• 90 •
✅ 87
Ma gorge est sèche et mes mains moites alors que j'annonce la dure vérité. Camille m'observe sans rien dire. Sa mâchoire inférieure pend d'un air hébété et ses yeux regardent sans voir. Le choc la fait bégayer abondamment.
– M-mort ? répète-t-elle, refusant de comprendre. V-vous êtes s-sûre ?
Mon bras saisit le sien et ne le lâche plus, l'invitant doucement à s'assoir avant de que je ne délivre plus de détails.
– J'ai trouvé son corps dans la chambre 204. Il était...
– Dites-moi, ordonne Camille en sentant mon hésitation. Je peux l'entendre.
Derrière son ton calme, la journaliste semble redouter ma réponse. Ses yeux s'humidifient et ses ongles s'accrochent à mon avant-bras avant même que je n'ouvre la bouche.
– Il était enfermé dans le placard.
Étrangement, Camille ne parait pas aussi surprise que je l'imaginais, comme si elle s'en doutait déjà. La nouvelle ne la laisse pas indifférente pour autant, sa respiration s'accélérant à vue d'œil et ses ongles s'enfonçant avec douleur dans ma chair. Des larmes chaudes roulent sur ses joues et frappent mon poignet alors qu'un sourire tristement amusé illumine son visage.
– Je me disais bien que ce monstre avait quelque chose... de familier...
Ne sachant que faire d'autre, je me confonds en excuses quand la journaliste finit par éclater en sanglots. Je l'entoure presque aussitôt, venant appuyer sa tête contre mon épaule et caresser son dos de ma main. Mes yeux se ferment d'eux-mêmes et je me revois en larmes dans un lit d'hôpital crier le prénom de mon frère à m'en briser la voix. Ma mère se tient près de moi, stoïque. Elle ne dit rien. Elle m'en veut, c'est certain. Mon étreinte se resserre sur le corps fébrile de Camille.
– Ce n'est pas ta faute, d'accord ? Tu ne pouvais pas savoir.
Alors que je prononce ces mots que ma mère ne m'adresse qu'en rêve, une brise me caresse l'épaule telle une caresse amicale. Sans logique aucune, je m'imagine mon frère venu me faire une accolade depuis l'au-delà. Le temps se suspend pendant un instant. Puis Camille finit par reculer et use de ses manches pour sécher son visage.
– Désolée et merci, renifle-t-elle timidement avant d'adopter un ton plus sérieux. Vous... Tu as raison. Même si je l'avais reconnu, dans la panique... Je veux dire, il était vraiment différent... Tu n'as rien remarqué d'étrange quand tu l'as trouvé ?
J'ai beau puiser dans ma mémoire, rien de notable ne me vient. Le caméraman avait tout d'un humain normal et ressemblait sans exception aux images que j'ai pu voir de lui. Camille reste silencieuse un instant, en réflexion, puis sort un petit calepin et un stylo de sa veste.
– Alors je me suis trompée, clame-t-elle en cherchant une page pour y rayer une ligne. Si ces créatures ne sont ni des déguisements ou des projections, ni de véritables animaux altérés, ce ne peut qu'être qu'une sorte d'illusion visuelle. Quelque chose qui nous fait voir la réalité autrement, de façon déformée.
– Un hallucinogène ? Dans quel but ?
– Pas forcément un hallucinogène. Le sujet d'étude principal des laboratoires Cheng est le cerveau humain mais ils sont aussi en partenariat depuis plusieurs années avec une société spécialisée dans l'Intelligence Artificielle et la réalité virtuelle, A.I.Tech. Pour le moment, ils ont surtout sorti des jeux de simulations pour tester son intelligence et sa personnalité.
Je secoue la tête, ne voyant pas du tout à quoi elle fait allusion. Il faut dire que je ne suis plus trop les actualités depuis un moment et je ne suis pas la plus grande fan de technologie non plus.
– Peu importe, continue Camille, en balayant l'information d'un geste de la main, avide d'en arriver à sa théorie. J'avais écarté cette théorie parce que ce genre d'illusion n'est jamais parfaite et je pense que j'aurais vu un glitch ou quelque chose d'étrange quand je me suis battue contre la créature. Enfin...
Elle marque une brève pause mais ne peut finalement se résoudre à prononcer tout haut la réelle identité de ladite créature et finit par reprendre son argumentaire comme si de rien n'était.
– Mais si, ensemble, Cheng et A.I.Tech avaient réussi à développer une technologie permettant de masquer ou de modifier ce qu'on voit dans la vie réelle ? De tromper directement nos cerveaux en altérant l'information visuelle envoyée par nos yeux ? Une hallucination serait difficile à maitriser et une simulation aurait des défauts mais là, ça expliquerait pourquoi nous avons tous vu la même créature.
L'idée me parait légèrement tirée par les cheveux. Nous sommes pourtant d'accord sur le fait que quelque chose dans cet hôtel altère notre vision, donnant à un humain inoffensif l'aspect d'une créature violente et dangereuse. Je repense à ma rencontre avec la créature blanche et comment, au premier abord, j'ai cru qu'elle essayait de me dire quelque chose. Si nous voulons avoir une chance de découvrir la vérité, il nous faut d'abord trouver comment contrer cette illusion visuelle.
– Tout à fait, acquiesce Camille en se relevant d'un bond, envoyant valser les traces de son chagrin. S'il s'agit d'une image simulée, nous pourrons probablement contrer l'effet en regardant au travers d'un filtre ou via un miroir.
Elle récupère le chouchou perdu dans son chignon défait et réarrange ses longs cheveux lisses en une queue de cheval lâche puis se met à parcourir la pièce longiligne à la recherche de matériaux utiles, m'enjoignant à faire de même.
– Essaie de trouver des lunettes, lentilles, appareils avec des écrans ou n'importe quoi permettant de voir sans regarder directement, ok ?
Je reste dubitative. La journaliste en sait certainement plus que moi sur les avancées technologiques et ce que les laboratoires Cheng sont capables de faire ou non mais la théorie d'une substance aux effets hallucinogènes me parait tout de même probable. Le simple pouvoir de la suggestion aurait pu nous pousser à halluciner plus ou moins la même créature. Dans ce cas-là, filtrer notre vue ne sera d'aucune utilité. Ne devrions-nous pas plutôt chercher des masques ou des tissus pour nous couvrir le nez et la bouche ?
•~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~•
À vous de choisir...
•~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~•
{CHERCHER DES OBJETS POUR FILTRER LA VUE}
On grimpe en 122
OU
{CHERCHER DES OBJETS POUR FILTRER L'AIR}
On grimpe en 123
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top