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L'opportunité est parfaite, je le sais. Pourtant, une intuition que je ne saurais expliquer me conjure de ne pas agir tout de suite et d'attendre. Derrière mon crâne, la respiration de mon adversaire s'apaise puis la sensation d'une lame froide me caresse le cou.
– Qui êtes-vous ?
Le ton autoritaire de mon assaillant ne suffit pas à dissimuler le timbre étonnamment jeune et féminin de sa voix.
– Camille ? C'est vous ?
Je dois avoir vu juste car la jeune femme émet un son de surprise avant de réaffirmer sa position plus sévèrement.
– Votre nom ! répète-t-elle en écrasant mon visage contre le sol d'une main et en appuyant la lame vers ma jugulaire de l'autre.
– Ashjian, Taline. Je viens aider.
Ma position inconfortable me permet difficilement de connaître la réaction de Camille. Je ne constate qu'un silence atrocement long avant d'être enfin libérée. Soulagée, je souffle enfin et me retourne pour faire face à une femme à la peau mate, aux traits asiatiques et au visage ovale et juvénile. De longues mèches noir de jais s'échappent de son chignon à moitié défait par la lutte pour retomber nonchalamment jusqu'à sa taille et ses vêtements tout débraillés et tâchés de sang attestent des horreurs qu'elle a dû affronter cette nuit. Ses yeux en amande me détaillent avec une surprise non dissimulée, comme si elle venait de voir une revenante.
– Vous... Vous êtes...
Le choc soulève sa poitrine à intervalles irréguliers et fait papillonner ses paupières.
– Qu'est-ce que vous faites ici ? finit-elle par lancer sèchement avant de prendre un ton désolé. Je veux dire... comment vous... pourquoi ?
– J'ai reçu un appel à l'aide venant d'ici et... disons que la soirée a pris une tournure assez étrange...
– Maël, murmure Camille avant d'afficher un sourire éclatant. C'est lui qui vous a appelé, c'est certain ! Vous l'avez trouvé ? Il va bien ?
Comme revigorée, elle me tend la main pour m'aider à me relever, les yeux brillants d'espoir et le visage radieux. Ce simple changement d'attitude la rend terriblement belle. Ne sachant comment lui répondre sans porter atteinte à sa joie renouvelée, je me contente d'accepter l'aide, grappillant les secondes. Mais quand elle plonge ses iris d'un noir profond dans le chocolat des miens, la culpabilité me ronge.
– Camille, je suis désolée mais...
Des bras m'encerclent avec fermeté et une tête vient se glisser contre ma clavicule. Tremblante, Camille me sert fort contre elle et je lui rends instinctivement la pareille. Le geste est si naturel que je ne me rends compte de l'étrangeté de la situation qu'une fois l'étreinte brisée.
– Je suis vraiment contente que vous soyez là, m'avoue-t-elle à demi-mot, les yeux larmoyants. J'ai vraiment cru que j'allais devenir folle. Mais vous, je sais que je peux vous faire confiance.
Bien que touchée par ses paroles, je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils. La raison de cette confiance aveugle m'échappe. S'est-on déjà rencontrées ?
– Pas physiquement mais..., bégaie Camille. Vous... vous ne voyez pas qui je suis ?
Un petit sourire à la fois déçu et gêné déforme ses lèvres. J'ai l'impression que son visage et sa voix me sont familiers mais je ne saurai dire pourquoi.
– Camille Dour, se présente-t-elle finalement d'une voix douce. Je suis journaliste indépendante mais il y a quelques années je travaillais pour un grand journal parisien. C'est moi qui avais demandé à vous interviewer, il y a cinq ans.
Tout me revient alors. Mon départ de la police, ma colère dégueulée sans réfléchir sur les réseaux sociaux puis l'enfer médiatique qui a suivi. J'étais tellement remontée et prête à ce que le monde sache quelle sorte d'ordure pouvait gangréner nos forces de l'ordre que je n'ai pas pensé aux conséquences que ça pouvait engendrer. Dès que j'ai vu les débats et toute la haine qu'un post anonyme comme le mien pouvait susciter, j'ai tout annulé et tout effacé. Puis j'ai essayé d'oublier, sans grand succès.
– J'ai ouvert mon propre journal en ligne depuis. Je ne sais pas si vous l'avez lu mais je vous avais envoyé l'un de mes articles il y a deux ou trois ans. Depuis notre dernier appel, j'ai recueilli d'autres témoignages de femmes policières qui ont la même histoire que vous. Ce qui vous est arrivé est injuste et je suis persuadée qu'ensemble on peut changer les choses et s'assurer que justice soit rendue. Vous n'êtes pas seule, Taline.
Son pouce caresse doucement mon bras tandis qu'elle m'offre un sourire tendre à faire fondre n'importe quel cœur. Je me sens honteuse et lâche, terriblement lâche. Je me souviens vaguement avoir reçu son message mais, évidemment, j'étais bien trop saoule et meurtrie pour lire quoi que ce soit. Cela devait faire à peine un mois que j'étais en deuil...
– Je... Je me souviens de vous, oui. J'avais accepté de vous parler parce que vous étiez la seule à ne pas avoir minimisé les faits dans la formulation de vos questions.
Un sourire triste accompagne mon aveu et Camille soupire.
– J'aimerais dire que je suis honorée mais c'est assez accablant, conclut-elle en prenant un pas de distance. Le monde doit changer, urgemment, et si on ne tente rien, personne ne le fera à notre place. À commencer par ce qui se cache réellement dans cet hôtel...
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Durant votre enquête, avez-vous découvert où se trouve actuellement Maël ?
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{OUI}
Uniquement si vous avez trouvé Maël, allez en 87.
OU
{NON}
Uniquement si vous n'avez pas trouvé Maël, allez en 86 .
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