Hors du temps et des sentiments

Il ressentait. Il ressentait tout. La chaise longue sous lui, ce plastique dur qu'ils allaient bientôt changer mais qui tenait encore malgré les années. La brise qui passait dans ses cheveux et les faisaient doucement flotter, caressant ses joues d'une caresse invitant à prolonger sa sieste. Sa propre main sur son ventre, montant et redescendant au même rythme que ses respirations tranquilles. Le soleil qui brûlait le peu de peau non couverte, aussi intense qu'un mois de juillet le laisserait supposer. Le couinement des oiseaux au loin qui se transformait peu à peu en cacophonie d'une conversation incompréhensible.



Ses yeux picotaient. Il voulait les laisser obstinément fermer. Il ne voulait pas confronter ses prunelles à la virulence de l'astre solaire et prendre le risque de les brûler. Ses yeux étaient bien trop précieux. Il ne pensa que plus tard que les lunettes de soleil n'avaient pas été inventées pour rien après tout. Mais il les ouvrit tout de même. Parce qu'il savait que cela valait toujours la peine.



Mais il commença d'en douter alors que le bruit, tout d'abord lointain se rapprocha de plus en plus. Ses réflexes étaient parmi les meilleurs du monde, il était un shinobi, un soldat depuis son plus jeune âge. Il était préparé à tous types de situations. Mais ici, à cet instant, il n'avait pas envie, il n'avait pas besoin de se mettre sur ses gardes.



Un poids s'écrasa soudainement sur lui, manquant par ailleurs de tomber. Ses mains furent plus rapides que son cerveau et il rattrapa la petite créature avant qu'elle ne tombe au sol. Il n'avait toujours pas ouvert les yeux et ne se fiait qu'aux sensations qu'il ressentait depuis qu'il s'était installé sur la terrasse pour profiter d'un moment paisible sans petite créature qui court dans tous les sens. Et ce furent ses réflexions et la situation qui attisa une réponse.



Un rire. Ce rire qui résonnait en lui et allumait un feu de joie, comparable au soleil qui lui brûlait la peau en cette chaude après-midi. Il avait soudainement besoin de le voir. Aussi naturellement que de respirer, son regard, alerte, fut attiré par celui qui riait toujours, son sourire éclatant et rayonnant de bonheur.



Son mari. Son mari rigolait de la situation de le voir avec leur fils qui venait de mener une attaque surprise -pas si surprise- sur lui. Baissant les yeux, il se retrouva face à lui. Son fils. Son fils si similaire à son mari. Laissant son regard faire des allers-retours entre eux deux, il éveilla l'attention de son mari.



Freinant légèrement son rire, il le regardait. Des cheveux aussi blonds que les champs de blé, ils avaient négligemment poussé depuis l'époque où ils étaient adolescents et où il le poursuivait sans relâche. Les épis partaient dans plusieurs sens, sans que ce soit un signe de ses cheveux au réveil, ils étaient juste comme ça. Les yeux bleus plus profonds que les fleuves de Kiri. L'entraînant au loin dans les méandres d'un océan d'amour. Des traits plus matures, une mâchoire plus carrée, une oreille déformée par le combat. Un grain de beauté près d'un sourcil qui lui donnait envie de s'y pencher et de l'embrasser.



Il aurait pu passer des heures à refaire le portrait de Naruto dans son esprit, pour le marquer à jamais dans sa mémoire, emmenant son image avec lui partout où il irait, comme s'il l'accompagnait. Sa présence, constante à ses côtés.



Ce fut un aboiement qui le sortit de ses pensées et le poids sur lui qui se démenait pour descendre le plus rapidement possible. Le soldat regarda tout autour, admirant le paysage qu'il avait construit avec le blond. La maison, à l'écart des autres du village, les surplombant quelque peu, de son toit coloré, un orange vif à son plus grand malheur. Le jardin, plus grand que tous les autres, d'une herbe fraîchement tondue. Le bruit du vent, faisant claquer les vêtements en train de sécher sur la terrasse.



Se repositionnant dans sa chaise longue, il ferma à nouveau les yeux, laissant la chaleur se diffuser sur son visage. Il le sentit au fonds de lui avant de le sentir avec ses sens lorsque Naruto se pencha sur lui, s'asseyant sur ses genoux et l'embrassant délicatement. Toujours les yeux fermés, connaissant par cœur le corps collé au sien, il passa ses bras autour de la taille de l'autre, approfondissant le baiser.



Naruto rigola doucement en s'éloignant du baiser, mais resta accroché à lui, appuyant sa tête sur son épaule.



« Tu as l'air plus paisible que d'habitude, Sasuke. Une raison particulière ? Moi, peut-être ? »


« Ce sera toujours pour toi. » Sasuke n'avait pas hésité une seule seconde avant de formuler sa réponse, prenant l'autre de court et le faisant joliment rougir.



Le noiraud rouvrit finalement les yeux, croisant le regard de son mari. La profondeur de son regard lui coupa le souffle une brève seconde, lui rappelant à quel point il était beau, mais surtout à quel point il avait de la chance qu'il l'ait pourchassé jusqu'à l'autre bout du monde.



Pas très loin, il entendit Boruto s'amuser avec leur chien, lui lançant sans relâche le même bâton qu'il lui ramenait inlassablement. Boruto Uchiha-Uzumaki. Uchiha-Uzumaki. Leurs noms. Collés l'un à l'autre. Composés. Pour n'en devenir qu'un seul. Le leur. Celui de leurs enfants. Celui qu'ils avaient décidé de prendre lorsqu'ils avaient signé les papiers du mariage dans cette immense cérémonie qui avait aspiré les batteries sociales de l'Uchiha pour 10 ans.



Il avait encore parfois un peu de mal à accepter tout le bonheur qu'il avait. L'homme qu'il aimait depuis l'école primaire sans même s'en rendre compte. Leurs magnifiques enfants, jamais en manque d'énergie, qui remplissaient leurs journées parfois plus que les missions. Leur chien, leur poisson rouge, la tortue, étonnamment pas de grenouille ou de crapaud. Sasuke lui offrira une mare pour son prochain anniversaire. Mais ce n'était pas l'anniversaire de Naruto, c'était le sien.



Toujours dans la même position, Naruto avait attrapé sa main, liant leurs doigts ensemble et passant délicatement son pouce sur le dos de sa main. Les bruits continuaient leur symphonie tout autour d'eux avant que l'un des sons préférés de l'épéiste ne refasse surface, le chef du village reprenant la parole.



« Tu es sûr que tu veux ça pour ton anniversaire ? C'est tes 28 ans, tu pourrais vouloir quelque chose de plus impressionnant ou au moins une activité qui bouge un peu. Mais tu fais juste la sieste sur la terrasse. »


« Oui. C'est ça que je veux, je ne veux rien d'autre. Je te veux toi, les enfants, à la maison, sans rien pour nous déranger pour la journée, ni ton devoir de Hokage, ni mon devoir de shinobi. Juste du temps tous ensemble, en famille. »


« Boruto et moi sommes les seuls à ne pas faire la sieste, Sarada et Himawari la font aussi dans leurs chambres. On s'ennuie sans vous. »


« Le malheur d'être hyperactifs. Désolé. »


« Nan. T'as besoin de faire une pause, on en a tous les deux besoin alors profite de notre sublime terrasse, notre sublime jardin, notre sublime chaise longue. »


« Tu es conscient qu'il va falloir rapidement la changer. A être tous les deux dessus, elle va finir par craquer. J'entends déjà les bruits qui disent qu'elle va céder d'un instant à l'autre. »


« Mais non, c'est des idées que tu te fais, cette chaise est solide et robuste. Elle en a vu passer d'autres. Comme cette nuit, quand on a emménagé et qu'on a testé tout le mobilier » Sasuke n'avait pas besoin du sourire lubrique de son mari pour se rappeler cette nuit et toutes les autres qui avaient suivies.


« Ce n'est pas parce que tu es attaché aux objets que nous devons garder une chaise où nous avons bais- »



Sasuke n'eut pas le temps de finir sa phrase que Naruto lui plaqua la main sur la bouche. Il se rendit compte juste après que leur fils s'était approché d'eux sans qu'il ne le remarque. Il le savait pourtant. Il avait tendance à ne plus faire attention à rien d'autre lorsqu'il était aussi proche du blond et qu'il avait les yeux braqués sur lui. Cela comprenait malheureusement quelques fois ses propres enfants. Il aurait aimé dire que c'était parce que son fils était exceptionnellement doué en dissimulation de chakra mais non, c'était bel et bien sa faute.



Voyant ses parents aussi proches, l'enfant avait eu envie de les rejoindre, laissant momentanément tomber son chien avec qui il jouait précédemment. Il leur fonça dessus, pensant les prendre à nouveau par surprise mais ne fut qu'une fois de plus rattrapé afin de ne pas se blesser. Son rire résonna alors, petit éclat semblable à l'immense que celui que Naruto pouvait provoquer en lui. Les mains de Sasuke se figèrent autour d'eux deux, n'arrivant pas à reprendre contenance. Ce fut une nouvelle voix qui le sortit de sa contemplation silencieuse.



« C'est de la triche ! Pourquoi Boruto c'est le seul à vous faire des câlins ? »



Tournant la tête, Sasuke fit face à sa première fille, Sarada, qui tenait sa petite sœur par la main, l'air contrariée. Son frère lui tira la langue et se rapprocha de ses parents, faisant couiner la chaise d'un nouveau bruit qui ne rassura pas son père. Outrée, Sarada ne perdit pas de temps à fournir sa réponse et entraînant sa sœur encore quelque peu endormie, elles se précipitèrent vers eux pour les rejoindre.



Sautillant, les deux fillettes arrivèrent à leur hauteur et furent elles aussi rattrapées en vol, joignant leurs parents et leur frère dans le câlin improvisé. Ils étaient tous entremêlés, les membres partant dans tous les sens, ne sachant pas à qui appartenait tel bras ou telle jambe. Mais le poids supplémentaire, bien que léger, fut suffisant pour atteindre le point de rupture de cette pauvre chaise qui avait déjà donnée durant toutes ces années de bons et loyaux services.



Elle céda alors sous la nouvelle pression exercée et tout le joyeux groupe se retrouva soudainement au sol, les fesses sur la terrasse, des morceaux de plastique tout autour d'eux. Sasuke et Naruto, sentant la chaise rompre avaient d'un seul coup surélever les enfants afin qu'ils ne se blessent pas du peu de hauteur de laquelle ils allaient tomber.



Tous au sol, un petit silence se fit avant que tout le monde n'éclate soudainement de rire, prenant Sasuke par surprise qui surveillait que personne ne se soit pris de morceaux cassés et se soit blessé. Les quatre rires se mélangeant les uns aux autres, tous avec leurs tonalités différentes, créant un opéra impromptu aux oreilles de survivant Uchiha.



Il ne bougeait plus, ses mains autour d'eux tous, abasourdi. Il le savait. Il le savait depuis des années maintenant. Il le savait depuis que Naruto s'était officiellement déclaré à lui. Il le savait depuis qu'ils avaient commencé à sortir ensemble. Il le savait depuis qu'ils avaient emménagé ensemble. Il le savait depuis qu'ils avaient eu leurs enfants. Il savait qu'il ne pourrait jamais être plus heureux qu'avec Naruto. Il ne pourrait jamais être plus heureux qu'avec sa famille. Il ne pourrait jamais être plus heureux qu'en entendant cette douce mélodie qui le caressait comme le vent sur sa peau, lui apportant cette fraîcheur inespérée de la journée.



Sans qu'il ne s'en rende compte, laissant son corps se relâcher complètement, il se mit soudainement à pleurer, prenant toute sa famille par surprise. Bien qu'inquiets au tout début, son mari et ses enfants purent voir que ce n'était pas de la douleur ou de la tristesse. Ce n'était rien de plus qu'une joie intense. Une joie d'avoir trouvé sa place et de ne vouloir rien d'autre au monde que de préserver cette paix qu'il ressentait en cet instant. Naruto passa ses bras autour de lui, le rapprochant tandis que ses enfants se collèrent également à lui, se joignant à nouveau au câlin.



Sasuke n'avait pas pleuré depuis des années. Il tuerait Naruto si celui-ci l'avouait aux autres mais les dernières fois qu'il avait pleuré, c'était pour la naissance des enfants et leur mariage. Sasuke Uchiha devenait un papa poule, un mari adorateur. Les anciens de son clan l'aurait traité de faible mais il savait que ce n'était pas le cas. C'était justement sa famille qui lui permettait de se battre de toutes ses forces.



Ses larmes se tarirent rapidement alors qu'il se joignait aux rires de sa famille. S'allongeant complètement sur le sol, il fit face au ciel. Dégagé, presque aucune trace de nuage et un soleil aveuglant qui lui fit légèrement plisser les yeux. Naruto et les enfants se calèrent tout contre lui puis, de manière totalement mesquine, l'attrapèrent par ses vêtements et avec toute la force que Sasuke leur laissa exercer, le firent rouler jusqu'au bord de la terrasse. Avec l'impulsion, ils dévalèrent la pente herbeuse, frottant leurs vêtements qu'ils devront rapidement laver pour ne pas avoir de tâches.



Arrivés tout en bas de la pente, les membres encore plus entremêlés qu'auparavant, ils continuèrent de rigoler. Sasuke voyait au visage de son mari que celui-ci allait bientôt avoir envie d'aller aux toilettes, tout comme ses enfants. Dans cette atmosphère, Sasuke se laissa totalement aller sur l'herbe, le sourire ne quittant pas son visage. Les bruits se réduisaient peu à peu ses oreilles alors qu'il replongeait dans ses pensées.



Il voulait tellement que cette journée, cet après-midi, cet instant soit éternel. Qu'il dure des milliers d'années, qu'il vive plus d'un million d'année dans cet été. Il voulait entendre ces rires pour toujours. Il voulait sentir cette herbe sous sa peau pour toujours. Il voulait voir ce ciel clair et bleu pour toujours. Il voulait ressentir la brûlure du soleil et de l'été pour toujours. Il voulait rester auprès de sa famille pour toujours.



Mais. Tous les vœux ne peuvent être exaucés. Tous les moments ne peuvent durer éternellement. Tous les sentiments ne peuvent s'écouler indéfiniment.



Parce que. Les guerres font toujours rage. Les batailles résonnent à tout instant. Les soldats ne savent vivre autrement. Ils se battent parce que c'est la seule chose qu'ils connaissent. C'est un remède à l'injustice qu'ils ont eux-même créée. Donnant de faibles raisons de destinée pour se pardonner.



Il ressentait. Il ressentait tout. Le bruit ardent d'une explosion qui fait bourdonner les oreilles. L'odeur acre du sang séché qui s'infiltre partout. L'ambiance de mort qui traîne sur le champ de bataille, semblant dessiner une faucheuse immense dans le ciel ombreux. Les coupures et blessures par dizaines sur l'ensemble du corps qui suintent.



Le vent et le soleil qu'il ressent sur son visage s'accompagne d'un filet de sang. Son cœur se retourne alors qu'il regarde soudainement autour de lui.



Il n'y a plus de maison. Il n'y a plus de ciel bleu et dégagé. Il n'y a plus de soleil agressif. Il n'y a plus de linge qui sèche claquant au vent. Il n'y a plus d'aboiement. Il n'y a plus d'enfants qui s'écroulent joyeusement sur lui. Il n'y a plus de rire tonitruant. Il n'y a plus de sourire. Il n'y a plus de sérénité. Il n'y a plus de famille.



Il n'y a que la guerre. Il n'y a que les morts. Il n'y a que les cris. Il n'y a que les pleurs. Il n'y a que la rage. Il n'y a que le désespoir. Il n'y a que le désir de vengeance. Il n'y a que des milliers de personnes qui se réveillent chacune d'un rêve différent, d'un rêve qu'elles auraient toutes aimé continuer.



Sasuke se tient debout, sans bouger, incapable de penser à autre chose que Naruto. Son faux mari. Celui qui hurle à l'autre bout du champ de bataille. Celui avec qui il s'est imaginé une famille. Celui dont il est désormais obligé de reconnaître qu'il est foutrement amoureux. Celui dont il ne pourrait jamais plus se passer. Celui pour qui il détruirait le monde. Celui pour qui il reviendrait à Konoha, quitte à se faire haïr par tout le village, s'il a un jour l'espoir de revoir ce sourire, réentendre ce rire.



Celui qui a bouleversé sa vie depuis la première fois qu'il a croisé son regard et dont il ne voudrait jamais qu'il en soit autrement.











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Sachez que cet os existe parce que je mets la musique fort dans ma voiture et que je chante tout aussi fort.


La chanson qui m'a donné envie d'écrire cet os est "Le sud" de Nino Ferrer, extrêmement connue. L'ambiance particulière de la chanson m'a toujours donné envie d'écrire dessus et alors que je chantais, je me suis rendue compte que les paroles correspondaient tout à fait à un personnage de Naruto coincé dans le Tsukuyomi (je crois c'est comme ça que ça s'appelle) avec le dernier couplet sur la guerre. Et c'est plus ou moins naturellement que j'ai pensé à Sasuke qui s'imagine une vie de famille avec Naruto pour ensuite se rendre compte que c'est faux et que c'est la guerre.


A savoir que je n'ai pas fini Naruto Shippuden donc je n'ai aucune idée de si Sasuke était même présent sur place et a été pris dans le genjutsu global. Mais comme c'est un fanfic, on s'en fout un peu et on tord un peu les choses pour faire croire que oui.


C'est un OS un peu court et je me suis rendue compte en finissant de l'écrire que ça aurait en fait pu être une fiction à chapitres où Sasuke reste BEAUCOUP plus longtemps coincé dans le Tsukuyomi, étant donné que certaines personnes imaginent une vie sur des années entières tandis que d'autres ont simplement imaginé une journée. Et bien évidemment, la rupture du sort et la réalité qu'il se prendrait en pleine gueule serait BIEN PLUS douloureux. Je trouve que j'ai pas assez appuyé sur le fait qu'il est bouleversé par le fait que ce soit faux, c'est trop léger en émotions, comme d'hab.


Playlist écriture : - "Le sud" Nino Ferrer


Sinon, comme d'habitude, en espérant que vous avez aimé ^^


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