Chapitre 10: Crime de rébellion

- Je ne comprend pas ce que j'ai fait pour mériter leur haine, disait Effie avec hystérie.

Amos et Kaloss échangèrent un regard énervé. La femme continua de marcher de long en large dans sa roulotte, l'air malheureuse.

Elle qui juste avait avait revêtu une jolie robe bleue qui se mouvait au vent comme une vague sur l'océan, elle l'avait enlevée et n'avait qu'un justaucorps beige. Amos n'aimait pas la regarder ainsi pour cette raison première, il avait l'impression qu'elle était nue. Le deuxième raison était qu'Effie avait totalement enlevé son maquillage, qu'elle avait soit pleuré soit effacé. Son visage avait dû être beau autrefois, mais il était totalement déformé par la chirurgie à présent.

Elle avait présenté une annonce dans le district 5 il y a de cela quelques heures, et la réaction du public l'avait complètement prise à dépourvu.

- Je sais bien qu'il y a des districts qui ne m'aiment pas ! Je le sais ! se lamentait-elle. Le onze, le dix... Enfin moins le dix, mais le neuf, aussi ! Mais pourquoi le cinq ? Le Capitole n'a rien fait au 5, ils ont gagné les Hunger Games, il n'y a pas longtemps !

- Dix ans, rappela doucement Kaloss en regardant sous ses longs faux cils ses ongles manucurés avec perfection.

- Pourquoi ils m'ont lancé ça dessus ! Pourquoi !

Elle montra sa perruque qui gisait à côté du grand miroir vertical lumineux qui lui servait à se regarder tout en pleurant. La grande toque bleue était parsemée d'éclats d'oeufs, des bouts de coquille trainant partout.

- Je leur ai fait quoi, moi ?! Si tu avais vu la haine dans leurs yeux...

Elle agrippa la manche d'Amos Dolorès, comme pour l'empêcher de partir. Celui-ci étouffa un bâillement d'ennui. Ses yeux sombres étaient à demi-clos, pourtant il était loin de ne pas trouver sa place ici. En effet, il buvait les paroles d'Effie. Lui-même n'avait pas été présent au discours, qui n'avait pas été diffusé en raison du lancement d'oeuf à la fin.

- Et le gars qui a fait ça ?

- Il a été neutralisé, bien sûr, dit Kaloss en passant lascivement un cure-dents entre ses magnifiques ornements dentaires.

- Tué, ce pauvre ! Juste pour un oeuf ! D'accord, ça m'a vexé, blessé ! M'enfin ! s'indigna la pauvre Effie qui était dans tout ses états.

Deux tailleurs lui tapotèrent les joues, pour qu'elle ne recommence pas à pleurer. Tout le monde commençait à en avoir marre: cela faisait plus d'une heure qu'Effie proclamait à grands cris que sa carrière était terminée et qu'on l'avait humiliée à tord.

- Cet homme voulait ma MORT !

- Non, je ne crois pas, coupa Amos en levant les yeux au ciel.

- Vous ne les avez pas vu, vous ! Des animaux sauvages, ces gens ! Et cette fille, qui a craché sur la scène. Quelle dépravation...

- Ça arrive, dit Kaloss d'un ton plus impatient. Dites vous que c'est simplement comme au onze, et tout ira bien, non ? Ils font ça aussi dans le onze.

- Mais vous ne vous rendez pas compt-

- Je vais y aller, dit Amos en regardant un écran qu'il avait sorti de la poche de son grand manteau noir menaçant. J'ai des trucs à faire.

- Bisous, dit Kaloss en lui en envoyant un dans l'air avec un sourire.

Amos sortit du wagon, et avança dans le train.

Sa mâchoire se crispa alors qu'il plongeait sa grande main dans la poche de son manteau. Il regarda furtivement autour de lui. Mais le wagon dans lequel il était rentré ne présentait personne, sinon qu'un grand canapé rouge dans lequel il s'assit.

Il prit une inspiration et appuya sur un bouton. L'écran se déploya.

- Bonjour, Dolorès.

- Bonjour monsieur Snow.

Malgré le fait qu'on ne voyait que son visage à l'écran, le grand homme balafré s'inclina profondément en entendant la voix de son supérieur.

- Je vois que le travail de doyen te réussit bien.

- Mille merci pour ce poste, monsieur le président.

- Mais je t'en prie. Venons-en rapidement au fait. Fait-moi un rapport rapide sur ce qu'il s'est passé.

- Le district 5 a commis un crime de rébellion envers la présentatrice Effie Trinket. Nous n'avons pu intervenir qu'après les faits. L'homme rebelle a été tué.

Le visage de Snow, sur l'écran de basse qualité, eut un éclair d'inquiétude malgré un visage serein. Il prit une gorgée de thé dont quelques gouttes se logèrent dans sa barbe.

- C'est inquiétant.

- En effet, renchérit Amos, dont l'angoisse se lisait plus clairement que le président. Ce n'est pas le premier district à faire ça. Il y en a déjà trois qui...

- Je sais. Je me demande ce qu'il faut faire.

- Les Hunger Games vont apaiser tout ça.

- Je crains que non, mon cher Amos. Ce n'est pas la rébellion qu'il faut craindre, mais la colère des représailles. Je me demande si c'était véritablement une bonne idée de faire sauter tout les Loups rebelles d'un coup. Les pertes sont mémorables, et même si nous les avons fêtés, les districts les portent en martyres.

- Ils se servent de cela pour attiser leur colère, conclut Amos avec dépit.

- Et nous avons perdu Morgane et Pandora. Malgré leur obéissance à conduire la Louve à sa perte, je me suis trompé sur le compte. Ce ne sont pas des serviteures à mon service, elles ont refusées maintes fois l'offre de poste de doyen que je leur ai proposées.

- Oh.

- Elles ne pourront pas être nos mascottes contre l'hérétisme des prémices de rébellion qui secouent le district 5, 8 et 10.

- Je crains aussi qu'elles ne soient carrément contre vos initiatives, monsieur.

- Comment ? s'étonna le président Snow.

- Je suis actuellement en lien avec l'un de leurs proches amis, le tailleur Manson. J'ai ainsi pu me rapprocher d'elles, et il me semble que l'action dirigée contre la Louve n'était pas en votre faveur, mais plutôt celle de leur union.

- Peuh ! L'amour ne triomphe jamais, Amos. L'amour, ça n'existe pas.

- Et pourtant, monsieur le président, vous avez vous-même des enfants.

- Comment le savez-vous ? demanda Snow plus lentement.

- Parce qu'il est en de mauvaises compagnies à l'heure d'aujourd'hui. Contrôlez vos bâtards, à force de les renier, ils se retournent contre vous...

Amos étouffa une exclamation lorsque Snow lui raccrocha au nez. Il en avait trop dit. Il avait été trop téméraire ! Parler ainsi à son supérieur, au président Snow relevait de la folie pure et simple. Il rangea l'objet dans sa poche avec horreur. Il s'était laissé emporter. Il caressa son doigt, où une rangée de crocs était tatouée, avant de se lever.

- Kaloss ?

- Oui ?


Lorsque Cassiopée ouvrit la porte de la maison, elle fut immensément heureuse. Si contente, d'ailleurs, qu'elle n'étouffa pas un petit cri de joie. Trouver les clés dans sa poche, puis les mettre dans la serrure avait été aussi difficile que de faire un cent mètre en trois secondes. Elle zigzagua en posant un peu partout ses affaires.

Manteau, sac à main, élastique de cheveux se retrouvèrent sur le sol. Dieux, qu'elle avait chaud ! Mais Cassiopée n'était pas assez éméchée pour enlever ses vêtements. Elle avança vers le lit, essoufflée. Elle posa son regard dans la pénombre sur la silhouette sombre du Valet de coeur qui dormait. Il était deux heures du matin.

Elle s'affala sur le lit en sautant dessus comme une enfant.

- Youpiiii...

Le silence avala bien vite son entrain, et le calme qui régnait la prit peu à peu. Son souffle toujours court comme si elle avait couru, elle regarda le Valet.

Il avait enlevé ses vêtements plus qu'amples, pour revêtir des larges chemises blanches en haut, et en bas...

Cassiopée souleva la couverture en pouffant, se disant qu'elle l'avait bien mérité si le Valet était nu en dessous. Il portait en bas de pyjama un pantalon ample avec des motifs de lune. Cassiopée fut presque déçue de ne pas découvrir autre chose et cela la fit beaucoup rire silencieusement.

Elle posa sa main sur le ventre d'Ange, et murmura, plus à elle-même qu'à la nuit sombre:

- T'es si complexé par ton apparence, pour te cacher comme ça ? Pourtant tu n'es si maigre ni gros à l'excès.

La chaleur qui provenait de sous le tissus calma dans son esprit la soudaine envie, impulsion de se retourner dans le lit et de voir Franck ou Ness mort près d'elle. Cette impulsion d'horreur, Cassiopée la vit venir rapidement.

Elle venait toujours lorsque la blonde était seule, à sa merci. Des images de sang, de boyaux qui sortent. Le poignard de Morgane dans le corps de son amant. Comment pouvait-elle trahir Franck, en étant amie avec elle ? La culpabilité, le doute, l'horreur la prenait souvent.

Avec une terreur croissante, la jeune femme serra le tissus dans ses doigts fins.

Le nombre de gens qu'elle avait tué dans l'arène resurgissait dans sa tête, après tant d'années... Elle se souvenait de tout les détails. De comment Franck avait abattu sa masse sur la tête de ce tribut et l'avait écrasé entièrement sous l'arme... Le sang qui jaillissait.

Elle eut un haut-le-corps, et se blottit contre Ange.

Elle se rappelait d'avoir donné des coups dans les côtes de Pandora, de lui avoir fait mal. D'avoir eu beaucoup de plaisir à la faire souffrir. De s'en foutre de sa personne, de mépriser tout le monde. Peut-être qu'elle avait été plus heureuse comme ça...?

Son souffle se perdit dans les plis de la chemise du Valet de coeur. Elle posa sa tête sur son buste, bercée par son souffle, cherchant à se défaire des souvenirs trop amers. Avec un peu d'étonnement, elle sentit que sa poitrine était surélevée, comme pleine. Mais elle était surement bourrée, c'était un effet de son imagination.

Elle força son esprit à ne se concentrer que sur Ange. Sur son masque brouillant où Cassiopée ne pouvait poser le regard, sur sa respiration lente de dormeur, sur sa chaleur. Elle glissa ses doigts froids sous son haut, appréciant la tiédeur de sa peau. Elle fit frissonner le dormeur, cela la fit sourire.

- Qu'est-ce qu'il y a sous ton masque, hein ? J'sais pas, une cicatrice ? Un visage difforme ? Une maladie qui te fait pousser des boutons sur le nez ?

Elle rit bêtement mais se sentait apaisée.

- T'es nul comme mari mais au moins tu me laisses tranquille. Et je pourrais me bourrer la gueule avec des mecs en crachant sur toi dès que t'auras le dos tourné. Et puis je te promet que si un jour je suis enceinte, ben ça sera pas de toi. Connard.

Blottie contre lui, elle finit par s'endormir.

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