Chapitre 5
-Le second de l'Alpha, tu dis ? Et canon en plus ?
Allongée sur une table de massage, je raconte à Céleste les péripéties de la veille en profitant du bienfait de ses mains sur ma peau. Tel est le job qu'on lui a confié, et elle y excelle. Elle sait comment s'y prendre pour détendre les gens, les apaiser au point de leur délier la langue et de leur faire raconter tous leurs petits secrets. De véritable mains magiques.
Dommage qu'aucun loup n'ait encore demandé à la voir.
-Tu devrais te le taper. en conclut-elle.
-Quoi ? je m'exclame, scandalisée par une telle sugestion venue de nul part.
Elle hausse les épaules.
-Il est canon, il t'aime bien et c'est une source d'informations pour notre mission. Tu as toutes les raisons de te le faire.
-Je n'ai peut-être pas envie de " me le faire " justement. je rétorque en reprenant ses mots.
J'inspire profondément l'odeur des bougies parfumées et essaie de me détendre. Mais les mots de Céleste tourne en boucle dans ma tête et suscitent bientôt tout un tas d'images suggestives.
Par pitié, délivrez-moi de cette conversation - oh combien - gênante.
-À qui tu veux faire croire ça ? Tu as dit toi-même que tu le trouvais beau et tu es aussi rouge que le vernis de la pétasse dont j'ai dû m'occuper tout à l'heure.
J'enfouis mon visage entre mes bras après m'être rendue compte que j'ai les joues en feu. Céleste se met à rire.
-Peut-être même que tu pourrais le prendre pour compa... commence t-elle à me suggérer.
Je la stoppe net dans son élan.
-Là, tu vas trop loin. je la casse d'un ton sec. Lui et moi, ce n'est pas possible. Il est du camp ennemi, je te rappelle.
Et il ne voudra jamais d'une petite chatte comme moi.
Elle hausse une nouvelle fois les épaules.
-L'amour peut faire des folies. Comme rejoindre une meute de métamorphes indépendants pour passer sa vie au côté d'une sublime chatte qui passe ses journées à ronfler.
-Je ne ronfle pas !
-Pas tout le temps, mais ça t'arrive. m'avoue t-elle.
Je soupire, puis décide de l'ignorer. Les secondes s'écoulent dans un silence des plus complet, seulement rempli par le crépitement des bougies enflammées.
-Excuse-moi, je me suis emportée. marmonne Céleste. Je suis un peu naïve. Maintenant que j'y pense, c'est vrai que cette situation est beaucoup trop complexe pour que ça aille aussi loin.
Je ne réponds rien, trop occupée à rester concentrée sur la fragrance de cannelle qui flotte dans l'air.
-C'est juste que j'ai toujours cru à l'amour avec un grand A - et j'y crois toujours. J'ai tendance à voir le grand amour un peu partout, que ce soit pour moi ou celui des autres. Je suppose que je devais être Cupidon dans une autre vie.
-Il n'y a rien de mal à ça. j'affirme d'une voix presque endormie.
Les mains sur mos dos ont retrouvé leur pouvoir magnétique, et mon chat est maintenant roulé en boule tout au fond de moi, ronronnant presque de ce moment de détente.
-N'empêche, c'est la première fois que je t'entends parler d'un homme - ou en tout cas d'un homme que tu n'aurais pas cherché à étriper.
C'est vrai qu'Andréas est d'une meilleure compagnie que le peu de mâles que j'ai pu rencontrer jusqu'ici. Mais cela ne veut pas dire non plus que j'ai envie d'aller plus loin avec lui. Ce serait beaucoup trop dangereux pour moi et toute la meute. Et je ne suis pas assez stupide pour croire que j'ai la moindre chance d'attirer un homme pareil - non, un loup ! - dans mes filets.
Je suis peut-être une superbe chatte, mais c'est là tout le problème : je suis une chatte.
Aucun métamorphe - excepté ceux de mon espèce - ne s'abaisserait à prendre un chat comme compagnon.
-Je ne sais même pas pourquoi on en parle. On devrait plutôt se concentrer sur la manière de liquider son Alpha.
Maintenant qu'on a trouvé notre cible, il nous faut concocter le plan parfait pour lui ôter la vie.
-Jonas et Daniel réfléchissent à ce problème. Avec leur grande ingéniosité, dit-elle avec un certain sarcasme, l'Alpha devrait être mort dans... disons... Trente ? Cinquante ans ?
Il est vrai que l'alligator et le puma ne sont pas les cerveaux les plus futés de notre meute, mais ce sont de redoutables métamorphes au combat.
-On va trouver le moyen de descendre cet enfoiré. je la rassure.
Nous ne disons plus rien. Céleste continue de masser la peau nue de mon dos tandis que je me mets à somnoler, la tête reposant sur mes bras entrecroisés.
Trois heures plus tard, je termine mon service en cuisine. Le déjeuner est fin prêt à être servi, tout ce qu'il reste à faire est d'attendre l'heure fatidique où nous devrons rapatrier toute cette nourriture dans la salle à manger.
C'est enfin le moment d'une pause bien méritée, que j'accueille à bras ouvert, lorsque tout à coup, un homme débarque en trombe dans les cuisines, angoissé et désorienté.
-Je peux vous aider ? je lui demande poliment.
-Je... je cherche ma femme. Elle est introuvable depuis ce matin. m'explique t-il nerveusement.
Le métamorphe est en nage. De là où je suis, je peux entendre son coeur battre à la vitesse d'une mitraillette. Il est blanc comme un linge et j'ai bien peur de le voir s'effrondrer d'un instant à l'autre.
Si jamais je dois faire un massage cardiaque, mes employeurs ont intérêt à doubler mon salaire.
-Elle doit s'être égarée, ou elle est partie faire quelque chose en oubliant de vous prévenir. je tente de le rassurer.
Il secoue la tête de gauche à droite.
-Vous ne comprenez pas ! Hier soir, elle a eu une petite altercation avec un loup. Ce n'était pas grand-chose, mais le type avait l'air furax. Et maintenant, ma femme a disparu !
Encore ces maudits loups.
Je grimace, peu convaincue de cette théorie. Je sais bien que la plupart des métamorphes s'emportent pour un rien, mais de là à enlever une femme pour une chose futile, ça m'étonnerait beaucoup. Ce pauvre homme doit juste se faire des films.
-S'il vous plait, aidez-moi à la retrouver. Seule contre des loups, elle ne vaut pas grand-chose. Ce n'est qu'une sirène !
Une sirène ?
Je n'y connais presque rien en poissons, si ce n'est que j'aime les manger. Mais je sais que les sirènes sont plus souvent sous la mer que sur un bateau. Ces deux tourtereaux étaient sûrement en lune de miel.
Jusqu'à ce que des satanés loups leur cassent l'ambiance.
-Vous avez dit une sirène ? s'exclame doucement une voix féminine près de nous.
C'est l'une des cuisinières qui, semble t-il, écoute notre conversation. Elle nous fixe avec de grands yeux horrifiés, comme si elle a vu un spectre lui passer sous le nez.
-Vous l'avez vue ? s'empresse de demander l'homme, mort d'inquiétude.
La lèvre inférieure de la femme se mit à trembler d'effroi.
-Un métamorphe loup est venu me voir tout à l'heure. nous explique t-elle d'une voix chevrotante. Et il m'a donné une grande quantité de poissons qu'il m'a dit de cuisinier pour le déjeuner. Je pensais que ce n'était qu'un gros poisson...
Un frisson effroyable me parcourt le long du dos.
Alors un loup a découpé une sirène et a demandé à ce qu'on la lui cuisine pour le diner ?
Mon regard se porte sur les énormes plats emplies de poissons. Une soudaine envie de vomir me gagne.
-Ma sirène... Ils l'ont... réalise l'homme en observant les plats chauds, les yeux larmoyants.
-Il faut se débarasser de ça. Il est hors-de-question qu'on fasse à ce loup la satisfaction de servir une queue de sirène en sauce pour le déjeuner. j'exige, essayant de garder mon sang-froid face à ce tableau cauchemardesque.
-Je n'aurais pas oser servir ça maintenant que je suis au courant. m'assure la chef, aussi pâle que son tablier nacré.
Ces affreux loups, ils ont déjà l'intention de s'en prendre à ma meute, mais voilà que je découvre maintenant qu'ils brûtalisent tous les plus faibles. De toute ma vie, je n'ai jamais croisé de métamorphes aussi immoraux.
Ils vont tous payer pour ça.
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