I

Yuna ouvrit les yeux. Elle marchait simplement, avec sa meilleure amie, dans sa ville natale.

Mais alors, pourquoi avait-elle l'impression de tout juste se réveiller d'un interminable rêve ?

Ses pensées se mélangeaient. Elle n'écoutait plus Clémence, mais peu importait. Une légère bourasque de vent fit s'envoler un tourbillon de feuilles devant elles, et un papier jauni vint atterrir à ses pieds.

Yuna se pencha pour l'attraper et le lit. Il ressemblait fortement à un tract pour une un évènement festif, mais il n'en était rien, il présentait un examen pour une école soit disant réputée, ainsi que la date et le lieu. Mais ce n'était pas cela qui intéressait Yuna, c'était le nom.

Howl's academy.

Elle était sûre d'avoir déjà entendu ces mots quelque part.

- Et c'est à ce moment que je lui ai dit : écoute, ta moto, tu peux aller la ranger à la déchetterie. Et alors... Yuu ?

Yuna cligna des yeux et détourna son regard du papier pour le tourner vers sa meilleure amie.

- Tu m'écoutes ?

Yuna se mordit la lèvre et secoua la tête.

- À quoi ça sert que je me casse la tête à tout te raconter, je te jure...

Yuna sourit et entraina son amie en avant.

Elle parlait peu ; un strict nécessaire de mots pour le quotidien. En revanche, elle racontait. Son quotidien, des évènements, dès qu'elle devait raconter, elle le faisait avec plaisir. Les histoires la passionnaient, mais elle trouvait les mots du quotidien si fades, sans goût.

Elle cherchait l'aventure. Toujours plus de risque, de rencontres, d'échecs, c'est ce qui faisait la beauté de ses quinze années de vie.

- Je te laisse là, hein, annonça Clémence devant le porche de la maison de son amie. Mon frère m'a appelée.

- À plus tard !

Yuna se détourna et glissa sa clé dans la serrure. Elle laissa tomber son sac dans l'entrée et se dirigea immédiatement dans la cuisine. Elle se prépara plusieurs tartines de fromage de chèvre et alla s'installer confortablement sur le canapé du salon, son ordinateur sur les genoux.

Elle vogua sans but sur le net pendant quelques heures, jusqu'à ce que sa mère rentre du travail.

Amanda pénétra dans la pièce et alla immédiatement embrasser sa fille unique sur le front.

- Tu as passé une bonne journée ? Sourit-elle.

Yuna acquiesça. Sa mère n'en demanda pas plus et se dirigea vers la cuisine.

Yuna se replaça confortablement dans le canapé et elle sentit quelque chose dans sa poche. Elle fouilla et en ressortit le papier jaune, désormais froissé. Elle le fixa un instant puis se retourna pour demander :

- Maman, Howl's academy, ça te dit quelque chose ?

Sa mère leva un sourcil et la regarda de haut en bas. Une étincelle brillait dans ses yeux clairs. Elle ne put masquer un léger sourire lorsqu'elle répondit :

- Ça ne me dit rien. Où as-tu entendu un nom pareil ?

Yuna agita le papier jaune au dessus de sa tête pour le montrer à sa mère qui alla prendre place à côté d'elle.

- C'est un lycée ?

- Visiblement. Ça fait tout âge.

- Et tu veux y aller ? Demanda innocemment Amanda.

Yuna ne répondit pas. Elle fixa le papier jaune qu'elle considérait presque comme un trésor.

- Je peux essayer ? Demanda-t-elle timidement.

Amanda sourit et se leva du canapé.

- Si tu veux. Mais attention, la Pennsylvanie ce n'est pas tout près. Je doute que tu puisse rentrer à la maison en période scolaire.

- Donc tu seras toute seule ?

Amanda ne répondit pas. Le décès de son âme sœur était encore trop récent pour qu'elle puisse formuler une réponse concise. Depuis ce jour, deux ans auparavant, où il avait rendu son dernier soupir, quand la maladie lui avait arraché sans aucun scrupule les années de vie joyeuses qu'il aurait dû passer avec sa femme et son unique fille, une distance, et une certaine impression de malaise, s'étaient installées entre Yuna et sa mère.

La jeune fille leva les yeux au ciel et se dirigea vers sa chambre à grandes enjambées. Elle ne dépassait pas le mètre soixante-cinq, pourtant ses jambes étaient fines et graciles, à l'image de ses mains douces et délicates. Ses cheveux étaient ondulés, bruns et ornés de reflets roux, ce qui leur donnaient un aspect cuivré absolument magnifique, et ses yeux étaient gris clair, avec des tâches de jaunes, donnant l'effet d'une voûte étoilée, parsemées dans l'iris. En dessous de ce visage angélique se dessinaient des épaules assez musclées, une poitrine peu volumineuse et une taille fine.

Elle se laissa tomber sur son lit en écartant les bras, de manière à s'étaler le plus possible pour être à l'aise. Elle se mordait le côté droit de la lèvre inférieure ; c'était une habitude lorsqu'elle réfléchissait.

Yuna soupira et se tourna sur le côté. Un petit tressaillement à sa gauche attira son attention. Elle observa le vivarium posé sur son étagère et esquissa un sourire. Bogi, son gecko, escaladait la paroi de verre. Elle se leva, s'étira, et alla ouvrir la cage du petit animal.

Le reptile se faufila dans sa manche et réapparut sur son épaule. Elle eu un petit rire.

- Eh, tu me chatouille !

Elle caressa délicatement la tête de son compagnon. Bogi avait à peine un an, il était très docile et n'avait pas peur des humains, chose rare pour un animal de son espèce. Yuna prit le petit lézard dans ses mains et lui effleura le dos. Bogi eut un petit sursaut, et la jeune fille éclata de rire. Lorsqu'elle commençait à jouer avec son compagnon, elle oubliait tout autour d'elle et s'en donnait à cœur joie.

Au bout d'une dizaine de minutes, elle déposa délicatement le reptile sur sa table de nuit et s'allongea sur son lit, les yeux portés au plafond. Là, elle observa une peinture, juste au dessus d'elle. On y distinguait une enfant portant dans ses mains une fleur produisant des sortes de flammes d'énergie tout autour d'elle. Les flammes et la fleur en question étaient bleues, et la petite fille était peinte en orange, avec des teintes de jaune ou de rouge par endroits. Enfin, derrière, se dessinait une ombre noire et grise, avec des bords ressemblants à des éclairs.

Cette peinture, Yuna l'avait dessinée quand elle n'avait que huit ans. L'été où ses parents et elle avaient emménagé dans cette maison, son père avait décidé de refaire la chambre de sa fille, qui était trop fade à son goût. Il avait donc apporté des pots de peinture colorés, qu'il avait entreposé dans cette chambre. Alors qu'il s'était absenté pendant un quart d'heure, Yuna était montée sur l'escabeau, et, suivant son imagination, avait commencé à peindre au plafond. Lorsque son père retourna dans la chambre elle fut surprise et arrêta brusquement son dessin. À présent, la jeune fille distinguait une forme humaine, derrière la petite fille du dessin, mais impossible de la décrire. On pouvait juste voir, brièvement, un objet brillant autour de son cou.

Yuna examina encore quelques minutes le dessin puis se tourna sur le côté. Dans cette position, elle ferma les yeux, et en quelques minutes, elle tomba dans un sommeil profond.

Elle se réveilla en sursaut, alertée par la sonnerie de son téléphone qui hurlait à plein volume. Elle fit glisser son doigt sur l'écran pour décrocher, et un sourire éclaira son visage quand elle entendit la voix de son amie Clémence à travers le combiné.

- Yuna ! Tout va bien ?

- On peut dire ça, ouais...

-  ça veut dire que ça ne va pas. Dis moi, qu'est-ce qui te tracasse ? C'est à propos d'un garçon ? Demanda Clémence avec une pointe d'amusement dans la voix.

Yuna soupira.

- Tu sais bien que non, lui dit elle en riant.

- Ah bon, dommage. Raconte moi, alors.

Yuna ferma les yeux et raconta toutes ses craintes à sa meilleure amie. Celle-ci l'écouta en lâchant par moments des "oh !" Ou des "ah..." montrant qu'elle suivait parfaitement l'histoire. Quand Yuna eut finit son récit, elle soupira.

- Je vais dans mon lycée de secteur, moi. Tu vois les choses en grand, Yuu ! La Pennsylvanie, tu te rends compte ?Si je peux t'aider, je te conseillerais d'aller passer l'examen, juste pour voir. Si ça te plaît, tant mieux, sinon, tant pis ! L'essentiel est que tu te sentes bien dans ton nouvel établissement. Enfin bon, pas sûr que je donne de très bons conseils...

- Merci, Clémence. J'irais à l'examen, je pense.

- Super ! En attendant, tu fais quoi samedi ?

- Samedi...

Les deux adolescentes commencèrent à discuter de tout et de rien en riant, comme à leur habitude, et elles poursuivirent leur discussion jusque tard dans la nuit, lorsqu'elles tombèrent de fatigue.

Une semaine plus tard, Yuna attendait. Son intuition lui annonçait que cette école allait changer sa vie encore plus qu'elle ne l'imaginait, et elle avait rarement tort.

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