Chapitre 30: L'entrée dans l'arène
- Dan Lee, je ne sais pas si je vais y arriver, dit Morgane, les mains tremblantes.
Il se pencha vers elle, son front se plissant de consternement. Avec une voix sage, il lui répondit:
- Evidemment que si. Tu vas très bien y arriver, je le sens.
- Je n'ai pas réussi à être une bonne Mentore je... Je ne serais pas là pour eux dans l'Arène !
- Je t'assure que si, répondait-il à voix basse. Déjà, vous aurez les lunettes à immersion qui vous permettront de les voir en temps réel. Et puis je ne connais pas de fille plus courageuse que toi. Fais-toi confiance.
Morgane se prit le visage entre les mains et inspira profondément. Elle tapota la table sous ses doigts bagués avant de relever ses yeux cendrés:
- Je veux qu'ils réussissent.
- C'est bien. Ça, c'est la bonne mentalité, se réjouit-il. Maintenant, tu devrais être à leurs côtés. Tu as tout de même laissé faire Pandora pendant tout le trajet.
- C'est vrai...
Morgane se leva, et serra la main de l'ingénieur avec chaleur.
- Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.
- Pleins de choses, marmonna l'homme en redevenant grognon. Allez, vas-y.
Morgane fila dans le couloir pour se dépêcher de rentrer dans l'appartement où ils créchaient tous. Elle s'apprêtait à ouvrir la porte mais découvrit un petit colis sur le sol. Une boite en carton de la taille d'un Rubik's cube qui semblait presque vide. Elle se pencha en fronçant les sourcils et l'ouvrit.
Une photo imprimée sur un papier imbibé de sang et les inscriptions "la prochaine fois..."
Sur la photo, on voyait la silhouette blanchâtre d'une femme attachée à un poteau. Il semblait y avoir un flash car elle avait un reflet rouge dans les yeux, l'air froidement apeurée. Attachée par du gros scotch gris, elle était même bâillonnée.
Sans pourtant l'avoir vue depuis qu'elle avait confié Azur aux Mentores, Morgane savait qui elle était. Atalante Price.
Son coeur fit un bond. "La prochaine fois..." était un message de menace. Menaces à leur intention, mais serait aussi quelque chose qui déstabiliserait leurs champions. Vu l'état de Salomé, montrer la photo à Azur rendrait les choses encore pire.
Elle la rangea dans sa poche et entra, troublée.
Les deux carrières étaient debout, devant une Pandora assise, une bière à la main. Morgane vint poser ses mains sur ses épaules et la masser en l'écoutant parler, briefer les deux adolescents sur leur rôle dans l'arène.
✺
Angelina sortit enroulée dans une serviette. Elle regarda furtivement autour d'elle pour s'assurer que Cassiopée ne la regardait pas. Elle ne pouvait pas mettre le masque en ayant les cheveux mouillés, elle risquait de faire disjoncter le matériel technologique qu'il abritait. Elle avait noué ses mèches rousses en un chignon haut, comme à son habitude.
Elle aperçut Cassiopée sur le lit, dos à elle, qui semblait sommeiller puisque inerte. Avec un sourire anxieux, elle prit le linge qu'elle avait utilisé dans la douche et s'approcha.
- Ne te retourne pas.
- Ange ?
Elle se tint sagement dans la même position, une serviette couvrant sa poitrine à ses genoux, enroulée dans le drap humide. Angelina se posa derrière elle et couvrit ses yeux avec.
- T'as vraiment un problème avec ton apparence, commenta Cassiopée.
Elle qui était d'habitude piquante, énervée et vexée, se tenait calme. Elle se retourna donc vers la rousse en tendant les bras à l'aveuglette. Le Valet interposa avec douceur ses mains en repoussant les doigts tendu vers elle, et prit ses mains dans les siennes.
- C'était une crise d'angoisse ?
- Je pense, murmura la blonde en faisant une moue. Désolée, je ne me souviens pas très bien...
Angelina poussa un soupir de soulagement. Elle avait eu peur que son erreur d'inattention la trahisse. Son nom, Angelina, n'était pas unisexe et Cassiopée aurait découvert la vérité qui l'effrayait tant.
- D'accord.
- Merci d'être là... j-je... balvutia Cassiopée, impressionnée de parler ainsi à quelque chose qu'elle ne pouvait pas voir.
Elle serra les mains du Valet dans les siennes. Mais Angelina ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas laisser Cassiopée s'attacher à elle parce qu'en vérité elle n'était pas un homme. Leur romance ne pouvait avoir lieu car lorsque la blonde saurait la vérité, elle s'en irait. Lorsqu'elle saurait que Ange' avait tout fait pour la faire tomber amoureuse d'elle avant le bal, elle serait furieuse.
- Je ne peux pas... Cassiopée, je ne suis pas là pour toi.
- Quoi ? dit elle, ses sourcils levés trahissant son incompréhension.
- Je suis la personne qui t'a mariée... De force. Ce n'est pas juste pour toi.
- Mais...
- Tu subis le syndrome de Stockholm.
Angelina savait très bien que Cassiopée n'en aurait rien à faire. Cette fille avait l'habitude des hommes toxiques, à en juger les paroles qu'elle avait dit dans la douche. Et si elle ne sortait pas avec un homme perverti, c'était elle qui l'était à sa place. Sauf que Ange n'était pas un homme, et Cassiopée ne pouvait être toxique avec elle puisque tout était de la faute du Valet. Son mariage, son mutisme, son incapacité à satisfaire la demande d'André Price pour la lignée à venir, puisqu'étant une femme...
Tout les problèmes venaient d'elle. Elle était lâche, faible et possessive. Comment pouvait-on être pire qu'elle ? En pensant cela, la rousse se crispa et lâcha les mains de celle pour qui elle développait des sentiments.
- C'est faux, dit Cassiopée avec un ton buté. Tu ne m'enfermes pas. Je suis une femme libre et...
- C'est tout comme, Cassiopée.
- Ne m'appelle pas Cassiopée, c'est trop formel. Cassy, c'est mieux.
- D'accord, Cassy. Je ne peux pas te laisser t'en remettre à moi.
- Tais toi, ça vaut mieux.
Cassiopée se roula en boule contre le flan du Valet de Coeur.
- T'es un gros con.
- Merci.
- Ne dit pas merci, dit plutôt: "non Cassiopée, c'est mal de dire ça."
- Non Cassiopée, c'est mal de dire ça.
- "Excuses toi parce que ça m'a blessé"
- Excuses toi parce que ça m'a blessé.
- "Maintenant je vais te baiser passionnément jusqu'à ce que tu n'en puisses plus."
-... Je ne dirais pas ça, rechigna le Valet d'un ton calme mais surprise.
Outrée, Cassiopée releva la tête:
- Mais ...!
- En plus, si tu n'en peux plus, c'est que tu n'as plus envie. Ce n'est pas très sain de commettre quelque chose jusqu'à l'épuisement.
- Rhoo, mon dieu, que tu es énervant ! C'est une EXPRESSION !
Angelina se sentit rougir jusqu'à la pointe de ses cheveux rouges lorsqu'elle dit d'un ton le plus neutre possible derrière son masque de métal:
- L'expression est mauvaise. Je pense que "Nous pourrons faire l'amour passionnément jusqu'au matin, où nous nous endormirons de fatigue" me semble mieux.
Cassiopée, se releva avec un air grognon et essaya de frapper son visage, qu'elle ne réussit pas à atteindre à cause du bandeau sur ses yeux:
- Nan, c'est juste chiant et long comme formulation.
- Ce ne sont pas des choses que je dis, de toute façon, dit Ange, un brin vexé.
- Et bien tu as intérêt à les dire plus souvent parce que ça me plait.
- Et qui te dit que c'est ce qui me plait à moi ? demanda Ange d'un ton légèrement. Je n'ai pas envie de dire des choses qui me mettent mal à l'aise.
- Mais ça met personne mal à l'aise de dire des trucs de culs ! T'es vraiment chelou, Angelo, grommela Cassiopée.
- Arrête de m'appeler comme ça ! s'énerva Angelina, le coeur serré.
Il y eut un silence. Le Valet avait haussé la voix rapidement et sèchement. La jolie blonde revêche ne s'attendait pas à cela de sa part, puisqu'elle avait compris rapidement qu'il la laisserait dépasser ses limites autant qu'il voudrait. Visiblement, plus maintenant, et elle se sentit soudain comme une enfant qu'on gronde.
- Tu n'écoutes pas ce qu'on te dit, grogna la rousse en se levant, la laissant seule et aveugle sur le lit.
Elle se prit son visage entre les mains, les passa sur ses omoplates et les posa finalement sur ses hanches. Les amples tissus l'énervaient, elle avait envie d'être nue. Seulement, la présence de Cassiopée la freinait dans cela. Cette fille l'empêchait d'être une femme, d'être découverte à sa guise, d'être vier...
Oh merde. Cela l'énerva encore plus que ça la mettait dans la merde totale.
- Ange, l'appela la blonde d'une petite voix.
L'interpelée ne répondit pas, ruminant ses sombres pensées en regardant la véranda.
- Ange je suis désolée, dit elle.
À ces mots, la rousse se tourna vers elle. Cassiopée avait les mains au dessus de sa tête et s'était débarrassée des draps. Elle avait sagement gardé le bandeau sur ses yeux, et enroulé le pan du drap autour de ses poignets. Son corps nu se dévoilait alors au Valet qui passa ses yeux fascinés sur la courbe de sa poitrine jusqu'à ses genoux relevés.
- S'il te plait...
Comme celui-ci ne répondait pas, elle croyait qu'il ne l'écoutait pas ou ne pouvait pas l'entendre. La réalité était qu'Angelina s'était penchée sur elle en regardant chaque partie de son corps d'un air captivé.
- Je...
La rousse aux yeux verts ne trouva pas de mots.
- Tu me pardonnes ? demanda Cassiopée d'une voix très gentille, enroulant ses jambes autour de la taille de son aimée.
Angelina passa une main dans les cheveux bouclés de cette femme avant de l'embrasser langoureusement et de dire:
- Il y a beaucoup à te pardonner.
- J-j'ai besoin que tu fasses un noeud, balbutia-t-elle.
Elle tendit ses poignets et le Valet s'exécuta, légèrement mais agréablement surpris. Si la jeune femme restreignait sa liberté de mouvement, la rousse aurait moins de précautions à prendre pour ne pas être découverte. Ainsi, les mains fouineuses de Cassiopée ne se poseraient pas sur ses seins, ou sur son sexe -inexistant-.
Une certaine tension qui s'était installée jusque là se relâchait lorsqu'elles s'embrassèrent à nouveau. Le Valet, encore énervé de son attitude irrespectueuse, plaqua ses mains contre le drap au dessus de sa tête. Il l'embrassa dans le cou et lui laissa un suçon.
- C'est trop serré ? demanda-t-elle avec sa voix douce.
- Non.
Cassiopée soupira de bien-être, se mordillant la langue de délice. C'était si étrange de ne pas avoir le contrôle, si surprenant. Pourtant, c'était bien elle qui avait choisi de le faire, pour se faire pardonner. De plus, ça avait l'air de plaire à Ange. Il était sûrement dans ce genre de choses... Cassiopée rougit en sentant la tête de son aimée sur ses seins.
- Tu en as envie ?
- Evidemment ! Ne pose même pas la question. C'est tue-l'amour... marmonna Cassiopée en tendant son corps attaché vers elle.
Refroidie, Angelina s'assit sur son buste et tapota sa joue.
- Retire ce que tu viens de dire.
- Hein ?
- Le consentement est très important.
- C'est ça, c'est ça. Allez, dépêche.
- Cassy, dit Angelina avec une colère montante. Je suis sérieuse...
Elle s'étouffa en espérant que la blonde ne l'ait pas entendue, mais ce ne semblait pas être le cas.
- Je suis très sérieux. En plus de ça, tu es attachée et tu ne vois pas ce que je peux te faire. Je veux être sûre que tu en as envie
- Evidemment que j'en ai envie !
- Ce que tu as dit dans la douche...
- J'm'en rappelle pas. Je te jure que si on prend encore une minute pour parler de tes trucs de mec indécis, je me satisfais toute seule.
- Cassiopée...
Voyant que la conversation n'avait pas l'air très prolifique, Ange se pencha sur elle pour lui mordiller doucement l'oreille. À quatre pattes sur elle, elle en profita pour laisser glisser ses doigts à son entrejambe pendant qu'elle lui murmurait:
- Moi aussi, j'en ai envie.
✺
Dès que Azur entendit le coup de canon qui marquait le début des Hunger games, il savait ce qu'il fallait faire. Il avait fermé les yeux pour ne pas se laisser aveugler par la lumière soudaine du terrain qui se dévoilait à lui, et s'était cramponné fermement à la main de son amie qui devait sûrement avoir fait la même chose.
Tout se passa à une vitesse chronométrée. Ils se lâchèrent et s'élancèrent au milieu, reconnaissant sur l'herbe en rond des points noirs semblables à des sacs à dos. Salomé s'en empara de deux qu'elle hissa sur ses épaules maladroitement. Azur s'empara d'une dague qu'il plongea dans la chair d'un tribut qui passait là. Il se mit à hurler pour se donner de la force, pour intimider ses adversaires qui -tel des charognards- passaient autour d'eux et volaient des sacs.
Salomé se jeta sur un district et lui asséna un violent coup à la tête. Il s'enfuit de justesse mais elle arriva à voler la gourde qu'il avait à la main. Azur évita un projectile, sûrement une pierre, qu'on lui lançait et se lança à la poursuite de son agresseur.
Tout semblait sous contrôle. Comme à leur habitude, c'était le district 1 qui possédait la Corne d'Abondance. Seulement en courant vers son adversaire, Azur voyait les tributs reculer, courir comme si quelque chose les terrifiait. Il plissa les yeux pour voir celui qui lui avait lancé des choses...
Un garçon aux cheveux rouges, musclé, qui tenait dans ses mains un lance pierre. Il visait Azur, mais celui-ci était connu pour sa course agile et leste. Le projectile passa au dessus de son épaule tandis qu'il se jetait sur lui pour l'éventrer froidement.
Salomé, qui vit la scène, se jeta à sa suite en hurlant:
- ATTENTION !
Pensant que le projectile avait atteint son ami, elle se jeta dans l'herbe sur une silhouette qu'elle pensait être le blond... Et se retrouva à califourchon sur une fille qui n'avait rien demandé.
Sonnée de son dérapé, elle ne s'en rendit pas compte tout de suite et tourna son visage de tout les côtés, rassurée de voir que c'était Azur qui faisait un massacre et pas l'inverse. Entendant le souffle précipité de quelqu'un entre ses cuisses, elle baissa la tête pour découvrir avec surprise une fille aux cheveux noirs, aux yeux bleus et au visage taché de sang.
- Oh merde... se dit Salomé.
Elle n'avait pas d'armes et la fille semblait être en pleine forme. Seule option: se battre à mains nues. Remise de sa surprise, elle s'apprêtait à serrer son cou dans ses grandes mains calleuses mais se prit un uppercut dans le menton tellement fort qu'elle en fut sonnée. La fille renversa les positions pour se trouver sur elle et lui donna des coups dans les tempes si fort que Salomé sentit son souffle se couper.
Les coups de la fille ne cessèrent pas. Dans son ventre, dans son cou. Salomé rouvrit les yeux et vit même que la fille venait de la mordre.
Ce qui terrifia Salomé sans même qu'elle s'en rende compte était le regard de délectation sur les pupilles bleues océan de la tribut. Même quand Salomé poussait un cri de souffrance, elle semblait s'en repaitre avec plaisir. Si cela continuait, elle allait tuer la brune simplement en la cognant avec ses poings...
- GLADYS ! hurla une voix quelque part.
- SALOMÉ ! en fit une autre, comme en écho.
Deux silhouettes floues accoururent.
- Temps mort, dit Azur en saisissant les cheveux de "Gladys", et en les tirant brutalement vers lui. Avec un petit cri de désappointement, celle-ci fut obligée de lâcher sa victime pour saisir son crâne douloureux.
Le garçon aux cheveux rouges, une plaie béante dans le ventre et des estafilades partout sur les bras, serra les dents avant de cracher sur le sol une substance poisseuse semblable à du sang. Salomé reprit son souffle, regardant cette fille gémir de douleur et demander à ce qu'on la lâche, crachant et sifflant contre le blondinet.
- Tu la lâches et je te lâche, dit Azur avec une voix grondante, plus adulte.
- Aïe ! O-okay, lâche-moi !
La fille donna "accidentellement" un coup de pied dans le ventre de Salomé qui poussa un cri de douleur.
- Et vous vous cassez ! dit Azur au garçon. Tout de suite !
Le garçon gronda quelque chose dans une autre langue mais Gladys se releva avant de pousser Azur:
- Tu te crois bon samaritain ?!
Elle poussa un cri de surprise en sentant sa cheville se dérober sous elle. C'était Salomé, qui venait de la tirer au sol pour lui mordre la cheville avec toute la force qu'elle était capable de mettre dans sa mâchoire. Azur en profita pour donner un grand coup de coutelas dans l'air, entachant l'épaule nue du garçon en même temps qui poussa une exclamation de douleur.
Les deux filles roulèrent dans l'herbe en se griffant, se donnant des coups avec les mains et les pieds, cherchant à épuiser l'autre.
- Azur ! cria-t-elle, à bout de souffle. Ta machette !
Il eut à peine le temps de comprendre qu'elle la rattrapa au vol, et la plaqua contre la gorge de son adversaire. Les beaux yeux bleus de la fille s'écarquillèrent alors qu'elle s'immobilisait.
Salomé plaqua ses épaules contre l'herbe humide, la rage aux lèvres. Il lui fallait seulement une petite impulsion pour trancher la gorge de la carrière. Un petit flot de sang, et c'était fini d'elle.
Elle sentit un contact froid avec son visage. Les doigts de Gladys qui venaient le caresser doucement alors qu'elle murmurait de ses lèvres pourpres:
- Tu t'appelles Salomé, c'est ça ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top