✺Chapitre 13: La haine de Cassiopée

- Bonjour à tous, nous sommes Morgane Clay et Pandora Lane, les gagnantes des 95èmes Hunger Games.

Cassiopée se fit un chemin dans la foule, donnant des coups de coude sur son passage. Quelques citoyens se retournèrent pour lui jeter des regards outrés mais elle répliquait par quelques mots brûlants. Elle se rapprocha pour être tout près de la scène où deux jeunes femmes parlaient dans un micro.

La blonde leva la tête et se délecta de cette vue. La robe blanche immaculée et moulante de Pandora faisait ressortir l'apparent stress auquel elle devait faire face. Sur scène, debout, elle tripotait les moulures grecques dorées qui attachaient les morceaux de tissus à son corps. Ses cheveux d'or étaient tressés en une couronne, et sa beauté était évidente.

Un peu de jalousie s'empara de Cassiopée. Elle n'avait pas le droit d'être plus belle qu'elle ! Il était évident qu'elle était plus charmeuse et plus puissante que la petite blonde du district 10, mais celle-ci forçait le respect, et l'adolescente détestait ça. Les lames sur ses doigts s'enfoncèrent légèrement dans sa peau quand elle crispa son poing. Sa mâchoire ressortait, elle était concentrée sur les tributs qui parlaient.

- Il y a un mois nous avons gagné les Hunger Games en étant les survivants. Franck et Cassiopée étaient les tributs du district 1. Ils étaient forts, admirables, grands et pleins de vie.

La voix de Morgane énerva au plus haut point celle dont elle parlait. Elle était debout sur la scène, portait le micro à ses lèvres. Ses sourcils étaient froncés, sa mâchoire puissante se décalait à chacun des mots qu'elle prononçait. Elle portait un grand manteau de fourrure rouge, qui la grandissait encore plus, et fixait durement la foule.

Comment osait-elle parler d'elle comme si elle était morte ? Elle-même avait vu le jet l'emporter loin de l'arène. Même si Cassiopée savait que la version officielle des Hunger Games était qu'elle était morte, elle se sentait révoltée par cette mention. Elles s'attribuaient vraiment tout le mérite dans ces Jeux, alors que Cassiopée était sûre d'avoir tué au moins 4 personnes ! C'était plus que leurs médiocres meurtres, franchement.

- Ils étaient si doués et talentueux. Ils se sont battus dans l'arène comme des lions et sont morts avec honneur. Ils ont servi leur patrie, leur district, ont offert leur vie au Capitole comme leurs prédécesseurs.

La foule était silencieuse, obéissante au deuil qu'on leur imposait pour ces deux adolescents que personne ne connaissait réellement. Leurs deux visages flottaient sur des écrans devant les filles du district 10 et les regardaient, vivants.

Le regard acier de Franck et le sourire charmeur de Cassiopée semblaient envouter les personnes présentes, enveloppant les gagnantes de leurs grands visages hologrammes.

- Gloire à Panem, gloire au district 1, gloire à tous.

Cassiopée n'en pouvait plus. Elle décida de passer à l'action. Très soudainement, elle se releva et poussa les Pacificateurs qui protégeaient l'estrade sur lesquelles les championnes faisaient leur discours. Ils grondèrent et l'un deux brandit son arme contre elle mais elle lui lança un regard noir. Il la reconnut immédiatement et battit en retraite, la laissant monter sur l'estrade.

Malgré le laissé-faire des gardes du corps des gagnantes, la foule vit arriver sur scène une blonde armée, et des exclamations fusèrent.

En effet, Cassiopée n'était pas venue seule. Tout le long de son bras, elle avait attaché des lames de rasoir qui appartenaient à sa grand-mère, des lames de scalpel. Ainsi elle avait un poing américain meurtrier, dont elle avait l'intention d'en faire usage.

Les filles du district 10 ne la virent pas tout de suite, mais Morgane planta son regard dans le sien et murmura son nom. La surprise se lut dans ses yeux marrons, ses sourcils se levèrent, cependant la rapidité des actes de Cassiopée ne lui laissèrent pas le temps de réagir.

- Ouais, c'est moi, répondit Cassiopée dans un grognement.

Elle se jeta sur elle et la renversa. La tête de la brune cogna le sol dans un bruit sourd, qui plut son autrice. Elle serra ses cuisses autour de sa taille et leva sa main aiguisée, alors que Pandora poussait un cri de surprise et d'épouvante. Un mouvement de foule s'élevant depuis le devant de la scène faut reculer de cinq bons mètres tout les spectateurs, qui comprenaient maintenant dans la panique que ceci n'était ni une mise en scène ni une blague.

Elle abaissa sa main, et une éclaboussure brouilla sa vue pendant quelques secondes. Quel plaisir elle eut à entendre de cris et des hurlements résonner à ses oreilles, quelle douce mélodie ! Ses sens étaient brouillés, elle ne voyait pas sa victime mais devinait sans peine sa main enfoncée dans son ventre, s'enfonçant dans ses organes sans pitié. Elle n'hésitait jamais, Cassiopée, lorsqu'il était question de tuer. Elle était entrainée pour cela, les gens voulaient sa mort et elle voulait la leurs. Personne d'autre que Franck ne l'aimait et elle s'arrangeait toujours pour que ce soit le cas.

Elle n'était pas psychopathe, cette effusion de sang ne lui faisait pas réellement plaisir, mais elle n'avait pas oublié qui était Morgane. L'assassin de son petit ami, de la perle de sa vie, l'homme qui lui avait apporté le plus de choses. Elle ne faisait pas cela par réel plaisir, mais la vengeance avait un gout amer et doux qu'elle aimait en ce moment-là.

Le temps pour elle d'essuyer ses yeux, avec le revers de ses mains tachées de rouge, elle était plaquée contre le corps de Morgane et menottée par des Pacificateurs affolés. Autour d'elle tout hurlait, la panique s'emparait de tout le monde.

Que c'était beau.

Elle tomba dans les pommes, tout s'éteignit autour d'elle. Le noir, le néant.

Les yeux fermés, elle reprit conscience. Elle crut en premier être dans une voiture, car elle sentait sa tête tourner comme si elle était dans un véhicule. Puis, elle entendit le roulis méthodique d'un train. Elle ouvrit les yeux, s'aperçut qu'elle était assise sur une chaise, sans moyen de se lever. Ses mains étaient attachées dans son dos au dossier de la chaise, mais pas ses chevilles. Erreur de débutant. Elle sourit, car ce n'était pas la première fois qu'elle s'était retrouvée dans ce genre de situation.

Lorsqu'elle avait onze ans, elle s'était disputée très fort avec son père. La perte de sa mère, un an plus tôt, avait été dure pour elle et les relations qu'elle entretenait avec son parent encore en vie se détérioraient. Elle ne voulait plus des entrainements, ne voulait plus des leçons de vie et de la violence de son père. Ainsi, celui-ci, mécontent, l'avait attachée à une chaise pendant quelques heures, dans la forêt. Cassiopée n'aimait pas trop les insectes, elle en avait peur lorsqu'elle était plus petite. Son père le savait, il n'avait pas choisi cet endroit grouillant de vie par hasard.

Alors elle avait eu le temps de réfléchir, de faire une pause. Face à la toile d'araignée, sur cet arbre en face d'elle, et elle avait trouvé la faille dans le noeud qui emprisonnait ses mains. Ainsi, elle s'était détachée et était revenue chez elle, chez son père, et avait continué à vivre avec lui. Elle avait apprit à lui obéir et réussissait toujours ainsi.

Elle se rappela soudain que son père l'avait "reniée". Tout ceci n'avait plus de lien avec sa famille, il fallait l'oublier pour l'instant.

Elle se leva, après avoir défait avec facilité le noeud qui liait ses mains dans le dossier de la chaise. Cassiopée s'étira, ses boucles blondes dévalant ses épaules comme un torrent. Elle vérifia qu'elle avait toujours ses boucles d'oreilles, des abeilles dorées qui valaient beaucoup, et soupira.

Une porte s'ouvrit et Valentin la franchit:

- Bonjour, Cassiopée.

- Bonjour, district 5, dit-elle d'une voix assurée, en le dévisageant de la tête aux pieds.


- Alors ? demanda Kaloss, en rongeant ses ongles sertis de rubis.

- Je ne sais pas, dit Pandora en entrant, les yeux rouges.

L'ambiance de la pièce était ternie par le stress évident que les deux personnages ressentaient, et même les strass à paillettes du relooker ne pouvaient donner un autre aspect à cela. Tout s'était passé si vite, Pandora avait à peine eu le temps de se retourner que sa petite amie était au sol, attaquée sauvagement par une furie blonde. Les coups ciblés et experts qu'elle avait mit, de sa main gantée de couteaux, retentissaient dans l'esprit de la jeune femme comme une étrange litanie. Le sang avait coulé, ce jour-là. Elle tenait encore dans sa main suante le papier sur lequel leur Mentor avait écrit leur discours, un ramassis d'absurdité sans queue ni tête.

Morgane fut immédiatement transférée dans le train, alors que la foule hurlait. La blonde aux yeux bleus, qui détestait cela, fila elle aussi avec eux. Elle ne comprenait rien. Cassiopée était sensée être morte, et c'était ce que tout le monde croyait, donc elles avaient fait en sorte de faire comme si de rien était, puisque c'était ce que le public savait. Puis la voilà qui frappait à terre Morgane ?

Concernant Morgane, Pandora se faisait un sang d'encre. Elle avait titubé, portée par Kaloss et sa bande de groupies vers un wagon dans lequel la blonde n'était jamais rentré. La trace de sang sur le sol qui la suivait ne laissait pas aucun doute sur la nature de la blessure: profonde et dangereuse. Pandora le savait et elle se demandait, dans le plus grand stress, si elle allait survivre. Se faire poignarder ainsi n'avait rien d'amusant et elle en était nauséeuse rien qu'à y repenser.

- Je n'ai rien vu, je suis juste restée dans ma chambre.

Elle avait pleuré un peu, sous le choc. Elle s'était laissée trembler de la tête aux pieds, comme une poupée de chiffons, elle ressentait presque les coups dans son corps. Elle s'imaginait des médecins autour de Morgane, s'occuper de la blessure. Et si les lames avaient ripés sur sa robe ? Et si elle n'avait pas de blessure grave, ou que les organes n'étaient pas touchés ? Elle restait optimiste, mais elle était tellement dans l'ignorance à propos de l'état de sa petite amie qu'il lui était impossible de réellement savoir.

Cassiopée avait été menottée, et trainée à l'intérieur du train avant que les caméras du Capitole ne captent son visage. Pandora la savait à l'intérieur d'un wagon, mais elle ne savait pas lequel et Valentin lui avait vivement interdit de chercher.

"Cette fille, en plus d'être la fille d'un des hommes les plus influents des districts de Panem, est intelligente et dangereuse. C'est une tueuse qui n'aura rien à faire de ton gabarit, elle est sans scrupules. Ne t'approche pas d'elle !"

Pandora n'était pas de nature curieuse à l'excès. Si son Mentor lui avait dit de ne pas le faire, elle ne le ferait pas.

- Tu n'es pas allée voir mademoiselle Clay ? demanda l'homme en resserrant son corset.

Elle le regarda avec lassitude et se laissa choir sur un des tabourets hauts qui ornait le comptoir du bar. Il était assis, bien droit, avec une posture exemplaire et un sourire mi-compatissant mi déformé par la chirurgie esthétique.

- Non. Tu penses que j'ai le droit ? Où est-elle ?

- Oh, je ne sais pas. Je te conseillerais de ne pas aller fouiner, ma belle, pour ne pas trouver Tu-sais-qui.

Elle le regarda, étonnée, et prit un verre de jus de fruit qu'elle sirota:

- Tu appelles Cassiopée "Tu-sais-qui" ? C'est un peu exagéré, non ? Tu la connais, d'abord ?

- Et bien, oui, TOUT le monde la connait !

Il fit des petits gestes avec ses mains en parlant.

- C'est la fille qui un self-contrôle-power de fou. Genre elle fait littéralement PEUR.

- Merci, je savais. On vient carrément d'en faire les frais, marmonna Pandora entre ses dents, les yeux baissés vers sa boisson. Tu as vu les lames qu'elle avait collé à sa peau, comme si c'était un revêtement normal ?

- C'est une pro. Ma biche, tu n'es rien à côté d'elle, crois-moi, lui dit Kaloss en lui tapotant la tête.

Pandora acquiesça et se mordit le pouce, signe de stress. L'homme mit ses lunettes sur son front, et la regarda, les yeux pleins de compassion derrière ses faux-cils:

- Tu veux que je te raconte une histoire, pour faire passer le temps ?

Sans attendre de réponse, il lui prit la main et commença à raconter, agitant ses bras comme un enfant surexcité:

- Tu connais Katniss Everdeen, celle qui a failli embraser la rébellion ? Et bien, moi, je la connaissais. Je connais aussi très bien son tailleur, Cinna. Un mec bien, vraiment. Mais il jouait trop avec le feu, comme toujours. Elle est allée dans l'arène, après une entrée fracassante. Robe en feu, tout ça... Une fille qu'on oublie pas ! Son compagnon aussi, mais moins. Ce que le public aimait bien, c'était leur alchimie. Une parfaite union. C'était un gars parfait, une fille explosive. Et puis, ils ont trop fait les cons. Elle était plutôt bien partie pour gagner: le public l'aimait, les rebelles commençaient à s'organiser entre eux et se reconnaissaient dans sa voix, elle était habile, mais pas faux-cul. Malheureusement, elle s'est faite tuer dans l'arène. Sans plus. Voilà une histoire qui se termine mal, comme tout les Hunger Games.

- J'ai vu des rediffusions, quand j'étais petite. Elle m'avait toujours plu, avoua Pandora, les yeux dans le vague en se remémorant cette histoire.

- Elle plaisait à tout le m-

- Bonjour !

La voix forte du Mentor de Pandora coupa la conversation qu'ils avaient, celui-ci entra, suivie d'une adolescente. Au vu de sa taille, Pandora pensa immédiatement que c'était sa petite amie, mais ce n'était pas le cas.

De longs cheveux bouclés, dans une chevelure parfaite et bien coiffée comme à son habitude, venaient couvrir un visage d'une beauté sans équivalent. Les yeux sombres et calculateurs de Cassiopée vinrent frapper de plein fouet le tailleur assis-là, puis Pandora. Elle sourit, dévoilant des petites fossettes dans le creux de ses joues. Époussetant ses vêtements peu présentables, elle dit d'une voix mesurée:

- Bonjour.

- Cassiopée Price, du district 1, épella le relooker avec un air figé.

- Kaloss Abigail Manson, tailleur excentrique du Capitole, répondit-elle sur le même ton.

Valentin échangea un regard avec Pandora. Il paraissait contrit, réfléchi et obligé.

- Pourquoi elle est là ? demanda l'adolescente à l'adulte à demi-voix.

- L'enfermer n'est pas une option.

- Oui, m'enfermer n'est pas une option, dit-elle en coupant court à la conversation qui n'était pas très discrète au vu du ton qu'ils devaient prendre pour se faire entendre au-dessus du roulis continuel sonore du train. Vous savez tous ici que vous n'êtes rien par rapport à moi, et m'échapper n'est pas un problème.

Elle sourit et prit le verre de Pandora, avant d'y tremper ses lèvres et de le finir lentement, et le fit en plantant son regard rebelle dans ses yeux bleus. Celle-ci tremblait légèrement, serra le papier du discours dans son poing serré.

- C'est carnaval, aujourd'hui, Kaloss ? Parce que tu n'as pas mis ton habituel drapeau multicolore qui m'agresse les yeux, cela m'étonne. Le violet et le bleu, c'est un peu fade, non ?

Celui-ci baissa la tête et ne dit rien, puis se tourna vers Valentin:

- Plus sérieusement, pourquoi est-elle là ?

Ce dernier se massa les tempes et prit une grande inspiration. Cassiopée lui tendit une chaise qu'il attrapa de mauvaise grâce mais il s'assit tout de même dessus. Une fois préparé, il demanda:

- Est-ce que vous savez tous où l'on va ?

- Non, répondit Pandora, la voix pleine d'angoisse.

- Au Capitole.

- Quoi ? M-mais, la tournée de la Victoire ?! bégaya Kaloss. Si on retourne au Capitole, nous ne seront pas à l'heure pour le discours dans le district 2 !

- Et il est possible que nous n'y allions jamais. Morgane n'est pas en bon état. Et en disant cela, je dis que cela pourrait être critique.


Dans un état critique. La première réaction de Pandora, après avoir assimilé l'information, fut d'être surprise. Elle avait vu la tâche de sang qui avait accompagné sa compagne lors de son embarcation dans le train, la violence des coups de Cassiopée, seulement elle avait toujours cru Morgane presque invincible. En effet, cette dernière avait été blessée dans l'Arène, mais n'avait jamais réellement montré sa douleur. La voir décrite ainsi aussi fragile paraissait à Pandora aberrant, étonnant.

Puis, la colère s'empara d'elle. Si Morgane était ainsi, coupée de son équipe et de sa présence, blessée et laissée pour compte, c'était à cause de Cassiopée. C'était elle qui, pour une raison inconnue, s'était élancée sur scène et avait agressé la brune. C'était elle qui avait recouvert ses bras de lames tranchantes pour déchiqueter la peau de son adversaire qui n'en était pas une. Sans les coups violents qu'elle avait donné dans le ventre de Morgane, ils n'en seraient pas là. Et cette fille, coupable de tant de problèmes à venir, était juste devant ses yeux, arborant un sourire vengeur.

Elle se leva, et pointa un doigt accusateur sur elle, fit quelques pas furibonds pour venir planter son index sur la poitrine de la blonde, avec violence:

- C'est toi qui a fait ça.

La tension dans sa voix fit lever immédiatement Valentin qui s'interposa entre les deux adolescentes, qui se dévisageaient l'une l'autre. Elles étaient si proches qu'elles pouvaient sentir leurs souffles et les multiples couleurs complexes de leurs iris. Cassiopée n'avait pas bougé cependant, elle regardait avec arrogance la jeune femme qui devait faire dix ou vingt centimètres de moins qu'elle.

- Un problème, Pandora Lane ?

- Aucun, je t'assure. Par contre, j'aimerai que tu recules et que tu ne menaces pas ma disciple, dit Valentin, la mâchoire serrée.

Il donna un coup sec sur la main de la plus petite, qui baissa son index accusateur, sans quitter des yeux son ennemie. L'adolescente du district 1 fit quelques pas en arrière, malgré la tension évidente des trois regards posés sur elle, et déclara, faussement offensée:

- C'est moi qu'on accuse de menacer ?

- Tu ferais mieux de parler plus respectueusement, lui dit Kaloss d'une voix menaçante.

- Sinon quoi, tu me donneras des surnoms étranges ?

Elle sourit, et s'étira:

- J'ai envie d'un verre. Je me prendrais un cocktail, j'ai l'art d'en faire de délicieux. Je propose de faire le service.

Incrédule, Pandora la vit faire le tour de toutes les personnes accoudées au comptoir, passer de l'autre côté et fouiller dans les bouteilles d'alcool et de jus divers posés là. Comme si elle était dans le train depuis des années, elle sortit avec habitude une bouteille de tequila, du jus de clémentine et de cassis et des bouts de citrons verts.

- Qui en veut ? Je ne sortirais pas de verre en trop. Dans mon propre train personnel, j'ai déjà cassé bon nombre de verrerie à cause du mouvement et des virages. L'équilibre, ce n'est pas mon truc.

Elle sourit, ironique, alors que Valentin dit d'une voix blasée:

- Sers-moi aussi.

- Ah, ça m'étonnais du contraire, répondit la blonde en secouant ses boucles d'or. Un Mentor qui ne boit pas ou qui n'est pas alcoolique, ça n'existe pas. C'est bien Iris qu'il l'a dit, ça, non ?

Une veine sur le front de l'homme aux cheveux bruns pulsa, il avait l'air crispé. Il se rassit sur les longues chaises au bar et posa ses deux mains à plat sur la table d'un geste mécanique. Alors que Pandora le regardait, mi curieuse mi angoissée, il dit d'une voix douce:

- Tu as vu Iris ?

- Elle se prépare pour les nouveaux Hunger Games. Tu la connais, toujours prête un ou deux ans à l'avance.

- Qui est Iris ? demanda timidement la jeune blonde.

- Iris est le tribut qui a été choisi avec moi, l'année de nos Hunger Games. C'est elle dont je vous avais parlé, lors de notre rencontre.

- Une Mentore exemplaire. Je l'apprécie pour son sérieux et son tempérament, dit Cassiopée, un sourire figé aux lèvres.

Nul doute que le sujet était sensible pour Valentin car il avait plissé les yeux. De plus, la description qu'il avait fait de sa camarade était très brève et il avait un visage complètement fermé depuis la mention de cette femme.

- Tu la connais ? demanda Pandora en se tournant.

- De loin. Elle a fait partie des Juges qui ont vu ma prestation, et elle venait parfois dans le district 1. Tu veux un verre ?

- ... Oui.

Les trois eurent leur verre en main, et Pandora remarqua que dans son verre, il n'y avait qu'un fond de tequila, une substance translucide qui planait au fond du verre, sous le jus. Pourtant, Valentin avait une quantité normale, et Cassiopée avait rempli le sien presque à moitié d'alcool. Elle regarda Kaloss, ils eurent la même lueur dans le regard.

- D'ailleurs, où est-ce que je dormirais ?

Le ton insouciant de l'intruse contrastait avec les mines de déterrés que Valentin, Pandora et Kaloss affichaient.

- Avant de répondre à cette question, j'aimerai surtout savoir pourquoi tu agis comme si c'était tout à fait normal, demanda Kaloss en agitant ses faux ongles vernis.

- Parce que j'ai choisi d'être embarquée dans ce train, tu crois ? Une fois que j'y suis, impossible de sortir, je vous signale. Je n'ai pas envie de sauter par une fenêtre, en sachant que je vais peut-être me briser un os en tombant sur le sol. Et puis, le Capitole, ce n'est pas une si mauvaise destination.

Elle prit une grande gorgée de son verre, avalant les quelques centimètres de jus qui la séparaient de l'alcool. Rien dans son visage ne pouvait trahir la lassitude et l'angoisse qu'elle ressentait de retourner au Capitole, l'endroit précis où se trouvait son père, qui l'avait reniée.

- J'ai mené quelques recherches et le Capitole ne peut rien contre Cassiopée. Son père a payé une somme tellement considérable qu'elle est hors d'atteinte de toute puissances.

- À part les rebelles.

Kaloss éclata de rire, mais s'arrêta bien vite au vu des visages de marbre des autres.

- Ça va, je plaisantais.

- Et donc ? Si elle nous poignardait dans notre sommeil ? demanda Pandora en la regardant, une boule de panique dans sa gorge.

- Moi ? Non, tu es bien trop mignonne. Comme un petit animal...

- Tu ne le feras pas parce que tu n'as aucun intérêt à le faire. Malgré les bonnes grâces que le Capitole te réserve, un homicide, ou plusieurs, est toujours passible de la peine de mort, ou de prison. Tu ne pourrais y échapper même avec tout l'argent du monde.

Cassiopée soupira et leva son verre bien haut en déclarant:

- Bien vu l'ami. Je n'ai aucune intention de vous nuire, enfin pour le moment.

- Donc on va la laisser vivre avec nous le temps d'arriver au Capitole, vivre avec une tueuse ? demanda Pandora, révoltée. Je vais lui foutre mon poing dans la gueule.

- Trop mimi, commenta la concernée en souriant béatement. Quand elle parle, elle plisse les yeux, comme si elle se concentrait.

- Restez courtoises l'une avec l'autre, s'il vous plait. Il est vrai que nous sommes coincés avec Cassiopée le temps du voyage. Il y aura un arrêt à la gare du district 5, avant que nous repartions. Le voyage risque d'être long, donc vous feriez mieux de vous supporter le mieux possible.

- Avec joie, dit Cassiopée, ses yeux de prédatrice arpentant les fenêtres comme si quelque chose allait arriver et l'attaquer. Puisque vous n'avez pas répondu à ma première question à propos de là où j'allais dormir, j'en pose une autre: où se trouve Morgane Clay ?

Valentin la regarda au travers de son verre, qu'il était en train de finir. Il le posa ensuite contre le bois en acajou de la table, grimaça à cause de la brûlure dans son gosier, et demanda, de mauvaise humeur:

- Je me demande pourquoi tu poses des questions auxquelles tu sais que je ne répondrais pas.

- Allez. Que croyez-vous que je vais faire ?

Son ton goguenard acheva d'énerver Pandora qui dit d'un ton furieux:

- L'achever, peut-être ?

- J'ai autre chose à faire, répliqua la blonde.

- Comme coller des centaines de lames sur ta peau pour aller bousiller la vie de gens innocents !

- Clay n'était pas innocente.

- Quoi ?! Mais qu'est-ce que tu racontes ? Elle n'a rien fait, je le saurai !

- Tu ne sais pas ce que tu dis. Morgane a tué. Elle a...

Cassiopée se tut, et se resservit un fond de tequila pas si petit que ça, et se l'enfila à sec, sans broncher. Kaloss la regarda faire, suivant le trajet de la boisson du verre jusqu'à la trachée de l'adolescente. Sacrée descente.

- Elle a tué l'amour de ma vie, finit-elle en toussotant. 

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