IV
Yuna se réveilla et ouvrit les yeux avec difficulté, tentant de se remémorer les récents événements.
Elle constata qu'elle s'était endormie toute habillée, et que la chambre dans laquelle elle était ne ressemblait en rien avec ce qu'elle avait vu jusqu'alors. Les murs étaient hauts, les portes ovales. Son lit était lui aussi ovale, il comptait deux places, et le matelas était l'un des plus confortables dans lesquels elle n'ai jamais dormi. La pièce était en L et une immense baie vitrée s'étendait sur le mur du fond. Yuna vit ses affaires posées à côté de son lit, et elle distingua dans l'autre coin de la chambre le même lit qu'elle et le même arrangement de meubles.
Elle tenta de se lever, mais le petit Bogi se reposait en boule sur le ventre de sa maitresse qui sourit tendrement. Elle déposa le reptile dans le grand vivarium qu'elle avait apporté et qui prenait la moitié de la place dans sa valise. Lorsqu'elle fut debout, une violente douleur apparut dans son crâne et elle dû luter pour ne pas s'évanouir de nouveau. Elle s'assit quelques minutes encore sur la chaise de bureau avant de pouvoir se relever.
Elle marcha doucement jusqu'à l'autre coin de la chambre et découvrit ce qui s'apparentait à être l'espace de sa colocataire de chambre, probablement. Les murs étaient recouverts de petits objets scintillants en tous genres et de lumières colorées.
Sur le bureau se trouvait une photo représentant deux jeunes enfants, une fille et un garçon,avec un sourire jusqu'aux oreilles, et derrière eux, un couple âgé, parmis lequel Yuna reconnu Clotilde, qui semblait plus jeune, la photo devait dater d'une dizaine d'années. Les deux enfants se ressemblaient, aussi Yuna supposa qu'ils étaient frères et soeur. Le garçon avait des cheveux blonds platine rejetés en arrière, et des yeux bleus azur derrière une paire de lunettes noires. Sa peau était pâle et il portait des vêtements assez chics. La petite fille était plus souriante, elle avait de longs cheveux châtains clair ondulés et de grands yeux bleus marine. Elle portait une robe courte à bretelles, ce qui laissait voir une tâche brune sur son épaule droite. Elle tenait un panier dans la main gauche et faisait un V avec la droite. Yuna avait du mal à voir l'arrière-plan, mais elle distinguait un ciel bleu et une chaine de montage.
La jeune fille reposa délicatement la photo sur le bureau et s'avança vers la baie vitrée. Elle tira délicatement les rideaux gris anthracite, et la lumière pénétrant dans la pièce l'aveugla. Une fois que ses yeux se furent adaptés aux rayons du soleil, elle s'approcha de la vitre et fut subjuguée par la beauté du paysage. Une immense vallée fleurie se tenait en dessous d'elle, remplie d'arbres fruitiers colorés et d'autres plantes majestueuses. Une rivière d'un bleu pur scintillant au soleil traversait le décor fantastique et s'en allait rejoindre les montagnes plus loin. Yuna distinguait plusieurs personnes dans ce paradis terrestre, mais elle n'y accorda pas d'importance tant elle était obnubilée par le fabuleux mélange de couleurs organisé par la nature.
- C'est beau, n'est-ce pas ? Lança une voix derrière elle.
Yuna se retourna en sursaut pour se retrouver face à Clotilde qui la regarda en souriant.
- Désolée de t'avoir fait peur, rit la jeune femme. J'étais venue voir comment tu te portais. Tu as dormi presque dix-sept heures, tu sais !
- dix-sept heures ??!! Que m'est il arrivé ? Et quelle heure est-il ? S'exclama la jeune fille.
Clotilde prit tout d'un coup un air grave.
- Te souviens-tu de la légende dont je t'ai parlé hier ? Demanda-t-elle.
- Évidemment que je m'en souviens ! On aurait dit que tu me récitait une formule magique.
- Ce n'est pas loin de la vérité, ricana Clotilde. Cette légende est réelle, et chaque porteur magique dépense autant d'énergie magique pour l'écouter que pour faire une démonstration comme celle que tu as montré à Yoris. Donc pour une débutante comme toi, écouter cette histoire est atrocement épuisant, d'ailleurs je suis étonnée que tu sois restée éveillée aussi longtemps.
Clotilde avait dit ça avec un sourire franc, aussi Yuna rougit du léger compliment que la vielle femme lui avait adressé.
- Mais trèves de bavardage, continua-t-elle. Je suppose que tu veux en savoir sur tes pouvoirs, et sur la raison qui t'as ammenée jusqu'à nous.
Yuna acquiesça en silence.
- Bien. Suis moi, je vais te faire visiter un peu.
Yuna sortit de la pièce à la suite de Clotilde qui marchait d'un pas vif malgré la longue jupe qu'elle portait et qui devait visiblement entraver ses mouvements. Soudain, elle se retourna :
-au fait, il est bientôt onze heures du matin. Tu me l'as demandé tout à l'heure.
La jeune fille acquiesça en silence. Elles se remirent à marcher, et Yuna se rendit compte seulement au bout du couloir qu'elle ne s'était ni douchée, ni changée, et qu'une tâche de transpiration était probablement visible entre ses omoplates. Rien qu'à l'évocation de cette possibilité, la jeune fille eut des frissons et commença à prier pour qu'elle et Clotilde ne rencontrent personne. La vieille femme l'entraînait dans un labyrinthe de couloirs, de portes, d'escaliers dont les marches étaient plus arrondies que la norme et d'ascenceurs dont la vitesse bouchait continuellement les oreilles de Yuna.
- Nous sommes 305 porteurs magiques à Howl's Academy, annonça Clotilde après un long silence. Les porteurs magiques sont des humains ayant la capacité de sortir une quantité variable de leur énergie hors de leur corps et de la contrôler. Ils représentent 1% de la population mondiale. L'énergie apparaît de différentes façons pour chaque porteur, et leur puissance varie également. Cependant, certains porteurs possèdent une capacité très particulière. On appelle cette capacité "Le contact". Les porteurs possédants cette capacité sont extrêmement rares, à vrai dire on n'en recense qu'un tout les 55 ans environ sur la planète toute entière. Si je t'en parle, continua la vieille femme, tu t'en doutes, c'est parce que tu possèdes cette merveilleuse capacité.
- Mais, coupa Yuna, en quoi consiste réellement cette capacité ?
- J'allais y venir, reprit Clotilde en roulant des yeux. Les porteurs magiques possédants cette capacité sont appelés "Élus" et ils sont capables d'utiliser ce qu'on appelle communément "la télépathie" mais de manière plus élaborée. Et comme un bon exemple vaut mieux qu'un long discours, je vais te montrer.
Elle s'assit lentement sur un banc au bord du couloir, et invita Yuna à faire de même. Elle ferma doucement les yeux, et fronça les sourcils pour de concentrer. Tout d'abord, Yuna ne ressentis rien. Puis une image apparut dans son esprit : celle d'elle même, en train de regarder à travers la baie vitrée de sa chambre. Puis une autre, celle d'une porte d'ascenseur s'ouvrant et de la jeune fille en sortant en ayant des mains sur les oreilles.
Les images de tout les lieux que la jeune fille avait visité avec Clotilde durant la dernière heure s'entassaient dans sa tête et l'adolescente dû fermer ses paupières pour éviter que ses globes occulaires n'explosent. Soudain, elle sentit une douleur dans son genou, puis dans toute sa jambe, et enfin, toutes les articulations de son corps la faisait souffrir. Elle entendit moins bien les bruits alentours, et sentit une partie de ses forces la quitter. Puis, d'un coup, tout s'arrêta : la douleur la quitta, les images cessèrent, elle réentendit les bruits, ses forces revinrent. Elle gardait les yeux fermés un moment, puis entendit la voix de Clotilde riant dans sa tête.
- Alors, dit elle en riant, tu as aimé cet avant goût de la vieillesse ?
Yuna ouvrit brusquement les yeux en grand et se tourna vers la vieille femme qui la regardait avec un sourire malicieux.
- le contact permet de transférer à un autre porteur magique des émotions, des sensations, des souvenirs et des messages, lança-t-elle. Tu viens de découvrir la douleur des rhumatismes, annonça-t-elle en riant.
Yuna restait éberluée.
- Et moi, je peux faire ça ? Demanda-t-elle.
Clotilde éclata d'un rire sonore. À l'évidence, enseigner cette compétence à Yuna l'amusait énormément.
- Bien sûr que tu peux, ma puce ! Avec beaucoup d'entrainement et pas mal d'échecs, cependant. Mais il faut que je te prévienne : Tu risques de dormir énormément, cette année, dit elle en riant de plus belle. J'ai dû travailler pendant au moins vingt ans pour arriver à cette performance en n'utilisant que très peu d'énergie.
- vingt ans... Répéta Yuna, découragée.
- Oh ne t'en fais pas, le temps de maîtrise du contact dépend de chaque Élu, de la même façon que chaque puissance magique est différente.
Yuna acquiesça lentement, peu convaincue. Clotilde se leva du banc en un bond et se tourna vers la jeune fille avec un sourire malicieux :
- Suis moi ! Je vais te coacher pour ton premier entraînement.
Yuna la suivit, et, une dizaine d'ascenseurs et de couloirs plus tard, elles arrivaient toutes deux devant une grande porte en bois.
- Vas-y, ouvre ! Dit Clotilde en riant.
Yuna s'exécuta, appuya sur le lourd battant et le poussa de toutes ses forces. La porte s'ouvrit en grand, et Yuna eut le souffle coupé. L'immense prairie fleurie se tenait devant elle, plus belle encore que lorsqu'elle l'avait vue dans sa chambre. Les rayons du soleil à son zénith donnaient à ce lieu une telle Majesté que les mots seuls ne sauraient pas la décrire.
Plusieurs adolescents flânaient là, profitant de leur temps de repas à midi et de l'atmosphère magique du lieu. Retombant en enfance, Yuna retira ses espadrilles pour courir pied nus dans l'herbe fraiche et les plantes variées. Laissant le vent souffler dans ses cheveux dénoués, la jeune fille s'arrêta pour prendre une grande bouffée d'air frais en écartant les bras. Après cette courte pause, elle repris sa course folle dans la végétation luxuriante, sautant par dessus les rochers, et courant toujours plus vite jusqu'à chuter et achever son parcours en roulant dans les fleurs jusqu'à la rivière. Arrivée là, elle regarda silencieusement les quelques nuages venus perturber l'étendue calme du ciel d'un bleu uniforme, ainsi que les quelques oiseaux qui gazouillaient joyeusement en dessinant des cercles imaginaires dans les airs. Yuna humait délicatement les doux parfums de la nature. Elle reconnut autour d'elle, camomille, lavande, menthe, et, plus loin, une forte odeur de safran. Lorsque Clotilde arriva à son niveau, la jeune fille fut prise d'un éclat de rire sonore qui fit se retourner un bon groupe de personnes. Son rire était clair, franc et gai, et Yuna n'avait pas pour habitude de rire de cette manière lorsqu'elle n'était pas avec Clémence.
- Contente que le lieu te plaise, annonça Clotilde.
- Si il me plaît ? C'est bien plus que ça ! Répondit la jeune fille. Je me sens comme... Apaisée. C'est assez étrange mais très agréable.
- Ce lieu est très concentré en puissance magique, ajouta Clotilde. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est très reposant. À présent, peux tu te lever ?
Yuna obtempéra et alla se placer devant la vieille femme.
- Quand j'avais ton âge environ, lui dit celle-ci, l'homme qui m'entraînait était un indien qui était moine bouddhiste avant de connaître son don. Il a tout quitté pour venir jusqu'ici. Je me souviens parfaitement de sa voix calme et posée, de ses explications claires, et de sa manière d'être qui inspirait à tous un profond respect. J'étais même amoureuse de lui, à cette époque, alors qu'il avait cinquante-cinq ans de plus que moi ! Rit Clotilde.
Elle marqua une pause. Elle avait entre temps attaché les mèches de cheveux qui encadraient son visage en arrière avec une pince, et cette coiffure lui allait à merveille. Son visage était dégagé mais elle profitait tout de même de la fraîcheur du vent faisant voler sa chevelure. Elle ferma les yeux en pensant à celui qui lui avait tout appris et qui l'avait quitté il y a de ça quarante-six ans. À présent, c'était à elle de jouer ce rôle, et elle comptait accomplir cette tâche du mieux qu'elle pouvait.
- On commence ton entraînement maintenant ? Demanda-t-elle en se tournant vers Yuna.
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