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Préférant me montrer tout à fait sincère dans l'espoir d'attirer la sympathie de la créature, je montre mes deux paumes en l'air, vides et bien en évidence. Mon approche pacifique semble fonctionner car la créature s'affaisse légèrement sur elle-même, adoptant une posture plus molle, et ses gémissements prennent un aspect plaintif. Elle ne baisse pas sa garde pour autant. Son visage lisse suit le moindre de mes mouvements comme si elle pouvait me repérer sans souci. Possède-t-elle des yeux que je ne peux voir ou utilise-t-elle d'autres sens ?
Je prends le temps de parler lentement et d'éviter tout geste de brusque pour initier la conversation. Je commence par pointer mon torse avant d'ouvrir la main dans la direction de la créature.
– Je m'appelle Taline. Et toi ?
Aucune réponse. Mon interlocutrice se méfie encore mais ne recule pas pour autant. Je continue sur ma lancée en répétant mes gestes.
– Taline, amie.
Face à l'absence d'agressivité de la créature, j'ose un nouveau pas dans sa direction. Elle ne rechigne pas cette fois et se contente de continuer à m'observer attentivement, comme si elle attendait quelque chose. Bizarrement, cela finit par m'inquiéter bien plus que si elle s'était montrée hostile. Autour de nous, l'air me parait plus lourd et obscur que jamais. Chaque petit bruit ou clignotement lumineux des machines me rend de plus en plus nerveuse. La peur doit déformer ma vision car j'ai l'impression que la créature est bien plus grande et effrayante qu'il y a cinq minutes. Pourtant elle n'a toujours pas bougé d'un pouce et ne semble visiblement plus avoir peur de moi. Disons que cela est un bon signe...
Alors que de nouveaux scenarios anxiogènes se dessinent dans ma tête, un mouvement fait grimper ma tension en pic. Je regarde avec surprise la créature s'avancer d'un pas extrêmement lent et précautionneux dans ma direction. Des petits cris plaintifs et un peu étouffés me parviennent, comme s'ils résonnaient directement à l'intérieur de son corps. Je ne la quitte pas des yeux, tentant d'analyser sa peine.
Mon cœur cogne si fort contre ma poitrine que je n'entends plus que ses battements qui rugissent dans mes tympans. Tout n'est plus qu'obscurité autour de nous. La créature continue de s'approcher, gémissante et presque tremblante, et j'en viens à me dire qu'elle n'est probablement pas aussi hostile que je le pensais. La pauvre n'est que le fruit d'une expérience scientifique et n'a pas demandé à être ainsi. Qui sait quel genre de traitements elle a dû subir durant son existence ?
La créature pousse un terrible gémissement de tristesse en s'arrêtant devant moi et, soudain, je n'éprouve plus aucune peur, seulement de la pitié. J'ai le sentiment que cet être, quel qu'il soit, est jeune et perdu. Sans doute ne sait-il pas le mal qu'il a fait. Il n'attaque que pour se défendre parce qu'il est tout aussi terrorisé des humains qui ont croisé son chemin. Est-ce réellement sa faute ou plutôt celle de ceux qui l'ont mis au monde ?
– Je veux t'aider.
Je ne sais pas si la créature parvient à déceler mes intentions mais je la sens intriguée par mes propos. Je crois qu'elle comprend même si je ne saurai dire comment. Sentant un lien positif se créer entre nous, je tends une main amicale dans sa direction. Elle répond en posant une main épaisse et légèrement caoutchouteuse dans la mienne. Ses doigts aussi blancs que le reste de son corps font trois fois les miens en taille et je suis surprise de n'apercevoir aucune griffe ni ongle. Même en resserrant son étreinte, elle ne me fait pas mal. J'ai plutôt l'impression que ma main est compressée dans un gros coussin. Je serre à mon tour pour réconforter la créature et observe avec empathie son visage lisse et sombre, espérant y déceler une quelconque émotion. Je sens sa respiration rapide et puissante sans comprendre d'où elle vient.
– Ça va aller, je lui intime tout bas en affichant un sourire réconfortant.
Mes yeux se perdent un instant dans l'obscurité de sa face carrée dans laquelle se reflète mon propre visage. Mon image apparait et disparait au rythme des voyants des machines qui nous entourent. J'ai l'air encore plus épuisée qu'à mon arrivée dans cet hôtel. Mais alors que je détourne mon attention, un détail la ramène au visage de la créature. Peut-être que la fatigue me joue des tours mais pendant un bref moment j'ai cru distinguer des yeux derrière cet écran noir. Comme s'il y avait quelqu'un là, derrière, à l'intérieur de cette tête dépourvue d'aspérité. Et si ce corps lisse n'est qu'une coquille et que la véritable créature vit à l'intérieur ?
Soudain, la créature m'agrippe l'épaule de sa deuxième main et une douleur me transperce la peau. Une sensation froide se repend dangereusement rapidement dans mon corps, endormant chacun de mes muscles. Je me vois tomber sur place, mes jambes incapables de me soutenir, tandis que la créature range sa griffe et se penche vers moi. Le sommeil me gagne presque aussitôt mais je jure entendre une voix tout à fait humaine me souffler des excuses à l'oreille...
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Voyons à quelle fin votre enquête vous a menée...
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Allez en 135.
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