Chapitre 45: Combattre ou fuir

La nuit était épaisse, implacable, alors que le train filait à travers la campagne dévastée. Valentin et Primrose, dissimulés dans l'ombre d'un compartiment abandonné, sentaient chaque cliquetis des roues sur les rails résonner dans leurs os. Ils avaient réussi à monter furtivement à bord du train qui se dirigeait vers le District 10, une prouesse qui relevait de l'incroyable étant donné la surveillance constante du Capitole.

Primrose, désormais muette et surnommée la Louve, était assise contre la paroi métallique, ses yeux fixés sur le vide. La lumière intermittente des réverbères distants pénétrait par les fenêtres sales, illuminant par moments ses traits marqués par la souffrance et la détermination. Valentin, plus jeune et encore plein de cette énergie désespérée de ceux qui ont tout à perdre, veillait près de la porte, prêt à agir au moindre signe de danger.

Ils ne se parlaient pas, seuls leurs souffles se répondaient, courts et alertes.

Leur évasion avait été précipitée, et Valentin se savait perdu à partir du moment où il serait vu avec l'ancienne cheffe de la Rébellion. Sans doute mourrait-il dès ses premiers pas dans le district 10... Il avait bien fait de dire adieu à la femme qu'il aimait.

Le train était leur seule chance. Roulant vers le District 10, dans l'espoir que la famille Clay leur ouvre leurs portes. Mais le voyage en lui-même était truffé de dangers. Les patrouilles du Capitole, les rebelles hostiles ou même le danger qu'on les reconnaisse dans ce train vide représentait une menace qu'ils devaient envisager.

Valentin se retourna, s'assurant que Primrose tenait le coup. Elle avait fermé les yeux, ses lèvres formant une prière silencieuse. Même dans l'obscurité, il pouvait sentir sa puissance étrange. Sans un mot, il lui tendit une gourde d'eau. Elle la prit avec un sourire faible, mais reconnaissant. Pauvre femme à qui on avait tout pris.

Soudain, le train ralentit brusquement, les roues crissant sur les rails. Valentin se tendit, jetant un coup d'œil par la fenêtre fissurée. À travers la noirceur de la nuit, des lueurs rouges et bleues scintillaient au loin. Une patrouille du Capitole ? Le jeune homme se tourna vers Primrose, leurs regards se croisant dans un échange muet de compréhension et de préparation. Si c'était une patrouille, ils devaient être prêts à tout.

Les minutes s'égrenaient comme des heures. Finalement, le train reprit sa vitesse normale, les lueurs disparaissant dans le lointain. Un soupir de soulagement collectif échappa à leurs lèvres. Valentin se rapprocha de Primrose, chuchotant doucement pour ne pas rompre le fragile silence.

- Je pense que nous arrivons.

Primrose hocha la tête, son regard disant tout ce que ses lèvres ne pouvaient plus exprimer.

Au bout de quelques heures, ils entendirent les bruits de la ville approcher. Le District 10 était en vue. Le train ralentit progressivement, les bâtiments délabrés et les champs dévastés se révélant peu à peu dans la lumière grise de l'aube naissante. Valentin et Primrose savaient que le plus dur restait à venir. Trouver leurs alliés et se cacher des yeux inquisiteurs du Capitole.

Le train s'arrêta enfin dans un soupir métallique. Les portes s'ouvrirent avec un grincement sinistre. Valentin prit la main de Primrose, la serrant fermement.

- On y va.

Ils se glissèrent hors du compartiment, se mêlant discrètement aux travailleurs matinaux et aux voyageurs fatigués. Le District 10 les accueillait avec son atmosphère lourde et son air chargé de poussière. Chaque coin de rue, chaque visage inconnu pouvait être un ennemi ou un allié. Mais une chose était certaine : la lutte pour la liberté, pour la justice, continuait, et tant qu'ils étaient en vie, l'espoir restait vivant.

Ils trouvèrent refuge dans une vieille grange abandonnée à la périphérie de la ville, un endroit sombre et humide mais loin des regards curieux. Valentin ferma la porte derrière eux, s'assurant que personne ne les avait suivis. Primrose s'installa sur un tas de foin, ses yeux scrutant les alentours avec prudence.

À travers l'aurore qui pointait son nez, ils marchèrent jusqu'à la maison de

La flamme de la rébellion brûlait encore, et ils étaient déterminés à la nourrir jusqu'à ce qu'elle éclaire enfin toute Panem.

- Pourquoi on ne laisse pas dormir les brebis dehors ? murmura une voix à travers la porte.

La Louve regarda le brun répondre à demi voix:

- Elles se feraient manger par les loups.

La porte s'ouvrit, faisant apparaitre la silhouette massive et imposante du frère de Morgane Clay, dénommé Nicolas. Il regarda sa supérieure avec un regard posé.

- Welcome home, Louve.


- Je ne veux plus que tu mettes ce masque de malheur.

- Cassy...

- Non ! coupa la blonde en prenant son visage à deux mains. Si tu continues, je pars et je ne reviendrais pas.

Le Valet poussa un profond soupir qui fut coupé par des baisers empressés de la Price, blottie contre elle. Elle passa sa grande main dans ses cheveux bouclés, les caressant, entortillant ses phalanges dedans.

- C'est du chantage.

- Oui, répondit elle fièrement. Je suis très sérieuse.

- Je ne suis pas sûre que me faire chanter soit très moral.

- C'est pourtant ce que j'ai fais tout à l'heure, ricana sa belle, qui s'esclaffa devant sa mine soudain rebutée. Orh, ne fait pas ta pudique !

- Qu'est-ce que tu peux être agaçante.

- J'adore. Désolée, c'est ma meilleure qualité et mon meilleur défaut.

- Ne dit pas ça. Tu as beaucoup de qualités.

Cassiopée plissa les yeux, frissonnant en sentant les mains de la rousse sur son dos découvert, la chaleur et la sueur de leurs deux corps nus. Restant dubitative, elle caressa la mâchoire de Angelina en attendant qu'elle finisse sa phrase, lovée contre sa poitrine.

- Tu es... Hum, extravertie.

- Tout le monde est extraverti, dit Cassiopée d'un air moqueur.

- Non.

- Mmh.

- Et puis, tu es sensible.

- Même pas.

- Tu es gentille.

- Alors là, je ne sais pas pour qui tu me prends, mais...

- Tu es belle.

- Je sais.

- Non, tu ne sais pas, répliqua la rousse avec un petit air que Cassiopée trouva adorable. Tu ne sais pas comment moi je te trouve belle.

Après quelques baisers qui pallièrent le soudain besoin de câlins de la Price, flattée, elle s'allongea sur elle et dit d'un air princier:

- Alors dit moi en quoi je suis belle ?

Piquant un fard, son aimée bafouilla quelques phrase:

- Hé bien, j'aime bien la fossette quand tu souris. J'adore quand tu as cette étincelle de joie quand tu veux que ton interlocuteur s'énerve, tes épaules musclées, les fossettes au bas de ton dos, ton ventre quand tu arrêtes de le rentrer...

- Bon, c'est bon, dit Cassiopée qui bredouilla aussi, touchée par ces détails si précis. Arrête les compliments, c'est ridicule...

- La tête que tu fais quand tu es frustrée, les mèches de cheveux devant tes oreilles quand tu te fais une queue de cheval, ton petit air précieux quand je t'avais prêté mes bottes...

- Angelina ! se plaignit Cassiopée en lui donnant des petits coups de poings dans le bras, en riant.

- Je t'aime, Cassy.

- Tu es bête.

- Non.

- C'est vrai. Tu es intelligente.

- Tu vois, tu es gentille. Quand tu veux, tu peux être adorable.

- J'ai le droit à une récompense alors ?

Angelina écarquilla les yeux devant l'air malicieux de Cassiopée qui se relevait sur elle, une main posée sur son cou, l'autre autour de sa taille très suggestivement.

- Encore ?!

- Allez !


Gladys regarda Salomé arriver vers elle sans parler. Son regard vide suivit simplement les courbes, presque dansantes, de sa silhouette au loin. Cette fille aux épaules puissantes, aux cheveux emmêlés et bruns. Elle s'était trompée sur son compte.

Ils avaient tués son ami. Pire encore, ils l'avaient empalés sur une pique de bois, exposant son corps vulnérable aux mouches, à la décomposition, au déshonneur et aux caméras du Capitole. Pour qui pouvaient-ils se prendre, pour ainsi jouer de la vie du garçon aux cheveux rouges ?

En quoi avaient-ils le droit de s'en servir comme jouet contre le Capitole ? Ils n'avaient pas droit de lui enlever la seule chose pour laquelle elle essayait de se battre dans l'arène: l'honneur et le droit à une mort digne.

Elle refoula la bouffée de colère qui la prit lorsque Salomé se rua sur elle et l'embrassa à pleine bouche.

- Salut, dit elle, déboussolée, à la fin de leur échange mouillé.

- Hey, répondit Gladys, d'une voix rauque.

Salomé lui sourit, légèrement nerveuse et visiblement sautillante. Elle garda ses mains dans ses poches mais brûlait de les poser sur sa taille. La carrière du district 8 ne la regarda même pas, sans rien dire.

- C'est...

Elle avait une voix grave, sérieuse, étrangement grave. Salomé la regarda en fronçant légèrement les sourcils, se mordillant la lèvre.

- Pourquoi il est là.

- Euh... Qui ?

Salomé, surprise par son ton haineux, se retourna en tout sens pour regarder autour d'elle. Ne comprenant pas, elle se tourna finalement vers la métisse qui avait les poings serrés, la mâchoire crispée.

- Pourquoi ?

- T-tu parles du cadavre ?

- Il était du district 8. C'était mon binôme.

- Tu es sûre ? dit la brune, l'angoisse et l'horreur la prenant en regardant la silhouette déchiquetée.

Elle recula d'un pas et faillit tomber, rencontrant sous son pied la botte du mort qui était tombée pendant qu'on l'avait installé là. Son visage pâle et ses yeux aveugles levés vers le soleil qui se levait haut dans le ciel lui donnait l'air d'un ange déchu, et par opposition, rendait diabolique l'ombre de Salomé.

- C-c'est sûrement quelqu'un d'autre, dit elle, les yeux écarquillés.

Le regard de Gladys lui pesait et elle sentait le poids de la culpabilité lui...

- C'est moi, dit Azur.

Le bras en écharpe contre son torse, il regarda l'asiatique avec une lueur de colère, de défi et de prestance dans le regard. On oublierait presque qu'il avait 13 ans, et Gladys 18. Les deux se défièrent du regard sans aucune considération pour les origines, l'âge ou la taille de son adversaire.

- C'est moi qui l'ait mis là. C'est moi qui l'ait tué et qui en ait fait un épouvantail. T'as un problème ?

Les yeux de Gladys s'allumèrent de rage alors qu'elle s'élançait vers Azur, poings et griffes brandies dans un geste de haine pure instantanée. Son corps fit quelques mètres avant de s'écraser lourdement sur le sol...

- Mon dieu, les croches pattes ça fait mal, dit Salomé en se précipitant vers celle qu'elle venait de faire tomber habilement.

Gladys prit la cheville de la brune au vol, ce qui la déstabilisa et la fit tomber aussi, non loin d'elle. Azur, les yeux plissés, s'empara d'un poignard de sa main libre, mais ne bougea pas. Il utiliserait l'arme en dernier recours, car si la tribut du 8 s'en emparait, elle deviendrait véritablement dangereuse à ses yeux.

Salomé poussa un cri de guerre, s'emparant du col de Gladys pour la coller au sol dans la boue et de s'asseoir sur son bassin pour ainsi l'immobiliser. Plongée dans la boue, celle ci ne fit aucun mouvement, seuls quelques bulles d'air qui sortaient de l'endroit où était sa tête trahissaient le fait qu'elle ne se noyait pas sous la tonne d'eau vaseuse et de boue.

Avec un sursaut, Salomé la sortit, ayant peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Pourquoi ne bougeait elle pas ?!

Elle comprit en se prenant soudain un uppercut dans la mâchoire qui la sonna si fort qu'elle tomba en arrière sur les genoux de son adversaire qui en profita pour se mettre assise et lui enfoncer son coude dans le ventre.

Salomé reçut le coup de plein fouet. Déjà sonnée à cause du premier coup, elle gémit de douleur et se tint les tripes, l'air de souffrir encore plus. Gladys en profita pour s'extirper de la boue, ses jambes désormais hors de la poigne de celles de la brune. Le temps qu'elle soit debout, le tribut du district 1 s'était remis et s'élançait vers elle.

Gladys esquiva le premier coup qui entraina Salomé un peu trop loin que prévu dans le vide. Déséquilibrée, elle se prit la main de Gladys dans la joue. Une baffe puissante comme elle n'en avait jamais eue, qui, combinée à l'élan qu'elle venait de prendre, la fit à nouveau plonger dans l'herbe spongieuse.

La métisse en profita pour lui donner un grand coup de pied dans le dos, puis un autre, puis un autre. Salomé se tordait de douleur, et se recroquevilla pour échapper aux coups dans ses côtes, son dos, sa poitrine.

- Ca suffit ! fit la voix fluette de Azur.

Gladys voulut pousser un cri de rage mais sentit quelque chose de froid contre sa gorge. Azur était passé derrière elle et venait de plaquer une lame sur sa peau. Elle comprit qu'il ne rigolait absolument pas en sentant une goutte de sang perler et rouler le long de son cou pour rejoindre son tee-shirt.

Déglutissant, elle regarda Salomé se relever, chancelante, en se tenant le flanc. Son nez saignait et elle semblait cabossée. Gladys se mordit la lèvre, elle n'avait pas eu le choix... Maintenant qu'elle regardait les dégats de ce qu'elle avait fait, elle se sentait moins euphorique que pendant le combat.

- Laisse la, dit Salomé d'une voix rauque.

- NON !

- Azur !

- Non non non !

- Je t'en prie !

- JE VAIS LA TUER !

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