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Mes yeux s'arrêtent sur son visage, analysant la moindre de ses réactions alors que je bois une nouvelle gorgée de crème de whisky pour me réchauffer.

– Étiez-vous au courant des rumeurs qui entourent cet hôtel avant de venir ici ?

Túlio fronce les sourcils et baisse la tête avant d'acquiescer comme par défaite. Quand il lève à nouveau le regard dans ma direction, c'est avec un immense regret gravé au fond de ses pupilles.

– Oui, je savais. Je... Je suis venu parce que j'ai cru que je pouvais faire quelque chose...

Il observe ses mains d'un air désemparé et je comprends alors. Il voulait aider. Il pensait pouvoir aider les esprits qui hantent ce lieu.

– Que s'est-il passé ?

– Rien, me sourit amèrement le barman. C'est bien ça le problème. Rien ne se passe jamais...

Sa voix se met à trembler et je l'observe avec curiosité laisser sa tête tomber sur ses mains. Il se frotte le visage en grognant avant de pousser un long soupir empreint de fatigue.

– Túlio, depuis combien de temps êtes-vous ici ?

L'absence de brillance dans son regard quand il plante ses yeux dans les miens me surprend. Sans vraiment y réfléchir, je pose mon verre et vient attraper la main du barman dont la mine déconfite me brise le cœur. Surpris par mon geste, il recule et vient s'accrocher à l'anneau autour de son cou comme à une bouée de sauvetage.

– Ne vous inquiétez pas pour moi, grommelle-t-il dans un sourire gêné. Je touche bientôt au but, je le sens.

Je l'observe jeter un coup d'œil inquiet derrière lui.

– Túlio, je ne suis certainement pas une experte en la matière mais vous avez l'air épuisé. Peut-être devriez-vous penser à vous avant tout, prendre des vacances ?

Túlio émet un petit rire qui, combiné à son air désabusé, me parait terriblement triste. Quelque chose le tourmente plus qu'il n'ose l'avouer, c'est certain, mais je ne sais si je fais bien de m'en mêler. Pour la première fois depuis notre rencontre, le silence qui s'installe entre nous est empreint d'une tension étouffante. Soudain, comme si l'univers lui-même tentait d'apaiser la situation, l'ambiance jazzy qui résonne dans le lounge laisse place à du rock et je souris malgré moi en repensant à mon adolescence passée à m'écorcher la voix sur ce morceau.

– Ça ne nous rajeunit pas, glousse Túlio comme s'il lisait dans mes pensées.

À ces mots, il se redresse et se met à s'affairer derrière le bar, nettoyant un verre par-ci et pliant un torchon par là, le tout en évitant soigneusement mon regard. Je gobe un morceau de camembert pour combler le malaise mais ma curiosité finit par prendre le dessus. J'entends ma voix trembler.

– Túlio, pourquoi rester dans cet hôtel ? Savez-vous vraiment ce qu'il se passe ici ?

Quand nos regards se croisent à nouveau, une myriade insondable d'émotions semblent danser dans ses pupilles. Il me considère un instant et quand il parle enfin, son ton est froid et sombre.

– Si je dis oui, serez-vous prête à l'entendre ? Une fois la vérité dévoilée, il n'y aura pas de retour en arrière.

Le silence qui suit est glacial et je n'ose soutenir le regard lourd que Túlio pose sur moi. Je l'entends soupirer puis retourner à ses occupations. Il y a une certaine lassitude dans ses mouvements, comme s'il avait déjà vécu cette situation à plusieurs reprises mais que l'issue était toujours la même. Confuse, je repense à cette histoire de don et d'initiation. Devrais-je lui donner le bénéfice du doute ou ferais-je mieux de fuir avant que sa folie ne m'atteigne ?

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