✺Chapitre 11: Ce n'est pas une simple amie

- Bonjour, Pandora.

La voix de son père lui parut glaciale, mais c'était sûrement son retour qui lui était étranger. Cela faisait un mois qu'ils ne s'étaient pas vus. Il se tenait devant l'embrasure de la porte, son ventre proéminent bouchait l'entrée, et entre ses jambes les museaux de Yuki et Tili pointaient, pour dire bonjour à leur maitresse. Elle se fendit d'un grand sourire, et posa sa valise sur le perron:

- Salut, papa ! Comment ça va ?

- Entre, dit sa mère, que Pandora pouvait deviner derrière son paternel.

Celui-ci s'effaça pour la laisser passer et elle posa ses valises dans le couloir. Puis, elle entra dans le salon et s'assit sur une chaise, complètement épuisée:

- Vous m'avez tellement manqués !

- Nous aussi, ma chérie.

Elle croisa le regard de sa mère, qui lui semblait plus inquiet que d'habitude. Les rides entre ses sourcils et sur son front apparaissaient plus que d'habitude. Elle se redressa sur sa chaise, et joignit les talons:

- Qu'est-ce qu'il y a ? Un problème ?

- Ce n'est rien, ma chérie, lui répondit sa mère en prenant ses mains dans les siennes. Tu as juste un peu changé.

- Quelques hématomes, quelques combats, ça change une personne, répondit Pandora, un sourire pincé sur les lèvres.

Ses parents se regardèrent, en silence. Yuki, très contente de la voir, réclamait caresses sur caresses. Les deux chiens aboyaient, poussaient des gémissements de contentement, c'était émouvant. Concentrée sur ses deux amis en fourrure, elle ne vit pas son père s'approcher et prendre une chaise en face d'elle. Il poussa un gros soupir, et dit d'une voix grave:

- Pandora ?

- Oui ? demanda la jeune fille en levant la tête vers lui.

- Tu sais, nous avons suivi les Hunger Games à la télévision et... Tu sais, c'était tellement dur pour nous de te savoir loin de nous, de voir que des gens t'ont fait du mal... En tant que parent, c'était dur.

- J'imagine, dit lentement la blonde, moi aussi-

- Et on était tellement soulagés que cette Cassiopée meure à la fin, pour te laisser toi et bidule gagner, continua sa mère.

- Bidule a un nom. Elle s'appelle Morgane.

- Morgane, concéda son père en un grognement. Mais tu sais, on a vu des choses un peu étranges, dans l'arène.

- Ah oui ?

- Cette fille et toi, vous vous embrassiez.

Il semblait très gêné, et sa femme détourna le regard en souriant, très embarrassée. Pandora les regarda, incrédule, et dit d'une voix blanche:

- Oui, je sais.

- On espérait, en premier point, que c'était faux. Tu sais, ton amie, là, Morgane, elle n'est-

- Ce n'est pas juste une simple amie, papa !

- Oui, oui, bien sûr.

Il s'épongea le front, et demanda:

- Il n'empêche que cette fille n'est pas proche de toi et ne le sera jamais, tu le sais ? Et faire ça devant les caméras, passer à la télévision en embrassant une fille c'est plutôt embarrassant.

- Je ne pouvais pas prévoir que le Capitole allait me filmer comme ça.

- Mais alors, qu'est ce qui s'est passé hors caméra ? Est-ce que tu sors avec cette fille ? Demanda sa mère d'une voix très inquiète.

- Oui, oui je sors avec Morgane, on est en couple.

- Pandora, qu'est ce qui s'est passé avec elle ?

- Je sais pas ! Pourquoi on se prend la tête comme ça ?! C'est incroyable !

Elle savait que son comportement inquiétait ses parents. Elle se voyait avant, dans cette même pièce, à écouter ses parents se disputer et ne rien dire. Elle se voyait jeune, timide, introvertie. Elle n'était plus cette personne. Elle n'était plus une petite fille innocente et capricieuse. Elle s'appelait Pandora Lane et elle venait de gagner les Jeux du Capitole.

- Pandora, on s'inquiète pour toi. Cette fille t'a changée, tu sais que c'est dangereux... Regarde, en plus, elle est pauvre. Qui sait, peut être qu'un jour elle viendra te prendre notre argent !

- Morgane n'est pas pauvre, elle vient de gagner les Hunger Games, tout comme moi. Ce sont eux qui m'ont changés, papa.

Elle coupa court à la conversation, énervée:

- Morgane n'a rien à voir avec tout ça.

- Tu ne peux pas sortir avec une fille. C'est un caprice d'enfant.

Le ton ferme de son père la fit déglutir. Il paraissait sérieux et convaincu de ses dires. Elle plongea ses yeux bleus dans les siens, cherchant une ouverture, une brèche, un semblant de compréhension. Rien.

- Je ne peux pas sortir avec une fille ?! Pourquoi ?

Elle croisa les bras, désabusée.

- Ce n'est pas naturel, enfin. Et tu es trop jeune pour savoir, dit doucement sa mère.

Sans attendre la fin de sa phrase, elle se leva, et claqua des doigts:

- Yuki, Tili, on s'en va.

- Pandora ! Mais enfin !

Sans un mot, elle tourna les talons, et dévala le couloir en faisant le plus de bruit sur ses talons. Elle ouvrit et claqua la porte derrière elle. Tili se frotta contre ses jambes et grogna, dérangé par ces cris.

- Ça va, mon beau, dit-elle, ébranlée.

Elle caressa son pelage, et commença à marcher dans la ville, errant à la recherche de quelqu'un qu'elle connaissait. Elle se rendit compte de la bêtise qu'elle venait de faire, et voulut immédiatement rebrousser chemin.

Toquer chez elle, pardonner ses parents. Leur promettre qu'elle n'aimait pas "cette fille", comme ils l'appelaient. Seulement, elle ne voulait plus être la petite fille faible qu'elle avait été avant. Elle ne voulait plus se taire, analyser, remarquer sans sortir de l'ombre. Elle décida d'aller chez Anna en attendant que ses parents changent leurs positions.

Anna était sa meilleure amie depuis l'enfance. Elle avait deux ans de plus qu'elle et c'était sa sagesse qui avait toujours attiré la blonde. Elle était réfléchie et ne parlait jamais pour rien, et son charme était sans égal. Elle était un brin timide, mais plaisait toujours à tout les garçons du fait de sa chevelure rousse envahissante.

Elle était fille d'hôteliers, ne croulait pas sous la richesse mais vivait tout à fait acceptablement. Ainsi, Pandora pourrait louer une chambre d'hôtel chez elle et y passer la nuit en toute sécurité.

Elle regarda les rues défiler sous ses yeux alors qu'elle marchait. Le district 10 avait toujours eu quelque chose de lugubre, de triste, de vide. Depuis la tristement connue maladie de Chartz, qui a décimé un tiers de la population de Panem, plus personne ne faisait des fêtes tard le soir, même les alcooliques divaguant dans la rue à l'ombre d'un réverbère n'étaient plus là. Ils avaient dû être décimés par cette vieille maladie.

Elle toqua chez Anna:

- Bonjour, j'aimerai réserver une chambre.

- C'est fermé, lui répondit une voix masculine brusque.

- Je suis mademoiselle Lane, supplia Pandora.

- Oh ! Pardon, ma chérie. Entre.


- C'était horriblement éprouvant.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Mon père trouve que notre couple est un caprice d'enfant. Il le désapprouve.

Morgane releva le menton de Pandora et plongea son regard dans le sien. La tristesse et la fragilité qu'elle y vit lui fit pitié et souleva en elle une vague de colère distincte.

- J'emmerde ton père ! J'emmerde tout ceux qui remettront ça en cause.

Pandora se blottit contre elle, entoura sa taille de ses mains. Morgane caressa son dos en lui disant d'une voix ferme et concise:

- Tu as bien fait de t'en aller. Ils n'avaient pas à penser à ça en premier, quelle aberration ! C'est vraiment des mauvais parents. J'espère que ça ne t'a pas trop touché.

Elle l'embrassa et continua de parler:

- Moi je suis rentrée avec Nicolas. C'est le plus grand de mes frères. Ils sont tous gentils, en fait, mais Nicolas c'est le plus mature de tous. Après, à 26 ans, j'ai envie de te dire.

Pandora rit. C'était le lendemain de son altercation avec ses parents. Elle était restée dormir chez Anna. Puis, elle s'en était allée retrouver Morgane sur la place de la fontaine. Assises sur un banc, elles se racontaient leurs retour à la maison. Pour Morgane cela s'était bien passé, sans surprise.

Après quelques plaisanteries et mots doux, elles se quittèrent et Morgane rentra chez elle.


"- Bienvenue dans le chaleureux district 10 ! Nous sommes en direct du Capitole avec Caesar Flickerman pour s'entretenir avec nos deux jeunes finalistes de ces 95emes Hunger Games ! La belle Pandora et la combattante Morgane ! Combattante, certes, mais très jolie, ne faisons pas d'envieuses !

*rires*

- Découvrez les belles rues de ce district, le beau soleil que nous avons aujourd'hui donne ici une ma-gni-fique lumière... Assez parlé de météo, mais où se trouvent Morgane et Pandora ?

*rires*

- Ici, répondit la voix de Pandora, tout sourire.

- Ah, voilà notre petit rayon de soleil ! Pandora, ma chérie, comment vas tu ?

- Parfaitement, Caesar ! Vous voyez, je vous l'avais prédit : j'ai gagné parce que j'étais une femme.

- Ah ah ah ! Quel humour, j'adore.

*rires*

- Et toi, Morgane ? Ohhh, mais quelle est donc cela ? Vous vous tenez la main ! Oh oh oh, cher public, voilà qui me plait ! À propos de ça, mes chéries, parlons un peu de vous deux ! Vous nous avez offert un beau spectacle dans l'arène, dites moi.

- Si on avait su que c'était gardé au montage, on en aurait montré plus !

- Le prisme de la blague, j'adore !

*rires*

- Restons sérieux, les filles. Alors comme ça... Vous êtes en couple ? Sérieusement ? Info choc, chers auditeurs ! Morgane Clay et Pandora Lane sont officiellement en couple ! Woaaah ! Le Capitole est en émois ! Après les magnifiques et émouvantes choses que vous nous avez partagés dans l'arène, on a enfin la confirmation ! C'est extra !

- Eh oui, Casear. Seulement, ça s'arrête là, chacun son espace privé. Nous ne voulons pas de drone chez nous, comme Katniss Everdeen.

- Le jeune couple veut se préserver des caméras, je vois ! Croyez en mon expérience, vous ne serez jamais tranquilles !

*rires*

- Surtout pas de la part d'un curieux comme moi, imaginez-vous !"


Le président Snow éteignit le petit poste et regarda l'homme. Celui-ci affronta son regard, les mains fébriles. Il essuya la sueur qui coulait le long de son front.

- Je suis plutôt content de ces vainqueurs, dit le président Snow, en tripotant la rose à sa poitrine.

- Merci beaucoup, beaucoup ! C'était mon choix, vous le savez...?

- Je le sais parfaitement, c'est pour cela que je vous ai fait venir.

Il déglutit, alors que son supérieur lui adressait un sourire diligent.

- Asseyez-vous, prenez du thé. C'est une nouvelle recette faite par ma nièce, elle est très douée.

- Merci, dit-il en prenant la tasse qu'il lui adressait.

- Nous avions prévu de faire gagner le district 1, nous sommes d'accord ? De faire gagner la fille de celui qui gère tout les hôpitaux du Capitole, et le fils d'un entrepreneur compétent, contrairement à vous.

- C'était une prévision à taux de probabilité assez...

- Ne mentez pas: vous vouliez faire gagner le district 10 avant même de penser au 1.

- Non ! J'avais juste pensé que...

- Vous aviez mal pensé. Nous sommes maintenant en mauvais termes avec deux puissances et deux fortunes du district 1. Dites-moi qu'est-ce qui vous est passé par la tête en faisant gagner ces deux filles.

- Je pensais que cela équilibrerait la balance.

- Quelle balance ?

- Des districts. La pauvreté là-bas est...!

- Vous vous inquiétez vraiment de la pauvreté chez les districts ? Vous savez que je ne vous crois pas ? Quoi, l'une d'elles a couché avec vous pour en arriver là ?

- Absolument pas !

- Vu ce qu'elles viennent d'annoncer, ça m'étonnerait. Seulement, je vous crois capable de tout depuis que vous avez déjoué les prédictions pour mettre vos "favorites" en premier plan. Savez-vous à quel point c'était difficile de faire venir ce drone dans l'arène et enlever la district 1, sous les yeux des gagnantes ? Et simuler sa mort grâce à l'intelligence artificielle face aux caméras, c'était risqué.

- Pourquoi a-t-elle été enlevée ?

- Parce que son père a payé une énorme somme d'argent pour avoir son bouledogue près de lui. Cependant je compatis, j'ai moi-même une nièce et je payerais beaucoup pour la sauver s'il le fallait. Nous voici riches, avec le district 10, et une adolescente rescapée en liberté. Je vous promet des représailles.

- Je vous jure que le district 10 a un avenir !

- Mais dans quoi, Servilus ? Dans l'asservissement, plutôt que la grandeur. Vous vous adonnez à des jeux dangereux, sous prétexte que vous avez des favorites. Mais je vous le dit, ces filles-là ne rentreront pas dans votre jeu. La prétention sexuelle dont vous avez toujours fait preuve envers les jeunes gagnants des Hunger Games ne fonctionnera pas avec ces deux-là.

Celui-ci eut l'air surpris. Il rougit, puis blêmit, perdit ses moyens.

- Oui, je sais bien quel genre de chantage vous faites à tout ces adolescents. Et d'ailleurs, des caméras aussi.

Le président Snow regarda Servilus dans les yeux, avant de lui faire un petit sourire entendu. L'odeur de sang se répandit dans la pièce, alors que celui-ci répondait:

- Ce n'est pas du chantage.

- Je vous en prie, restons honnêtes. Et quand je vous dit que je suis très en colère, je suis honnête aussi. Je ne veux pas de ces deux jeunes femmes dans votre lit, est-ce bien clair ?

- O-oui, président Snow.

- Très bien. Vous pouvez disposer.


- Comment ça, Cassiopée est morte ?

- Oui, c'est même toi qui l'a tuée, lui répondit Valentin.

- Mais c'est faux ! Personne ne l'a tuée, elle s'est comme envolée.

Il leur tendit son petit écran, sur lequel s'afficha Morgane en train de déchiqueter le corps sans vie du tribut avec son poignard. La concernée regarda la scène, incrédule:

- C'est absolument faux. Rien de tout cela ne s'est passé.

- C'est ce que je te dis: un drone est apparu du ciel et a emporté son corps. C'était super bizarre on aurait dit qu'elle n'était plus en vie.

- Ça se trouve je l'ai tuée et je ne m'en souviens même pas, dit Morgane d'une voix blanche.Elle serra la main de Pandora, qui lui embrassa la joue et dit d'un ton ferme:

- Non, j'en suis sûre. Quelque chose ne va pas dans ces images, ce sont des fausses.

- Ça ne m'étonnerait pas que quelqu'un aie été retiré de l'arène, surtout le district 1. Les parents de ces participants sont très influents, peut-être qu'il y a eu un coup de pression sur le Capitole pour faire retirer Cassiopée, expliqua Valentin. Ça me paraitrait plausible.

- Donc elle serait prétendument morte ?

- Je ne pense pas que beaucoup de gens l'attendent, grimaça leur Mentor. C'était une bête de scène, rien de plus.

- Elle est plusieurs fois venue me parler, dans l'arène, dit Pandora en baissant les yeux.

Morgane la regarda, une lueur inquiète dans le regard. Sa main dans sa poche jouait avec le briquet en dragon, qu'elle actionnait et triturait, signe de stress de sa part. Pourquoi Pandora ne lui en avait pas parlé ? Concernant l'arène, elle avait aussi beaucoup de questions à poser à sa compagne.

Avait-elle entendu la dernière phrase qu'elle avait dite à Gabriel ? Connaissait-elle la véritable nature de Morgane: une tueuse ? Elle n'en était pas sûre, mais toutes les deux n'avaient pas parlé de l'arène. Sans doute que la blonde n'en avait pas envie, mais elle-même brûlait de le faire.

La semaine qu'elles venaient de passer n'était certainement pas la meilleure qu'elles avaient pu vivre, mais elle eut l'avantage d'être tranquille. Morgane présenta sa famille à Pandora. Ainsi, elle découvrit Gus, le père adoptif de tout les enfants, et les cinq garçons qui composaient la famille accueillante et chaleureuse de sa petite amie. Elles séjournèrent dans la chambre d'hôtel et prirent du temps pour vivre à deux, l'une pour l'autre.

Morgane découvrit des pans nouveaux de la personnalité de la blonde, son passé et sa vie quotidienne aussi. Elles prirent le temps de se découvrir corporellement mutuellement, ce qui fut une chose positive. Seulement, les caméras du Capitole étaient presque quotidiennement à leurs portes, en quête de potins croustillants.

Fatiguée par ce genre d'interventions, Morgane avait maintes fois essayé de stopper Caesar Flickermann dans son indiscrétion par rapport à sa vie de couple, mais elle n'avait réussi qu'à se faire passer pour la méchante. Ajouté à cela qu'elle venait de recevoir l'importante somme d'argent que le Capitole promettait aux vainqueurs, ce qui la mettait mal à l'aise.

L'argent qu'elle avait dans les mains était gagné sur le dur labeur, la sueur, les larmes et le sang des autres districts, en proie à la faim et la maladie. Elle avait voulu s'en débarrasser mais Pandora l'en avait empêchée: elle pourrait le mettre à profit par la suite pour enrichir son district, c'était inutile de le gâcher.

Au bout de cette semaine en amoureux, elle rejoint le fameux train et retrouva son Mentor, Valentin. Ce fut avec plaisir qu'elle partagea de nombreuses anecdotes avec lui, malgré l'air éternellement triste qu'il affichait. Après cela, c'était la tournée de la Victoire qui arrivait à grand pas.

- Tu ne m'as pas parlé de ça, dit Morgane, un brin de reproche dans la voix.

- On peut en parler après ? demanda Pandora, la voix lourde de non-dits.

Leur Mentor les regarda l'une l'autre sans rien dire. Il croisa les bras, et attendit.

- Non, j'aimerai vraiment en parler. Tu n'as pas confiance en Valentin ?

- Si, seulement j'aimerai ne pas avoir à en parler pour l'instant.

Un éclair de frustration passa dans les yeux de Morgane, elle gronda. Sans écouter son mécontentement, Pandora continua de parler avec leur Mentor. Sans le savoir même, elle alimentait la colère de la brune, qui ne faisait qu'augmenter.

Toujours éviter les problèmes, toujours faire comme s'il ne s'était rien passé... pensa Morgane. Ne jamais faire face. C'est énervant.

Elle s'éclipsa peu à peu de la conversation et sortit du wagon pour rejoindre leur chambre. Elle n'avait pas bougé d'un pouce depuis le début des Hunger Games. La vieille odeur d'essence lui rappelait l'altercation qu'elle avait eue avec Pandora la première journée lors du train. Elle avait gardé la petite cicatrice du fil de sa lame sur sa gorge pendant quelques temps, ce fut une belle leçon d'humilité.

Elle s'assit sur le lit et tâta son oreiller. La fraîcheur du tissus la fit frissonner, elle se posa sur la couverture. Cette chambre et ce train savaient tout deux le drame qui arrivait à leurs occupants quelques temps après leur passage. Sur ce lit, combien de tributs du district 10, combien d'adolescents apeurés, combien d'enfants innocents, avaient dormi avant de mourir ?

Elle posa sa tête contre l'oreiller, et écouta la voix de toutes ces âmes en peine, les sifflements du train, le roulement des rails. Le silence de l'air ambiant, les voix étouffées de ses deux compagnons dans la pièce d'à côté, le paysage qui défilait devant ses yeux troubles, le soleil qui se couchait presque, sa respiration qui se calmait peu à peu.

Elle s'endormit.

C'était soudain si calme dans son esprit, si vide. Des pensées éparses, qui formaient un torrent de choses futiles et plaisantes. Le bruit de l'eau qui coulait, un ruisseau de petites pensées. Un joyeux courant d'air, d'eau, sans esprit.

Cependant, quelque chose approchait et éloigna toutes les pensées disséminées dans son espace. Elle commençait à rêver.

Elle rêva qu'elle était la même bergère sur les mêmes collines. Le chatouillis des fourrures garnies de ses chèvres contre ses jambes lui procuraient une sensation de sécurité. Elles bêlaient, le son de leurs voix chevrotantes se répercutaient sur les parois abruptes des montagnes alpines au loin. Le bruit de leurs clochettes se mêlaient au vent des altitudes. Morgane était debout entre elles. À l'intérieur d'elle, elle redoutait déjà la chute. Elle connaissait cet endroit et le terrible cauchemar qu'elle avait fait cette nuit-là, dans le désert de ferraille.

- Morgane...

Son nom parvint à ses oreilles comme une litanie, une plainte, un sanglot. Elle se retourna, et le vide l'engloutit.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top