XXI

Elyas marchait tranquillement autour du baby-foot, son smartphone à la main.

- 35 à 2, annonça-t-il.

- Pour qui ? Demanda Erwin.

Telio leva les yeux au ciel et eut un léger rire.

- Pour moi, abruti. Je t'avais pourtant dit que même faire une partie en 50 points ne t'aiderait pas à gagner.

- Au moins, j'aurais essayé, répondit son ami.

- C'est bien ça le problème,tu ne comptes jamais abandonner ?

- Abandonner ? Ça veut dire quoi ?

Telio soupira.

- Allez, c'est à toi de jouer.

- Yeah, je vais pouvoir marquer !

- Arrête de rêver.

Et étonnement, il marqua. Sa danse de joie dura plus d'une minute, et il fut rappelé à l'ordre par Elyas qui comptait les points. La partie se finit par un 50-3, pour Telio, mais Erwin, toujours déterminé, chercha une quelconque idée pour battre son meilleur ami à quelque chose.

Soudain, il la vit. Il s'avança vers la machine de danse, tirant Telio par la manche.

- Eh ! Mais qu'est-ce que... Oh, non.

Erwin contemplait le tapis de danse avec fierté.

- Erwin...

- On essaie ? Le coupa l'intéressé.

Telio dû se résoudre à jouer, persuadé de faire encore perdre son meilleur ami. Il s'installa sur la plateforme, et appuya sur le bouton de la machine.

La musique se lança, et les premières flèches indiquant l'emplacement de leurs pieds apparurent à l'écran.

Les premiers pas étaient simples, Telio les enchaînait, mais les rapides coups d'œil qu'il donnait à Erwin lui montrait que ce n'était pas le cas de son ami. L'adolescent peinait à déplacer ses jambes en rythme, mais pour l'instant il n'avait pas encore manqué une seule flèche.

Tout à coup, la musique accéléra. Telio se reconcentra sur son propre corps, il était hors de question qu'il perde par un manque d'attention.

Elyas les observait avec un malin sourire, il avait un pressentiment.

La musique devenait de plus en plus entraînante et les pas de plus en plus difficiles, ce qui fit rater à Telio plusieurs flèches. Il grimaça et se tourna rapidement vers son ami.

Erwin le regardait, dansant à la perfection, comme si les pas étaient d'une extrême simplicité pour lui. Il lui adressa un clin d'oeil et sourit, sachant que Telio était abasourdi. Il ne lui avait jamais dit qu'il était doué en danse, peut-être inconsciemment pour que ce moment ait lieu.

La musique se termina, laissant à Erwin une victoire écrasante. Les deux adolescents descendirent de la plate forme et s'approchèrent d'Elyas.

- Eh bien, commença le garçon en passant une main derrière sa nuque.

- On peut dire que j'ai gagné, non ? Sourit Erwin.

- Hem, oui, en effet.

Les trois amis commencèrent à rire et sortirent de la salle d'arcade.

- Qu'est-ce qu'il y a à faire ?

- Je vais aller rejoindre Ludovic, moi, annonça Elyas.

- Pas de problème. Et toi, Telio ? Tu veux faire quelque chose ?

- Je sais pas trop. J'avais proposé à Hanae de la voir aujourd'hui, mais elle est avec Ambre, elle m'a envoyé un message tout à l'heure.

Erwin lança un regard lourd de sous entendus à son ami mais ne dit rien.

- Sinon, je voulais voir Sofia...

- Laisse ta sœur tranquille, coupa Erwin.

- Mais...

- Elle est avec ses amis, ne la dérange pas.

- Bon...

- Ça te tente, de la muscu ?

Telio releva un sourcil.

- Je pensais à quelque chose de plus... Détendant, souffla-t-il.

- Tu préfères aller au spa pendant cinq heures ? S'esclaffa Erwin.

Telio eut une moue de dégoût et se recula en plaçant les mains devant lui.

- Pitié non ! Il y a rien de plus ennuyant que ce truc.

- Muscu, alors.

- Va pour muscu, soupira Telio.

***

Ambre s'avança en frissonnant. Les nuages menaçants à l'horizon laissaient prévoir des averses qu'elle ne saurait apprécier. Le soleil de septembre était tellement plus agréable ! Pourtant, l'automne montrait déjà sa couleur. Le vent se rafraîchissait au fil des jours, plongeant la jeune fille d'habitude si enjouée dans une humeur maussade.

Son amie s'avança. Hanae ne semblait pas troublée par le mauvais temps qui se profilait, à vrai dire peu de gens auraient pu l'être. Ambre attachait une importance démesurée à des choses de ce genre.

La brune s'arrêta. Elle prit une grande inspiration et fronça les sourcils. Après tout, elle avait quand même remarqué les nuages. Elle ne dit pas mot, mais invita Ambre à s'asseoir avec elle.

Les deux filles ne parlaient pas. Chacune d'elles tentait silencieusement de deviner quel genre de personne était l'autre, sans succès. Parfois, l'une tentait un regard furtif vers l'autre, puis retournait son attention vers l'immensité de la plaine.

- Alors... Lancèrent-elles en même temps.

Elles se tournèrent l'une vers l'autre et éclatèrent de rire. Elles soupirèrent et Ambre prit la parole en premier.

- Je voulais en savoir plus sur toi.

- Je voulais me faire une amie, répondit Hanae dans un sourire.

Ambre lui rendit. Elle mourrait d'envie de savoir qui était cette Hanae Meiko. C'était inné chez elle, cette envie d'aller vers les gens. Ça l'avait aidé à devenir aussi sociable qu'elle l'était à cet instant. C'était ce que son instinct avait trouvé pour combler le vide dû à la mort de ses parents. Ses souvenirs d'eux étaient vagues, mais elle les chérissait.

Elle partageait cette douleur avec Erwin. L'absence de parents est une chose, mais devoir la subir brutalement sans y être préparé en est une autre. Ambre l'avait vécu, cette absence la rongeait encore aujourd'hui. Elle se souvenait encore clairement des derniers mots qu'elle avait dit à son père.

"Tu ira m'acheter une glace quand tu reviendras ?"

Mais il n'était pas revenu. Il avait ri, avait ébouriffé les cheveux blonds de la petite fille et était parti. Comme ça, pour toujours.

L'adolescente se souvenait aussi des jours qui avaient suivi l'annonce de la nouvelle. Elle n'avait pas mangé, pas dormi, et n'avait parlé qu'à Erwin pendant plusieurs semaines.

Ses souvenirs de cette époque étaient bruts, glacials, atrocement tristes.

"- On a qu'à y aller. On verra bien si c'est vrai, soupira le garçon.

- Ils nous retrouveraient, répondit son amie.

- Ils ne peuvent pas avoir raison, annonça l'enfant. Mon papa est fort, il ne se laisserait pas tuer comme ça.

- Le mien aussi est fort, objecta Ambre.

Erwin se tourna vers elle.

- Tu vois. Ils ne peuvent pas être partis, dit-il sans même y croire.

- Papa m'avait promis une glace, chuchota Ambre en laissant ses yeux s'embuer de larmes.

Erwin entoura son amie de ses petits bras. Il jouait l'homme, puissant, mais un enfant de six ans ne peut pas contenir le flot d'émotions provoqué par la mort d'un parent.

Et ils étaient là, tous deux, à pleurer sur les marches du large perron."

C'était ce jour qu'ils avaient compris. Qu'ils seraient seuls à jamais ; que personne ne reviendrais. Ambre refoulait encore parfois quelques larmes amères voulant à nouveau tracer leur chemin sur ses joues. Elle tentait d'oublier.

Mais avec Hanae à ses côtés, elle comprit que d'autres, beaucoup d'autres, étaient dans son cas.

- Comment sont ils morts ?

Hanae se tourna vers elle, surprise.

- Tes parents, précisa Ambre.

Le visage d'Hanae s'assombrit.

- Comment le sais-tu ?

- Emily en a parlé à Sofia.

Hanae hocha la tête, pensive.

- Assassinés. Des gens voulaient ma sœur, annonça-t-elle la voix rauque.

- Emily est une porteuse magique ?

- Oui.

- Leurs vies sont toutes en danger, récemment.

Hanae ne répondit pas. Ambre passa un bras dans son dos et lui pressa l'épaule.

Ce contact était nécéssaire pour elles deux.

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