Chapitre 15

Le chemin jusque la suite d'Andréas se fait dans le silence. Le loup ne dit pas un mot, et moi, j'en suis tout simplement incapable sous ma forme animale. Mais de temps à autre, je peux l'entendre grogner.

De toute évidence, Andréas est furieux. Mais je ne sais pas si c'est parce que le combat a été écourté, ou bien parce que j'ai été attaquée alors qu'il était occupé ailleurs. Peut-être bien les deux.

Andréas entre dans sa chambre, puis me dépose doucement sur le grand lit.

-Transforme toi. ordonne t-il d'une voix rendue plus grave par la rage.

J'obéis. Je prends forme humaine et m'assieds confortablement sur le rebord du matelas.

-Où es-tu blessée ?

Andréas se met à arpenter mon corps de ses mains, cherchant une partie abîmée. Ses blessures à lui ont déjà presque toute guérie. Seul le sang séché témoigne du combat qui a eu lieu un peu plus tôt.

-Ici. je lui dis en montrant mes côtes. Quelqu'un m'a frappée avec son pied.

En y repensant, je crois que la personne en question était un métamorphe de la meute de Lorenzo. J'ai reconnu son odeur juste avant qu'il ne frappe. Il fait partie du trio qui m'ont couru après le jour où j'ai rencontré Andréas.

Le loup soulève mon tee-shirt, puis me le retire. Ma peau est violette, voir noir, à l'endroit où j'ai été frappée. Les doigts d'Andréas effleurent mon corps meurtri. Ses yeux deviennent bleus.

-Je vais tuer celui qui t'a fait ça. jure le loup d'Andréas.

Une idée se met à germer dans mon esprit. De toute évidence, Andréas tient beaucoup à moi. Peut-être bien qu'il m'apprécie assez pour se battre contre son cousin. Je sais, après l'avoir vu à l'œuvre hier, qu'il peut le vaincre. Seulement, jusqu'ici, il n'en a pas eu envie.

Peut-être puis-je le motiver à affronter son Alpha.

Alors qu'Andréas me demande de tout lui expliquer, je n'hésite pas un instant à dénoncer son cousin. Je lui raconte tout ce qui m'est arrivée, comment Lorenzo a surgi derrière-moi, les menaces qu'il a lancé à mon égard, la course poursuite. Je n'omets aucun détail.

Une fois mon histoire terminée, Andréas se relève. Puis il soupire.

-J'irai lui parler.

Quoi ?

-Lui parler ? T'es pas sérieux ? je m'emporte. Je t'ai dit que Lorenzo souhaite ma mort, et il ne s'arrêtera pas avant d'avoir obtenu ce qu'il veut ! Où est donc passé ton " je vais tuer celui qui t'a fait ça " ?!

Mais Andréas me tourne le dos. Il s'en va dans la salle de bain puis revient avec un tube de pommade.

-Je vais avoir une discussion avec lui. Il ne t'embêtera plus jusqu'à la fin de la semaine.

-Et après ?

Il ouvre le tube puis applique une généreuse couche de gel froid sur ma peau.

-On partira de la meute pour en chercher une nouvelle.

Cet homme vit en dehors de la réalité.

-Et tu crois qu'il va nous laisser partir comme ça ? Je le connais peut-être depuis moins longtemps que toi, mais je sais qu'il ne laissera pas tomber comme ça.

Mais il continue d'étaler le gel sur mes côtes sans sourciller.

-Tu n'es qu'un lâche ! je m'exclame alors, furieuse, repoussant sa main loin de moi.

Andréas rugit, ses yeux devenant bleus à nouveau.

-Je ne suis pas un lâche !

-Alors pourquoi tu ne veux pas te battre pour moi ? je m'écrie.

-Je ne veux pas devenir un Alpha ! Je ne l'ai jamais voulu et ne le voudrais sans doute jamais. Ne me force pas à devenir quelque chose que je ne souhaite pas, s'il te plait.

Il pose le tube puis se lève.

-Je vais te chercher de la glace.

Il s'apprête à quitter la pièce à l'instant où je l'arrête.

-Peut-être que je ne devrai pas accepter d'être ta compagne, finalement.

Andréas se retourne vivement. Son regard implacable me glace le sang. Je n'ai jamais été du genre à fuir. J'ai toujours affronté le danger la tête haute. Mais ce regard, si froid, si sinistre, réveille mon instinct de conservation qui me crie de prendre mes jambes à mon cou.

Finalement, nous ne passons pas la nuit ensemble. Pour la première fois de ma vie, j'ai suivi mon instinct, et j'ai fui. J'ai rejoint mes camarades de meute, la queue entre les jambes. Puis j'ai fondu en larmes dans les bras de Céleste.

Sans doute est-ce à cause de toute ce stress que je subis depuis des jours. Ou de cette sensation désagréable d'avoir tout fait foiré avec Andréas. Ou tout simplement de tous les malheurs qui sont arrivés dans ma vie, et m'ont fait vivre l'enfer. Mais j'ai passé un long moment à sangloter contre elle, inconsolable.

J'ai fini par me calmer puis m'endormir. Céleste m'a réveillée quelques heures plus tard, alors que la nuit est déjà tombée.

Je me redresse et frotte mes yeux ensommeillés. J'observe les mines sérieuses et déterminées de mes camarades de meute. Puis je me rappelle.

-C'est ce soir, n'est-ce pas ?

Daniel hoche la tête.

-Lorenzo en a après toi. On ne peut pas attendre qu'il réussisse à te faire la peau.

J'acquiesce doucement.

Nous n'avons pas d'autres choix. Andréas ne veut pas affronter son cousin. C'est donc à nous d'éliminer la menace qui pèse au-dessus de nos têtes.

Je me lève, attrape ma veste ainsi que mes chaussures, et nous sortons tous ensemble.

Le chemin jusque la chambre de l'Alpha se fait sans encombre. Grâce à notre ouïe surdéveloppée et l'obscurité des couloirs, nous avons réussi à éviter les gardes de la meute des loups - ou tout autre métamorphe - sans nous faire repérer. C'en est presque trop facile.

En revanche, deux loups se tiennent debout devant la porte de la chambre de Lorenzo. Les contourner n'est pas une option. Alors Daniel me fait signe.

C'est à mon tour de jouer. Je prends ma forme de chat et avance tranquillement vers les deux gardes qui n'ont pas remarqué notre présence jusqu'ici. Lorsqu'ils me voient, les deux hommes sont perplexes.

-Qu'est-ce que tu fais là, toi ? Tu devrais retourner autour d'Andréas, si tu ne veux pas finir dans la gueule de l'un d'entre nous. me prévient durement le premier garde qui m'a reconnue.

Le deuxième, en revanche, est beaucoup plus coulant.

-On peut peut-être s'amuser un peu avec elle avant qu'elle ne parte. suggère t-il.

-Tu es fou ? Andréas pourrait te tuer pour ça ! tente son ami de le raisonner.

Mais le loup s'approche de moi et se baisse pour m'attraper.

Mauvaise idée, mec.

Mon chat crache et lui griffe un œil. Surpris par la douleur, le loup me lâche et je retombe sur mes quatre pattes avant de tenter de m'enfuir.

Mais le deuxième loup me barre le chemin. Les jambes écartées, légèrement accroupi, et les mains en avant, le type semble prêt à m'attraper. Dommage pour lui, je suis plus rapide. Je passe outre ses mains qui tentent de me choper et lui griffe les testicules au passage.

-Salope ! éructe le loup.

Désormais tous deux enragés, les deux loups sont prêts à me poursuivre partout où j'irai pour me faire payer mes coups de griffes.

Exactement ce que je veux.

Les loups commencent à me poursuivre. Je cours à toute vitesse pour les semer, les emmenant dans un tas de couloirs différents, les éloignant de plus en plus de la chambre qu'ils sont censés surveiller.

Bande d'imbéciles.

Les loups finissent par perdre ma trace. Je retrouve mes camarades devant la porte de la chambre de Lorenzo. Nous avons été clair : personne ne rentre tant que nous ne sommes pas tous réunis. Nous sommes tous dans la même galère, nous devons donc nous entraider.

-Tu les as semés ?

Je reprends forme humaine sous les yeux de mes camarades de meute.

-Ils en ont pour un petit moment, vu l'endroit où je les ai plantés. Dépêchons-nous.

Nous vérifions une dernière fois que personne ne se trouve dans les parages avant d'enfin nous diriger vers la chambre.

La porte n'est pas verrouillée, sans doute parce que deux métamorphes loups veillaient à la sécurité. A l'intérieur de la chambre, tout est sombre. Seule notre aptitude à y voir dans l'obscurité nous aide à y voir plus clair. Notre vision n'est pas parfaite comme en plein jour, mais elle est suffisante pour savoir où l'on va.

Jonas nous fait signe vers le grand lit sur notre droite. Nous nous en approchons silencieusement. Nous sommes tout proches du but. Nous allons tuer l'Alpha, notre mission va s'accomplir, enfin.

Nous jubilons tant que nous ne remarquons pas tout de suite que quelque chose cloche. Je reste en retrait dans un coin de la pièce alors que les autres s'approchent de plus en plus du lit. Nous n'avons eu aucun problème pour arriver jusque la chambre, et faire diversion avec les deux idiots postés devant la porte a été un jeu d'enfant.

C'est trop facile.

Tout est silencieux dans la pièce. Les pas de mes camarades ne font aucun bruit. Juste les respirations de quatre métamorphes.

Quatre métamorphes ? Ne sommes nous donc pas censé être cinq dans la pièce ?

Jonas soulève la couette d'un geste vif pendant que Céleste s'apprête à exécuter le corps endormi du loup reposant sur le lit. Mais voilà, pas de loup, juste un lit vide et des draps frais.

-Qu'est-ce que... ?

-C'est un piège. je réalise alors que du bruit retentit en provenance du couloir.

Et nous avons foncé dedans têtes baissées.


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