Chapitre 12: La (re)belle doyenne
- Ma mère est pute.
Ils échangèrent un regard, Iris fronça légèrement les sourcils. Iris continua de marcher, son sac cognant contre ses épaules abîmées.
- Pardon ?
- C'est une grisette. Une pute, quoi. 'Pour ça qu'on est riches.
Le président Snow passa une main dans sa barbe argentée, un sourire satisfait aux lèvres.
- Sympathique, ces drones, n'est-ce pas ? Nous pourrions même faire un reportage sur ces petits personnages.
Il tourna l'écran vers la Louve, qui plissa les yeux. Le grand écran présentait une forêt verdoyante, vue de haut. Trois silhouette marchaient, suivies par le drone qui les filmait.
- On dirait presque une télé-réalité. Quelle charmante aventure.
Il avait les pieds croisés, tendus et posés sur son bureau, provoquant. Il tenait entre ses mains une énième tasse de thé à la rose, ce dont il était friand. Il portait un élégant smoking gris fumé ce jour-là. Ses yeux serpentins dévisageaient la femme âgée à l'autre bout de la pièce.
- Et bien ? Vous avez perdu votre langue ?
Derrière elle, la porte du bureau somptueux claqua doucement. La poignée d'or s'était abaissée pour laisser paraître un grand homme habillé en noir. Le président eut un petit haussement de sourcil, se demandant qui pouvait bien être entré à cette heure-ci.
- Bonjour, monsieur Snow.
La grande silhouette s'inclina et le vieil homme eut une petite exclamation de ravissement:
- Amos Dolorès. Quel plaisir de vous avoir ici.
- Tout le plaisir est pour moi. J'ai des informations.
- Asseyez-vous, je vais vous servir du thé.
Amos tourna son regard inquisiteur vers la femme, assise sur un fauteuil, comme une fleur séchée, morte à la lumière du soleil qui pointait à la fenêtre. Il inspecta son visage, qui lui paraissait familier.
- Bonjour ?
- Oh, elle ne vous répondra pas. Elle est Muette.
Le président Snow rit diligemment alors que Amos fronçait les sourcils en s'asseyant dans le siège qu'il lui avait poliment désigné. Il s'assit en posant ses mains sur les accoudoirs et croisant les jambes.
- Que fait-elle ici ?
- Ne vous occupez pas de cela. Je vous presse, parce que j'ai d'autres choses à faire. Alors, ces renseignements ?
Amos passa une de ses grandes mains sur son visage rude, caressant sa barbe de cinq jours. Il croisa le regard de son supérieur, sérieux, de marbre et marmonna:
- ...Trahi...
- Excusez-moi ?
N'ayant pas entendu le murmure de son espion, il se redressa sur sa chaise et posa les deux pieds au sol. Il tendit le dos pour mieux écouter:
- Répétez ?
Devant l'air hagard du grand homme ténébreux devant lui, il fronça les sourcils, et agita la main devant ses yeux. Celui-ci frissonna et releva le regard, disant de but en blanc:
- Vous avez été trahi. On se rebelle contre vous, monsieur Snow.
Le visage de Snow prit soudain une teinte moins agréable. Ses yeux affables et faussement gentils se remplirent d'une rage pure alors qu'il se rasseyait doucement, comme si le siège était en feu sous son arrière-train.
- Vous dites ?
Il semblait sidéré, et la Muette derrière elle esquissa l'ombre d'un sourire malveillant qui fit frissonner de plus belle Amos Dolorès.
- Qui ? murmura le président.
- Atalante Price. Elle a été vue dans le district 1 juste après vos recommandations. Puis il aurait été possible que son fils soit rentré au Capitole, et qu'elle ait contacté le couple Morgane Pand-
- Où est-elle ?
- Actuellement ?
Amos se tortilla sur la chaise de velour, et déclara en attrapant ses grandes manches:
- On ne sait pas.
- Vous me l'attrapez... Et vous me la mettez dans la prison des souvenirs, dit durement Snow.
Le nom "prison des souvenirs" signifiait beaucoup, et la pièce fut ébranlée d'une tension palpable. Un éclair, au loin sous la pluie, zébra le ciel. Amos ne le vit pas mais sursauta lorsque le tonnerre agressa ses oreilles.
- Entendu, président.
- Je vais envoyer des Pacificateurs partout dans le district 1. Cette petite pétasse ne m'échappera pas.
La Louve croisa les bras sur sa poitrine, fatiguée. Elle réfléchissait à l'échange. Jamais elle n'avait vu le président Sow perdre autant le contrôle sur sa fausse image d'homme courtois et salé. Jamais elle ne l'avait vu aussi furieux, et le voir insulter ainsi une femme juste parce qu'elle avait visiblement désobéi lui fit peur. Le président Snow, en plus d'être un tyran manipulateur, semblait complètement perdre ses moyens lorsqu'on lui opposait ne serait-ce qu'une minuscule résistance.
- Vous pouvez disposer, dit plus courtoisement Snow, d'une voix ou perçait sa colère.
Malgré le fait qu'il faisait deux têtes de plus que son supérieur, qu'il semblait menaçant et n'inspirait pas la confiance, Amos se recroquevilla et fila, gage de respect à son maitre éternel.
Il sortit en soupirant, un peu soulagé.
Atalante Price. La doyenne dans laquelle le président Snow avait placé le plus de confiance ces temps-ci. Elle était celle qui s'occupait de toutes les chaines de télévision, d'informations qui liaient le Capitole aux districts. Et surtout, c'était elle qui menait toute la transmission en direct des Hunger Games. Il n'avait pas souvent travaillé avec elle, étant agent infiltré, mais elle l'impressionnait.
Elle était réputée pour son ardeur au travail, et sa beauté majestueuse. Amos lui-même était toujours déstabilisé devant cette femme rayonnante, forte, implacable et droite d'esprit. Il s'était aussi toujours demandé pourquoi elle avait continué à travailler pour Snow... Elle n'était visiblement pas si futée.
Elle s'était mariée tôt à un homme plus âgé qu'elle, à ce qu'on entendait dire. Et il y a quinze ans, elle avait eu un fils. C'était sûrement ce qui l'avait poussée à rester, bloquée par son mari et son fils.
Il soupira.
Lorsqu'on travaillait si proche du président Snow, il ne fallait pas avoir de proches. Lui-même avait sa grand-mère toujours en vie... Et il avait toujours peur de faire un pas de travers. Et si soudainement Kaloss découvrait sa véritable identité ? S'il se rebellait lui aussi et aspirait à une vie meilleure ?
- Non... marmonna-t-il. Calomnies.
L'esprit perverti des rebelles de Panem le contaminaient. Il s'en inquiéta, et décida de passer à l'action rapidement pour se changer les idées. Il posa sa bouche sur la montre qu'il portait au poignet comme la plupart des Capitoliens.
- "Appel aux unités sur le terrains et instructions pour les Pacificateurs. Nous recherchons Atalante Price. Amenez-la moi vivante dans le plus court délai. Le président Snow la veut, c'est une Rebelle."
✺
Morgane joua avec son verre. Elle trempa son annulaire et son majeur dans l'eau et suivait les contours à l'intérieur du récipient. Elle contempla avec lassitude les bagues à ses doigts. Un oiseau chasseur, cadeau de Valentin. Deux bagues avec des crochets ou des mâchoires d'animaux prédateurs -décidément, beaucoup d'animaux- qu'elle s'était achetée qui trônaient à ses pouces, et une bague à l'annulaire avec une inscription "GAIE ET GAY" que lui avait achetée Pandora pour leur anniversaire de couple.
Elle sourit en se remémorant le fou rire mythique qu'elles avaient eu en trouvant un magasin entier de bagues de ce genre, avec des inscriptions "FOURRE-MOI SI TU PEUX" ou "ÇA TE DIT UNE RACLETTE AVEC SUPPLÉMENT CORNICHONS ?" "MARIÉE MAIS OUVERTE AUX PROPOSITIONS". Le magasin était évidemment tenu par des étudiants de Kaloss, qui les avaient reconnues et qui leur avaient offert une réduction sur tout les produits LGBT que proposaient leur collection.
Morgane aurait bien voulu avoir celle qui stipulait "GAY MASC" avec un petit masque de Venise gravé à l'intérieur, mais elle avait laissé la petite blonde surexcitée par tant de bijoux choisir pour elle.
- Bonjour, fit une voix rêveuse.
Elle sursauta et renversa un peu de son eau sur sa main. Elle s'essuya de son revers de manche.
- Mmh ?
Elle tourna la tête pour voir Céleste, assise au même bar qu'elle.
- Salut, ça va ?
- Bien, grommela la brune à la Wolf cut.
Elle secoua la tête, n'aimant pas vraiment la présence de l'autre gagnante des Hunger Games. Un silence gênant envahit l'espace. La rousse, menue, regardait Morgane avec insistance de ses yeux globuleux. Elle était belle, mais mettait vraiment mal à l'aise la jeune femme.
- Tu fais quoi ici ? demanda soudainement la gagnante des derniers Hunger Games.
- J'attend ma meuf.
Morgane contempla ses ongles coupés courts, ne voulant pas croiser le regard de cette femme si étrange et qui faisait un peu peur à Pandora.
- Oh...
Il y eut un nouveau silence, et Morgane prit une gorgée d'eau pour combler le vide. Elle joua avec ses bagues lorsque deux mains se posèrent sur ses yeux.
- Devine qui c'est ?
La voix claire et féminine de Pandora résonna à ses oreilles comme un doux carillon. Morgane se redressa et prit les mains de Pandora dans les siennes, l'étreignant contre son dos.
- Hey, princesse.
- Tu n'as pas dit mon nom, dit Pandora en riant joyeusement à son oreille.
- Pandora, elle s'appelle.
Céleste les regarda toutes les deux comme des ovnis, et le rire de Pandora s'évanouit pour un rire nerveux gêné.
- Salut, toi...
- Bonjour, Pandora.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Pandora s'assit sur les genoux de Morgane, face à elle, la regardant tour à tour pour savoir si elles étaient venues ensemble, même si cela semblait bien improbable.
- On s'est croisées ici. Bon, on y va...?
- Attendez. Je fais une petite fête chez moi ce soir, dit rêveusement Céleste. Vous pourriez venir...?
- Euh... Oui ? dit Pandora alors que Morgane grimaçait involontairement.
- Okay.
Elles se levèrent, main dans la main.
- Tu voulais quoi, déjà ?
- Un septum, dit tranquillement Morgane.
- Cool, ronronna Pandora.
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