IX. Les yeux dans les yeux. (II)
Jeudi 28 Septembre, 10:00 :
Nous prîmes place dans la salle de combat. Quatre jours que j'attendais de pouvoir me dépenser de cette manière. Sans mentir, la piscine n'était pas du tout mon point fort et m'avait fait quelque peu dégringolé dans le classement, passant de la deuxième à la sixième place. Je savais qu'il ne me manquait pas grand chose pour reprendre ma place mais je n'en pouvais plus de la sensation de l'eau. Je ne pensais qu'à une chose : reprendre le combat sur la terre ferme.
Le combat habitait nos semaines depuis maintenant le début de la formation. Mais depuis lundi, c'était tout autre. La piscine avait tout modifié dans notre emploi du temps. Plus rien n'était pareil. Treegof reprenait de la force, de la prestance et me sortait encore plus par les trous de nez. Cette fois-ci, il ne rirait pas. Il allait mordre la poussière avec encore plus de puissance que d'habitude.
Fallsbeck Junior s'approcha de l'assemblée et annonça les groupes du jours. Ce n'était donc pas une surprise si je me retrouvais face à...
— Greydale contre Treegof.
Un sourire me prit les lèvres. Quel hasard... C'était enfin mon grand moment, celui ou je mettrai Treegof à terre sans triche, sans tour de passe-passe, sans susurrer un mot qui le ferait perdre pied. Aujourd'hui, j'allais le battre de manière loyale et il finirait dix pieds sous terre à la suite de cette défaite.
Nous nous avançâmes chacun de notre côté vers un des coins du ring. Jamais l'air entre nous deux n'avait été aussi électrique. Nous sentions parfaitement que le moment était crucial. Si je gagnai, je revenais sur ses talons. S'il me battait, je dégringolais encore un peu plus loin dans le classement.
Je m'approchai du centre du ring en conservant ma garde. Restant à l'affut du moindre de ses mouvements, j'analysai chaque parcelle de son visage. La régularité de ses battement de cils trahissait sa concentration, oscillant entre abaissement et élévation. Son regard rivé dans le mien, il jugeait chacune de mes actions sans scrupule.
Nous nous tournions autour avec souplesse et agilité, attendant de l'autre qu'il engage le combat.
Il tressaillit. Je passai à l'offensive immédiatement. Même si nous n'avions pas combattu depuis longtemps, nous n'avions rien perdu de nos réflexes. Nous nous sautâmes dessus, essayant de mettre l'autre à terre dans une grâce sans pareille. Clayton s'approcha de moi et fit valser son poing dans ma direction. Je laissai ma tête partir vers l'arrière et usai de ma souplesse pour éviter son coup. Sa main repartit dans l'autre sens et, me remettant face à lui, ce fut à mon tour de le détruire.
Cette rage, qui m'accompagnait durait depuis des jours. Je l'avais refoulée jusqu'à ce jour, pour qu'elle éclate au bon moment. Je l'avais déjà battu une fois, je pouvais recommencer. Mes gestes se firent sûrs, devenant plus fort, plus précis. Ma jambe partit alors dans le vide, espérant trouver ses côtes le plus rapidement possible. Il se recula, anticipant mes mouvements. L'aisance s'était diffusée dans son sang tandis que l'adrénaline emplissait mes veines.
Je jetai un coup d'oeil à mes mains, tremblante à l'idée de devoir le battre. Je ne savais plus vraiment ce qui me mettait dans cette état. J'avais l'envie, la détermination de le battre mais un sentiment externe m'occupait également, comme s'il me poussait à éviter d'aller plus loin. Le frémissement léger qui occupait mes membres me détourna de mon objectif, si bien que je réagis au dernier moment au mouvement qu'entreprit Treegof. Son ombre passa devant mon visage et mon corps s'écarta au dernier moment, par réflexe.
— Tu abandonnes déjà ? me lança-t-il un sourire au lèvre.
— Jamais.
Je me remis face à lui et plongeant mon regard dans le sien, je me fis la promesse de ne pas échouer aujourd'hui.
Nous enchaînions les prises, les coups, les feintes pour finir notre bataille aussi vite que possible. Nous nous évitions, parions et baissions au rythme des coups de l'adversaire. Mais jamais ni l'un ni l'autre ne prenait le dessus. Tandis que je faisais partir mon bras précédé de mon poing vers ses côtes, Clayton tenta de se rapprocher de mon flanc droit pour m'asséner un crochet au plus près de mon bassin.
Je changeai directement de tactique pour faire basculer son corps vers l'arrière. Il n'était pas question que je me fasse avoir par une de ses attaques ! Pas aujourd'hui. Ma vitesse d'exécution le surprit, et mon action eut l'effet escompté. Ses jambes se dérobèrent sous son poids, ne lui laissant que peu de chance de s'en sortir.
Je finis ma course au sol, appuyée contre son bassin. Je plaquai son bras qui avait commencé un mouvement vers mon ventre. J'usai de toute ma force pour le maintenir contre le métal. Ainsi, pour ne lui laisser aucun répit, je positionnai mon avant-bras gauche sous sa gorge et arborai un léger sourire en coin. Pour une fois, j'étais bien plus forte que lui. J'étais fière de l'être.
Je plongeai mon regard dans ses yeux et tout se fana autour de moi.
Ses émeraudes se ternirent, n'arborant plus l'étincelle de la grandeur qu'il croyait avoir. Une lueur de panique croisa alors mon regard. Je me figeai instantanément. Il n'était pas celui qu'il paraissait. Il était différent sous cette carapace qu'il lui donnait l'air supérieur. Sous cette couche de haine ne transparaissait finalement que la peur. La peur de qui, de quoi ?
Je sentis son corps se contracter sous le mien. Il était effrayé... Mon action avait fait remonter en lui un souvenir, et ce n'était pas un merveilleux souvenir auquel on se rattache. C'était plus comme un cauchemar. Un de ceux qu'on essaye d'enfouir et dont il suffit d'une seule inattention de notre part pour qu'il revienne à la surface. Je connaissais ce sentiment, ce moment où tout nous échappe.
Ma respiration se mêla à la sienne. Elle était forte, difficile, douloureuse presque. Je restai quelques instant statique, incapable de prononcer quoique ce soit, car oui, je l'avais battu, mais je n'avais ni gagné, ni la tête à la victoire. Je ne pouvais pas finir un combat de la sorte.
Son regard me rappelait la discussion qu'il avait eue avec son père la semaine précédente puis la façon dont il avait descendu son verre le lendemain, et son comportement les jour suivants. J'étais la cause de son état. Une fois de plus, j'étais la cause du problème, comme vingt ans plus tôt.
— Je suis désolée, soufflai-je comme si je voulais me faire pardonner. Je... Je suis désolée... Je ne voulais pas...
Je me défis de lui, m'asseyant à ses côtés pour reprendre moi-même mes esprits. Mes yeux fixés dans le vide, je ne savais plus quoi penser. Des larmes voulurent monter en moi mais je les refoulai avant qu'elle n'atteignent le bord de mes yeux. Je pinçai mes lèvres pour me retenir de pleurer. J'étais une fois de plus allée trop loin sans le savoir. Pourquoi étais-je si obstinée même sans le vouloir ?
Je me sentais mal. Une sueur froide descendit le long de ma colonne vertébrale avant qu'elle ne s'empare de tout mon corps. Je m'en voulais terriblement. Je quittai le ring. Je devais partir. Loin s'il le fallait. Je devais réfléchir.
— Greydale ! cria Fallsbeck.
S'il devait me courir après, il le ferait. Je ne pouvais pas rester. Pas après ce que j'avais fait vivre à Treegof. Comment pouvais-je encore me regarder dans un miroir après ça ? J'avais déjà combattu de manière déloyale mais cette fois-ci c'était différent. Et même si Treegof m'avait fait vivre les pires horreurs, j'avais un coeur.
Je n'avais aucune satisfaction à détruire quelqu'un déjà anéanti de l'intérieur. Je me détruirai également si j'étais amenée à le faire.
Je rejoignis les vestiaires et fermai la porte le plus rapidement possible.
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Hello hello ^^
Comment allez-vous ?
Ça y est un grand rebondissement en approche. "Greydale et l'art de découvrir des choses quand il ne le faut pas", nous pose aujourd'hui juste à la surface de la vie de Clayton.
Ici pour la FAQ (tous les personnages sont autorisés) :
N'hésitez vraiment pas à poser des questions pour le chapitre spécial 500 votes (qui arrivera sous peu) ^^
Ici pour les avis sur le chapitre et vos théories :
Dites moi ce que vous en pensez et n'oubliez pas que les petites étoiles valent tout l'or du monde dans l'esprit d'un auteur, quelque soit son genre.
Xoxo <3
Ptitgibilin ✧
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