Chapitre 12 : Une question épineuse - Partie 2
Une fois les dernières interrogations répondues, Toriel congédia une partie de l'assemblée et ne garda auprès d'elle qu'Undyne, Alphys, Sans, Papyrus et Grillby. Pour plus d'intimité, elle les invita à Nouvelle Maison autour d'un bon repas, pour discuter de choses moins enthousiasmantes. De retour dans la maison, Toriel se mit aux fourneaux avec Grillby, motivé pour aider. Les autres s'installèrent à la table dans un silence gênant.
Sans avait soigneusement évité de s'installer à côté ou en face d'Undyne, mais conscient qu'il avait tendu un peu l'atmosphère, il fut le premier à briser le silence.
— Avant qu'on commence, j'ai une question très importante à poser. D'une importance capitale. Papyrus. Qu'est-ce qui se passe avec Mettaton ?
Surpris, le visage de son petit frère rougit brusquement jusqu'à devenir entièrement orange. Le regard d'Alphys se fit plus intéressé soudainement, tout comme celui d'Undyne, complètement perdue.
— Comment ça Mettaton ? demanda-t-elle. Quand est-ce que tu l'as rencontré ?
— O-Oh, c'est moi, répondit Alphys, incapable de cacher l'immense sourire sur son visage. Je l-l'ai envoyé escorter P-Papyrus jusqu'au CORE. Il y avait des p-problèmes au MTT Resort.
— Et ?
— J-Je n'ai pas bien vu sur les caméras, mais M-Mettaton lui a offert une tronçonneuse d-dédicacée.
Papyrus cacha son visage dans ses mains et poussa un cri de désespoir. Les autres éclatèrent de rire, ce qui eut au moins pour effet de détendre un peu l'atmosphère. Toriel et Grillby revinrent bientôt avec un plateau de sandwichs, et s'installèrent avec eux. Le silence retomba peu à peu jusqu'à redevenir plus sérieux.
— Merci d'être restés, dit Toriel. Je pense que vous vous connaissez déjà tous et toutes, ce qui nous évite déjà pas mal de problèmes. Je voulais discuter de manière plus calme et intime de nos problèmes actuels, à savoir l'insécurité et la question des humains. Comme nous l'avons expliqué tout à l'heure, Papyrus s'est fait attaquer ici même plus tôt, et nous avons toutes les raisons de penser que l'assaillant serait aussi l'assassin d'Asgore.
Undyne se crispa légèrement, puis se retourna vers Papyrus.
— Tu peux le décrire ?
— Il s'appelle Flowey. C'est une petite fleur jaune comme il en pousse dans les jardins royaux, mais avec un visage.
— Une fleur ? C'est tout ?
— Il est plus dangereux qu'il n'y paraît, intervint Sans. S'il a réussi à briser la jambe de Papyrus comme une brindille, qui sait ce qu'il est capable de faire d'autre. Je l'ai déjà vu à l'œuvre par le passé, et je peux vous assurer qu'il est extrêmement doué pour manipuler et obtenir ce qu'il veut. Peu importe ce qui s'est passé dans la salle du trône. Le gamin a donné son nom, il est donc impliqué d'une manière ou d'une autre.
— Je veux bien essayer de le pister, mais je ne peux pas vérifier toutes les fleurs des Souterrains, répondit Undyne. Il y en a des milliers, et elles vont pousser partout avec ce qui est arrivé au roi. Vous êtes sûr que c'était une fleur qui parle ? Je n'ai jamais entendu parler de monstres comme ça. Et puis qu'est-ce que tu veux dire lorsque tu dis que tu l'as déjà vu en action par le passé ?
Sans hésita. Il s'apprêta à parler, mais se ravisa immédiatement.
— Ce n'est pas important. C'est du passé.
— C-Cette fleur, est-ce qu'elle p-pourrait utiliser de la d-détermination ? demanda Alphys d'une voix blanche.
— Oui, répondit Sans sans une once d'hésitation. Tu l'as déjà vu ?
La femme-lézard se mit à trembler, en proie à une violente panique. Undyne fronça les sourcils et la contourna pour s'accroupir face à elle. Elle lui prit les mains et chercha son regard.
— C-C'est de ma f-faute, dit la scientifique. J-Je savais q-que ça a-allait me r-retomber de-dessus.
— Alphys, respire, ordonna Undyne. De quoi tu parles ?
— Il y a q-quelques mois, des monstres ont c-commencé à tomber malade. Ils perdaient espoir et ensuite, i-ils sombraient sans q-qu'on ne puisse rien y faire. D-Dans le laboratoire en b-bas, j'ai t-trouvé d'étrange j-journaux écrits dans une autre langue q-qui parlaient de la d-détermination et de c-comment elle était utilisée dans la G-Grande Guerre contre l-les humains. Il r-restait des échantillons de détermination a-artificielle et j'ai v-voulu les utiliser pour a-aider les monstres malades avant q-qu'ils ne soient trop tard. J-J'avais peur d'expérimenter sur eux d-directement, alors j'ai d'abord étudié son effet s-sur des plantes du jardin d'Asgore. Et u-un jour, l'une d-de ces p-plantes a disparu. J-J'ai cru qu'elle était t-tombée, mais ensuite il y a eu u-une brèche de s-sécurité dans le l-laboratoire et sur les c-caméras, j'ai cru voir cette f-fleur s'échapper.
Essoufflée par sa longue tirade, Alphys regarda le sol, n'osant pas croiser le regard de ses compagnons de nouveau. Undyne se redressa.
— Ce qui est passé est passé. Ce truc est peut-être plus dangereux qu'il n'en a l'air. Ça vaut le coup d'enquêter. Je vais rassembler toutes les sentinelles et les gardes demain pour les prévenir et augmenter le nombre de patrouilles. Je... J'avoue avoir du mal à croire à cette histoire d'expérience ratée qui tue des rois, mais je veux bien accepter de laisser ma rancœur de côté pour le moment.
— Merci, capitaine, répondit Toriel. Je suis ravie de pouvoir compter sur vous.
Undyne détourna le regard, un peu gênée. Toriel se tourna ensuite vers Grillby, qui regardait Sans vider sa bouteille de ketchup d'un œil désabusé.
— Pour ce qui est des humains à présent, j'aimerais que nous mettions un protocole en place pour éviter les accidents. Docteur Alphys, j'ai cru comprendre que vous aviez des caméras partout. Est-ce qu'il y en a une à l'entrée des Ruines ?
— Oui, et plusieurs autres dans la forêt jusque Snowdin.
— Bien, vous serez en première ligne. Si un humain sort des Ruines, je veux que monsieur Grillby et moi-même en soient informés sur le champ. Si un monstre rencontre un humain, il sera prié de ne pas l'attaquer et d'attendre l'arrivée de monsieur Grillby ou toute autre personne habilitée, je pense notamment aux sentinelles. Il devra être escorté chez moi dans les plus brefs délais.
— Et ensuite quoi ? demanda Undyne un peu brusquement, le regard plus sombre. Sans l'âme d'un monstre à absorber, il sera coincé avec nous.
— Je le sais bien. Mais avons-nous d'autres choix ?
Undyne ouvrit la bouche. Le visage de Toriel se fit plus sévère.
— Non, dit-elle fermement avant qu'elle ne puisse parler. Je ne reprendrais pas le plan barbare d'Asgore. Nous ne sommes pas des meurtriers.
— Nous en deviendrons si on reste ici trop longtemps, répliqua Undyne. Beaucoup de monstres sont déjà tombés en cendre parce qu'ils ont perdu tout espoir de sortir d'ici. Des gens bien. Des amis pour la plupart. À chaque fois que ça se produit, leur entourage se demande à leur tour à quoi est-ce que tout ceci rime. On nous parle de retrouver la Surface depuis que je suis petite fille, et les gens n'en peuvent plus d'attendre. Ils n'ont pas le temps d'attendre.
— Je comprends votre position, capitaine, mais pour chaque humain tué ici, il y a une famille, à l'extérieur, qui pleure également sa disparition. Et que dirons-nous à ces humains-là, une fois que l'on sortira ? Qu'ils sont morts pour rien ? Que pensez-vous qu'il va se produire ? Notre peuple est diminué, vous avez raison sur ce point. Mais une guerre contre eux ne nous mènera qu'à une extermination, un génocide que nous ne pourrons arrêter, peu importe vos lances et vos épées. Ils sont des millions dehors, nous ne sommes pas plus de deux mille ici.
— Admettons, grogna Undyne. Et si on en a un nouveau comme le sixième ?
Un long silence plana. Sans et Papyrus tressaillirent légèrement.
— C'était un cas isolé, répondit Toriel. Cet enfant avait beaucoup de colère en lui.
— De la colère ? pouffa Undyne. Il a manqué de très peu de tuer Papyrus. Vous savez ce que ça fait, d'être impuissante ? J'étais dans la garde ce jour-là, c'était mon deuxième jour. J'ai vu cet humain tirer de sang-froid, sans aucun remord. Je ne le connaissais pas encore à l'époque, mais les hurlements de son frère pendant que les médecins traînaient son corps, je m'en souviens encore.
— Ne me ramène pas dans tes histoires, grogna Sans, sur la défensive.
— Pourtant, il va bien le falloir, Sans, répondit Undyne. C'est toi qui as descendu cet humain, de sang-froid. Ça ne t'a pas dérangé à l'époque.
Les orbites de Sans devinrent noires. La tension remonta en flèche dans la pièce. Papyrus se dandina sur sa chaise, mal à l'aise.
— Je ne l'ai pas fait par choix.
— Et si ça se reproduisait ? Est-ce que tu réfléchirais avant de tirer ?
— Arrête ça.
— Pourquoi cet humain et pas celui qui est sorti des Ruines, qu'est-ce qui a changé ? Tu étais prêt à t'engager dans la garde royale à l'époque.
— Undyne, ça suffit ! cria soudain Papyrus.
Ses yeux brillaient d'une lueur orangée. Il serrait les poings et ses mains tremblaient légèrement.
— C'est du passé, reprit le squelette. Mon frère était en colère et il avait peur pour moi. Tu ne peux pas comparer les deux situations.
— Papyrus a raison, reprit Toriel. Ce qui est arrivé fait partie du passé. Si un tel cas venait à se représenter, nous aviserions en temps réel et avec du recul.
— Mais...
— Je n'ai pas à me justifier davantage ! cria Toriel.
Undyne s'enfonça dans son siège, les bras croisés, et détourna le regard. Elle brûlait de rage et faisait des efforts importants pour se contenir. Papyrus avança sa main, mais elle la rejeta d'un grand geste. Le squelette n'insista pas, le regard triste.
— Nous déchirer sur la question des humains ne résoudra rien, intervint Grillby, une fois le silence revenu. Nous sommes tous dans le même camp et on a tous envie de sortir d'ici. Pour autant, Toriel a raison : il y a d'autres moyens que le meurtre pour y arriver. Avant que la guerre se déclare, nos relations avec les humains étaient cordiales, et il n'y a aucune raison pour que ça change. Nous avons juste à essayer.
— S'il y a eu la guerre, c'est qu'elles n'étaient pas si cordiales, répliqua Undyne.
— Nous ne pouvons pas blâmer l'intégralité de leur espèce pour quelques personnes qui ont fait les mauvaises décisions, lui répondit Toriel. La guerre s'est déclarée parce que leurs dirigeants enviaient leur pouvoir. Lorsqu'ils ont commencé à attaquer, de nombreux humains sont venus nous apporter leur soutien malgré les risques. S'ils ne sont pas là aujourd'hui, c'est parce qu'Asgore et moi-même leur avons ordonné de fuir à la minute où nous savions que nous avions perdu.
— Ils n'ont rien fait pour nous sortir de là.
— Non, et j'aime penser que c'est parce qu'ils n'en ont pas eu le choix. Ou, comme monsieur Grillby, qu'ils ont fondé une famille pour oublier toute cette abomination. Je suis presque certaine que Chara avait déjà entendu parler de légendes sur Mont Ebott, tout comme Frisk, même si notre peuple a fini par être effacé de l'Histoire. Les hommes savent qu'il y a quelque chose à l'intérieur du Mont Ebott, et viendra un jour où quelqu'un de curieux réussira à convaincre son peuple de notre bonne foi. Pour cela, il n'y a pas beaucoup de solutions, nous devons nous montrer exemplaire et arrêter de tuer pour un oui ou un non. Nous ne sommes pas des barbares, nous avons de la technologie et nous pouvons faire sans avoir besoin de recourir au sang.
Undyne soupira.
— Ce n'est pas en faisant évoluer l'école et en espérant qu'un héros imaginaire tombe du ciel qu'on sortira d'ici. Je ne sais pas comment vous pouvez encore avoir espoir. Asgore avait bien des défauts, mais il avait au moins les pieds sur terre.
— Capitaine, s'il vous plaît.
— Non, c'est bon. J'en ai assez entendu pour ce soir. Je rentre. Al ?
Alphys lança un regard à la reine. Toriel soupira et détourna le regard.
— Vous pouvez y aller, docteur Alphys. Passez me voir demain matin pour que l'on puisse discuter de vos prochaines missions.
Undyne se leva et quitta la pièce sans dire au revoir. La porte d'entrée claqua bruyamment derrière elle. Alphys rassembla ses affaires.
— B-Bonne soirée tout le monde. Et d-désolée pour Undyne. Elle est un p-peu sur les nerfs.
Les autres la saluèrent d'un sourire patient avant qu'elle ne courre rattraper la guerrière à l'extérieur. Sans poussa un long soupir.
— Elle ne changera pas, grogna-t-il. Ça ne sert à rien d'insister. Elle était trop investie avec Asgore.
— C'est ce que je suis en train de réaliser. J'espère que cela n'affectera pas trop ton amitié avec elle, dit-elle à Papyrus.
— Elle s'en remettra, répondit le squelette d'une voix distante. Elle a juste besoin de temps.
Il recula sa chaise et attrapa une béquille pour se relever. Sans releva les yeux vers lui, et détesta ce qu'il y vit. Papyrus était au plus mal. Entre les blessures et Undyne, même lui arrivait finalement à sa limite. Tout ce bazar avait laissé plus de séquelles sur son petit frère qu'il ne l'avait cru au premier abord. Il se sentit coupable. Quelque part, peut-être qu'Undyne avait raison. S'il n'avait pas tenu sa promesse, il serait sans doute tous déjà en train de se prélasser au soleil. Mais à quel prix ? Aurait-il seulement pu se pardonner ce geste ? Papyrus l'aurait-il pardonné cette fois-ci ? Certainement pas.
— Papyrus ? appela-t-il d'une petite voix.
— Je vais me coucher aussi, répondit-il d'une voix basse. J'ai mal et je suis fatigué. À demain.
— Et ton histoire du soir ?
Papyrus se stoppa. Il lança un regard triste à son frère.
— D... Demain, d'accord ? J'ai besoin d'être un peu seul pour le moment.
Le squelette tenta un sourire qui ressemblait beaucoup trop à une grimace pour son grand-frère. Sans le laissa partir à contrecœur, alors que Papyrus claudiquait vers le couloir sur une seule jambe.
Toriel posa une main sur l'épaule de Sans.
— Il a simplement besoin de prendre un peu de recul sur la situation. Beaucoup de choses se sont produites aujourd'hui. Tu devrais aller te reposer aussi, Sans.
— Peut-être bien, oui.
Grillby se leva à son tour et attrapa sa veste.
— Je vais vous laisser, moi aussi. J'ai de la route à faire jusqu'à Snowdin. Je passerais dans la matinée pour signer les papiers.
— Merci, monsieur Grillby, sourit Toriel. Rentrez bien.
— Je te vois demain, Sans ?
— Eh, comme d'habitude. Je ne vais pas rater mes trois petits-déjeuners de la journée, se moqua Sans dans un clin d'œil. Et puis... Je crois qu'il y a du nettoyage à faire du côté de la maison. C'est un vrai tas de poussière, elle tombe littéralement en ruines ! Eh, eh, eh.
Toriel et Grillby échangèrent un regard consterné. Le nouveau ministre des affaires humaines donna une tape amicale sur l'épaule du squelette et quitta à son tour la maison de la reine. Sans aida Toriel à débarrasser, puis prit à son tour le chemin de la chambre.
Dès qu'il entra, il fut soufflé par la nouvelle décoration. Papyrus y avait mis tout son cœur pour tenter de les faire se sentir à la maison. Son regard glissa vers son petit frère. Tourné vers le mur, ses os tremblaient dans son sommeil. Sans hésita, puis s'approcha de lui, puis il se téléporta au-dessus du lit. Il enjamba soigneusement son petit frère et vint se blottir contre sa cage thoracique. À son contact, Papyrus cessa immédiatement de trembler. Naturellement, les bras du squelette encerclèrent son frère et le serrèrent contre lui.
Avec un sourire aux lèvres, Sans ferma les yeux et se laissa sombrer dans un sommeil plus que bienvenue.
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