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Peu importe où je me trouve ou qui a bien pu m'y installer, je n'ai pas plus de temps à perdre ici. Il faut que je prévienne la police et que ce maudit hôtel soit évacué au plus vite. Par acquit de conscience, je parcours tout de même les livres entreposés au fond du casier des yeux avant de le refermer. Ils semblent tous plus ou moins portés sur une sorte de sorcellerie ou chamanisme. J'avoue ne pas être très portée sur le sujet. J'adorais pourtant écouter les histoires de ma grand-mère, elle-même pratiquante d'arts mystiques et très superstitieuse, mais je n'y ai jamais vraiment adhéré ni même cru. Pour moi ce n'est qu'une lubie à laquelle elle se raccrochait pour garder espoir dans les moments les plus sombres de sa vie, une addiction comme une autre. Décidée à mener à bien la mission que je me suis donnée, je me permets d'étancher ma soif au robinet de la kitchenette et en profite pour subtiliser un petit couteau avant de prendre la porte.

Je suis immédiatement accueillie par les lumières d'un vaste restaurant dont la longueur s'étend sur tout l'étage. Ici et là des tables rondes munies de nappes blanches et de vases mordorés accueillant des bouquets de lys en plastiques sont disposées en dessous de plafonniers en verre poli et s'allient de façon douteuse avec le parquet en bois et le papier-peint beige et marron. Le tout prête à la salle pourtant grande un aspect chargé plus que rustique. Face à moi, dans l'angle de la pièce, le sigle indiquant la présence de toilettes attire mon regard. Presque aussitôt, une forte envie de me vider la vessie me saisit. J'imagine que mon cerveau avait jusqu'à présent fait abstraction de cette information pour se concentrer sur des objectifs plus pressants. Je ne me précipite pas pour autant. Mes pas sont prudents et mon regard alerte alors que je m'avance dans le restaurant.

Sur ma droite, je remarque une grande arche drapée d'un rideau. Au-dessus, en néon cyan, le mot Lounge est allumé et je crois percevoir un léger fond sonore s'en dégager. Bien qu'intriguée, mon envie de rejoindre les toilettes prend le dessus et je finis le trajet qui me sépare de la délivrance en courant. Les lieux sont tellement bien entretenus que j'en viens à me demander si je n'ai pas rêvé mon expédition au troisième étage. L'hypothèse que je me sois cogné la tête trop fort pendant le dysfonctionnement de l'ascenseur et que le reste n'était qu'une partie de mon rêve me parait bien plus plausible que l'alternative de croire en l'existence d'une créature monstrueuse qui hanterait les couloirs d'un hôtel pommé d'Auvergne.

C'est l'esprit empli de doutes et de questions que je quitte les toilettes, incertaine de la marche à suivre. Mes yeux se posent alors sur la silhouette d'un homme qui se tient debout entre le lounge et la salle des employés, perplexe. J'empoigne discrètement le couteau accroché à ma ceinture alors que nos regards se croisent et son visage s'éclaire. Il replace une mèche de cheveux aux tons châtains parsemée de poivre et sel derrière son oreille et un sourire bienveillant se dessine au milieu de sa barbe de trois jours.

– Ah, je me demandais où vous aviez disparu, souffle-t-il d'une voix rauque et chaleureuse en venant à ma rencontre. Vous vous sentez mieux ?

Il n'est pas très grand mais doit être légèrement plus âgé que moi, la quarantaine, et je détecte dans ses paroles un subtil accent latin. Le fameux Túlio, j'imagine. Ses cheveux ondulants jusqu'à son menton, sa pilosité faciale mal entretenue, son pantalon en lin et sa chemise ample lui donnent une allure plutôt relax et négligée qui ne sied pas vraiment à un employé d'hôtel ou de restaurant. Il y a pourtant quelque chose d'incroyablement charismatique chez cet homme. Peut-être est-ce son regard brillant, sa posture apaisée, le décolleté de sa chemise ou les nombreuses pierres qui ornent ses bagues mais sa prestance ne me laisse pas indifférente.

– Vous permettez ? demande-t-il en levant une main vers mon front.

J'acquiesce bêtement et défais ma poigne sur le couteau, légèrement troublée. Maintenant que j'y pense, ceci est la première interaction humaine que j'ai depuis mon arrivée dans ce maudit hôtel. Est-ce aussi étrange pour lui que pour moi ? Sait-il qui je suis, ce que je fais ici et tout ce que j'ai traversé cette nuit ? J'en viens à me demander combien de temps je me suis assoupie quand sa paume touche mon front. Le geste est délicat mais une chaleur réconfortante semble traverser ma peau et irradier mon esprit, me laissant avec une étrange sensation de plénitude quand elle se retire.

– Vous avez l'air d'avoir passé une nuit épouvantable. Venez, j'ai préparé de quoi vous requinquer.

Il commence à se diriger vers le lounge avant de se retourner vers moi. La lumière des plafonniers le frappe de profil, révélant une longue et mystérieuse cicatrice sur sa nuque. Son sourire, lui, est tout à fait charmant.

– Au fait, je m'appelle Túlio.

– T-Taline.

Je bégaie malgré moi et sens mes joues rougir à l'entente de son rire tout aussi délectable que son aura.

– Enchanté Taline. Je sens que vous avez beaucoup de choses à raconter et je serais ravi de les entendre.

Soudain, les évènements de la nuit et les horreurs que j'ai affrontées me reviennent avec brutalité. Ce n'est pas le moment de se poser pour un grignotage de nuit. Des vies sont en jeu !

– Vous avez un téléphone ? Je dois contacter la police, c'est-

– Déjà fait, m'assure l'homme avec calme. Comme votre état n'avait pas l'air grave, ils m'ont dit qu'ils enverraient quelqu'un au matin.

– On s'en fiche de mon état, c'est cet hôtel qui est dangereux ! Il faut évacuer tout le monde et vite !

L'homme qui était jusqu'à présent plutôt détendu adopte soudain une posture plus figée et se met à me jauger plus attentivement, l'air clairement circonspect. Il doit certainement me prendre pour une folle.

– Écoutez, je sais que c'est difficile à croire mais... on a essayé de m'attaquer et je crois bien que cet... individu a déjà fait des victimes dans l'hôtel. Je...

Deux mains rassurantes attrapent fermement les miennes et des yeux couleur miel plongent dans mon esprit, le faisant immédiatement taire. Je me laisse guider jusqu'à la table la plus proche et m'assois face à Túlio. Ma respiration imite la sienne sans vraiment le remarquer puis, petit à petit, le tumulte dans ma tête cesse. Faisant preuve d'une immense patience, Túlio attend que je retrouve un rythme cardiaque plus normal avant de me demander, le regard plein d'empathie, de lui expliquer ce que j'ai vu exactement. J'hésite. Que lui dire ? Et comment lui dire ? J'ai l'impression de ne plus être sûre de rien. Sa présence est rassurante et son aide pourrait s'avérer précieuse mais puis-je lui faire confiance ? Et, surtout, me croira-t-il ? Ne ferais-je pas mieux de rester en solitaire et essayer de regagner le téléphone de l'accueil ?


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Ils ne sont pas sympathiques mes employés ?

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{TOUT LUI DIRE}

Continuez en 65


OU


{REFUSER SON AIDE ET RETOURNER A L'ACCUEIL}

Rendez-vous en 66 

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