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Il y a un point en particulier qui m'intrigue plus que les autres : qu'est-il advenu de la femme dont l'âme hante présumément les lieux depuis sept ans ? La mort jamais réellement élucidée d'Adeline Berger a-t-elle un quelconque lien avec les expériences qui se déroulent ici ?
– Euh, j'avoue que je n'en sais rien, répond Elliot en entreprenant de retirer son casque.
Il tire sur un petit loquet au niveau du cou puis tourne le casque rectangulaire. Un léger bruit de pression d'air accompagne l'ouverture alors que le visage de mon interlocuteur se dévoile enfin. Ses traits enfantins, ses cheveux blonds bien coiffés et ses yeux encore rouges de pleurs le brisent le cœur. Ce n'est vraiment qu'un gamin qui voulait faire de son mieux.
Il essuie du revers de la main son front en sueur, ses yeux d'un bleu clair refusant de me confronter.
– Je ne suis qu'un stagiaire, vous savez, continue-t-il d'une voix légèrement nasillarde. Et ça ne fait même pas trois mois que je suis là alors...
– Mais tu dois bien avoir accès à certaines archives. Son nom est forcément mentionné quelque part, non ?
– Je vais voir ce que je trouve.
Il fait quelques pas vers un meuble cadenassé, le déverrouille et en sort un ordinateur portable. Il s'installe alors à même le sol pour entreprendre sa recherche. Je tourne mon regard vers Camille, désormais complètement lovée dans mes bras, qui m'observe avec de grands yeux pleins d'admiration. Le malaise me gratte au niveau de la nuque et je décide de me concentrer sur ma conversation avec Elliot à la place.
– Alors ?
– Eh bien, oui. Vous aviez raison, il y a bien une fiche au nom d'Adeline Berger. Elle a été l'un des premiers sujets testés ici, le n°12.
– Fais-moi voir !
Le jeune scientifique tourne son appareil dans ma direction, me laissant lire plus en détail la fiche informative de la défunte. J'y apprends notamment qu'elle est née début mars, avait 38 ans au moment de sa mort, était professeure de littérature dans un lycée de Bourgogne et que sa situation maritale était fiancée à un certain M. Avila. Cependant ce qui retient le plus mon attention est la mention « Hors service » tamponnée en rouge au sommet du document. Qu'est-ce que cela peut bien signifier ?
– Mmh, j'imagine qu'elle a dû être connectée à la simulation à un moment mais est passée hors service après sa mort.
– Comment ça ? Quelle simulation ?
– Eh bien, je ne connais pas toute l'étendue du projet mais les laboratoires Cheng se sont récemment associés à l'entreprise A.I.Tech pour mettre au point une simulation assez poussée, capable non seulement de plonger le sujet dans une réalité fictive mais également d'analyser ses caractères physiques et mentaux. Leurs avancées dans le domaine sont incomparables mais réussir un tel pari nécessite beaucoup de tests. C'est moi qui suis notamment chargé d'accueillir les sujets qui ont accepté de participer et, à l'aide de ces machines, analyser et télécharger leur profil dans la simulation.
Il pointe avec fierté les deux cabines en métal.
– Après quoi, leur mémoire des dernières 24h est altérée et ils n'ont plus qu'à se réveiller dans une chambre d'hôtel, les poches bien remplies. Peut-être que quelqu'un la tuée juste après l'expérience ?
Je fronce les sourcils. Au-delà du fait que je ne suis pas certaine de tout suivre, quelque chose me dérange dans cette théorie.
– Non, les preuves montrent clairement qu'elle se serait jetée par la fenêtre du cinquième étage. Sauf que les laboratoires Cheng ne s'étaient pas encore installés dans cette suite car Adeline l'avait réservé avec ses amies pour son EVJF.
– Ah oui, c'est vrai ! s'exclame soudain Elliot. Une employée des labos m'a dit qu'avant ils étaient installés dans une des chambres normales et que toutes les machines étaient stockées sur le toit. Ce n'était vraiment pas pratique quand il y avait une panne.
Sur le toit ? Intéressant. Ces expériences n'étaient qu'à leur début et les employés de Cheng ne prenaient sans doute pas autant de précautions que maintenant. De plus, je doute qu'Adeline soit venue pour participer à une expérience scientifique en plus de son week-end chargé. Et si elle avait vu quelque chose et qu'on avait voulu la faire taire, non sans d'abord en profiter pour tester la simulation avec elle ?
– C'est bizarre, m'interpelle Elliot. Chaque fiche de sujet est normalement reliée à un journal d'observation qui permet de renseigner comment l'expérience s'est déroulée mais... celui d'Adeline Berger ne mène nulle part, comme si quelqu'un était venu l'effacer.
– Je crois que je commence à comprendre ce qu'il s'est passé. Ce gaz que tu as utilisé tout à l'heure, j'imagine que c'est un hallucinogène ? Cheng l'utilisait déjà il y a sept ans ?
– Plus ou moins, oui, mais je crois que ce que nous utilisons maintenant est la V2 du produit.
J'acquiesce, sentant les pièces du puzzle s'assembler lentement. À cause des allers-retours avec le toit, les expériences de Cheng étaient plus difficiles à cacher et Adeline a malencontreusement été témoin de quelque chose cette nuit-là. Volontairement ou accidentellement, elle a été aspergée de ce gaz hallucinogène et a fui, terrifiée. Mais un employé de Cheng a fini par l'attraper et en a profité pour la télécharger dans la simulation. Cela ne s'est pourtant pas passé comme prévu. Deux théories me viennent à l'esprit.
La première serait que l'employé s'est absenté trop longtemps pour actionner la machine sur le toit et qu'Adeline a réussi à se libérer et s'enfuir à nouveau. Elle serait assez logiquement retournée dans sa suite pour chercher l'aide de ses amies mais l'esprit encore engoncé par le gaz et les effets de la simulation, quelque chose l'aurait effrayée au point de se jeter par la fenêtre.
La deuxième serait que l'expérience en elle-même se soit mal passée, grillant le cerveau d'Adeline. L'employé aurait alors attendu que la suite du cinquième soit libre et s'y serait introduit grâce à la clé d'Adeline pour ensuite la pousser par la fenêtre.
Dans les deux cas, les laboratoires ont dû bien vite ordonner le démantèlement de leurs machines pour ne laisser aucune trace de leur passage dans l'hôtel. A moins qu'ils ne se soient contentés de payer grassement la police pour qu'ils détournent les yeux et classe l'affaire en tant que simple suicide. Honnêtement, je ne sais pas quelle théorie me met le plus en rogne.
– Il faut vraiment qu'on mette un stop à cette barbarie, je conclue finalement à voix haute.
Elliot acquiesce vivement, le visage plein d'espoir. Quand j'ose de nouveau tourner mon attention vers la journaliste, elle me dévisage toujours mais avec un air confus cette fois. Elle regarde autour d'elle, s'arrête un instant sur Elliot, fronce les sourcils puis remarque la position dans laquelle elle se tient et rougit avant d'avoir un mouvement de recul. Je la lâche aussitôt, la laissant se redresser et faire face au jeune homme.
– C'était toi la créature blanche ?
Elliot acquiesce en silence et je me redresse à mon tour tandis que Camille se met à faire les cent pas, clairement perturbée. Un petit bip retentit et le stagiaire se tourne vers un des moniteurs de la pièce.
– Oh non, il est déjà six heures ! s'alarme-t-il. Prenez quelques photos si besoin mais il faut que vous partiez vite. Ma relève va bientôt arriver et il faut encore que j'efface les traces de votre passage.
Le regard de Camille est encore un peu nuageux mais cela suffit tout de même à activer son professionnalisme. Elle dégaine son appareil presque automatiquement tandis qu'Elliot s'attèle à sortir des documents confidentiels pour qu'elle les immortalise. Il n'oublie pas de tout bien ranger au fur et à mesure puis finit par nous presser vers la sortie, clairement inquiet.
– Si vous voulez vraiment aller au bout de cette démarche, nous chuchote-t-il sur le pas de la porte, restez discrètes et soyez certaines de votre coup. Vous n'aurez qu'une chance de frapper alors frappez fort ou nous serons tous condamnés. Ne cherchez pas à me joindre non plus. S'ils apprennent que j'ai fait quoi que ce soit pour vous aider...
– Entendu. Nous ferons tout pour mettre un terme à cette folie, c'est promis.
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Il semblerait que votre séjour arrive bientôt à sa fin.
Mais avez-vous été honnête avec votre coéquipière ?
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{VOUS AVEZ DIT TOUTE LA VÉRITÉ}
Uniquement si vous avez déjà dit toute la vérité à Camille au sujet de Maël, allez en 165.
OU
{VOUS AVEZ MENTI OU PAS TOUT DIT}
Allez en 166.
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