Chapitre 15: La promesse de Primrose Everdeen
- On se réveille. Mon dieu, c'est quoi cette odeur de chien mouillé ici ?! Mes bichettes adorées, vous savez combien vous m'êtes chères, mais je ne resterais pas une seconde de plus dans cette chambre !
Kaloss s'éventa en papillonnant des yeux, avec une moue outrée. Son parfum enivrant et omniprésent l'entourait dès qu'il sentait une odeur inconvenante, comme maintenant, et il agita une fiole de parfum devant son visage. Il avança à grandes enjambées vers les deux filles enlacées dans leur lit commun. Ses cheveux violets verts se balancèrent de droite à gauche alors qu'il ouvrait la fenêtre.
- Mon dieu ! Les filles !
Aucune réponse de la part de la brune et de la blondinette qui s'étaient blotties sous les couettes. Morgane sortit un bras de la couette pour venir faire un doigt d'honneur à Kaloss et se poser sur les hanches de Pandora. Le tailleur eut un bruit d'animal furieux.
- LES FILLES ! Enfin, c'est le moment de se lever ! Il est dix heures !
Il rumina en ramassant leurs habits, jetés la veille au sol avec négligence.
- Moi, quand je fais la fête, je fais en sorte qu'il n'y ait pas de conséquences. Vous buvez trop, mes chouquettes.
- On a pas bu, hier soir, dit Morgane d'une voix grave et rocailleuse.
- C'est ça. Raconte moi des bobards.
Morgane extirpa sa tête de la couette en couinant. Ses cheveux bruns en bataille entouraient sa tête ronchonne et pas du tout du matin. Elle regarda Kaloss avec un regard noir -ou peut-être était-elle simplement fatiguée-.
- Pandora a besoin de dormir.
- Non non non, pas de repos ici ! Il est dix heures ! Dix heures cinq, maintenant, rectifia finalement Kaloss en regardant sa montre dorée, excédé.
Morgane sourit avant de s'étirer, s'asseyant sur le lit et rabattant la couette sur la forme blottie à côté d'elle, qui dormait encore.
- La nuit a été longue pour elle.
Elle pouffa alors qu'une main blanche venait lui mettre une petite gifle, sortant de la couette. Morgane repoussa le bras de Pandora en se levant.
- Mais ça va pas ?!
Kaloss leva les yeux au ciel en croisant les bras, sur ses talons aiguilles. Il avait un justaucorps moulant violet, assorti à ses yeux et ses chaussures. La passion de cet homme était inévitablement de choisir ses tenues minutieusement. Ç'en était d'ailleurs le métier.
- Allez ! Je ne vais pas le répéter mille fois non plus ! Pandora, tu as intérêt à sortir de ce lit dans les trois minutes qui suivent, ou je te jure que j'appelle des Pacificateurs pour le faire à ma place !
La petite voix de Pandora, étouffée par la couette, retentit finalement:
- T'es chiant, Kaloss...
Leur tailleur lui lança ses vêtements en haussant un sourcil.
- Je veux vous voir fraiches, prêtes et parfaites dans une demie-heure. Je vous rappelle qu'il y a la Moisson des districts aujourd'hui.
Les deux filles sursautèrent. Morgane, qui était dans la salle de bain en essayant tant bien que mal de brosser ses cheveux ébouriffés et pleins d'épis eut un grognement sourd, et Pandora sursauta de plus belle.
- PARDON ?! dit elle avec affolement. Mais on a même pas rencontré le petit qu'on doit aider...!
- Mais c'est une catastrophe ! s'exclama Morgane en sortant de la salle de bain, la brosse coincée dans ses cheveux.
Elles se regardèrent et sautèrent presque sur leur ami, qui faisait des grands signes dans l'air pour les faire taire.
- Mais je vous l'avait dit il y a quinze jours ! En soirée, nous étions en train de parler autour d'un verre, et je vous l'ai rappelé. Vous n'êtes pas possible, toutes les deux !
Pandora eut l'air paniquée, et Morgane vint lui prendre la main, en réfléchissant.
- C'est vrai... Merde, c'est putain de vrai ce qu'il dit.
- Il faut qu'on aille voir Cassy ! déclara la blonde en s'agitant. Elle... N'est pas au courant !
Elle se tourna tour à tour vers Morgane et Kaloss, les sourcils froncés, sa poitrine se levant et s'abaissant rapidement alors que son souffle s'accélérait. Elle avait complètement oublié cette histoire de Moisson.
Ce n'était pas la première fois qu'elle la ratait. Elle regardait la télévision et les Jeux de la faim, désormais, mais n'en avait plus rien à faire. Les morts, les coups de canon qu'elle entendait résonner de l'Arène la rendaient indifférente. Elle s'était construite une armure contre ça. La dernière Moisson en date, la blonde ne l'avait pas regardée, elle avait prit l'apéro avec ses amis.
Elle avait d'ailleurs songé à faire la même chose pour cette Moisson-ci. De toute façon... Elle s'en fichait, non ? Ses Hunger Games étaient fini, elle s'était salie les mains et avait rendu les armes.
- Mais je n'avais pas prévu qu'on serait Mentores ! compléta-t-elle.
- Princesse, calmes toi, dit Morgane en fronçant les sourcils.
- C'est une catastrophe !
Alors que la brunette essayait de l'attirer à elle pour calmer l'hystérie grandissante de sa petite amie, celle-ci la repoussa légèrement pour courir jusqu'à la porte et l'ouvrir en grand, faisant couiner les gonds, et s'enfuir dans le couloir. Morgane poussa un soupir rauque en se grattant l'oreille.
- Et merde.
Elle soupira et s'étira.
- Merci. Tu auras besoin de quelque chose, ou je peux me préparer tranquillement ?
- Je te laisse, ma biche.
Kaloss, étonné, sortit lui aussi et referma avec plus d'attention la porte qui donnait à leur chambre. Morgane, réfléchissant, refit leur lit et récupéra les objets au sol.
Elle prit son parfum, Nuit toxique, en mit sur ses clavicules en regardant par la fenêtre où brillait habituellement un beau soleil. Elle savait que les gens raffolaient de cette odeur. Et naturellement, elle préférait sentir ça que la sueur, même si elle se fichait bien de mettre du parfum ou pas.
Elle mit à ses doigts les multiples bagues qu'elle affectionnait, désinfecta la plaie à son nez causée par le nouveau percing. Et grimaça, c'était douloureux. Elle se demanda avec étonnement combien de temps cela faisait qu'elle n'avait pas eu mal. Pas dans le sens mal psychologiquement, comme lorsque Pandora et elle se disputait -ce n'était pas souvent, heureusement- ou qu'après un excès d'alcool elle raconte n'importe quoi et se fasse engueuler...
Elle avait mal physiquement, le petit trou qu'il y avait dans la cavité de son nez la brulait et l'élançait.
Dans un sens, ça lui faisait du bien. D'avoir mal, comme ça. Elle se reconnectait à ce que c'était vraiment. Après toute cette richesse du Capitole, cette abondance, elle avait oublié qu'elle avait une enveloppe humaine, après tout. Qu'elle était toujours la même fille qui travaillait le bois dans le district 10 il y a bien longtemps...
Elle enfila un soutien-gorge sous son tee-shirt en songeant à cela.
✺
Le président Snow se leva de son bureau et grimaça. Il avait grossi, très certainement. À force d'être assis et de surveiller les agissements de tout le Capitole, et des districts importants, sa ceinture peinait à supporter son poids.
Il se regarda dans l'écran teinté qui était posé sur mon bureau.
- Je vais devoir faire une liposuccion, à mon avis.
Il ajusta sa moustache effilée et regarda la Louve. Celle-ci avait le visage creusé, amaigri par la peine et la rage qui la rongeait.
- Et bien ? Que vois-je là... Vous n'avez pas l'air en forme. Alors que j'ai pris du poids, vous en avez bien perdu. Moi qui croyais que vous étiez comme votre défunte soeur, bien en pâte ?
Il posa ses deux mains sur sa propre poitrine et mima un geste insultant que la Louve ne regarda même pas. Elle était ternie. Ternie par la crasse qui se cachait sous l'apparence parfaite de Snow. Ternie par le sang sur les mains de cet homme, qui n'avait même pas besoin de s'en cacher à elle car elle n'avait plus le don de la parole.
- Votre défunte soeur, la bien nommée Katniss Everdeen.
Il se posta devant elle. Sur le divan bas, elle ne le regarda même pas, son regard grisâtre rivé sur sa ceinture. Il la fixait du regard, un sourire satisfait sur ses lèvres. La rose à son bouton embaumait l'air, et cette odeur de sang... Cette bizarre odeur de sang, toujours présente, persistante dans les narines de la résistante.
- Vous avez tellement eut envie de la rejoindre, n'est-ce pas ? Ils vous entendaient parler d'elle dans votre sommeil. Grande soeur, Katniss ! Non ! Ne fait pas ça, je vais aller aux Jeux, n'y vas pas ! Pathétique.
L'humiliation fit courber l'échine de la Louve. Ses yeux flamboyèrent, et la haine fit retrousser ses babines fatiguées. Les cicatrices de son visages rougirent alors que le président éclatait de rire.
- Pauvre vieille fille qui a consacré sa vie à l'échec et à l'abandon. La mort de votre soeur, de votre mère, de Gale et de tout ceux qui tenaient à votre petite vie minable sans intérêt. Vous avez eu envie de faire de même, n'est-ce pas ? De recueillir ces chiots morts-nés, que personne ne voulait. Vous avez adopté tout les rebuts de Panem. C'est tellement tragique. Foudroyant.
Il rit d'elle en se reculant pour mieux se délecter des larmes qui lui montaient aux yeux.
- Vous m'avez supplié de vous torturer. De planter une seringue dans la peau de votre petit cou fragile et de vous casser en deux. Mais je ne suis pas de ce genre, mademoiselle Everdeen. On ne cueille les primeroses qu'au printemps... Et nous sommes en plein hiver.
Il montra la fenêtre sans bouger autre chose que son doigt pointé, presque accusateur et meurtrier. Le soleil baissait doucement pour laisser place à une nuit inquiète et sourde. La Louve frissonna en relevant le regard vers cette lumière rougeâtre qui éclairait les pétales de la redingote du président Snow.
- Je n'ai pas besoin de douleur physique pour vous tuer, Louve. Je vous ai pris votre famille, j'ai pris vos associés, j'ai pris votre voix... Maintenant je vais vous prendre la raison, et vous jeter aux fauves pour voir que même le plus ancien et aguerri des loups prendra sa retraite dans le sang.
Il éclata d'un rire sans joie, un rire glaçant, alors que des larmes coulaient des joues de Primrose Everdeen.
Pas des larmes de tristesse ou de peur, non. Des larmes de frustration, et de vengeance.
Des larmes de haine, d'une haine pure qui allait tout détruire sur son passage. Elle décida qu'elle s'enfuirait. Qu'elle réussirait à retrouver les Rebelles de Panem, même la petite étincelle qui s'était éteinte dans les bombes il y a de cela deux ans. Et elle tuerait Coriolanus Snow... Ou mourrait.
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