Chapitre 11
Après être sortie de la suite d'Andréas, je ne suis pas allée dans les cuisines. Tant pis pour l'épluchage de pommes de terre, j'ai une situation plus urgente à régler. Il me faut retrouver mes camarades de meute au plus vite pour leur expliquer la situation.
Lorsque je passe la porte de ma cabine, je suis aussitôt accueillie par les trois métamorphes. A leur mine soulagée, ils devaient s'être inquiétés de mon long retour.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? me demande aussitôt Daniel. Tu étais censée rentrée il y a plusieurs heures !
Jonas renifle l'air. Les sourcils froncés, il a dû s'apercevoir d'une chose qui ne lui plait pas.
-Tu es recouverte de son odeur. constate t-il.
Même après m'être douchée, Andréas a continué à se frotter contre moi, apposant son odeur partout où il le pouvait. Je le soupçonne d'avoir agis exprès pour marquer son territoire. Aucun métamorphe ne peut passer à côté de moi sans constater mon changement d'odeur.
-Ça ne s'est pas vraiment passé comme prévu.
Je m'assieds sur le bord de mon lit, encore abasourdie.
-C'était un piège, c'est ça ? Merde, tu nous avais prévenus dès le départ mais on t'a quand même dit de prendre ce risque, et... déblatère Daniel en se tirant les cheveux, manifestement très agité.
-Non, ce n'est pas ça. Il ne m'a rien fait de mal. je les rassure aussitôt.
Ne souhaitant pas qu'ils continuent de se faire des films, je décide de tout leur raconter - sans les détails bien-sûr.
-Sa compagne, tu dis ? s'exclame Céleste, estomaquée.
Je hoche la tête, sérieuse comme un pape, alors que Daniel tente de se remettre du choc.
-Eh bah ! Moi qui pensais que t'arriverais jamais à te caser avec ton caractère pourri. se moque t-il ouvertement.
Je pousse un feulement, vexée. Je croise les bras contre ma poitrine, la mine boudeuse. Daniel et moi nous sommes rencontrés il y a longtemps et il connait tout de moi. Il était déjà à Saorsa lorsque je suis arrivée à l'âge d'onze ans. Ça faisait quatre ans que j'errais dans les rues, affamée. Je tentais de survivre comme je le pouvais après l'abandon de mes parents.
Ces derniers m'ont élevée durant les sept premières années de ma vie. Quand ils ont remarqué que je ne me transformais toujours pas, ils m'ont lâchement abandonnée, ne voulant pas d'une fille incapable de se transformer. Il s'avère que j'ai simplement été en retard, ma première métamorphose a eu lieu à huit ans au lieu de cinq.
-Qu'est-ce que je dois faire, maintenant ? je leur demande, ayant désespérément besoin de leur aide.
Les trois métamorphes se regardent.
-Il a dit que tu avais toute la semaine pour te décider ?
Je hoche la tête, acquiesçant à ses propos.
-Vous ne trouvez pas ça étrange, vous, qu'il fasse une telle demande aussi tôt ?
Cela me parait toujours aussi suspect. Mais Céleste secoue la tête.
-Ça arrive souvent chez les métamorphes. Leur côté animal est plus sensible que leur partie humaine et, quand ils rencontrent un potentiel partenaire, l'animal peut définir aussitôt s'ils sont compatibles ou non. explique le faucon.
Hum, plutôt farfelue cette histoire.
-Quoiqu'il en soit, que ses intentions soient bonnes ou non, tu dois le faire patienter. Ne lui donne pas de réponses tout de suite. C'est une source d'informations très précieuse, on ne peut pas prendre le risque de le perdre.
Message reçu. Je dois continuer de jouer le jeu, faire comme si Andréas me plait - ce qui n'est pas entièrement faux, mais je ne le dirais pas à mes camarades. Mais j'ai le pressentiment que cette histoire va mal finir. Peu importe quel camp gagnera, je souffrirai.
Une fois notre petite réunion terminée, nous nous séparons. Céleste s'en va au spa, Jonas à la salle à manger. Daniel, lui, prend un autre chemin.
-Qu'est-ce que tu comptes faire ? je lui demande après l'avoir rattrapé.
Il ralentit l'allure et se penche vers moi. Il sort alors furtivement un flacon de sa poche.
-Est-ce que c'est ce que je crois ?
Daniel acquiesce.
-C'est de la toxine botulique.
-C'est pas le truc qu'on utilise pour le botox ?
Il lève les yeux au ciel.
-C'est aussi un puissant poison s'il est ingurgité en forte dose.
Nous arrivons dans une salle cosy où trône fièrement un grand bar lumineux. Quelques métamorphes sont installés ici et là et sirotent vin, cocktail ou d'alcools plus forts. Daniel s'installe derrière le bar et attrape diverses ingrédients.
-Qu'est-ce que tu fais ? je demande à l'attention de Daniel qui mélange le tout dans un shaker.
-Un cocktail pour sa majesté l'Alpha Lorenzo.
-Alors c'est aujourd'hui, hein ?
Daniel secoue la tête.
-Pour ça, il faut que ça marche. Rien est sûr dans la vie. Quelqu'un peut boire son verre à sa place, ou bien le renverser, ou cet enfoiré peut même être insensible à ce genre de truc, va savoir ! Mais je ne vais pas rester les bras croisés plus longtemps alors que le type qui a juré d'exterminer les miens se pavane devant moi.
Je hoche la tête, compréhensive. Au moment où il s'apprête à partir, le cocktail sur un plateau d'argent, je prends ma forme animale et saute sur son épaule. Nous quittons le bar et nous dirigeons vers la piscine luxueuse réservée par la meute de loups. J'aperçois de suite l'Alpha assis sur un transat, en pleine discussion avec un autre de ses loups. Si tout se passe bien, cet enflure va mourir, et avec un peu de chance, ça ne nous retombera pas dessus.
Et cette horrible mission sera enfin terminée.
Mais, sans que je ne m'y attende, quelque chose m'attrape et me soulève de l'épaule de Daniel. Je pousse un miaulement plaintif, ne comprenant pas ce qu'il se passe, jusqu'à ce que je croise deux billes grises.
Andréas me serre contre son torse et sourie. Il part s'installer sur un transat, me gardant tout contre lui, sous le regard mécontent de Daniel qui continue malgré tout de jouer son rôle de serveur.
Le loup commence à caresser mon pelage. Mécontente de ce retrait forcé, je mords fortement sa main qu'il repousse alors vivement. Mon refus face à ses caresses ne plait pas au loup d'Andréas, si je me fie à ses yeux qui se mettent à luire.
C'est bien la première fois que ce gros toutou pointe le bout de son museau.
Je me redresse, les deux pattes avant en appuie contre son torse, et avance ma truffe vers son visage. Andréas me regarde faire, curieux. J'approche encore et lèche le bout de son nez de ma langue sableuse en guise d'affection. Andréas sourie, attendrie, avant que je ne lui claque ma patte contre sa figure, sans le blesser. Je saute et m'éloigne de quelques mètres avant de me retourner pour le narguer. Andréas se redresse et, au vu de ses iris bleutés, je devine que son loup va définitivement se prêter au jeu.
Mais un bruit de verre brisée retentit, coupant le loup dans son élan. En tournant la tête, j'aperçois l'Alpha loup debout, la mine furieuse, tandis que le cocktail mortel qui lui est destiné a été déversé sur le sol.
-Du poison. constate t-il amèrement.
Un grognement rauque retentit. L'Alpha se tourne vers moi, le regard noir. Il semble remarquer ma présence et se met à grogner plus fort.
-Toi.
Et voilà, on s'en prend toujours aux plus faibles.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top