Chapitre 9: Une rencontre étonnante dans la forêt

Cassiopée regarda autour d'elle, avec un air perdu. Elle dansait depuis tellement de temps, qu'elle ne s'était même pas aperçue que la pièce s'était vidée de toutes les têtes connues. Autour d'elle, elle voyait bouger les formes, les hommes si grand qu'elle ne voyait pas leurs têtes. La lumière était tamisée, l'obscurité se faisait. La blonde se sentait si fatiguée qu'elle ne voyait plus rien dans sa vision périphérique.

Trop occupée à charmer le premier inconnu. L'homme qui était aujourd'hui sa cible dansait avec elle. Il était grand, habillé de noir. Dans un style un peu gothique, pensait-elle. Il était mutique, et elle n'aurait su vraiment dire s'il était intéressé par elle. Tant pis. Elle était complètement éméchée, et il lui semblait que les regards étaient braqués sur elle.

Sur son corps, sur ses déhanchés en folie, sur sa main qui tenait un verre plein dont elle renversait la moitié à côté. Son maquillage coulait, sous la sueur, sur son gloss. Elle ne savait plus où elle était... Ah oui, la boite de nuit. Et cet homme.

- C'est quoi ton petit nom ? lui demanda-t-elle, d'un air aguicheur.

- Dolorès.

Son ton froid n'empêcha pas la blonde plantureuse de s'approcher de lui, d'un air gourmand, et de poser ses deux mains sur ses épaules pour danser, espérant s'en rapprocher. Il la repoussa, et de sa grande main où brillaient des bagues à effigies de tête de mort, il enleva sa main.

- Et vous ?

- Price. Eh oui, je suis une Price.

Le nom de la famille des Price était connu et respecté de tous au Capitole. Son père avait une sacrée renommée parmis les doyens. Il avait de l'argent et de la prestance, malgré l'absence de proximité qu'il entretenait avec le président Snow.

- Comme Atalante Price.

Cassiopée n'entendit pas les dernières paroles de Dolorès, car elle venait de se retourner pour regarder la grande pendule à l'autre bout de la pièce. Il était deux heures du matin, et elle était complètement bourrée.

Cassiopée, malgré l'alcool, était assez intelligente pour savoir qu'elle n'aurait pas d'endroit où dormir ce soir. L'ancien appartement de Pandora et Morgane avait été donné: il appartenait à Valentin et celui-ci n'était actuellement pas près d'ici. Depuis, le jeune couple s'était installé dans un luxuriant appartement qu'elles fermaient à double-tour dès la nuit venue, pour éviter les journalistes. Il était aussi impossible de rester ici et de roupiller sur un canapé de velours, elle serait dérangée par la musique.

Elle déglutit, et bégaya un "aur'voar" croassant, et s'éloigna de la foule en délire qui dansait encore. Cette soirée était interminable ! Elle bailla, la fatigue la prenant.

Sans s'en apercevoir, elle prenait le jet qui menait au compartiment du roi et de la reine de coeur. Plongée dans ses pensées, elle ne vit pas les regards étonnés du pilote sur sa robe... Tâchée de bière.

- Merde... Elle était trop belle putain.

Elle ne fit que se plaindre bruyamment pendant tout le trajet. Sa tête lui tournait, et il lui semblait qu'elle parlait à une personne en face d'elle. Sûrement un humain. Ou un coussin, elle ne savait pas vraiment. Le pilote continuait à lui jeter des regards en coin, se demandant si elle était folle.

- Moi chui une Price, moi ! beugla-t-elle en se mettant debout, pensant que le jet était descendu.

Elle n'arriva qu'à perdre l'équilibre, se prendre les pieds dans des câbles situés le long de ses jambes, et s'aplatit sur le sol alors que le petit avion se posait abruptement. Son menton cogna le siège d'en face -bien vide-.

Sonnée, elle eut mal pendant deux bonnes secondes, avant que les hommes chargés de conduire le jet s'approchent d'elle avec beaucoup de gêne et lui demandent de descendre.

En les insultant bruyamment, elle sortit dans un petit jardinet où florissaient les roses rouges comme du sang. Elle cracha par terre, essuyant son menton endolori, et zigzagua vers son domicile.

- Je te jure que j'ai entendu un bruit, dit Iris avec un soupçon d'angoisse dans la voix.

Elle se retourna, et ses yeux bleus, sur le qui-vive, inspectèrent les buissons autour d'eux. Ils étaient dense, mais ne faisaient qu'un mètre, à peine. Toute personne adulte posée là aurait été vue. Elle plissa ses lèvres mauves, sifflant comme un chat.

- À mon avis c'est un animal, dit Valentin en haussant les épaules.

- J'ai plus peur d'un sanglier que d'un Pacificateur, là maintenant.

Il la regarda avec tendresse, et posa une main sur sa nuque courbée, tentant de la rassurer.

- C'est rien, allez !

- Non, il y a quelque chose ici !

- Jette un pain au chocolat. Si c'est une de ces bêtes, il la mangera en deux secondes, et on sera fixé.

Iris en lança dans plusieurs directions. Le bruit de la pâtisserie atteignant le sol et s'éparpillant en miettes lui fit mal au coeur. Elle aurait pu donner ça à des gens qui en avaient besoin. Celui qui venait de faire cette mauvaise blague allait se prendre un sévère coup de poing de sa part.

Elle fit la gueule à Valentin, se retournant pour marteler son index sur sa poitrine:

- Toi et tes idées idiotes.

- Je sais, mais dès que tu es près de moi, je deviens un imbécile.

Il fit un pas pour se rapprocher d'elle, dans la boue, et elle poussa un petit cri lorsqu'il posa ses mains sur sa taille. Amusée, elle posa ses deux mains sur son visage, encerclant sa bouille absolument charmante de ses doigts fins.

- J'aime un abruti, c'est ce que tu es en train de me dire ?

- Un abruti ab-so-lu !

Ils rirent tout deux et elle l'embrassa passionnément. La chaleur de leurs souffles la fit frissonner mais il se sépara bientôt cruellement d'elle.

- Regarde !

Un des pains au chocolat avait disparu, et un buisson remuait étrangement. Valentin fronça les sourcils, et remarqua la mine surprise d'Iris. Si c'était une façon pour lui de l'impressionner, il pourrait bien se battre à mains nues avec l'animal.

Il fit des grands pas vers le buisson et attrapa la forme qui se trouvait derrière.

- Hé ! Lâche-moi, le chieur !

Une adolescente le regardait, se débattant dans les airs comme un microbe. Iris et lui, éberlués par cette découverte, restèrent un moment complètement abasourdis, et ne bougèrent pas. La jeune fille finit par décourager la poigne de Valentin et redescendit à terre, le pain au chocolat dans la bouche.

Elle était habillée de fourrures simples, qui montraient qu'elle n'était pas une sauvageonne. Ses pieds et ses mains étaient boueux, parsemées de miettes de pâtisserie. Elle n'était pas grande, devait avoir quatorze ans. Ses cheveux étaient regroupés en un chignon sale d'où dépassaient des mèches.

Ses yeux étaient verts noisettes, rebelles. Elle regardait d'ailleurs les voyageurs comme s'ils venaient de l'insulter de tout les noms. On aurait dit un petit écureuil.

- Tu...

- Tu t'appelles comment ? rattrapa Iris, en lui tendant un deuxième pain au chocolat.

Elle semblait plus douée, en voyant que la jeune fille avait fini le premier.

- Salomé, répondit-elle avec une lueur de méfiance dans le regard.

Valentin fit quelques pas en arrière pour rejoindre sa petite amie, faisant face à Salomé qui dévora le deuxième met.

- Et qu'est-ce que tu fais là ? demanda Valentin.

Malgré son air plus délicat et plus doux qu'il voulait prendre, la jeune fille le regarda un moment en fronçant les sourcils, mutique. Elle ne semblait pas non plus très maigre, mais n'avait visiblement pas mangé depuis au moins un jour.

- Tu appartiens à quel district ? dit Iris en lui tendant sa flasque d'eau personnelle.

Salomé regarda un moment l'objet qu'elle lui mettait sous le nez, et le prit. Le fait qu'elle était civilisée devint sûre. Elle savait parfaitement comment ouvrir la bouteille.

- Au 1.

Sa dernière phrase répandit de la confusion chez ses interlocuteurs. Le district 1 était connu pour être une version un peu plus pauvre du Capitole, mais cultivée, riche et abondante. Rien à voir avec cette adolescente en déshydratation. Iris et Valentin échangèrent un regard prudent, mais ne remirent pas en cause ce qu'ils pensaient déjà comme un mensonge.

- Tu t'es perdue ?

- Nan. Mon précepteur m'a fait chier.

Précepteur. Valentin comprenait soudainement ce qu'elle disait.

- Tu fuguais ?

- Ouais.

Elle haussa les épaules et rendit poliment la flasque à Iris, qui se sentit presque honorée qu'elle le fasse et qu'elle ne le jette pas dans la boue comme les miettes de pain au chocolat.

- Tu sais que c'est dangereux ce que tu fais ? En plus, la Moisson approche, et tu es sensée être présente lors des événements.

- M'en fous.

- Les Pacificateurs ne s'en fichent pas, tu sais.

- M'en fous aussi.

Iris soupira, et posa une main sur le bras de Valentin qui semblait un peu énervé par l'égoïsme prompt de Salomé.

- On va te raccompagner chez toi, d'accord ? Ce n'est pas très prudent de rester ici. Tu vois bien que rien n'est comestible ici. Si tu viens avec nous, tu auras un coucher, un manger et tout ce que tu veux.

- Mh... D'accord.

Salomé les regarda de ses yeux clairs.

Le président Snow regarda avec ennui Salomé suivre Valentin et Iris à travers la broussaille.

- Vous savez ce que j'aime, avec ces petits buissons ? C'est que les drones traceurs arrivent parfaitement à les suivre avec ce genre de végétation.

La Louve le regarda avec dégout, mais continua de regarder les silhouettes sur l'écran.

- Regardez comme ils jouent aux bons samaritains. Distribuer de la nourriture dans les districts, mais quelles bonnes actions. Je n'ai encore ordonné à les faire tuer parce qu'ils m'amusaient. Et puis, je suis bien le seul ici que l'on ne peut pas accuser de voyeurisme.

Il tourna les gonds de son fauteuil à roulettes, une tasse de thé à la main, la coupole dans l'autre. Avec un sourire diligent, il demanda:

- Pourquoi faites-vous encore la gueule ? Je vous montre mieux qu'une chaine télévisée: la vie en direct d'un jeune couple qui croit faire le bien.

Il avait croisé ses pieds sur son bureau, et était avachi dans son grand siège. La main qui tenait la coupole était tenue sur son ventre.

- Tiens, j'ai trop mangé en ce moment. Il serait temps de me mettre au régime. Si vous êtes d'accord, je le fais. Dites moi oui ?

Il s'amusa à la voir immobile.

- Muette, muette cette petite Louve. Et bien je ne ferais pas de régime, vous avez raison.

Il se leva, finalement agacé par le visage dur et froid de son ennemie. S'approchant d'elle, il vint prendre son menton avec rudesse.

- Ne faites pas cette tête-là. Je voulais décorer mon bureau de quelque chose de joli, et vous étiez parfaite dans ce rôle. Dès que j'aurais des invités, je vous inciterais à sourire. Sinon, je peux tout aussi bien vous droguer. Dites le moi, si ça vous pause un problème.

Il éclata de rire. Il allait bien s'amuser avec elle, décidément...

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