Chapitre 42: Le venin du serpent n'atteint pas la blanche colombe

Le bureau de Snow était plongé dans une lumière tamisée. L'élégance froide des lieux n'était surpassée que par l'aura glaciale émanant du président. Assis derrière son bureau imposant, Snow fixait l'écran devant lui, où l'émission de Caesar Flickermann venait de se terminer. Ses doigts, parés de bagues luxueuses, tapotaient le bois verni avec une patience sinistre.

Les applaudissements et les éclats de rire résonnaient encore dans ses oreilles, mais ce n'étaient pas ces bruits qui occupaient ses pensées. Non, c'était la vision de Morgane Clay, cette ancienne tribut, osant défier l'ordre établi en attaquant Caesar en plein direct. Une humiliation publique. Un acte de défiance impardonnable.

Snow se leva lentement, ses mouvements précis et calculés. Il prit une profonde inspiration, le parfum des roses qu'il affectionnait tant emplissant l'air. Son regard se durcit tandis qu'il se dirigeait vers une porte dissimulée derrière une tenture de velours. Il l'ouvrit et pénétra dans une pièce plus petite, équipée de divers écrans de surveillance.

Primrose, la Louve, était assise dans un coin de la pièce, ses yeux rivés sur les écrans. Elle ne s'attendait pas à voir Snow surgir derrière elle. Il la fixa avec une intensité glaciale, ses pas résonnant lourdement sur le sol de marbre.

- Tu te réjouis de ce que tu viens de voir, n'est-ce pas ? siffla Snow, son souffle glacial caressant l'oreille de Primrose.

Elle ne répondit pas, ses yeux exprimant à la fois défi et résignation. Sa mutité la rendait encore plus vulnérable face à la colère de Snow, mais son regard ne vacilla pas.

- Ce que ta petite protégée vient de faire en direct, continua Snow, enfonçant ses ongles dans la peau de Primrose, est un acte de rébellion. Une attaque directe contre le Capitole, contre moi.

Il la lâcha brusquement, et Primrose se redressa, son regard flamboyant de colère contenue.

- Je contrôle bien plus que tu ne l'imagines. Et les conséquences de ce soir seront sévères. Pour tous.

Il s'approcha d'elle, une menace palpable dans chacun de ses pas.

- Je vais te montrer ce qu'il en coûte de me défier... murmura-t-il, ses yeux brûlant de cruauté.
La porte s'ouvrit brusquement, et Valentin, entra précipitamment. Il avait visiblement couru pour arriver à temps.

- Président Snow, bonjour ! s'exclama-t-il, essoufflé. J-je suis le Mentor de Morgane Clay... Et je suis venu vous parler de cette... Enfin...

Snow s'arrêta, ses yeux glacés se posant sur Valentin. 

- Parle vite, ordonna-t-il.

- Nous pourrions utiliser cette attaque pour renforcer encore davantage votre image de leader  juste et conciliant,  proposa Valentin. En montrant au peuple que même les plus féroces rebelles finissent par tomber, nous pouvons détourner cette humiliation en démonstration de votre pouvoir.

Snow resta silencieux un moment, pesant les mots de Valentin. Il fit un pas en arrière, relâchant légèrement la tension dans la pièce.

- Continue, dit-il, son intérêt piqué.

- Nous pourrions organiser un événement public où Caesar, après avoir récupéré, ferait un discours sur la résilience du Capitole face à la barbarie des districts, expliqua Valentin. Et si Morgane et Pandora sont suffisamment "encouragées", elles pourraient même être forcées de faire des excuses publiques. Je

Snow réfléchit, ses yeux fixés sur Primrose, toujours assise devant son ordinateur.

- Intéressant, murmura-t-il. Mais comment comptes-tu les faire plier ? 

Valentin sourit, un sourire qui n'atteignit pas ses yeux. 

- Je suis leur Mentor, je vous assure qu'elles coopéreront.

Snow fit un signe de tête, approuvant la proposition. 

- Bien. Que ce soit fait immédiatement.  Et quant à toi, ajouta-t-il en se tournant vers Primrose, n'oublie pas que je t'ai à l'œil. Un faux pas de plus, et tu regretteras de ne pas être morte de la même façon que ta soeur.

Il se détourna, laissant Primrose reprendre son souffle. Valentin attendit que Snow soit parti pour se pencher sur elle, et dire d'une voix chuchotée, pressante:

- Suivez moi ! 

Elle leva ses yeux fatigués vers lui, mutique, mais un éclair fugace de compréhension passa dans son regard. Derrière ses lunettes dorées, Valentin lui lança un regard alerte. Sans plus d'autres paroles, il la releva et ils commencèrent à courir vers la porte du bureau du président Snow.


- Salut, dit Andréa en s'asseyant en face de Cassiopée.

Celle-ci était habillée d'une robe moulante noire, comme si elle était en deuil. Ses cheveux bouclés adorablement relevés en un chignon et elle portait un maquillage discret -trait d'eye-liner et rouge à lèvre plus que rouge-, elle plongea ses lèvres dans son café en la regardant.

- Toujours aussi belle... Glamour et préoccupée, déclara la brune avec un air bienveillant.

- Bonjour, Andréa, répondit-elle d'un ton presque autoritaire. Je me suis rendue compte qu'on ne s'était pas présentées...

- J'ai bien fait, au contraire. Je viens du district 7, je travaille ici chez ma soeur, je suis plombière des canaux du Capitole.

La mâchoire de Cassiopée faillit se décrocher.

- Oh merde. Je ne m'y attendais pas à celle-là... Tu habites chez ta soeur ou tu as l'habitude de ramener des filles chez elle pour les baiser ?!

- Non, répondit la grande brune en riant. Tu ne dois pas être la première, mais je fais ça rarement. 

- Au fait, t'as quel âge...?

- 29 ans, dit la grande femme à la peau chocolatée, amusée.

- Ouille. Je suis bien trop jeune pour toi, la taquina Cassiopée en souriant. 

Il y eut un moment où elles ne parlèrent pas, mais la blonde la contempla, admirant son visage serein et rond, ses cheveux de jais et sa jolie forme de poitrine. Non pas ronds et relevés, comme les normes du Capitole l'imposaient, mais galamment laissés en liberté dans haut ample, authentiques, tendres.

- Cassiopée...?

- Moui ?

- Tu regardes quoi...?

Cassiopée, embarrassée, recommença la conversation, parlant du bar où elles s'étaient rencontrées. Le sujet dériva assez rapidement sur la façon dont Cassiopée avait ignoblement été "vendue" par son père à un inconnu.

Touchée par ses propos choquants et attristants, Andréa avait posé ses mains sur les siennes en l'écoutant parler. Cela avait fait un petit électrochoc pour Cassiopée qui continuait de lui raconter.

- ... Et voilà où j'en suis désormais. Aux lèvres d'une fille qui me déteste, qui me fait tout remettre en question, et que j'aimerais désormais oublier.

Andréa la regarda un moment en serrant la main dans la sienne, encourageante. Puis, elle leva le regard... Et son expression changea soudainement.

- Ange, dit Cassiopée en relevant la tête avec empressement, lâchant la main d'Andréa soudainement.

La silhouette pétrifiée de Angelina Coeur se dessinait au milieu du couloir, les regardant. Mais la première chose que Cassiopée se dit fut: "je lui rend la monnaie de sa pièce, à cette salope". On ne faisait pas changer Cassiopée Price du jour au lendemain.

Seulement... Le Valet, si.


- Oh merde... dit la fille brune en se levant, devinant ce que Angelina était venue faire là.

Sauf que la rousse, elle, n'était pas du tout dans la même optique. Son coeur battait à tout rompre et elle s'empara sèchement de la manche de la femme, de sa main gantée.

- Merde, Angelina !

La force avec laquelle elle avait prit la main d'Andréa fit peur à celle-ci qui s'éloigna, une lueur d'incompréhension dans le regard.

- Cassiopée, c'est elle...?

- Qu'est-ce que tu fous là ? aboya avec agressivité la blonde en se levant à son tour, prête à en découdre.

Angelina tourna son regard désespéré vers elle, et se prit de plein fouet son air haineux, plein de hargne. Déglutissant, elle lâcha la femme avant de balbutier quelque chose que Cassiopée balaya d'un revers de la main:

- Pourquoi tu es là, Ange ?! Qu'est-ce que tu fous sur mon territoire ?!

- Ce n'est pas...

- Qu'est-ce que tu fais chez moi ?

Angelina fronça les sourcils. C'était incompréhensible, elle pensait qu'en revenant vers elle, tout se réglerait. En délaissant sa lâcheté, en prenant les choses en main... Pourquoi la colère transparaissait dans le regard de la blonde, comme si Angelina lui avait fait quelque chose ?

- Je ne comprend pas. Qui est cette fille.

- Personne ! dit Andréa, une main devant la bouche, l'air très embarrassée. 

Elle se sépara de Cassiopée, qui s'était mise devant elle pour faire opposition à la rousse, malgré que la brune faisait une tête de plus qu'elle.

- Ecoutez, je vais vous laisser... Mais Cassiopée, dis ce que tu as sur le coeur. Vraiment, murmura-t-elle à l'oreille de la blonde plantureuse en passant à côté d'elle.

Angelina tenta de la retenir, le coeur serré, mais sa main se perdit dans le vide. Elle sentit son coeur se serrer lorsque Cassiopée brandit un poing menaçant.

- Tu l'as fait partir ! 

- Mais... Qui est cette fille ? Pourquoi elle est là ?!

- Parce que j'ai besoin de T'OUBLIER, connasse ! gronda Cassiopée en la poussant violemment.

Angelina ne bougea pas d'un pouce, ce qui déstabilisa la blonde qui faillit tomber de ses talons hauts. Mais cela ne fit qu'augmenter sa rage et elle la poussa à nouveau alors que la rousse répondait:

- Mais je suis là.

- NON ! Non, tu m'as menti.

- Tu n'aurais jamais fait ce qu'on a fait si tu savais.

- Que t'étais une meuf ? Evidemment, dit Cassiopée avec mépris. Jamais personne ne voudra sortir avec une fille comme toi.

Ange écarquilla les yeux en posant sa main sur la chaise derrière elle. Le choc qu'elle venait d'avoir se lisait dans son corps et ses jambes qui la lâchèrent. 

- Et enlève ce putain de masque, merde !

Il y eut un silence, Angelina digérant les paroles venimeuses de celle qu'elle aimait. Elle n'avait pas la force de répondre, ni de faire ce qu'elle demandait. Et lorsqu'elle se prit une gifle, elle ne répliqua pas. La force du coup était amoindrie grâce à la capuche qu'elle portait en permanence. 

On sentit que Cassiopée était déstabilisée, et elle se tint le poignet en faisant volte-face sur ses talons aiguilles, prête à partir aussi soudainement qu'elle était venue. 

Ange sentit que c'était le moment. 

- Je t'aime, Cassiopée. 

Cassiopée, qui était en train de partir à grands pas élégants, écarquilla les yeux, et un long frisson parcourut son corps. Soudain, elle ne savait plus comment marcher, comment respirer. La seconde d'après, elle trébucha sur ses longues chaussures et s'étala de tout son long.

Je t'aime. Ce mot l'aurait fait jubiler quelques mois plus tôt, de savoir que le Valet était désormais sous sa coupe. Mais maintenant, elle avait l'impression que c'était elle qui était sous son emprise. Un mot, et elle s'écroulait.

Un sanglot traversa la barrière de ses lèvres, elle sentit son coeur brisé remuer douloureusement dans sa poitrine. C'était la première fois que Ange lui disait ces paroles, et toutes les cellules du corps de Cassiopée oubliaient soudainement ce qu'elle s'était dit. L'oublier et la repousser était maintenant impossible.

- Cassy ! Ça va ?

Angelina se pencha sur elle, les grands tissus qu'elle portait toujours tombant sur elle comme pour l'envelopper dans un cocon. Cassiopée sentit ses mains de velours enrouler sa taille pour la relever, et elle ne put retenir ses larmes.

- P-p-pourquoi tu m'as laissée...

- Non... Ne pleure pas...

Et pour la première fois, alors qu'elle s'était toujours trouvée réticente à le faire, Angelina la prit contre elle et la serra fort contre son coeur. Tant pis si Cassiopée pouvait sentir la forme de sa poitrine contre la sienne, si son corps pudique se moulait sur le sien. Angelina ne voulait pas la perdre. 

- Espèce de connasse, pleura Cassiopée. Espèce de salope qui s'est permise de m'abandonner...

Le Valet ne dit rien et la laissa encore proférer des insultes pleines de morve, contre son épaule. Elle caressa son dos, et les larmes de Cassiopée se tarirent. 

- J'ai trop pleuré à cause de toi.

- Je suis désolée, murmura la rousse. 

Leur étreinte dura plus longtemps qu'il ne fallait, mais pour rien au monde Angelina ne la lâcherait. Plus jamais. Il était temps pour elle d'assumer ce qu'elle voulait et ne voulait plus, et elle ne voulait plus jamais décevoir la blonde.

- On rentre à la maison ? proposa Ange d'un ton doux.

Cassiopée ne répondit pas, se cramponnant à elle en regardant dans le vide. Ange la regarda, souhaitant déposer ses lèvres sur les siennes, mais arrêtée par le masque sur son visage. Elle sortit une lingette de sa poche et la passa sous les yeux de la blonde qui se laissa faire en posant sa tête contre son épaule. Puis, la rousse se baissa pour enlever les talons de Cassiopée, douloureusement hauts.

- Le sol est froid, dit Cassiopée avec un air de princesse déchue de son trône. 

Sans un mot, Ange enleva ses grandes bottes et lui mit, agenouillée au sol devant elle avec humilité. Elle ne put pas voir les joues rougies de son amour, ou son sourire en coin soulagé. 

Lorsque le Valet fut à nouveau debout, elle serra son haut entre ses doigts et hocha la tête. Angelina, comprenant ce geste comme un départ, passa une main autour de sa taille et avança, pied nus, dans le couloir.

Direction maison.

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