1. Elyse

Evena. La planète violette. The Hidden Planet. Die kleine Planeten. Notre planète a bien des noms, dans bien des langues. Planète, c'est un si joli mot pour décrire l'espace désertique et désolé sur lequel nous vivons. L'eau s'est tarie, sauf dans quelques marais boueux dans lesquels flottent moult cadavres de grenouilles et autres bêtes aquatiques. La terre s'est asséchée, laissant mourir les plantes et les derniers arbres encore debout. Notre peuple a bougé, cherchant les derniers points d'eau, pour ne trouver que plus de désert et de morts.

Heureusement pour nous, un petit groupe a réussi à trouver un cours d'eau, pas assez grand pour faire survivre tout un peuple, mais suffisant pour que les plus forts résistent. Aux fils des années, grâce à l'ombre de la Terre, Evena s'est régénérée. L'eau est progressivement revenue, jusqu'à recouvrir 67,387% de la planète. Ainsi, le groupe de survivants a pu repeupler une planète entière. Aujourd'hui, cette histoire est devenue une légende que les adultes racontent à leurs enfants avant d'aller dormir. Plus personne ne croit à cette dégénérescence d'Evena.

Les histoires avant de se coucher, c'est une pratique que nous avons copiée aux Humains de la Terre, après avoir essuyé une vague d'insomnie, contre laquelle nos plantes médicinales ne faisaient rien et dont était atteint mon frère Kerry. Pendant des semaines, il n'avait pas dormi, jusqu'à ce que les femmes de mon village ne rassemblent tous les enfants pour leur raconter des histoires vieilles comme le monde. Sans ne le dire à personne, je continuais à souffrir de ce que nous surnommons la nuit-courte, mais que les Terriens nomment l'insomnie. Cela m'était devenu vital, ce besoin irrépressible de veiller sur Kerry, que je ne dormais plus pour pouvoir surveiller ses nuits et le protéger en toute circonstance. Cela ne m'avait jamais posé de problème, c'est pour cela que je n'avais jamais rien dit, et que je n'avais jamais essayé de me guérir. Mais aujourd'hui, cette nuit m'était décisive, et nous le savions tous les deux. J'avais passé ma journée dehors, dans les bois qui entourent le village, à grimper dans les arbres, sentir le vent sur mon visage et à aimer cette sensation. Pour la dernière fois, je m'accordais le droit d'aimer quelque chose.

- Est-ce que tu reviendras me voir El' ?

La voix fluette de mon frère m'arrache un maigre sourire. Je lui passe une main dans les cheveux tandis qu'il termine son bol de céréales. Du haut de ses dix ans, il est de loin le plus intelligent du village à mes yeux. Comme quoi, la jeunesse du corps n'est pas forcément la même que celle de l'esprit. Je redoutais mon Choix, ce moment où j'allais le laisser seul jusqu'à ses dix-huit ans, quand il pourra lui-même choisir sa voie. Je respire un grand coup et masque la peur qui envahit mon corps. Je sais que ce soir, quand il rentrera de l'école et qu'il sera tout seul, livré à lui-même, il pourra pleurer. Mais ce matin, il ne devait pas y penser, pour que sa rentrée scolaire se passe dans les meilleures conditions possibles.

- Ce n'est pas autorisé Kerry, tu le sais. Valgan s'occupera de toi jusqu'à ton Choix.

Je lutte contre les larmes qui pointent dans mes yeux. Il se lève et viens vers moi, quittant son bol de céréales à moitié terminé sur la petite table de la cuisine. Je sais ce qu'il veut, ce qu'il attend, et l'espace d'un très court instant, j'hésite à le lui donner, pour ne pas rendre les choses encore plus difficiles. Mais finalement, je le serre fort dans mes bras, quitte à l'étouffer. Le laisser à la voisine, bien qu'adorable, me coûte beaucoup plus que ce que j'imaginais. Il doit le sentir car il s'arrache de mon étreinte doucement et plonge ses yeux mauves dans les miens. Ses jolis yeux d'enfant scrutent mon visage à la recherche du moindre doute qui me ferait rester avec lui pour toujours.

- Ça va aller, j'irai bien ! Prends soin de toi d'accord ?

Je hoche la tête l'air entendu, ignorant l'ignoble bruit de déchirement de mon cœur à cet instant. Kerry quitte la salle à manger de notre petite maison et je l'entends monter se préparer dans sa chambre. J'essuie la larme qui a coulé en pensant que c'est la dernière fois que j'emmène mon frère à l'école, que je le vois, que je lui parle. Dans moins de vingt heures, nous serons définitivement séparés. Dans un élan de courage, inspiré par la vision de l'uniforme de l'armée de terre, que je porterais à l'issue de mon choix, je monte également pour prendre mon sweat noir et mes deux pistolets automatiques qui viennent se loger à la ceinture de mon jean gris. Le port d'armes n'est pas autorisé dans l'enceinte de la ville sauf si l'on est membre de la police locale, ou que nos parents ne peuvent plus veiller sur nous. Etant orphelins depuis déjà bien des années, Kerry et moi avions un pistolet chacun. Je gardais celui de Kerry jusqu'à ce qu'il sache s'en servir, et j'espérais que cela soit le plus tard possible.

Chassant ces quelques pensées de ma tête, je passe dans la salle de bain commune pour un petit brin de toilette. Ce jour reste mon Jour, je me dois de faire bonne figure. Je relève mes cheveux violets en tresse et toque gentiment à la porte de Kerry. Nos chambres sont séparées par un couloir si étroit que lorsque je suis de face, bras tendus, je peux toucher chacun des murs. Toutes les maisons sont construites de la sorte. Du moins, celles offertes aux enfants orphelins, pour ne pas surmener les orphelinats locaux.

- Tu es prêts ? On doit y aller, tu vas être en retard !

J'essaye tant bien que mal de paraître enjouée, mais son regard lorsqu'il sort de sa chambre me rappelle que la peine causée par mon Choix ne blesse pas que moi. Je lui attrape la main et après avoir récupéré son sac dans l'entrée, en bas des escaliers, nous sortons.


Dehors, les enfants en âge d'aller à l'école sortent gaiement de leurs maisons, accompagnés par des parents souriants, ou des adolescents inquiets. Pour beaucoup, cette journée marque un grand tournant dans leurs vies, c'est leur Choix. Dans moins de six heures, tous les adultes de dix-huit ans devront se présenter à la Capitale, Stitys, afin de présenter leurs décisions et passer les tests adéquats. Tous ceux qui refuseront de s'y présenter seront pourchassés et tués, tout ceci dans le plus grand silence, afin de faire croire que le système marche parfaitement.
Mon choix est fixé depuis mon plus jeune âge : je veux entrer dans l'armée de terre. C'est l'une des voies les moins demandées à cause du Programme MEMORIAE. Cette partie du processus me terrifie. À l'idée que je puisse oublier mon petit frère et toute ma vie d'avant, mon cœur se serre. Mais mon rêve ne passe-t-il pas avant tout autre sentiment ? C'est ce que le système nous inculque.


Absente, je laisse mon frère passer la grille de l'école avec un dernier câlin. La maîtresse me regarde avec des yeux tristes, l'air de dire "désolée". Mais je ne veux pas que l'on soit désolé pour moi, c'est le plus beau jour de ma vie ! Je lui souris avec aplomb, croyant lui montrer ma détermination, mais dès que ses yeux se tournent vers d'autres familles, je remarque mes mains tremblantes et mes yeux gonflés. Je souffle doucement au milieu de la foule pour cacher mon trouble. Kerry crie mon nom une dernière fois, me faisant relever la tête. Nos yeux se croisent et j'ai peine à croire que c'est pour la toute dernière fois de notre vie.

A l'instant même où Kerry disparait de mon champ de vision, une voix que je ne connais que trop bien m'appelle.

- Elyse Kahaan, es-tu prête à faire le choix le plus déterminant de ta vie ?

Myala Panein, ma plus proche confidente, est surexcitée. C'est sûr, ses deux parents la préparent depuis ses dix ans et son choix est déjà fait : elle veut enseigner à l'école du village. Ainsi pour elle, pas de programme MEMORIAE, pas d'oubli de sa vie, juste un petit choix mineur. Évidemment, personne ne sait hormis moi-même ce que je vais choisir et tant mieux, sinon les gens commenceraient à se détourner de moi et j'ai besoin de soutien aujourd'hui. Kerry n'ignore pas mon Choix, je me devais de le lui dire, afin qu'il n'espère pas mon retour. Mais Myala n'en sais rien, et j'aimerai penser qu'il en sera ainsi toute sa vie. Je me tourne vers elle et lui sourit gentiment.

- Myala, que me vaut cet honneur ?

Ma voix paraît fatiguée et non aussi enjouée que je l'espérais. Décidément, il faut que j'arrête d'essayer d'être joyeuse quand je ne le suis pas, parce que mon corps n'est pas prêt. La chevelure blonde de mon amie est joliment coiffée en chignon et elle porte sa jolie robe blanche, qui met en valeur ses yeux gris. Ma meilleure amie est un spécimen rare ici. En effet, tout être vivant né sur Evena se doit d'avoir quelque chose de violet, comme des cheveux, des yeux, parfois même la peau violette. Mais Myala est une jeune blonde aux yeux gris, sans rien de violet, si ce n'est son rouge à lèvres. Beaucoup d'habitants ont pensé qu'elle venait de la Terre, alors que la plupart des gens de ce village l'avaient vu naître.

Elle soupire exagérément et m'entraîne vers sa maison d'un pas déterminé.

- Je te rappelle que nous devons être à Stitys dans moins de six heures et que le voyage dure quatre heures ! Tu veux nous mettre en retard ?

Je souris en la voyant si organisée, si préparée. L'image de Kerry au petit-déjeuner m'envahit et je serre mon poing pour ne pas montrer mes larmes. Je l'imagine déjà rentrer ce soir et trouver la maison totalement vide. Heureusement pour moi, ma chère et tendre amie me pousse dans la voiture de son père, ne me laissant pas le temps de m'apitoyer plus sur le sort de mon petit frère. Son père démarre et le GPS lui indique le parcours. Pendant ce temps, Myala me parle de sa vie future, de ce qu'elle allait enseigner aux jeunes du village, ce qu'elle allait leur dire, comment. Tous ces détails auxquels je ne veux pas m'attacher, me disant que je n'aurai rien à dire à de potentiels enfants, je n'en aurais jamais.

Ses parents sourient, sans doute déjà au courant des nombreux projets de leur fille. La connaissant, elle a dû leur en parler tous les jours depuis son dix-huitième anniversaire. Par contre moi, c'est la première fois que j'en entends parler. Mon dix-huitième anniversaire ne date que de deux jours, c'est pourquoi Myala et moi avons été séparées pendant trois longues semaines. Et aujourd'hui, en cette quatrième semaine du mois de Katchu, nous avions notre Choix.

- Et toi Lys', quel sera ton Choix ?

La voix grave et puissante du père de Myala, Felnéo, retentit dans l'habitacle. Probablement déjà ennuyé du discours de sa fille, il cherche à en savoir plus sur le mien. Ne voulant pas jeter un froid dans la voiture, j'arbore mon plus beau sourire et m'enfonce dans mon siège. Si j'avoue partir à l'armée, je risque d'avoir des regards de pitié, de compassion, même peut-être une crise de nerf de la part de la jolie blonde pétillante à mes côtés. D'ailleurs, celle-ci s'arrête de parler, les yeux rivés sur mon visage. Pourquoi tout le monde fixe mon visage avec autant d'intérêt ? Qu'espèrent-ils y trouver exactement ? De la peur ?

- Je voudrais travailler chez les Protecteurs.

Ce n'est qu'un demi-mensonge, vu que les Protecteurs travaillent dans les villages comme Police, alors que je veux aller dans l'armée et donc être au service du Dirigeant. Mais au moins, je vois ma meilleure amie se détendre et sourire encore plus, tandis que son père hoche la tête d'un air approbateur. Quelque part, je regrette de ne pas leur avoir dit la vérité, même si je suis presque sûre qu'ils ne l'auraient pas accueillie de la même manière.
Les quatre heures furent longues et remplies d'un débat père-fille sur l'utilité des champignons dans la soupe, mais nous arrivons à Stitys. Un cri de joie de la part de ma meilleure amie m'avait réveillée, et maintenant je me tiens, avec elle et son père, debout en train d'admirer chaque détail de cette ville.

La hauteur des immeubles, au moins 200 étages ! L'abondance des restaurants, des voitures, des habitants. Tout est si différents de notre vie au village !
J'entends le père de Myala rire avant d'être entraînée vers un immeuble un peu plus en retrait du centre-ville : le Poëyos. C'est dans ce bâtiment que chaque jeune doit passer devant un jury et annoncer sa décision finale. D'ici deux heures, je serais assise dans ma chambre d'attente, les nerfs à vif.
Avant même de suggérer l'idée d'y aller, Myala décida pour moi que la meilleure chose à faire serait d'aller manger.

- Je ne dis pas non, je meurs de faim.

Ma déclaration, appuyée d'un gargouillement de la part de mon estomac, déclenche l'hilarité générale. Felnéo nous emmène dans un petit restaurant près de notre lieu de rendez-vous, et je prends avec délice un risotto aux champignons, mon plat favori. Je remarque deux militaires tapis dans l'ombre, en train de manger quelque chose à l'aspect peu appréciable. Leurs visages sont fermés, sans aucune expression. Est-ce réellement à cela que je veux ressembler ? Je ferme les yeux quelques secondes, et bizarrement, je ne parviens pas à m'imaginer dans leur uniforme, comme je l'ai toujours fait.

- Tout va bien Elyse ?

La main froide de Myala se pose sur mon avant-bras, et la différence de température entre nos deux corps me fait revenir à moi-même. Je hoche la tête en prenant une bouchée de mon risotto. Elle me sourit et termine sa salade, tandis que son père part payer. Sa mère dort à moitié sur son siège. Les voyages en voiture la fatigue beaucoup, surtout qu'elle est enceinte de six semaines, pour le plus grand bonheur de Myala. Elle prie même pour que cela soit une fille ! En même temps, avec deux petits frères, je peux comprendre qu'elle veuille une fille à la maison.

- Tu stresses ?

Sa voix chevrote beaucoup plus que dans la voiture. Sans doute a-t-elle peur de rater le test pour devenir institutrice, et de devenir un paria. Je souris et passe une main sur son chignon parfait, la faisant grimacer. Myala a toujours eu horreur que quelqu'un touche à ses précieux cheveux blonds. C'est un véritable culte chez elle !

- Autant que toi.

Cela semble la rassurer. Myala n'est pas quelqu'un de facilement impressionnable, mais le Choix est toujours un passage difficile entre l'enfance et le monde des adultes. Et à dix-huit ans, sommes-nous réellement aptes à faire d'aussi grands choix ? Je me plonge dans une réflexion intense, sans vraiment faire attention au monde autour de moi, comme s'il avait arrêté de tourner parce que je pensais.

Ma fourchette tombe à côté de mon assiette, me faisant sursauter. Mon risotto est terminé, et visiblement, Myala s'impatiente, déjà à la porte de sortie du restaurant.

- Tu faisais quoi, j'ai cru que tu dormais !

C'est définitivement certain, Myala est à cran. Jamais elle n'oserait me parler sur ce ton en temps normal. Un simple coup d'œil froid de ma part et elle s'excuse, rejetant la faute sur le stress. Je vois les deux militaires de la table voisine m'observer, comme si je devenais une proie à leurs yeux. D'ailleurs, leurs yeux n'avaient plus rien d'humain. Ils étaient rouges, durs, froids, meurtrier.

Je presse Myala pour découvrir les chambres que nous allons occuper jusqu'à 18h. Croyant que je deviens soudainement enthousiaste, Myala s'extasie et me ressort tout ce qu'elle a pu apprendre sur ce bâtiment pendant les cours que j'ai à peine suivi. Je ne veux qu'une seule chose, m'éloigner de ce restaurant le plus vite possible, quel qu'en soit le prix à payer. Les deux militaires m'ont vraiment fichus la trouille.
Les portes s'ouvrent à notre arrivée et deux hommes souriants et polis vérifient notre identité. Puis, le père de Myala s'en va, nous laissant seule affronter le monde. Un des hommes emmène Myala vers sa chambre, la 7590, au 100ème étage, tandis que je suis au 199eme, la chambre 9290. Le dernier étage est celui des jurés. Etre aussi loin de ma meilleure amie et la seule connaissance que j'ai ici ne fait qu'augmenter mon stress. Je sais que nous nous reverront dans quelques heures, mais son petit signe de main me fait plus peur qu'autre chose. Comment réagira-t-elle en m'entendant Choisir ?


Je suis accompagnée jusqu'à la porte par un jeune homme charmant, qui monte également un sac, dans lequel je trouve la tenue que je dois porter pour ma cérémonie d'ouverture. Je le remercie et ferme la porte de ma chambre pour souffler.
Je suis enfin seule, pour pouvoir réfléchir. Pourquoi ai-je la désagréable sensation de faire une bêtise ? Ma gorge me brûle, les larmes coulent lentement le long de mes joues sans que je puisse les arrêter. J'allais laisser derrière moi Myala, Kerry, et tout le village. Étais-je réellement prête pour ça ?

Toute ma vie, le système m'a appris à mettre mon Choix en priorité. Nous avons eu des cours sur ce grand moment, où nos professeurs nous rappelaient de laisser parler nos têtes et non nos cœurs, car le cœur est trop peu fiable pour fonder une vie dessus. Je me souviens même d'une fille, nommée Annye, qui avait toujours voulue être Protectrice, mais qui s'était dégonflée le jour de son choix. Elle avait fini professeur pour rester avec son compagnon. J'avais toujours trouvé cette histoire adorable, mais la pauvre fille avait fini par se suicider parce qu'elle s'ennuyait et parce qu'elle s'était fait plaquer. Depuis, je m'étais jurée de toujours suivre mon Choix, quoi qu'il m'en coûte.

Perdre Kerry devait rester un simple dommage collatéral, une blessure que je ne ressentirais pas très longtemps. Après avoir annoncé mon Choix, je serais emmenée jusqu'à la base militaire la plus proche afin de passer le Programme MEMORIAE et de commencer mon entraînement le plus tôt possible. Simplement aujourd'hui, seule dans cette grande pièce beaucoup trop luxueuse pour une personne, j'étais perdue. Des milliers d'autres personnes tout aussi perdue que moi étaient passées par cette chambre, et toutes avaient fait un choix qui leur correspondait.


Quand les larmes cessèrent de couler, je me change, enfilant alors un pantalon noir, un top gris et des baskets noires. Mes armes trouvèrent leur place habituelle à la ceinture, et j'enfourne dans le sac à dos de quoi manger et boire pour quelques heures. Je veux faire un petit tour de la ville afin de m'aider dans mon choix. Je veux trouver une raison de m'engager, une raison qui me ferait oublier ma famille et mes amis. Selon le règlement, les futurs Choisis ont le droit de faire quelques courses avant la cérémonie. Et c'est exactement mon excuse pour quitter le bâtiment. Je ne mis pas longtemps à sortir dans la ville éclairée par quelques lampadaires.

Je promène mon regard sur la façade des boutiques que Myala et moi avons déjà aperçues sur des sites internet. Pour la deuxième fois de ma vie, je suis dans la Capitale. Et pour la deuxième fois de ma vie, le Choix que je m'apprête à faire est tout aussi douloureux que décisif. Mon regard se pose sur une voiture, une petite citadine grise, abandonnée sur un parking. Pour rire, je monte dedans et enclenche le moteur en trafiquant les fils. J'allume la radio et écoute quelques bonnes vieilles musiques. Je ferme les yeux et me laisse emporter par la musique. Dans le fond, ma vie a toujours été rythmée de la même manière : mon Choix. Comme tous les autres, je me dois de faire un choix qui brisera ma vie comme celle de mon petit frère.

L'idée d'abandonner derrière ce qui faisait de moi une humaine l'emporta finalement sur mon désir d'intégrer l'armée. Et c'est exactement ce qui fera de moi une fugitive d'ici une heure et demie. J'ai un maigre sourire en posant mon sac à dos rempli de nourriture sur le siège passager de la voiture, et passe ma main sur la photo plastifiée que j'ai cousu dessus quelques années plus tôt : Kerry et moi dans la cuisine, avec nos beaux sourire de champions. Sur cette image, j'enclenche alors la vitesse la plus rapide, et m'enfonce en terrain inconnu lorsque la petite citadine grise passe la barrière de la ville. 

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