V. Premiers Pas. (IV)
Samedi 26 Août, 13h54 :
Je retrouvai ma pièce préférée. Ce petit espace de tranquillité dans une zone de loisir. Cette salle silencieuse que j'utilisais pour m'entraîner à combattre. Je poussai la porte et y entrai. L'espace se matérialisa pour que j'y retrouve l'essentiel.
Le sac de frappe logeait toujours au centre, prêt à être battu à de nombreuses reprises, avec ou sans gants, avec les mains ou par les pieds. J'avais également demandé la mise à disposition d'haltères et de tapis, juste assez pour deux personnes. D'un coup de doigt, j'insufflai l'idée à la fenêtre de s'opacifier le temps d'une heure. Par la commande centrale, les lumières changèrent du tout au tout l'ambiance qui régnait. Progressivement, la noirceur nous envahit, laissant juste le reflet des ampoules turquoise éclairer nos visages.
Je fermai mes yeux et respirai profondément l'air sur-oxygéné qui avait rempli cette salle. Un sourire solitaire et nostalgique prit place sur mes lèvres. Je restai pensive au milieu de la pièce. J'avais connu mes meilleurs comme mes pires moments dans cette salle et désormais elle faisait partie de mon passé. La manière de s'imaginer le temps comme une chose futile et éphémère à laquelle on se rattache pour évoquer notre vie était une réflexion que j'avais menée durant de nombreux jours. Notre passé durait une éternité tandis que notre présent était inexistant et notre futur, un compte à rebours.
Je caressai du bout des doigts les murs de cette pièce et en fis le tour. Si froid soient-ils, ils n'en restaient pas moins une carapace supplémentaire que je m'étais créée au fil des années. Les yeux clos, je décelai chaque imperfection, chaque cicatrice que j'avais pu créer, à frapper dans n'importe quel objet, matière ou texture pour extérioriser la rage qui m'habitait, ou encore la fissure dans mon cœur qui s'agrandissait à chaque remarque sur mon sang indigne de la société.
Une orpheline, une personne qui ne méritait pas de vivre, de grandir dans cette société car j'avais été abandonnée dès mon plus jeune âge. Personne ne voulait de moi alors je n'avais pas à être un poids pour la société, cela m'avait souvent été reproché, dit dans mon dos mais les habitants, pauvres ou riches, venaient rarement me le dire en face. La lâcheté humaine, une manière d'être déplorable à laquelle je m'étais fait un point d'honneur de ne jamais arriver.
Trois coups à la porte me firent sortir de mes pensées qui devenaient de plus en plus sombres. Une petite tête fit son apparition dans l'encadrement. Ses yeux gris bleus me fixaient d'un air malicieux et son corps tout entier ne demandait qu'à entrer dans cette salle de nouveau pleine de lumière.
— Bienvenue... dans le temple ! m'écriai-je, écartant mes bras et pointant le plafond de mes mains.
Ayden vint déposer ses affaires dans un coin de la salle encore inoccupée. Je m'occupai de verrouiller la seule issue pour ne pas être dérangés pendant notre dernière séance d'entraînement seuls à seuls. Je fis glisser la séance du jour de ma montre à l'écran situé à l'opposé de l'entrée. Le regard d'Ayden en disait long sur la séance qui allait être plus qu'éprouvante pour lui.
Je vins lui tapoter l'épaule pour lui souhaiter du courage. Il allait en avoir besoin, surtout avec un professeur comme moi. Je ne laissai rien au hasard et je ne connaissais pas le répit.
— On commencera tranquillement, je te promets !
Je lançai le bâton à Ayden, qu'il attrapa aisément d'une main. Je voyais cet entraînement comme un jeu et ce qui était sûr, j'en étais le maître. Je rabattus un mèche de cheveux derrière mon oreille avant de me rapprocher de lui. Je plongeai mon regard dans le sien et laisser tournoyer le bout de bois dans les airs. Progressivement, il vint à la rencontre de l'autre.
Le claquement des deux objets lacérait énergiquement l'air. Ayden se contentait de frapper dans le vif tandis que j'analysai chacun de ses mouvements pour mieux anticiper la suite. Alors que son bâton vint à ma rencontre, je glissai brusquement vers ma droite avant de rouler sur le sol. Je passai ainsi de l'autre côté de la salle.
Nous nous remîmes en garde. Faisant valser les grains de poussières dans l'air, je pris appuie sur le plancher métallique pour donner de l'élan à ma course. Le bâton dans ma main droite, je levai mon bras en même temps que je tournai sur moi-même. M'arrêtant à quelques centimètres d'Ayden, je laissai retomber mon arme pour venir le toucher sur son flanc gauche. Il eut le réflexe tardif de se protéger, mais mon attaque influença son sort. Il se retrouva au sol, son bout de bois juste assez loin pour qu'il ne puisse l'attraper.
Je me penchai vers lui et plaçai mon arme juste sous sa gorge.
— Pour vaincre ton adversaire, tu dois devenir ton adversaire.
Il lâcha ce qu'il tenait dans ses mains et se mit en place, face à moi, les poings en défense contre la poitrine. Je fis de même, mais s'il pensait que m'abattre de cette manière était la bonne solution, il ignorait certainement que je me débrouillais bien mieux sans accessoire. Il engagea rapidement. Il chercha d'abord à me maitriser en prenant par le bras. Sa technique, bien qu'intéressante, fut rapidement anéantie. Je pris appuie sur son épaule pour sauter par-dessus lui. Une fois dans son dos, il ne me suffit qu'à le pousser légèrement en avant. Il fit deux pas et se retourna.
Mon sourire satisfait fit germer en lui l'idée que le pourcentage de chance de m'abattre était maintenant situé à moins de dix pourcents. Je claquai des doigts et la luminosité chuta. La pénombre envahie l'espace et notre vision, habituée à la forte lumière blanche, se trouva être inutile dans cet environnement.
A pas de loup, je m'approchai d'Ayden dans l'optique de le surprendre. Je me mouvai dans l'espace comme une chauve-souris en pleine nuit. Je frôlai l'air, bougeant avec précision dans la salle, évitant chaque objet susceptible de faire du bruit. La lueur dans ses yeux se dessina dans l'ombre, cherchant avec ferveur la moindre clarté.
Plus obnubilé par sa peur des ténèbres que par la continuité de notre entraînement, il sursauta quand je le pris par son poignet. Le contact de mes doigts avec sa peau douce le fit frissonner. Je sentais ses poils se hérisser sous ma prise. Ne jouant que par la suprise, j'en vins rapidement à placer son bras dans son dos pour finir de le maitriser. Je le fis s'asseoir sur les genoux avant de rallumer la pièce.
Je me plaçai face à lui pour être sûre que tout allait bien. Ses mains encore un peu tremblantes me firent comprendre son point faible et dans la seconde qui suivit, mon cœur s'emballa. Si j'avais pu voir aussi vite son talon d'Achille, je ne donnais pas cher de sa peau dans les semaines à venir.
— Leçon du jour, ce qui ne te tue pas te rend plus fort. En deux mots, maitrise tes peurs et personne ne pourra t'abattre.
Je me relevai et lui tendis la main. Il la saisit précipitamment et se remit sur pied. Dans le mouvement, je ne vis pas sa jambe partir entre les miennes et le poids de son corps fit la bascule. Il me renversa sur le dos, me faisant pousser un grognement.
— J'apprends vite, souffla-t-il.
Il accompagna ses paroles d'un clin d'œil que je trouvai ringard. En signe d'approbation à ma pensée, je levai les yeux vers le ciel et opérai un mouvement circulaire.
— Va à la douche, tu pus. On se retrouve dehors.
Il se retourna et avança vers la porte avant de disparaitre dans la lumière. De mon côté, je me rallongeai par terre et fermai les yeux pour reprendre un rythme cardiaque normal.
Dehors... Drôle de manière de définir ce mot, sachant qu'on avait jamais pu mettre un pied en extérieur. Je sentais le froid du sol sous mon dos. Le métal n'était définitivement pas l'herbe fraiche d'un matin d'été où les tournesols s'émerveillaient face au ciel bleu. L'imagination d'un champ de blé que je foulais de mes pieds nus décuplait mes sens. Je rêvais de sentir le craquement de chaque petit grain sous mes orteils fins et mes pieds légers sur la terre sèche. Je me voyais sautiller sur le chemin coupant en deux la plantation qui se mouvait au gré du vent. Je sentais la chaleur du soleil qui caressait la surface de notre peau.
Je remis mes pieds sur terre. La température interne de L'Abris, constante et triste, avait remplacé celle d'un songe d'été, lumineuse et joyeuse. Je me relevai et machinalement, je me dirigeai vers les douches communes où un bruit monstre s'élevait dans les airs. Le brouhaha des discussions incessantes de chaque habitant pénétrait en moi et me fit regretter mon arrivée dans cette pièce-là.
Je n'étais pas douée avec le contact humain. Mon passé avait balayé tout chance de voir naître en moi cette envie d'aller vers mon prochain. L'hypocrisie, la trahison, l'abandon, tout ces termes m'avaient fait détester le genre humain. Seul Ayden était l'exception qui confirmait la règle. Ma petite boule d'énergie était bien la seule personne à qui je m'ouvrais, puisque c'était la seule et l'unique personne qui me comprenait.
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Hello hello ^^
Comment allez-vous ?
Malgré la fatigue, l'écriture de ce livre avance bien. Il continue son chemin et poursuit sa route pour, je l'espère, vous satisfaire !
Avis sur le chapitre, juste ici ➡️
Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.
Xoxo <3
Ptitgibilin ✧
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