Chapitre 22: Scène de ménages
Morgane se réveilla de très mauvaise humeur ce matin-là. Déjà qu'elle ne se brossait pas souvent les cheveux -plus souvent depuis que Pandora avait retrouvé une mine de crayon qui trainait dans ses mèches depuis assez longtemps-, elle avait ce matin une tête d'oiseau tombé du nid trop tôt.
Hors, ressembler à un oiseau, ça marchait bien pour les filles mignonnes, les petits bébés tout décoiffés. Pas Morgane. Morgane, à la limite, elle acceptait bien de ressembler à un truc badass comme un doberman ou un grizzli.
- Comme cette écervelée de Léonore m'appelle, dit elle à son reflet en essayant tant bien que mal de mettre ses cheveux en arrière avec du gel et un peigne. Un ours, et puis quoi encore ? Je ressemble pas à un ours.
Tiens, Léonore. En voilà une qui ressemblait vachement à un oiseau. Mignon, blond, et surtout très con. La brune n'avait rien contre cette fille, qu'elle trouvait sympa, mais de loin. Ça avait toujours été l'amie de Pandora, celle-ci se faisant des amis rapidement grâce à son caractère gentil, solaire et adorable. Mais bon, lorsqu'on était introvertie, grognon et protectrice comme Morgane, les amis, on pouvait les compter sur les doigts de la main. Encore plus des amis bancals comme Ca-
- CASSIOPÉE ! C'EST TOI QUI A PRIT MON LISSEUR ?!
Le chant mélodieux de Kaloss parvint aux oreilles de la gagnante des 95èmes Hunger Games, qui poussa un vif soupir énervé. Pas possible, il fallait toujours qu'ils la réveillent avec leurs conneries.
- QU'EST-CE QUE C'EST QUE CETTE HISTOIRE DE LISSEUR ? fit la voix plus aigue de Pandora, qui criait pour se faire entendre dans le wagon voisin.
- MAIS NON C'EST PAS MOI ! rétorqua Cassiopée.
- ARRÊTE DE MENTIR ! rugit Kaloss alors qu'il semblait traverser le wagon à pas de géant pour venir lui tirer les oreilles.
- J'TE JURE C'EST MORGANE ! dit Cassiopée, retenant son hilarité.
- MORGANE !
- MAIS ARRÊTEZ C'EST PAS MORGANE ! tentait désespérément de hurler Pandora.
Morgane se tourna dans sa salle de bain pour regarder Cassiopée arriver, pliée en deux de rire. Elle avait l'air surexcitée, à peu près autant que Morgane était d'une humeur exécrable. Nan mais j'hallucine. L'asile de fou.
- Qu'est-ce que cette brosse fout dans tes cheveux, Clay ? T'as essayé de planter un arbre et t'as perdu la graine dans ta Wolf cut ?
- Ha ha ha, ironisa Morgane en enlevant le peigne plein de gel de sa tignasse, très drôle. Appelle-moi Pandora au lieu de te moquer de moi, et ne t'avise surtout pas de mentir à Kaloss.
- Moi, mentir ?
Alors que Cassiopée minaudait en pouffant sur le bien fondement de ses actions -toujours honnêtes d'après ses dires-, la brune poussa un profond soupir et se regarda dans le miroir.
- Regarde moi cette tête de cul.
- Mais arrête de dire ça, t'es juste...
La blonde la regarda de plus près et finit par dire d'un ton amusé:
- ... Pas du matin. Besoin d'un petit relooking ?
- Non merci. Casse-toi de ma chambre, et laisse moi ruminer mon cauchemar.
- Tu fais tout le temps des cauchemars, c'est barbant, dit Cassiopée en agitant ses boucles devant le miroir pour les rendre plus rondes.
- Toi aussi, dit Morgane d'un ton cinglant.
- Ouch. Un point pour toi. Tu veux peut-être qu'on se rappelle de certaines choses...? Qui de nous deux est la pire ? Celle qui tue l'amour de ma vie ou celle qui essaie honnêtement de sauver sa peau ?
- Casse-toi, dit Morgane avec un air fatigué. Pando' va vraiment nous hurler dessus si on se bat encore une fois dans le train.
- Arrête... C'était hyper drôle la dernière fois.
- J'ai encore mal au dos à cause de tes conneries.
- T'es pas drôle, Clay !
- Appelle-moi Pandora et casse-toi de cette putain de salle de bain avant que je te foute la tête dans ce putain de miroir.
Cassiopée pouffa et s'enfuit, comme un petit lutin malicieux, laissant la brune seule devant son miroir, et ses cheveux pleins de gel. Elle avait fini d'ajuster sa coiffure, mettant ses cheveux en arrière malgré des petites mèches devant qui tombaient devant ses yeux, dû à sa Wolf cut irrégulière. Après avoir mis un peu de blush, contrastant avec sa peau légèrement basanée qui était ce matin-là pâle et moite, elle passa un coup de crayon noir sous ses yeux pénétrants.
- Oh, tu es réveillée.
Pandora entra dans la salle de bain en mini jupe, les joues rouges et la voix éraillée d'avoir crié, couru après Cassiopée et rit. Sa chemise blanche était froissée et elle avait les cheveux en bataille.
- Ben, il est onze heures, dit Morgane en haussant les épaules.
Elle boudait comme une enfant. Déjà, parce qu'elle s'était réveillée de mauvaise humeur, et aussi parce que si Pandora était restée dormir avec elle, la brune aurait pu éviter ce cauchemar pour le moins... Perturbant.
- Tu aimes bien te lever tard, dit Pandora en regardant les cheveux bruns de sa compagne. Mais dit moi, tu ne te serais pas fait un wet look ?
- Un quoi quoi ? dit Morgane en la regardant bizarrement.
- Laisse tomber, tu es nulle en mode. Mais tu es très jolie, mon petit coeur.
Morgane se sentit rougir et détourna la tête pour ne pas lui laisser l'opportuniter de l'importuner de bisous et de câlins intempestifs. Ce n'était pas le moment, elle avait juste envie d'être tranquille.
- Ta coiffure pourrait être mieux faite. Tu veux de l'aide ?
- Je crois que ça va, dit la brune.
- Bah... Pourquoi tu m'appelles alors ? rit légèrement sa compagne.
- Je voulais que tu sois auprès de moi.
✺
Amos Dolorès n'était pas très aimé dans le district 10. Celui-ci n'avait pas connu plus grande misère depuis au moins une dizaine d'années. Il marchait vite, enjambait quelques débris et ordures laissés là, sans sens. Le vent sifflait à ses oreilles, froid, méchant. Il aurait dû faire chaud, à cette période de l'année.
Mais le soleil appartenait au Capitole, ils le retenaient là-bas, et eux n'avaient que les nuages. Comme c'était injuste. Amos chassa cette pensée de sa tête. Non, ce n'était pas injuste, c'était ainsi que marchait le monde. Il croisa le regard d'un garçon à béret qui vendait des journaux.
- Tiens, dit-il d'une voix grave, se cachant derrière les pans de son grand manteau noir en lui tendant un billet.
L'enfant prit le billet, puis regarda le monsieur.
- J'pas de monnaie.
- Garde ça et donne-moi un journal.
Il regarda la une. Pas grand-chose à l'horizon, on se rappelait des Hunger Games passés, on fantasmait sur les nouveaux... Les gens n'avaient jamais rien d'interessant à dire de toute façon. Les paroles ne valaient pas les actions.
Il toqua à une grande bâtisse faite de bois, façon chalet. Contrairement à certaines maisons un peu miteuses, celle-ci ne menaçait pas de s'écrouler, elle était digne et fière, s'élevait en pointe de son toit de chaume.
- Bonjour ?
Une femme aux rides tirées, au visage souriant lui ouvrit. Elle avait de grands yeux bleus de jeune retraitée, des cheveux blonds tirants sur le gris. Elle ne semblait pas vieille mais le temps se lisait sur ses traits en sourire.
- Bonjour, répondit Amos de sa voix grave et profonde.
La femme perdit de son sourire en le regardant plus longtemps. Cet homme n'inspirait pas confiance, ses yeux étaient noirs encre et son manteau l'enveloppait tel une cape de sorcier. Il apportait la mort et la maladie, c'était Amos Dolorès.
- Mon mari n'est pas là...
- Je ne suis pas venu pour lui.
Des petites pattes sortaient aussi de l'encadrement de la porte à demi-ouverte, celles de Yuki et Tili. Les deux chiens, curieux de voir rentrer à la maison ce qu'ils pensaient être leur maitre, gémissaient et grattaient dans l'espoir de pouvoir passer.
- Il n'y a personne dans cette maison.
À part moi. La femme déglutit légèrement, ses doigts tremblants sur l'encadrement de la porte. Elle le regarda dans les yeux, espérant y déceler une trace de douceur. Mais aucune, Amos restait de marbre, inquiétant, professionnel.
- Madame Lane, veuillez ouvrir cette porte.
- Je...
Elle ne bougea pas, sentant la panique la prendre.
- Sur ordre du Capitole, ouvrez cette porte.
- Non !
Elle perdait moyen. Étais-ce la mort en personne qui venait la prendre ? Et pourquoi ? Elle n'était pourtant pas infectée, n'était pas en contact avec la maladie...
- Je n'ai pas la maladie de Chwartz ! Je vous assure !
- Ce n'est pas...
Tandis qu'il posait sa main sur la poignée pour tenter de rentrer, elle essaya de le repousser:
- Je ne suis pas malade !
- Mais je n'ai pas dit que je venais pour vous.
Il y eut un grand silence alors qu'elle s'arrêta soudainement de tempêter pour protéger sa vie. Elle le regarda, surprise. Qui, alors ?
- Je ne comprend pas bien.
Amos retira son gant et dit simplement:
- Mettez-les en laisse.
- Pardon ?
- Je répète, mettez vos chiens en laisse.
La femme le regarda, tremblant des pieds à la tête. Elle se tourna lentement pour prendre les deux lanières de cuir, et attacher ses deux chiens qui gémissaient et tournaient autour d'elle, sentant sa détresse.
- Donnez-les moi.
- N-non !
- Vous ne voulez pas me les donner ? dit Dolorès d'un ton menaçant.
- Mais... Ils ne peuvent pas avoir la maladie de Chwartz !! Ce sont des animaux, non ?
- Qui a dit que je venais pour ça ?
- J-je ne sais pas, mais je présumais que...
- Donnez moi les laisses, ou j'appelle des Pacificateurs pour le faire à ma place.
- Ecoutez, je peux payer... tenta la mère, affolée.
- Taisez-vous.
Il prit les laisses avec brusquerie, les deux chiens couinèrent. Sans plus attendre, il s'éloigna en tirant les deux animaux qui regardèrent leur maitresse sans comprendre. Celle-ci, les larmes aux yeux, les regarda s'en aller, le coeur serré par l'étau invisible. La mort de Tili et Yuki.
✺"Allô ?""Pandora ! Pandora, c'est toi ?""Oui, maman. Ne crie pas dans le combiné, je t'entend très bien. ""Pandora, c'est urgent ! On nous a pris... Enfin on nous à...""Ah ? Ça ne capte pas très bien, tu es où ?""Je suis à la maison ! Mais...""Ca faisait longtemps qu'on ne s'était pas appelés... Comment va papa ?""Bien. Il n'est plus fâché, tu sais. Mais il fallait que je te dise...""Oh ? Et bien il faudrait que l'on se voie ? Enfin, se faire u-un café, non ?""Pandora, écoute moi. On verra ça après !""Mais, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as l'air paniquée !""Les chiens ! Ils ont pris les chiens !""Qui a prit les chiens ?!""La mort ! Ils sont morts !"
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