1.7 : Arrivée à Sérénité
Le chemin jusqu'à Sérénité fut moins long que Clay ne l'aurait pensé. Perché sur la colline, il prit le temps d'observer la ville, le dos frappé par un soleil de plomb.
Sérénité était cachée dans une cuvette. Tout semblait assez calme malgré les gens qui se déplaçaient dans les rues poussiéreuses.
Il dévala la colline pour rejoindre les premières constructions. Comme beaucoup de villes de l'ouest sauvage, elle était invisible tant qu'on n'avait pas mis les pieds dedans.
Il parcourut paresseusement la voie principale, sous le regard curieux des passants, dépassa un petit théâtre à la devanture rouge et or, puis un restaurant, duquel s'échappait un alléchant fumet de ragoût. De l'autre côté, trois magasins se disputaient les quelques clients venus dépenser leur obole.
Du coin de l'œil, il entraperçut une enseigne blanche et bifurqua vers elle, dans une ruelle adjacente beaucoup plus silencieuse. Lorsqu'il arrêta son cheval devant la barrière en bois de la pension Ellison, une brise descendant des montagnes avoisinantes rafraîchit son visage. Malgré l'arrivée de l'automne, les températures restaient toujours aussi élevées. Heureusement, les nuages qui s'annonçaient à l'horizon promettaient un refroidissement radical pour bientôt.
Il passa une jambe par-dessus le cheval, et se laissa glisser au sol. Puis il décrocha ses sacoches, les cala sur son épaule, et se dirigea vers l'entrée de la pension.
Au moment où il posait la main sur la poignée, la porte s'ouvrit avec une énergie fougueuse. Il fut alors submergé de taffetas bleu ciel et d'un parfum fleuri avant d'être percuté de plein fouet par une petite chose toute féminine.
La jeune fille poussa un cri de stupeur et d'embarras.
— Veuillez m'excuser, M... Monsieur !
Des boucles blondes savamment arrangées montèrent et descendirent en même temps que des iris myosotis, qui le détaillaient de la tête aux pieds.
Il n'avait, certes, pas fière allure, couvert de poussière et les yeux rougis par une nuit sans sommeil, mais il ne valait pas un coup d'œil aussi déplacé.
Il haussa un sourcil. La demoiselle s'empourpra.
Il inclina la tête en guise de salut, et franchit le seuil de la pension après avoir enjambé les frous-frous encombrants de la jeune femme.
Ses bottes claquèrent sur le parquet ciré du hall lorsqu'il avança puis l'écho de ses pas fut étouffé par un tapis de manufacture indienne.
Il n'était pas arrivé au comptoir que déjà la tenancière lui jetait un regard agacé. Une lueur taquine dans les prunelles, il posa ses sacoches poussiéreuses juste à côté d'elle. Elle renifla de mépris.
— Une chambre, demanda Clay.
Un sourire coquin écorna ses lèvres, et la femme se trémoussa de gêne.
— Ceci est une pension convenable, Monsieur. Et je...
— Je serais aussi irréprochable qu'un gentleman... Promis !
Il lui décocha un clin d'œil, qui n'eut pas l'effet escompté. Son interlocutrice avait toujours le visage fermé et les lèvres pincées.
D'ordinaire, les hommes logeaient au-dessus du saloon. Il n'y avait que quelques voyageurs de qualité — de riches hommes d'affaires de l'Est — qui venaient séjourner ici. La pension ne servait guère qu'aux femmes seules qui cherchaient un refuge.
La tenancière, Lottie, avait elle-même été l'une de ces créatures infortunées.
Clay soupira.
— Madame... commença-t-il d'une voix lasse. J'ai fait un très long voyage, je me suis fait détrousser, je suis sale et fatigué... Je souhaite juste une chambre au calme, un bon bain, et un lit propre.
Il fouilla dans ses poches tandis que la femme le surveillait d'un air suspicieux, et déposa plusieurs pièces sur le comptoir.
— Voici une semaine d'avance. Je ne sais pas encore combien de temps je resterais, mais s'il s'avérait que je parte avant la semaine écoulée, vous pourrez garder le surplus.
La propriétaire le dévisagea, perplexe.
Clay patienta pendant qu'elle pesait le pour et le contre. La somme qu'il lui avait donnée représentait beaucoup d'argent. Elle passa une main dans les mèches plissées qui tombaient sur son front.
— Il y a quelques règles à respecter, Monsieur. En premier lieu, après vous être... (elle le détailla de la tête au pied) baigné, vous serez prié de toujours être habillé sinon correctement, au moins proprement.
Clay lui adressa un sourire affable, qui eut l'heur de lui plaire. Son sourire en retour fut guindé, mais néanmoins présent.
Il opina du chef.
— Ensuite, les Dames résidant dans cet hôtel ne sont, en aucun cas, là pour vous divertir... fit Lottie, avec une œillade entendue. Si vous voulez vous amuser, il y a les filles du One Silver Dollar.
Clay suivit son regard plein de dédain et se tourna en direction de l'entrée.
— Le One Silver Dollar ?
— Le saloon !
— Le saloon ?
— Dans la Grand Rue, bien après le restaurant et le théâtre...
— La Grand Rue ?
La tenancière allait rétorquer quand elle se rendit compte, à son air malicieux, qu'il la faisait marcher.
Clay lui décocha alors son sourire le plus séducteur quand elle afficha une expression de maîtresse d'école fâchée. Elle bégaya, rougit, et lissa sa blouse pour reprendre contenance.
— Monsieur, nous sommes dans un établissement respectable. Veillez à vous tenir de manière convenable le temps de votre séjour, sinon je n'hésiterai pas à vous mettre dehors avec un bon coup de fusil !
Elle décrocha une clé du tableau derrière elle et la posa sur le comptoir.
— Vous avez la chambre n° 10. Ne vous trompez pas de porte !
Clay sourit de se voir réprimander avant d'avoir fait quoi que ce soit. Il saisit la clé, fourra ses sacoches sur son épaule, et se dirigea vers les escaliers qui menaient à l'étage.
— Je vais faire très attention à mes jolies fesses alors ! lança-t-il avant de disparaître.
Le hoquet scandalisé de la Lottie lui arracha un rire bon enfant.
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