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J'adresse un ultime regard en direction de l'entrée de la pièce avant de m'emparer du petit portefeuille. J'y trouve quelques pièces et billets ainsi que les papiers d'identité et le permis d'un certain Túlio Raúl Oscar AVILA. Sa photo, qui date de quelques années, dépeint un homme au teint halé, au visage carré et aux cheveux châtains ondulés. Il est né il y a quarante-quatre ans à Bordeaux mais possède la double nationalité française et portugaise et mesure cent soixante-quatre centimètres. Ne sachant que faire de ses informations, je me contente d'en prendre note dans ma mémoire et replace le portefeuille avant de tourner mon attention vers les quelques livres rangés à la va-vite au fond du casier.

Ils semblent tous plus ou moins portés sur une sorte de sorcellerie ou chamanisme. J'avoue ne pas être très portée sur le sujet. J'adorais pourtant écouter les histoires de ma grand-mère, elle-même pratiquante d'arts mystiques et très superstitieuse, mais je n'y ai jamais vraiment adhéré ni même cru. Pour moi ce n'est qu'une lubie à laquelle elle se raccrochait pour garder espoir dans les moments les plus sombres de sa vie, une addiction comme une autre. Il me parait cependant compréhensible que ce Túlio, en tant qu'employé ayant passé plusieurs jours dans cet étrange hôtel, se soit tourné vers l'ésotérisme. Moi-même je ne suis pas certaine de pouvoir expliquer logiquement tout ce qui se trame dans ces lieux. Quoi de plus humain que de chercher des réponses à l'inexplicable ?

Un livre attire mon attention plus que les autres. Petit et épais, il possède une couverture sombre d'apparence sobre mais je sens des reliures à peine visibles caresser mes doigts quand je le prends en main. Aucune inscription n'est indiquée sur la face ou la tranche et les pages qui respirent l'ancien et la poussière sont remplies de croquis colorés et d'instructions en espagnol. Même en ayant appris l'allemand en deuxième langue étrangère, j'arrive à comprendre quelques mots et à déterminer, avec l'aide des dessins, qu'il s'agit de recettes, ou plutôt de rituels. Je ne sais pas quels sont leur utilité mais j'ose espérer qu'il n'y a rien d'occulte ou d'offensif là-dedans.

Quelque peu décontenancée par cette découverte, je referme vite le livre par peur de voir un présage néfaste en sortir et le remets à sa place dans le casier, juste à temps pour entendre un léger toc à la porte et voir la poignée s'abaisser. Le sommet d'un crâne à la chevelure luxuriante, au front marqué et aux yeux doux sort avec précaution de derrière la porte, le regard tourné vers le sofa. Quand il m'aperçoit finalement au milieu de la pièce, réveillée, l'homme lève un sourcil surpris avant de se redresser. Il replace une mèche de cheveux poivre et sel derrière son oreille et un sourire bienveillant se dessine au milieu de sa barbe de trois jours.

– Bonsoir, souffle-t-il d'une voix rauque et chaleureuse. Vous vous sentez mieux ?

Il n'est pas très grand mais parait légèrement plus âgé que moi, la quarantaine, et je détecte dans ses paroles un subtil accent latin. Hormis quelques rides d'expressions et les touches de gris dans sa chevelure, son visage est très similaire à sa photo d'identité et je n'ai aucun mal à reconnaître le fameux Túlio. Ses cheveux ondulants jusqu'à son menton, sa pilosité faciale mal entretenue, son pantalon en lin et sa chemise ample lui donnent une allure plutôt relax et négligée qui ne sied pas vraiment à un employé d'hôtel ou de restaurant. Il y a pourtant quelque chose d'incroyablement charismatique chez cet homme. Peut-être est-ce son regard brillant, sa posture apaisée, le décolleté de sa chemise ou les nombreuses pierres qui ornent ses bagues mais je dois bien reconnaitre que sa prestance ne me laisse pas indifférente.

– Vous permettez ? demande-t-il en levant une main vers mon front.

J'acquiesce bêtement, incapable de cacher mon trouble. Maintenant que j'y pense, ceci est la première interaction humaine que j'ai depuis mon arrivée dans ce maudit hôtel. Est-ce aussi étrange pour lui que pour moi ? Sait-il qui je suis, ce que je fais ici et tout ce que j'ai traversé cette nuit ? J'en viens à me demander combien de temps je me suis assoupie quand sa paume touche mon front. Le geste est délicat mais une chaleur réconfortante semble traverser ma peau et irradier mon esprit, me laissant avec une étrange sensation de plénitude quand elle se retire.

– Vous avez l'air d'avoir passé une nuit épouvantable. Venez, j'ai préparé de quoi vous requinquer.

Il commence à se diriger vers la sortie puis se retourne vers moi. La lumière du plafonnier le frappe de profil, révélant une longue et mystérieuse cicatrice sur sa nuque. Son sourire, lui, est tout à fait charmant.

– Au fait, je m'appelle Túlio.

– T-Taline.

Je bégaie malgré moi et sens mes joues rougir à l'entente de son rire tout aussi délectable que son aura.

– Enchanté Taline. Je sens que vous avez beaucoup de choses à raconter et je serais ravi de les entendre.

Soudain, les évènements de la nuit et les horreurs que j'ai affrontées me reviennent avec brutalité. Ce n'est pas le moment de se poser pour un grignotage de nuit. Des vies sont en jeu ! En voyant Túlio disparaitre de l'autre côté de la porte, je lui emboite le pas avec urgence et suis immédiatement accueillie par les lumières d'un vaste restaurant dont la longueur s'étend sur tout l'étage. Ici et là des tables rondes munies de nappes blanches et de vases mordorés accueillant des bouquets de lys en plastiques sont disposées en dessous de plafonniers en verre poli et s'allient de façon douteuse avec le parquet en bois et le papier-peint beige et marron. Le tout prête à la salle pourtant grande un aspect chargé plus que rustique. Face à moi, dans l'angle de la pièce, le sigle indiquant la présence de toilettes attire mon regard. Presque aussitôt, une forte envie de me vider la vessie me saisit. J'imagine que mon cerveau avait jusqu'à présent fait abstraction de cette information pour se concentrer sur des objectifs plus pressants.

Sur ma droite, Túlio s'avance vers une partie plus tamisée du restaurant menant à une grande arche drapée d'un rideau. Au-dessus, en néon cyan, le mot Lounge est allumé et je crois percevoir un léger fond sonore s'en dégager. Bien qu'intriguée, mon objectif premier prend le dessus et je finis le trajet qui me sépare de Túlio en courant.

– Vous avez un téléphone ? Je dois contacter la police, c'est-

– Déjà fait, m'assure l'homme avec calme. Comme votre état n'avait pas l'air grave, ils m'ont dit de les tenir au courant si cela empirait et qu'ils enverraient quelqu'un au matin.

– On s'en fiche de mon état, c'est cet hôtel qui est dangereux ! Il faut évacuer tout le monde et vite !

L'homme qui était jusqu'à présent plutôt détendu adopte soudain une posture plus figée et se met à me jauger plus attentivement, l'air clairement circonspect. Il doit certainement me prendre pour une folle.

– Écoutez, je sais que c'est difficile à croire mais... on a essayé de m'attaquer et je crois bien que cet... individu a déjà fait des victimes dans l'hôtel. Je...

Deux mains rassurantes attrapent les miennes et des yeux couleur miel plongent dans mon esprit, le faisant immédiatement taire. Je me laisse guider jusqu'à la table la plus proche et m'assois face à Túlio. Ma respiration imite la sienne sans vraiment le remarquer puis, petit à petit, le tumulte dans ma tête cesse. Faisant preuve d'une immense patience, Túlio attend que je retrouve un rythme cardiaque plus normal avant de me demander, le regard plein d'empathie, de lui expliquer ce que j'ai vu exactement. J'hésite. Que lui dire ? Et comment lui dire ? J'ai l'impression de ne plus être sûre de rien. Sa présence est rassurante et son aide pourrait s'avérer précieuse mais puis-je lui faire confiance ? Et, surtout, me croira-t-il ? Ne ferais-je pas mieux de rester en solitaire et essayer de regagner le téléphone de l'accueil ? 


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Ils ne sont pas sympathiques mes employés ?

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{TOUT LUI DIRE}

Continuez en 65 


OU


{REFUSER SON AIDE ET RETOURNER A L'ACCUEIL}

Rendez-vous en 66 

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