Chapitre 24
C'est enfin l'heure de dire au-revoir. Tous mes camarades se sont réunis à l'extérieur pour me souhaiter une heureuse vie dans ma nouvelle meute.
J'ai les larmes aux yeux en les voyant tous ensemble. Ça me rappelle que nous avons perdu quelques proches dans la bataille. Ça a été dur de devoir enterrer nos amis. Et ça va être encore plus dur de vivre avec les gens qui les ont tué.
Je me réconforte en me disant que ce n'est pas nécessairement la faute des loups. Ils se devaient d'obéir à leur Alpha, c'est ainsi que fonctionne leur meute malheureusement. Et puis, ils ont eux aussi perdu des êtres chers au combat.
S'il y a bien un coupable dans cette histoire, c'est ce feu Lorenzo.
Mon cœur se serre à l'idée de quitter ceux que je considère comme ma famille. Mais il est temps pour moi de construire mon propre avenir auprès de celui que j'aime.
-N'oublie pas de nous donner de tes nouvelles entre deux parties de jambes en l'air. ajoute Daniel amusé alors qu'il me serre dans ses bras, sous les grognements d'Andréas qui n'apprécie pas ce rapprochement.
Je me tourne vers Léo. Il a été mon mentor, mon sauveur, et même plus que ça, il a été un second père pour moi. S'il ne m'avait pas trouvée à errer dans les rues, je ne vivrai pas tout ça. Sans doute que je ne vivrai pas du tout.
Devoir le quitter maintenant, c'est dur, très dur.
-Ne pleure pas, petite chatte. On se reverra. me réconforte t-il de sa voix chaude et rassurante.
Il pose sa main sur le sommet de mon crâne - chose que j'ai toujours détesté avant aujourd'hui. Avant que mes larmes ne coulent sur mes joues, je me jette sur lui et le serre fort contre moi.
L'ours polaire me rend mon étreinte avec douceur. Puis il se penche et me murmure à l'oreille.
-Si jamais tout ne se passe pas comme tu l'espères, tu seras toujours la bienvenue chez nous.
Bien-sûr, il tient à me faire savoir que mon choix n'est pas décisif, et que si je change d'avis un jour, il ne sera jamais trop tard.
Ça me rassure de savoir que j'ai une roue de secours en cas de pépins. J'ai très envie de vivre avec Andréas, mais qui sait ce qui va se passer une ois là-bas. J'ai été habitué à vivre dans une meute sans hiérarchie, avec des métamorphes pacifiques.
Ce n'est pas le cas de ces loups.
-Merci, Léo. Pour tout ce que tu as fait pour moi.
Il m'embrasse doucement le front, puis relâche son étreinte. Je m'écarte de lui et essuie mes yeux larmoyants.
-Prends bien soin d'elle, loup. exige Léo en s'adressant à Andréas derrière-moi. Si par malheur il lui arrive quelque chose, je ne donne pas cher de ta fourrure.
Andréas ne répond pas. Il se contente de me prendre par le bras et de m'entrainer doucement vers la voiture. Je salue une dernière fois mes camarades de meute avant de m'installer sur le siège passager.
Andréas s'installe derrière le volant peu de temps après. Après avoir démarré le véhicule, il soupire.
-Cette fois, ça y est, tu es prête à partir ?
Je hoche la tête, sûre de moi. Je me remémore ma check-list dans ma tête : vêtements, pelotes, livres, arbre à chat... Tout est dans le coffre, je n'oublie rien.
-Dis, est-ce qu'il est loin d'ici, votre territoire ? je lui demande alors que la voiture quitte les terres de Saorsa.
-On en a pour quatre heures de route environ.
Pfiouf ! Je ne vais pas survivre aussi longtemps dans cette voiture.
Ça ne fait que quelques minutes que le véhicule a démarré, mais je ressens déjà le début d'une longue et éprouvante nausée.
-Comment ça va se passer, une fois là-bas ?
Il réfléchit un instant, le regard rivé sur la route.
-On va réunir tout le monde, et leur parler des projets à venir. Leur expliquer comment les choses vont se passer maintenant, ce qui va changer et ce qui ne changera pas.
-Les projets à venir ?
Il me jette un coup d'œil.
-On a du pain sur la planche, crois-moi. Tu verras tout ça quand on sera arrivés.
Tout ça ne me dit rien qui vaille.
Je regarde un instant le paysage qui défile. Mais, prise de nausée, je suis obligée de fermer les yeux.
-Comment est-ce qu'ils vont réagir quand ils sauront que je serai leur Alpha femelle ?
Je suis soucieuse de mon intégration dans la meute. Je ne veux plus d'ennemi. Tout ce que je souhaite, c'est enterrer la hâche de guerre une bonne fois pour toute et faire ami-ami avec les loups.
Mais ça ne veut pas dire qu'il en est de même pour eux.
-Je pense qu'ils se doutent déjà de ton futur rôle dans la meute. Je pense que, comparée à Lorenzo, c'est une bénédiction de t'avoir à la tête de la meute avec moi. Mais bon, je ne suis pas dans leur tête pour savoir ce qu'ils pensent.
C'est bien ce que je crains. J'ai peur qu'ils en attendent trop de moi après avoir eu un bourreau comme chef de meute. J'ai peur de ne pas être à la hauteur. Andréas avait raison, être Alpha, c'est beaucoup trop de responsabilités.
Il est un peu tard pour regretter maintenant.
Andréas pose sa main chaude sur ma cuisse, les yeux toujours rivés sur le paysage devant lui.
-Ne t'inquiète pas pour ça. Tu seras une Alpha parfaite. tente t-il de me rassurer.
Je pose ma main sur la sienne et nous entremêlons nos doigts. Je trouve ça étrange de pouvoir agir librement en tant que couple avec Andréas. On le faisait déjà sur le bateau, bien-sûr, mais seulement parce que j'y étais contrainte, parce qu'Andréas pouvait être la clef de la survie de Saorsa. Aujourd'hui, je suis avec lui uniquement par amour.
Ça fiche un peu la trouille.
-Et pour nous, qu'est-ce qui va se passer ? je le questionne à voix basse.
Andréas sourie.
-Eh bien, on va installer toutes tes affaires dans ma chambre. Puis on commencera à organiser les préparatifs.
-Quels préparatifs ? je m'exclame, surprise.
Il s'esclaffe.
-Pour notre union, bien-sûr ! Il ne suffit pas de dire oui pour être ma compagne. Il faut rendre les choses officielles.
Eh oui, bien-sûr.
Je me demande à quoi peut bien ressembler une union chez les loups. Je sais comment ça se passe chez les humains, je l'ai vu à la télévision. Et l'on a déjà célébré une union à Saorsa, il y a quelques années. Mais les loups font peut-être les choses différemment.
-Comment est-ce que...
Mais je n'arrive pas à trouver les mots. Je tripote mes mains qui commencent à devenir moites. Je suis un peu nerveuse à l'idée de cette union, et la nausée ne m'aide pas à formuler des pensées cohérentes.
-Comment se passe l'union ?
J'acquiesce.
-C'est un peu long. Je te raconterai ça une fois qu'on sera arrivés.
Je râle.
-On en a pour quatre heures à mourir d'ennui dans cette boite de conserve.
J'ai déjà des fourmillements dans les jambes à force de rester assis sans rien faire.
-Très bien, puisque tu insistes.
Il prend un instant, le temps de trouver ses mots.
-Chez les loups, les unions se déroulent les soirs de pleine lune.
C'est d'un cliché.
-Les deux partenaires doivent s'échanger leur sang, pour que le processus d'union soit entamé. Pour cela, ils se mordent à la base du cou le plus souvent, mais ça peut aussi se faire ailleurs : un poignet, une cuisse, ça dépend des métamorphes.
Il faut boire du sang ? Beurk.
N'étant pas une métamorphe taillée pour le combat, je n'ai jamais été attirée à l'idée de faire couler le sang. Il m'arrive de mordre les gens de temps à autre, mais rares sont les fois où j'ai gouté leurs hémoglobines.
Et même quand ça arrive, on ne peut pas dire que ça soit une expérience gustative appréciable.
J'observe Andréas, plus précisément la région de son cou. Je grimace à l'idée de devoir lui abimer cette peau si parfaite.
-Et ensuite ?
-On doit copuler.
Au moins une partie vraiment intéressante.
-Ce n'est pas si compliqué que ça, finalement.
Andréas secoue la tête.
-En tant que couple Alpha, ça va être un peu plus différent pour nous. grimace t-il.
Ok, je le sens mal.
-Différent comment ? je lui demande, suspicieuse.
Avec toutes ces secousses, je me sens de moins en moins bien. J'ai des sueurs froides et une boule dans la gorge. Je regrette d'avoir mangé autant avant de prendre la route.
-En choisissant de devenir ma compagne, tu dois accepter de te lier non-seulement à moi mais aussi au reste de la meute.
-Viens-en au fait.
-Tu devras boire le sang de chacun des membres de la meute.
Encore du sang ?
J'imagine tous les loups faire la queue pour que je leur pompe le sang comme un vieux vampire affamé.
Il va falloir me rebaptiser Chat-cula après ça.
Je pense à tous ces loups inconnus qui vont m'offrir leur sang chaud et immonde...
-Arrête la voiture. j'ordonne à Andréas.
-Tu es sûre que ça va ?
-Arrête la voiture !
Forcé d'obéir, Andréas se gare sur le bas côté, imité par les autres voitures qui nous suivent. Je descends aussitôt du véhicule et gerbe tout le contenu de mon estomac dans l'herbe, les regards de tous les loups de la meute braqués sur moi.
Tiens, j'ai comme une impression de déjà-vu.
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