que nous parlions très sérieusement. Comme vous le savez, les Hunger Games commencent bien avant l'entrée dans l'arène.
Les deux jeunes filles s'assirent sur les fauteuils, attentives à ses explications.
- Il y a d'abord la présentation télévisée de tout les tributs. Cet événement est très important.
Il fit une pause, pour être certain de capter leur attention à toutes les deux. Après avoir établi un contact visuel avec Pandora, il continua:
- Tout les districts découvrent les tributs. Ceux qui leur plaisent le plus reçoivent leur "bénédiction".
- Et ? s'impatienta Morgane, qui savait pertinemment que le système était connu de tous.
- Et ils envoient des cadeaux à leurs protégés. Il faudra savoir que dans l'arène, vous n'aurez pratiquement que deux source de ressources sûres. Tout d'abord, la corne d'abondance. Elle se trouve au milieu de l'arène, et regorge de choses éparses qui vous permettront d'abattre vos adversaires.
Pandora frissonna.
- Et, continua leur Mentor, les dons faits par le public pour vous faire subsister un peu plus longtemps. Le but de ces cadeaux ? Vous faire promettre de leur offrir un spectacle digne de ce nom.
- C'est simplement dégueulasse, gronda Morgane. Ce principe est juste horrible. On est pas des bêtes de foires.
Valentin la regarda derrière l'éclat de ses lunettes dorées. La tristesse de ses iris marrons se fit remplacer par quelque chose de plus urgent:
- J'espère que tu ne diras pas ce genre de choses là-bas.
- Pourquoi ? répondit Morgane, d'un ton buté.
- Le Capitole n'aime pas ce genre de remarques. La dernière fois qu'une pseudo anti-Capitole a pointé le bout de son nez dans l'Arène, Katniss Everdeen, elle est morte d'une façon atroce.
Il était très sérieux. Pandora déglutit. L'ambiance cosy de la pièce virait presque à quelque chose de sombre. Il s'était avancé vers elles, la tête reposant sur ses mains croisées.
- Tout ce que je vais vous dire, l'entrainement, la survie dans l'arène... Il va falloir vous accrocher. Je vous le dis parce que vous ne ressortirez pas de la même façon, si vous survivez. Quoi qu'on en dise, on ne sort pas vivant de l'arène, même lorsqu'on en est vainqueur. Une partie de soi meurt là-bas avec les autres.
Morgan, l'air indéchiffrable, hocha la tête:
- Je comprend.
Elle soupira, et le silence envahit la pièce. Pandora frissonna, apeurée, mais Morgane la regarda, remarquant que sa jambe s'agitait en un tremblement nerveux. Le regard brun de la jeune femme, imposant, fit taire ses angoisses. Valentin suivit ce mouvement des yeux, distrait, et continua de parler:
- Donc, reprenons. La première épreuve que vous traverserez ne jugera que votre physique. Vous devrez être les mieux habillées, les plus charmantes, les plus fortes et celles avec le plus de répartie. Vous devrez avoir quelque chose en plus, qui attirera l'oeil des spectateurs.
- Comme la robe de flammes de Katniss Everdeen, fit remarquer Pandora, bonne élève.
- Avant qu'elle ne meure aux Hunger Games, dit Morgane en étirant son bras pour prendre un petit gâteau.
- C'est sûr. Cependant, tu as raison, Pandora, c'est l'esprit. Vous devez plaire aux habitants du Capitole de par votre esprit, vos charme, votre beauté, et plaire aux districts par votre tactique, force et rapidité. Ce passage qui sera diffusé sera très important pour votre image.
- Ça m'a l'air très tactique. Je ne pensais pas que ce serait si... Complexe. Quand je le regardais, je ne me disais pas qu'il y avait tout cela, dit pensivement Pandora.
- Les coulisses des Hunger Games, soupira Valentin. C'est la deuxième que je suis Mentor, et je suis toujours surpris de l'ignorance des tributs à ce sujet.
- Je préfèrerais ne pas savoir, dit Morgane fatalement.
- Donc lorsque nous arriverons au Capitole, vous devrez choisir des tenues adéquates pour montrer au monde entier que vous êtes les meilleurs tributs. Compris ?
- Pas de problème ! affirma Pandora. Je sais montrer mes atouts.
Morgane marmonna quelque chose, et Pandora se tourna vers elle et lui dit d'un ton diligent:
- On le fera ensemble, ne t'inquiètes pas.
Valentin eut un sourire victorieux. Il appréciait cet esprit d'équipe qui se mettait en place entre les deux jeunes filles. Il se replongea dans ses pensées alors que les deux jeunes filles parlaient. Oui, c'était la troisième fois qu'il était Mentor. Les deux premiers tributs étaient morts lors des Hunger Games. Valentin frissonna, il ne fallait pas penser à cela.
La journée passa vite. Valentin leur donna une quantité assommante d'informations sur le fonctionnement de l'arène. Pandora se sentait plus rassurée en sachant qu'elle était informée, mais le fait qu'elle ne saurait pas quels dangers se cachaient dedans la rendaient anxieuse. Au repas, Morgane s'était empiffrée, un peu honteuse. Pandora ne l'avait pas blâmée. Morgane lui avait raconté la difficulté pour elle et ses frères d'adoptions de trouver un repas sain en dehors de la forêt et des petites proies.
Les petits fours et la grosse pièce de viande rouge l'avait sûrement impressionnée et Pandora avait pris plus de plaisir à la voir engloutir le plus d'aliment qu'elle pouvait, que de manger elle-même. Valentin n'avait pas mangé avec elles, mais continuait de parler des Hunger Games.
Il expliqua comment passer une nuit en sûreté dans l'arène, l'urgence de se mettre à l'abri tout de suite, une tactique sur la Corne d'abondance.
- Le plus important, c'est que vous preniez un ou deux sac à dos dès le début. Juste après, vous partez ! Les premiers districts ont soudoyé le Capitole pour pouvoir choisir leurs héros. Ces tributs seront au milieu, en train d'attendre toutes les proies qui seront faibles. Vous.
Pandora s'habituait à se dire qu'elle n'était qu'une incapable, et ne fut pas blessée par cette allusion.
- On aura droit à prendre une arme ? Avant, on pouvait faire ça, dit Morgane, fouillant dans ses souvenirs pour se rappeler que lors des débuts des Hunger Games, les participants pouvaient avoir un objet en main.
- Est-ce qu'un chien, ça compte ?
Pandora sauta sur l'occasion pour montrer ses deux chiens-loups, qui avaient emplis la pièce de poils de chiens gris, et qui se prélassaient sous la table à manger. Valentin les regarda, se gratta la barbe et demanda:
- Ils sont très câlins, et n'ont pas l'air agressifs. Même si j'arrive à te les faire obtenir dans l'arène, tu seras ralentie par leur gros gabarit. De plus, tu n'auras pas de la nourriture à foison, ils mourront rapidement.
Pandora soupira. Il avait raison. Ses chiens-loups avaient beau avoir le mot "loup" dans leur nom, ils n'en étaient pas moins. Yuki et Tili n'étaient que deux gros pépères absolument pas préparés à la toxicité, l'agressivité et la mort qui provenait de l'arène.
- Cependant ! Tu les emmèneras sur le plateau télévisé ! dit Valentin, le regard éclairé. Ça fera bon effet, car ils sont majestueux. De plus, au vu de ton gabarit, ça te rendra un peu impressionnante.
- C'est limite vexant, marmonna Pandora.
- Tu ne sais pas manier d'armes, répondit Morgane, la bouche remplie de haricots verts. Tu m'étonnes qu'il dise ça.
Pandora lui jeta un regard noir, auquel Morgan rit.
- Soit. Allez vous coucher maintenant, commanda Valentin.
- Comment ça ? s'exclama Morgane. Il doit être 15 heures ! C'est débile.
- On n'arrivera jamais à s'endormir à cette heure-ci, appuya Pandora, perplexe.
- Et demain je vous lève à 5 heures pour 3 heures d'entrainement, répliqua leur Mentor.
Les deux tributs, l'air choquées, débattirent quelques temps avec Valentin pour lui faire changer d'avis, mais le débat s'arrêta bien vite. Elles finirent par obéir, sachant qu'il ne souhaitait que leur bien.
- Ça ne fait que quelques heures que je le connais, mais il m'énerve déjà, dit Morgane en se posant sur son lit.
- Ah ? Il est plutôt conciliant.
- Toi aussi, au début, je pensais que t'étais trop coincée. En fait, t'es super coincée, mais pas trop conne.
Pandora le prit mal, et répliqua, vexée:
- Bon, déjà notre district qui ne veut pas de moi parce que je suis une fille, puis notre Mentor qui nous reproche d'être des filles, tout le monde me dit que je suis chétive, insignifiante, une merde quoi ! Vous croyez que j'ai choisi d'être ici ? Que j'ai choisi d'aller... Crever !
Pandora s'assit rageusement sur son lit, les sourcils froncés.
- Arrêtez de me reprocher quelque chose ou ni vous ni moi pouvons faire quelque chose.
Un sourire joueur se colla sur les lèvres de Morgane:
- Ah oui ? Et bien, montre-le moi. Prouve-moi que t'es plus qu'une sale gosse de riche timide.
Elle sortit un couteau au manche blanc de sa poche, qu'elle lança à Pandora:
- Allez, princesse !
Ce surnom énerva Pandora, qui attrapa le couteau:
- Mais tu es folle ? Que veux-tu que je fasse avec ce couteau ?!
- T'as dit que tu savais pas te servir d'une arme, lors du repas. Prouve-moi que tu peux t'améliorer.
Pandora recula:
- Mais c'est complètement dingue ! Je ne vais pas t'attaquer avec...
Morgane sortit un autre couteau, qu'elle fit balancer d'une main à l'autre. Elle regarda Pandora comme une bête sauvage, et s'approcha, agressive:
- Arrête de faire la sainte-ni-touche. Comment tu vas faire, devant les juges ?! Dans l'arène ! Comment tu dépèceras le cadavre des tributs que tu auras tués ? Comment tu fouilleras leur carcasse pour récupérer ce dont tu as besoin ?
- Tais-toi ! C'est horrible !
- Attaque-moi ! Je te bloquerais au besoin.
Pandora voyait bien, à l'air décontracté de Morgane, qu'elle ne la prenait pas au sérieux. Ce qui la poussait à bout était le fait qu'elle avait totalement raison. Pandora ne savait pas manier ce couteau, elle était trop faible pour vraiment atteindre le tribut.
Elle opta pour une autre stratégie, qui lui garantirait une revanche contre cet affront.
En regardant par la fenêtre, Pandora pouvait voir les rails du train. Prévoyant un virage, elle comprit que si elle se préparait avant Morgane à être déstabilisée, elle pourrait gagner une ou deux secondes, ce qui lui permettrait de prendre le dessus.
Elle n'eut pas à attendre longtemps avant que le train bifurque brutalement. Morgane se stabilisa, s'appuyant à la fenêtre que Pandora regardait. Cette dernière en profita pour se ruer sur Morgane.
La tête de Morgane tapa contre la vitre, alors que Pandora appuyait son couteau contre sa gorge, laissant échapper une exclamation. Elle n'avait pas vraiment prévu d'appuyer si fort, car Morgane grimaça. Celle-ci, remise de l'effet de surprise, prit le poignet qui tenait le couteau sur sa gorge, et serra si fort que Pandora laissa échapper l'objet. Elle couina, le poignet endolori.
Morgan soupira, balança son poignet vers l'arrière et la ceintura, en passant ses mains autour de ses épaules en bloquant ses bras:
- Alors ? Ta stratégie magique n'a pas vraiment duré, à ce que je vois.
Pandora essaya de se dégager, mais elle n'y arriva pas à cause de la poigne de l'autre tribut. S'abandonnant, elle la regarda, maintenant très proche de son visage.
- Mais franchement, ça m'a surprise.
Morgane s'autorisa un sourire, et regarda Pandora dans les yeux. Surprenant la proximité de leurs corps, elle haussa un sourcil et la lâcha, faisant soupirer Pandora:
- J'imagine que je t'ai confortée dans l'idée que je ne suis qu'une fille de riche incapable de quoi que ce soit.
- Non, ça va. Tu as fait l'effort d'appuyer ce couteau sur ma trachée. Je trouve ça courageux.
Pandora marmonna quelque chose, et fit jouer l'arme entre ses doigts:
- C'est une belle lame. Je croyais que tu n'avais pas d'argent, comment peux tu te payer ce genre de petit luxe ?
- C'est un cadeau, s'esclaffa Morgane. Un ami, lors de mes premières chasses en forêt.
- Tu chasses vraiment ?
- Oh, pas vraiment. J'attrape parfois des lapereaux, des petits oiseaux... Ça épice mes repas, on va dire.
- Mais c'est horrible ! Ce sont les plus mignons, ce genre d'oiseaux, en plus...
- Et je n'ai pas trop le choix, dit Morgane en souriant. C'est vraiment un truc de gens riches de les considérer comme autre chose que du gibier.
- Arrête de dire que je suis une "riche", ça n'a rien à voir avec mes valeurs, dit Pandora sèchement. C'est super agaçant.
Morgan ouvrit grand les yeux, s'assit sur le lit. Elle se frotta le cou, et répondit:
- Pardon. Je ne veux pas ouvrir la boite de Pandore. T'as raison, on est une équipe maintenant, pas besoin de se disputer.
Pandora fit un sourire contrit, vexée.
- Je suis désolée, continua Morgane.
- Super. Bon, éteint la lumière. Je n'ai pas envie d'être fatiguée pour demain.
Morgane se mordit la lèvre, et se leva pour éteindre la lumière. Pandora s'enroula dans les couvertures. Elles n'étaient pas plus agréables que les doux tapis de fourrure de sa maison, mais la présence de Tili à ses pieds, sa silhouette haletante lui rappelait son chez-soi. Yuki dormait à côté de son lit, trop petit pour accueillir deux énormes chien-loups.
Peu à peu, Pandora s'endormit sur le rythme des lentes respirations de sa camarade de chambre.
Le lendemain passa drastiquement vite. Dès l'aube, elles furent réveillées par Valentin. Malgré les protestations de Tili qui avait très faim, les deux filles le suivirent pour apprendre à manier de la façon la plus efficace différentes armes. Même si Pandora n'était pas douée à cela, elle voyait bien que Morgane était tout à fait à son aise dans ce domaine. C'était déjà ça. D'ailleurs, Pandora n'excellait pas vraiment, quelle que soit la compétence, ce qui consternait Valentin et Morgane.
Le repas se passa étonnamment bien, Morgane cessait de contredire Valentin sur tout les points. Pandora se sentit étonnamment bien, mieux préparée pour la journée qui allait suivre: l'arrivée au Capitole.
Elle découvrit ensuite qu'elle était plutôt douée pour reconnaitre les plantes. Bonne élève, elle avait toujours eu une bonne mémoire. Cependant, ce n'était pas une compétence suffisante pour présenter quelque chose aux juges. Sa mémoire, cependant, s'étendait à beaucoup d'autres choses que les plantes. Morgan s'amusa à lui dire des listes de mots de plus en plus longues, pour voir sa capacité à les retenir.
Cette journée fut courte par son caractère joyeux et léger, mais Pandora s'allongea dans son lit le coeur lourd. Elle ne se rendait pas compte que le décompte vers sa mort s'était mit en marche.
✺
Nul doute que l'arrivée au Capitole ne laissait pas Morgane indifférente. Dès que le train avait commencé à ralentir, elle était parcourue de petits tremblements incontrôlables, montrant son excitation.
Valentin, Morgane et Pandora étaient assis dans le petit salon. Les quelques jours qu'ils avaient passés ensemble les avaient rapprochés et les petits accrocs entre Morgane et leur Mentor n'était plus qu'un vague souvenir du passé.
Le train s'arrêta dans une gare, tout à fait normale. Pandora se sentit déçue. On lui avait dit que le Capitole était un palace gigantesque, mais c'était un énorme bâtiment tout à fait normal. Lorsqu'elle fit part de cela à Valentin, il confia avoir lui-aussi été déçu de son apparence dénudée.
Elles descendirent du train, enveloppées dans une couverture. Il venait de pleuvoir, le sol était trempé. Pandora tenait en laisse ses deux chiens, qui reniflaient le sol. Curieux, ils n'avaient cessés de regarder partout dans les affaires de Morgane, ou de courir dans les wagons. Heureusement pour leur maitresse, Valentin et Morgane étaient des gens qui appréciaient les chiens.
Valentin leur dit qu'il était obligé de leur bander les yeux pour rentrer dans le Capitole, et elles s'exécutèrent. Morgane, mécontente, n'arrêtait pas de faire la morale au Mentor, essayant de jouer la carte de la confiance pour enlever son bandeau. Seulement, Valentin ne céda pas. Il les emmena dans de longs couloirs et compartiments, et enleva le cache:
- Bienvenue au Capitole ! Vous voici dans vos chambres respectives.
Morgane sourit, rassurée que les chambres soient séparées. Pandora comprenait, elle voyait bien que la jeune femme était pudique.
- Cet après-midi, plateau télévisé. Vous n'avez que peu de temps ! Dépêchez-vous d'aller choisir une tenue pour l'arène à présenter au public.
Des citoyens du Capitole les escortèrent à une salle remplie entièrement de froufrous, de matériaux et de tissus en tout genre. Pandora fut surprise, même dégoutée du maquillage overdosé de ces quelques personnes. Elles avaient des vêtements de couleur aléatoires, fluos, et un grand sourire sur le visage:
- Bonjour mes chéries ! C'est vous les deux tributs féminins ?
Pandora bafouilla quelques mots. Elle était déstabilisée au vu des iris rouges et bicolores de l'homme, et détestait le trop-plein de couleur sur son haut. Son sourire était un peu froid, dénué de sentiments, ses longs doigts, couraient le long des tissus qu'ils touchaient, à l'aspect d'araignées.
- Ma-gni-fique ! On va vous relooker, mes beautés, vous allez voir ! Personne ici ne sera plus beau que vous.
Il fit un clin d'oeil à Morgane, sans remarquer son air dégoûté.
- C'est quoi ces abominations colorées ? chuchota celle-ci à son acolyte.
Pandora fit une tête gênée, lui ordonnant de se taire au cas-où les citoyens du Capitole les auraient entendus. Cependant, ils s'affairaient déjà autour de pièces de tissus.
- Bon, les filles, vous voulez quoi ? dit l'homme, remplaçant le vernis de ses doigts arc-en-ciel par un vernis plus sobre, qu'il enleva directement avant de jeter la bouteille de vernis pourtant pleine. Pour toi, ma grande, je partirais sur quelque chose... de badass, tu vois le genre ?
Morgane baissa les yeux, et se tut, Pandora se sentit rassurée par cela. Elle cernait mieux sa coéquipière et connaissait maintenant son manque de sang-froid. Elle serait moins susceptible de vexer leurs hôtes si elle se taisait. L'homme se présenta:
- Je m'appelle Kaloss ! Je suis votre relooker slay... Vous avez de la chance de m'avoir !
Il rit et pointa du doigt les deux filles:
- Vous avez de la chance, parce que je suis vraiment le meilleur en tenues féminines.
- On a pas besoin de tenues "féminines", répliqua Morgane. On a besoin de tenues de survie.
Kaloss la regarda, d'un air vide, un grand sourire, avant de continuer de parler:
- Oui, je disais. Tenues féminines... Mais c'est quand même une chance de m'avoir !
Pandora soupira, ses mains serrèrent la robe qu'elle portait. Cet homme avait l'air tellement vide, il était surement ivre. Morgane, quant à elle, ne disait plus rien. Elle avait l'air aussi atterrée que Pandora.
- Mais vous êtes toutes les deux des tributs ! s'exclama Kaloss.
- Oui, répondit la blonde.
- Deux filles... Qui fait l'homme ?
Morgane s'étouffa, Pandora lui posa une main sur l'épaule, priant pour qu'elle ne dise rien.
- Euh, on est juste deux filles, répondit-elle, mal à l'aise.
Kaloss n'écouta pas sa réponse, il avait prit une combinaison verte de camouflage, avec de jolis ornements. Il prit les mesures de Morgane, malgré ses grondements contraints. Après quelques réglages de tissus, il lui demanda d'essayer la tenue.
- Si vous saviez comment nous étions excités, avec mon équipe, de vous rencontrer ! laissa échapper l'homme, ses yeux s'exorbitant alors qu'il parlait. On était vraiment dans tout nos états.
Il fit une petite danse, avant de demander:
- C'était sympa, le voyage ? J'imagine.
Il ne leur laissa pas le temps de répondre et dit à Morgane d'un ton négligent:
Tu l'as enfilée au-dessus de tes vêtements. Allez zou ! On enlève tout, là.
Pandora détourna les yeux, Morgane se déshabilla avec mauvaise humeur:
- Si vous saviez...
Kaloss éclata de rire:
- Elle est parfaite. Les filles ? Venez voir la combi verte, elle n'attendait que ce port d'épaule.
- C'est fini ? demanda Morgane, les joues légèrement rouges.
Pandora sourit, décelant une certaine timidité dans sa démarche. Même si ce n'était pas à son tour de se faire habiller par les tailleurs du Capitole, elle pouvait comprendre que l'on n'apprécie pas les regards braqués sur le corps. En effet, Kaloss et son équipe faisaient tourner Morgane sous toutes les coutures, la faisaient marcher, sauter, courir pour tester la résistance et l'élasticité du tissus.
- Mon dieu ma chérie tu vas être la plus belle ce soir, laissa échapper une fille du Capitole qui avait une peau de lapereau autour du cou.
Morgane la regarda avec de grands yeux, son regard oscillant entre la peau d'animal mort à son cou, et elle, mais ne répondit pas, l'air dégoutée.
- Et bien, elle a l'air sauvage ta copine, continua la fille, mâchant nonchalamment un chewing-gum.
- Euh, ce n'est pas mon amie, répondit Pandora, mal à l'aise.
Le physique de toutes ces personnes, excentrique et coloré, ne la mettaient pas à l'aise. De plus, elle était d'un tempérament timide. Elle rougit, déconcertée par le regard étrange et sans cils de cette femme.
- C'est que tu es plutôt jolie ! Kaloss, laisse la grande, je veux voir la petite dans nos plus beaux tissus.
Kaloss revint, avec une aisance de maitre sur ses talons aiguilles en fourrure:
- Oh pardon, ma chérie ! C'est vrai que j'ai tendance à oublier les tributs qui passent dans mon dressing.
Ils pouffèrent tous:
- Aussi, ils meurent trop rapidement. On peut gâcher du tissus pour rien, surtout parce qu'ils me tâchent tout avec leur sang, appuya Kaloss comme si c'était une grande tragédie. Moi, un jour, j'ai tâché mon top bandeau avec du homard, je l'ai immédiatement jeté ! Quel dommage, quel gâchis, un si beau haut...
Morgan serra la mâchoire, tout les muscles de son corps se crispèrent. Pandora fit une prière intérieure: "Tais-toi, Morgane. Pitié, ferme ta bouche pour au moins un quart d'heure."
Et Morgan s'assit, complètement vidée d'émotions. Une personne s'était penchée vers elle et posait sur les extrémités de la combinaison des morceaux de fourrure gris.
- Ma beauté, dit Kaloss en se tournant vers Pandora. Tu es vraiment magnifique. Ces cils longs et noirs... Mon dieu je t'envie ! Enfin, j'aimerai surtout que tout les tributs soient comme toi. C'était tous des laiderons, autant te dire que j'ai jubilé de les voir mourir: des moches de moins sur terre !
Ses compagnon.nes pouffèrent, et l'homme salua un public imaginaire:
- Je sais, on me dit tout le temps que je suis trop drôle. J'ai même pensé à devenir humoriste, mais j'ai un métier trop prenant, tu vois. Et puis qu'est-ce qu'on rit ! Bref, ma chérie, avec tes grands yeux bleus, tu vas faire tomber tout les garçons.
Morgane dégagea du pied une pièce longue qu'on voulait lui mettre. "Pas de robe, c'est pour les meufs médiocres".
- Ce n'est pas toi qui avait deux chiens ?
Alors que Pandora affirmait, plus à son aise, Kaloss fit rentrer les deux chien-loups, que Valentin gardait dans le couloir d'à côté.
- Mon dieu, mais ce sont des loups !
Quelques tailleurs prirent peur et poussèrent des petits cris, comme des gorets. Tili, inquiet, regarda autour de lui avant de reconnaitre Pandora et de se jeter sur elle pour quémander des câlins. Pandora rit et s'exécuta, sous le regard atterré des citoyens du Capitole. Leur peur oubliée, Pandora expliqua que ce n'étaient pas des loups, mais bien des chiens et qu'ils étaient très affectueux. Après une courte séance intensive de câlins et de regards attendris, Kaloss déclara:
- On va vous assortir aux chiens ! Ça va être dé-ment !
Il sortit une robe sertie de pierres grises:
- Regarde ça, ma belle, ça t'irait bien, n'est ce pas ? Et le comble: la fermeture éclair pour fermer, du cou jusqu'au ventre ! Comme ça, pas besoin d'aide extérieure pour ouvrir devant, une fermeture éclair pour derrière. C'est pas ingénieux, ça ?
Pandora regarda la robe. Elle était belle, on sentait l'expertise de celui qui l'avait créée, mais allait-elle vraiment aller dans les Hunger Games avec ? C'était limite une robe de mariage:
- Elle ne me plait pas vraiment, laissa-t-elle échapper.
- Oh, voyons ! Elle est superbe !s'écria Kaloss, en remettant une couche de peinture sur ses ongles effilés.
Alors que toute la petite troupe aux couleurs criardes commençait à s'opposer à Pandora, Morgane dit d'un ton énervé:
- Stop, on change, si ça ne plait pas. C'est nous les tributs, c'est nous qui choisissons.
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