Chapitre 16 : Appel à l'aide - Partie 2
Frisk hurla les prénoms de Sans et Papyrus, les larmes dévalant le long de ses joues. Le téléphone semblait avoir pris des dégâts, il n'avait pas réussi à entrer en contact avec eux. Entendre leurs voix, cependant, était déjà beaucoup. Ils allaient bien. Ils savaient qu'il n'était pas responsable du meurtre d'Asgore. Ils n'étaient pas en colère contre lui.
Ils attendaient toujours son retour.
L'enfant aurait voulu leur répondre de ne pas s'inquiéter, qu'il trouverait un moyen de s'enfuir... Mais ils ne l'entendaient pas. Le signal semblait faible, leur voix disparaissaient de temps à autre.
Il réalisa un peu plus à quel point ils lui manquaient tous. Quitter les Souterrains avait été sa plus grande erreur. Ce qu'avait dit Papyrus à propos d'Undyne ne l'étonnait pas. Il espérait qu'elle finirait par comprendre son geste. Peut-être que savoir qu'une partie d'Asgore était toujours présente l'aiderait à passer à autre chose.
Entendre leurs voix l'avait remonté à blocs. Il ne pouvait pas rester dans cet orphelinat. Il devait trouver un moyen de les rejoindre. Peu importait le prix. Il ne les laisserait pas l'éloigner de la montagne.
C'était une promesse.
*********
Les mains appuyées contre le lavabo de la salle de bain, Undyne peinait à tenir son propre regard. Elle était cernée comme encore jamais auparavant, les cheveux en bataille, fatiguée. Tellement, tellement fatiguée. Les derniers jours avaient été atroces. Entre la montée de la violence dans les Souterrains, les décisions de Toriel qu'elle ne pouvait plus supporter et son discours lors de la cérémonie d'adieux qui l'avait fait sortir de ses gonds.
Elle ne voulait pas faire de vagues. Pas pendant un jour aussi important, y compris pour elle. Tout était sorti d'un coup, sous la colère, y compris cette idée d'élections. Elle le regrettait. Malheureusement, depuis, le dialogue était rompu avec la reine. Toriel avait refusé de la voir la veille. Elle avait envisagé de passer par Papyrus pour obtenir ce qu'elle voulait, mais après les derniers événements, elle craignait que cette petite manipulation lui coûte plus qu'elle ne le voulait.
Elle ne savait plus ce qu'elle devait faire.
— Undyne ? Tout v-va bien ? Tu es dans cette s-salle de bain depuis d-deux heures m-maintenant.
— J'arrive. Désolée, j'étais perdue dans mes pensées.
Dans un soupir, elle se détourna du miroir et ouvrit la porte. Alphys eut un mouvement de recul à la vue de son visage. Ça ne dura qu'un moment, mais elle put lire dans son regard à quelle point elle était inquiète pour elle. Elle était touchée, mais... Elle ne voulait pas ajouter plus de stress sur les épaules de la scientifique.
Undyne en avait assez d'inquiéter les autres.
— Tu es sûre q-que ça va ? demanda Alphys d'une petite voix.
— Je ne sais pas. Je ne sais plus. Il est tard, on devrait aller se coucher.
— D'accord...
La femme poisson plaça une main dans le dos d'Alphys, qui s'empourpra légèrement, et la guida vers l'étage, où elles s'étaient installées pour dormir. Le matelas n'était pas très large, ni très long, ce qui causait parfois la chute d'Undyne pendant la nuit, mais elle avait fini par s'y faire. Dormir aux côtés d'Alphys restait quelque chose de nouveau dont elle ne se lassait plus.
Elle grimpa sur le lit, et patienta le temps qu'Alphys la rejoigne. La femme lézard s'installa dans le creux de son bras, blottie contre sa petite amie. Undyne referma son bras et la serra contre elle, appréciant le contact froid de ses écailles contre sa peau.
Un silence confortable s'installa entre les deux. Undyne sentait déjà la fatigue la rattraper, mais elle avait peur de fermer les yeux. Lorsque ça arrivait, tous ses cauchemars la ramenaient dans la forêt de Snowdin, devant ce tas de cendres et le regard choqué de Sans. Elle n'avait pas trouvé le temps de lui parler. Elle avait bien compris qu'il ne le voulait pas de toute manière. Elle craignait pourtant que si elle attendait, il parlerait à Papyrus. Elle ne voulait pas que Papyrus apprenne ce qu'elle avait fait.
Quand ce n'était pas ça, c'était Asgore, agonisant, appelant à l'aide dans la salle du trône alors que ce maudit humain absorbait les âmes et fuyait, l'abandonnant à son sort. Avait-il au moins eu la décence de l'achever ? Elle l'espérait. L'idée qu'Asgore était mort seul lui était déjà insupportable. Il était la dernière personne qui comptait vraiment pour elle, comme un membre de sa famille. Elle se sentait redevenue orpheline, plus que jamais.
— Undyne ? Tu es sûre q-que ça va ? chuchota la voix d'Alphys. T-tu t-trembles. Tu v-veux une autre c-couverture ?
— Non, répondit-elle, la voix étranglée.
Alphys se dégagea et s'assit sur le lit, inquiète. Elle lui prit la main.
— Est-ce q-que tu v-veux en parler ? J-Je sais que t-tu p-préfères garder ce g-genre de choses pour t-toi, mais... Ça me fait mal d-de te voir comme ça. Ça f-fait des jours que je n'ose r-rien dire, mais... J'ai v-vu que tu ne m-manges plus, et tu m-maigris à vue d'oeil et ça commence à m-m'inquiéter et je ne sais q-que je ne devrais p-pas, mais je n'arrive p-pas à m'en empêcher et d-depuis l'enterrement, tu ne p-parles presque plus et je n-ne sais plus où on est... Si c-c'est quelque chose q-que j'ai fait, j-je suis désolée, mais...
— Ce n'est pas de ta faute, arrête ça, grogna-t-elle. Je sais que je suis distante... Je ne le fais pas exprès. Je ne sais pas ce qui cloche avec moi. Depuis qu'Asgore est mort, je... Je suis complètement perdue. Je ne veux pas t'inquiéter, ou Papyrus. Je... Je ne sais plus. Je ne sais plus ! explosa-t-elle.
Elle s'assit à son tour et enfonça sa tête dans ses mains. Alphys lui caressa gentiment le bras, patiente.
— P-pourquoi est-ce que tu as f-fait ça à la cérémonie d'adieu ? Je s-sais que tu m'en aurais p-parlé avant si c'était p-prémédité.
— C'est à cause du discours de Toriel. Elle m'a mis en colère. Je n'en peux plus de son hypocrisie. Elle est autant responsable qu'il l'était dans notre enfermement, mais c'est comme si elle s'en fichait ! Elle s'en fiche que des gens continue de mourir ! J'ai essayé de lui parler, j'ai vraiment essayé, mais elle ne me voit que comme une gamine capricieuse, elle ne pense pas que je suis sérieuse. J'ai voulu lui montrer que je l'étais. J'en ai marre qu'elle cherche à me faire taire parce que ma vision des choses ne correspond pas avec la sienne. Asgore a passé des dizaines d'années à se battre pour notre liberté, et elle, d'un coup de la main, elle balaie tout. Elle n'est personne, elle n'était pas là pour le ramasser à la petite cuillère quand il était forcé de commettre l'irréparable. J'avais six ans quand le cinquième est mort de sa main, je me souviens encore qu'il avait décliné notre petit combat de la semaine. Je suis allée le voir et je l'ai trouvé effondré dans son lit, incapable de se lever. Et tout ça pour quoi ? Pour qu'un stupide gosse qui a réussi à tous nous duper fasse en sorte que tout ça arrive pour rien. Asgore est mort pour rien, et Toriel ne fait qu'essayer d'effacer ces dizaines d'années de combat pour prouver à tout le monde que tout ça... N'était pour rien. Je refuse. Je refuse de la laisser gagner.
Alphys hocha la tête. Elle croisa les jambes.
— Tu sais, j-je ne suis pas d'accord n-non plus avec t-toutes ses d-décisions. J-je sais qu'elle v-veut bien f-faire, mais... Elle a aussi sa p-part de responsabilités dans c-ce qui est arrivé. T-tu as le droit d'être en c-colère pour ce qui est arrivé, et elle n'a p-pas le droit de te d-demander de refouler tout ça. Tu es en d-deuil. Ça prend du temps, et elle n'aide p-pas à rendre le p-processus facile. Je ne suis pas certaine que F-Frisk ait vraiment... Tu sais. Mais même si c-ce n'est pas le c-cas, il n'est t-toujours pas revenu. On ne s-sait pas s'il r-reviendra un jour. On ne p-peut pas attendre éternellement. T-Toriel veut r-reconstruire les S-Souterrains comme s'il allait revenir n-nous sauver et nous l-libérer, mais je ne p-pense pas que ce s-soit la solution non plus. On d-doit trouver un équilibre entre les d-deux. Je pensais que vous pourriez peut-être g-gouverner ensemble, mais... Ça semble compliqué. Peut-être q-que... Des élections sont bienvenues, en vérité. Pour laisser une voix à t-tout le monde. Si les r-résultats sont m-mitigés, on p-peut voir pour t-travailler ensemble, mais si les gens d-décident de te suivre, c'est que t-tu le mérites. Tu n'es pas la m-méchante sorcière, Undyne. Asgore t'as f-formée. De nous tous, tu es celle qui p-pourrait le plus nous faire avancer. Peut-être p-pas en anéantissant l'humanité, m-mais... On trouvera une solution.
Undyne hocha la tête, un petit sourire aux lèvres. Alphys avait raison. Elle se rendait compte, elle aussi, qu'elle avait peut-être été trop extrême dans ses discours. Mais peut-être... Qu'avec l'aide de sa petite amie, elle pourrait rendre les Souterrains meilleurs. Elle comptait maintenir les éléctions, aller au bout du processus... Puis elle verrait bien ce qui en ressortirait.
— Peut-être que tu as raison. Je vais y réfléchir. Il est vraiment tard, on devrait dormir quelques...
Une alarme éclata dans tout le laboratoire, les faisant sursauter. Undyne jeta un regard interrogateur à Alphys, qui dévalait déjà les escaliers vers le rez-de-chaussée. Undyne la trouva figée devant l'écran qui retransmettait en direct les images des caméras des Souterrains.
Undyne la rejoignit en quelques enjambées, avant de se figer à son tour.
Un humain venait de sortir des Ruines et s'aventurait lentement dans la neige.
— Qu'est-ce q-qu'on f-fait ? paniqua Alphys.
— Je vais prendre le ferry pour le rejoindre.
— Undyne, t-tu es sûre ?
— Oui, on ne doit pas le laisser avancer plus. Préviens la reine une fois que je serais sur place, d'accord ? Ne le fais pas avant.
— Pourquoi ?
Le visage d'Undyne se ferma.
— On a besoin de cette âme, Alphys. On ne peut pas la laisser filer.
— Mais...
Undyne ne lui laissa pas le temps de parler. Elle enfila son blouson et disparut dans la nuit. Alphys resta paralysée devant l'écran. Undyne allait tuer cet humain. Si elle ne faisait rien, Undyne serait arrêtée, ou pire ! Mais si elle... Undyne ne lui ferait plus jamais confiance. Elle sentit son coeur battre la chamade.
Elle devait faire un choix.
Un choix dont dépendrait le futur des Souterrains.
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