16. Troyan
La bibliothèque. Cette façade marron, sale, poussiéreuse qui se dresse devant nous avec arrogance, comme si malgré son apparence, elle pouvait nous prendre de haut. J'avais proposé à Elyse d'y aller, parce que ça irait plus vite si j'y allais seul, et surtout moins visible... Si jamais la police arrivait et qu'on était à deux, c'était mort pour nous deux. Seuls, on avait nos chances. Je suis juste rentré dans la bibliothèque.
Je ne sais même pas à quoi ressemble cette fichue machine, je ne l'ai jamais utilisée de ma vie. Tout ce que je sais, c'est que je dois faire vite, j'ai l'estomac encore noué par je-ne-sais-quoi, et je déteste ça ! La machine est si lente, alors que mon cerveau fonctionne à pleine régime, quel beau contraste. Je jette un coup d'œil nerveux à la fenêtre, espérant y voir le visage d'Elyse m'attendant dans un coin, mais l'accumulation de crasse sur la fenêtre ne me laissait pas voire grand-chose.
Un bip salvateur aide mon esprit à se focaliser. Je prends le plan en soulevant délicatement la machine et le fourre dans ma poche, ainsi que le double mouillé et illisible. Vu que je suis dans la solitude la plus totale dans cet immense espace couvert de livres du sol au plafond, je peux m'en aller tranquillement, sans avoir besoin d'esquiver d'éventuels clients. Simplement, je veille tout de même à ce qu'il n'y ait pas de caméras autour de moi, pour éviter que quiconque nous retrouve et nous signale.
Je finis par quitter le lugubre bâtiment sous un soleil de plomb. Mais combien de temps j'ai passé dans ce fichu bâtiment ? J'essaye de faire profil bas, cherchant les cheveux violet d'Elyse du regard, évitant toutes les rues fréquentées. Bon sang, mais où était-elle allée ? Elle devait rester près de la bibliothèque, pas aller faire du shopping ! Un bruit de pas suspect suit les miens de près, mais je refuse de me retourner. Je sors lentement mon arme et fis volte-face, arme braquée sur l'homme qui me suit. Vu les insignes sur sa manche, il appartient à l'armée de terre, c'est pour cela que je ne le connais pas. Mais le fait qu'il soit de l'armée ne me rassure absolument pas. Et le vil sourire qu'il affiche ne me dit rien. Cet homme est très jeune pour un soldat... Beaucoup plus jeune que moi ou qu'Elyse, c'est certain.
- Selveig. Crache-t-il du bout des lèvres, comme si mon nom de famille le dégoûte profondément.
Bon, il a un avantage sur moi, il connait déjà ma tête. Mais j'ai l'arme, donc logiquement, c'est lui qui doit avoir peur non ? Ma conscience explose de rire : il ne ressent rien, je ne peux pas leur demander d'avoir peur.
- Machin. Répondis-je sur le même ton, assez insolemment vu que je ne connais ni son nom, ni son visage.
Cela semble l'irriter, mais il ne relève pas, se contentant de baisser mon arme sans aucune résistance de ma part. S'il ne braque pas la sienne, je ne braque pas la mienne. Je ne vais pas tuer un gars sans défense, armée ou pas.
- Tu viens avec nous.
Son ton est froid et assez insistant, mais je me contente de sourire.
- Non.
Simple, clair, précis. Non. Je ne vais nulle part, surtout en sachant que l'armée va lâcher une bombe sur une autre planète dont ils n'ont rien à faire, et aussi qu'Elyse est seule dehors, à m'attendre tranquillement. Hors de question d'abandonner tous mes plans juste parce qu'un gamin sous amphétamine me le demande. Ce dernier sourit encore plus mal sainement, m'arrachant une grimace de dégoût.
- Mais si. Tu vas venir. Il réplique, bien trop sûr de lui pour rester calme.
Son ton ne m'évoque rien de bon, et son sourire n'inspire pas confiance. Visiblement, il sait quelque chose que je ne sais pas, et mon estomac commence encore une fois à se retourner dans tous les sens, comme dans la bibliothèque. Saleté de sentiments qui se ramène quand je n'en ai pas besoin. Devant mon mutisme, dû à mon cerveau qui tourne à cent à l'heure, cherchant tous les moyens de pression qu'ils pourraient avoir sur moi, l'autre soldat s'avance vers moi et me prend le poignet. Je me fige, attendant qu'il attaque pour le mettre K.O sur le sol avant même qu'il ne lève sa saleté de main.
- Tu vas me suivre, et tu vas rendre les plans. Me presse Machin avec un ton beaucoup plus doux cette fois.
Quoi, il se la joue mignon maintenant ? Mais qui a envoyé ce gosse ? Je lève les yeux au ciel, imitant Elyse sans m'en rendre compte et claque mon poing d'un coup sec contre son visage, le faisant tituber et reculer, les yeux grands ouverts. Vu qu'il ne ressent rien, dur de savoir s'il a mal, surtout qu'il ne se tient même pas la joue qui rougit doucement. Il pose une main sur son arme, à la ceinture, et je sors la mienne par réflexe. S'il veut se battre, il va avoir un combat presque équitable. Mais il sourit, encore une fois, me donnant cette fois envie de vomir. Il croise les bras sur sa poitrine et reste à quelques pas de moi, comme s'il va m'annoncer qu'il a tué ma mère. Ce qui serait paradoxal, vu que je n'ai jamais eu ou vu ma mère.
- Tu vas venir, parce que c'est le mieux à faire. Tu vas être jugé, accepter la sentence, et nous rendre les plans. Tout ça, sans la moindre hésitation et sans poser de questions. Pour la simple et bonne raison que c'est le seul moyen de sauver la fille.
Son ton est univoque. Je suis cloué sur place, incapable de réfléchir, les veines tambourinant dans mon cerveau avec force, me rendant presque sourd. J'entends l'autre crétin s'approcher, et je lui loge une balle dans la tête, sans avoir le moindre remord. Il est hors de question qu'ils touchent à Elyse, mais je refuse également de leurs donner les plans. Je sais ce qu'Elyse veut, que je sauve la Terre, la laissant derrière moi, quitte à la condamner. Incapable de supporter autant de sentiments contradictoires qui s'immiscent en moi, je tombe à genoux dans la ruelle sale, devant le corps du soldat qui se vide de son sang. Mes yeux s'allument de rage tandis que je pose les poings contre le béton.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top