Chapitre n°12

Sehun fixa l'écran un court instant. Il resta là, sans esquisser le moindre mouvement tandis qu'il n'y avait désormais plus aucune trace de sourire présente sur son visage. En effet, il n'affichait plus qu'une expression tendue, soulignée par un froncement de sourcil, peut-être tout aussi bien inquiet qu'énervé. Un soubresaut de réalisation lui ébranla le corps, il devait absolument répondre avant que l'appel ne s'arrête de résonner. Il hésita cependant quelques secondes supplémentaires, se demandant s'il ne ferait pas mieux de s'éclipser dans l'une des chambres mais de toute évidence, par un souci de culpabilité, il ne pouvait pas encore laisser son ami seul. Il happa avec peine tout l'air qu'il pouvait, pour se donner du courage puis il se décida enfin à décrocher, son regard se reportant de lui-même dans le vide.

- Oui ? demanda-t-il d'une voix hésitante et muselée.

Le silence qui lui répondit lui fit battre le cœur un peu plus fort et il cessa de respirer.

- Tu as mis trop de temps à répondre, entendit-il enfin résonner contre son oreille la voix plus que familière.

- J'étais, j'étais occupé, peina à dire Sehun en parvenant à faire revenir de l'air dans ses poumons alors qu'il se sentait soudain envahit par une tension au niveau de sa gorge.

- Peu m'importe, reçu-t-il comme réponse.

- C'est- tenta le jeune oméga, dans l'espoir de peut-être se justifier mais se faisant couper instantanément.

- Je m'en fou que tu sois occupé ou quoique ce soit. Quand j'appelle, tu réponds. Un point c'est tout.

Le ton qui résonnait depuis l'autre bout du fil ne laissait place à aucune réclamation ou autre et ce dernier entraina même le jeune homme dans une sorte de léthargie. Perdu dans ses pensées et ainsi coupé du monde, Sehun ne remarqua pas son ami et leur professeur de retour dans la pièce alors que ces derniers se trouvaient pourtant juste dans son champ de vision, en face de lui.

Le second oméga pour sa part, prit pourtant immédiatement conscience de l'état de son ainé en avisant sa posture aussi stoïque que tétanisée ainsi que son visage fermé, de toute évidence à la recherche de quelque chose à dire à son interlocuteur. Les deux nouveaux arrivants s'assirent donc en silence, l'un sur le canapé à proximité et l'autre sur le même fauteuil qu'avant, préférant garder leurs distances et se regardant ensuite l'un l'autre pour essayer de savoir ce qu'il se passait.

- Je ne suis pas d'accord, parfois je ne peux p- tenta de nouveau Sehun avant de se taire soudainement.

- Tu crois que ton avis m'intéresse ? je t'épargne de devoir te forcer à réfléchir donc avant que tu ne te trompes, la réponse juste est « non ». Entendu ?

- Mais je... souffla l'oméga, oui, dit-il faiblement, son visage perdant la dernière expression qu'il lui restait, se retenant de faire quelconque réflexion supplémentaire.

- Quoi encore ?

- Pourquoi tu me fais ça ? osa-t-il, questionnant avec peine tout en sentant ses propres barrières s'abaisser, s'écrouler, les unes après les autres.

- Mais voyons, qu'as-tu à me reprocher mon chéri ?

Sehun frissonna à l'entente du mot doux et un léger sourire reprit place sur ses lèvres avant qu'il n'écarquille les yeux. Il fit alors volte-face, se mettant dos aux deux autres hommes présents dans la pièce et dont il venait à peine de prendre conscience. Qu'il avait envie de disparaitre en cet instant. Il avait la tête qui commençait à se mettre à tourner et son cœur semblait désormais peser plusieurs centaines de kilos dans sa poitrine alors que sa bouche tremblotait.

La voix dans le combiné réitéra sa dernière phrase, sur un ton si chantonnant qu'il en fut douloureux tant un sourire y transparaissait.

- Tu le sais très bien, essaya alors Sehun, dans l'espoir que cela suffise, que cela passe.

- Qu'est-ce que je suis sensé très bien savoir ? renchérit la voix à la sonorité pourtant si douce en apparence.

- Ce que, que moi je te reproche, finit-il par répondre, chuchotant presque, embarrassé à l'idée que les deux autres personnes présentes avec lui n'entendent le sujet de la conversation.

- Oh ne me fait pas languir mon chéri, dit mielleusement la voix posée contre son oreille, dis-moi mon cœur ce qui te pèse, que je me repente de mes actes à genoux devant tes pieds.

Le pauvre oméga sentit directement sa mâchoire se crisper douloureusement et ce qu'il parvint à dire fut :

- Ne m'appelle pas comme ça, tout du moins, juste avant que sa propre voix ne déraille et ne se brise en un sanglot étranglé.

C'en était trop et sans qu'il ne puisse plus rien maitriser, des larmes commencèrent à lui rouler à toute vitesse le long des joues.

- Quelque chose ne va pas mon tendre amour ?

- Arrête, quémanda alors Sehun en tremblant, impuissant puis tandis que d'autres mots tout aussi doux continuaient de lui être déversés dessus, il perdit le contrôle, réitérant cette fois en criant : ARRÊTE !

- Je n'ai aucun ordre à recevoir de toi catin.

- ÇA C'EST TOI ! VA TE FAIRE FOUTRE ! hurla à pleins poumons le jeune oméga.

Puis ponctuant la fin de sa phrase par une action, il éloigna son téléphone de son oreille et dans un mouvement de rage, il lança avec puissance l'appareil à travers le salon, celui-ci allant directement s'exploser contre le mur en face de lui. Ses jambes se mirent alors à trembler et il perdit l'équilibre avant de s'écrouler presque accroupi sur le sol. Sa respiration était saccadée et il tenait ses mains recroquevillées contre son torse.

Instantanément, Zitao se leva en panique pour venir jusqu'à ses côtés, se mettant ensuite à son niveau et le prenant directement dans ses bras. Une fois son ami contre lui, il lança un regard désemparé et quémandeur à l'adulte qui se contentait de les fixer, tout aussi perdu que lui face à la situation.

- Sehun ? qu'est-ce qu'il se passe ? questionna-t-il à toute vitesse en reportant son attention sur son ainé.

- Tout... entama ce dernier en soufflant difficilement pour reprendre son souffle et tenter d'arrêter ses larmes, tout va bien, je suis herh, tendu à cause de mes chaleurs, il repoussa légèrement Zitao loin de lui et s'essuya rapidement le visage, il faut que je rentre.

Il dit cela en se relevant alors, se défaisant totalement de la prise de son ami et en se retournant ensuite vers l'alpha. Le regard qu'il offrit à l'adulte fut incroyablement sombre, lui retranscrivant des milliers de choses et surtout lui faisant comprendre qu'étant donné que lui partait, eh bien ce dernier aussi.

- Est-ce que tu peux me prêter ton téléphone un instant ? dit-il avant de renifler malgré lui et en s'adressant à son cadet, hésitant.

La demande prit d'étonnement Zitao mais celui-ci se contenta de glisser la main dans sa poche pour en sortir le petit appareil. Il fit cela en gardant les yeux fixés sur le téléphone de son ami, qui gisait toujours sur le sol, en plusieurs morceaux. Il devait avouer qu'il était légèrement un peu inquiet pour sa possession en cet instant. Mais il ne dit rien et remettant l'appareil à Sehun, il reçut alors un simple et sincère « merci ». Ce dernier éteignit le téléphone fonctionnel tandis qu'il s'éloignait de Zitao pour aller vers les restes de son vieux Samsung. Il fouilla quelques courtes secondes dans les divers morceaux, jusqu'à ce qu'il trouve sa carte Sim, qu'il remplaça alors dans le nouvel appareil.

Sous les yeux des deux observateurs, il ralluma celui-ci puis une fois tout bon et presque directement, une notification retentit dans le salon. Le plus vieux des omégas se concentra sur l'écran quelques instants, son visage se fanant au fur et à mesures des secondes s'écoulant, d'une façon inexplicablement triste quand soudain, une seconde notification identique à la première se fit entendre. Sehun écarquilla instantanément les yeux, sous une peine dévastatrice. Puis il éteignit de nouveau le téléphone avant de retirer sa carte, d'y remettre l'ancienne et de rendre le tout à son cadet.

- Désolé, dit-il en regardant avec difficulté le plus jeune, je dois vraiment y aller.

- T'inquiètes pas, le rassura Zitao, j'ai bien cru comprendre que c'était important.

- Je ne vous laisse pas avec lui, ajouta alors Sehun à l'intention de Zhoumi, qui se tenait en recul, silencieux mais attentif.

- J'avais bien compris, je partirai en même temps que vous, se contenta de dire l'adulte, en le regardant avec la même lueur d'inquiétude dans le regard, ce à quoi l'oméga haussa les épaules après un léger hochement de tête avant de quitter le salon.

Pendant ce temps, Zitao en profita pour rallumer son téléphone avant de se tourner vers leur professeur, demandant en silence son avis quand au fait d'aller voir ce que Sehun avait reçu sur son appareil. Plus inquiet que curieux, l'alpha l'y encouragea d'un regard. En effet, que s'était-il passé qui avait mis son autre élève dans un tel état ?

Le plus jeune ouvrit donc rapidement son application de messagerie et avisa en première ligne la présence d'une nouvelle conversation, avec un numéro inconnu. Vérifiant du coin de l'œil que Sehun n'était pas encore revenu à proximité d'eux, il ouvrit alors les messages, lisant rapidement ceux-ci dans l'ordre.

« Je n'oublierai pas que tu viens de me raccrocher au nez. Maintenant, je vais prendre le temps de t'écrire un message détaillé de sorte à ce que les choses soient assez simples pour toi. Tu es à ton premier jour de chaleurs, elles vont s'intensifier. Peu importe ce que dit ton petit égo, je suis ton alpha. Mon amour, mon chéri ou quoique ce soit que tu veuilles, tu viens. C'est un ordre. Tu as trente minutes. »

Leurs yeux enchainèrent ensuite leur lecture avec le second message, qui vint directement glacer le sang de Zitao. Si court, de seulement quatre mots, celui-ci était pire que le précédent. A vrai dire, la réaction du plus vieil oméga se comprenait, tout du moins, cela faisait écho dans son âme.

« Premier arrivé, premier servi »

Un couinement étouffé échappa malgré lui à Zitao qui lâcha son téléphone sur le sol avant de se retourner prestement vers Zhoumi. Ses yeux étaient écarquillés et alternaient tour à tour entre ceux de son professeur, apeurés et quémandeurs. L'alpha fit un pas vers lui, réduisant le peu de distance les séparant afin de venir glisser sa main droite sous le menton du jeune oméga. Leurs regards toujours ancrés l'un dans l'autre, il continua de se rapprocher pour ensuite, posant sa joue contre celle hâlée, le caresser de son toucher.

- Ecartez-vous de lui, résonna soudain la voix tranchante de Sehun.

Ce dernier avait récupéré ses quelques affaires et respirait vite d'avoir couru dans tous les sens. Malgré ça, il ne perdait pas le nord, continuant de vérifier que cet alpha ne s'approchait pas trop de son ami. Sur son visage, toujours cette même expression de colère douloureuse et fataliste, ancrée en lui jusque dans ses yeux humides.

Zhoumi sut qu'il valait mieux ne rien provoquer ou aggraver en cet instant et il se sépara directement de Zitao, laissant tout de même sa joue et sa main s'éloigner en une caresse. Zitao eut envie de partir à sa recherche, à la suite de son toucher chaleureux mais il se retint de justesse, préférant même s'en éloigner. Il s'en alla ainsi rejoindre son ainé, qui vibrait d'impatience, de toute évidence pressé mais retenu sur place.

- Tu es sûr que ça va aller ? demanda tout de même le plus jeune.

- J'ai juste une urgence.

- Est-ce que je dois m'inquiéter ? insista-t-il.

- Non, y'a rien de grave. Par contre, faut vraiment que j'y aille.

Puis il s'avança à son tour pour prendre son ami contre son cœur, le serrant fort contre lui, comme s'il se rattachait à quelque chose qu'il risquait de perdre. Et après avoir déposé un baiser délicat sur la joue de son cadet, il se recula avant de partir en direction de la porte, obligeant au passage d'un regard lourd et profond, l'adulte à venir à sa suite.

- Je viens, je viens, répliqua directement ce dernier avant que son élève n'ait besoin de le lui demander, voulant préserver celui-ci vis-à-vis de son état déjà bien précaire, une seconde.

Il traversa la pièce rapidement pour s'arrêter au niveau du plus jeune oméga, le prenant alors dans ses bras afin de le lover totalement contre son corps, le pressant contre lui tout en relâchant en pleine conscience une dose de phéromones relaxants. Puis il courba la nuque et vint glisser ses lèvres près de l'oreille à sa portée.

- Tu sens que tu as peur, très peur.

- Et vous ? vous, est-ce que tu, tu en as d'- sa voix se bloqua dans sa gorge alors qu'il murmurait pour que Sehun ne les entende pas.

- Non, juste toi, dit Zhoumi en collant sa joue contre lui, comme il l'avait déjà fait auparavant, il n'y a que toi, puis il l'embrassa à la lisière de ses cheveux.

Il inspirait l'arome du jeune garçon quand il sentit une main venir lui agripper avec force l'épaule et le tirer en arrière. Il se laissa faire et relâcha directement sa prise rassurante autour du corps de Zitao puis il se recula et avec un dernier regard vers son oméga, il attrapa ses affaires au vol et sortit avec Sehun de l'appartement.

Dès que ce dernier fut sûr que la porte était belle et bien fermée, il s'empressa d'accélérer le pas et de partir à toute vitesse pour appeler l'ascenseur. Appuyant même frénétiquement sur le bouton jusqu'à ce que celui-ci ne daigne enfin arriver. Ils entrèrent alors tous les deux dans la cabine, sans dire le moindre mot ou faire le moindre bruit.

Toute la descente se fit dans ce même climat de tension et ce ne fut que quand ils dépassèrent le niveau du premier étage, dernier niveau avant d'enfin arriver, que Sehun se tourna prestement vers son professeur.

- Si vous remontez je vous tue.

Zhoumi le regardant simplement avec tristesse, ne se formalisant même pas des mots de son élève. Il se contenta de lui offrir un regard profond assorti à un hochement de tête, sans négociation ou hésitation, ce qui déstabilisa le plus jeune.

- Allez faire ce que vous avez à faire, je ne remonterai pas, il fit un léger silence, reprenant juste avant que les portent ne s'ouvrent, est-ce que vous avez besoin que je vous dépose quelque part ?

Ce fut la réflexion de trop qui figea vraiment le visage de Sehun dans une expression d'étonnement et d'incompréhension. Ce dernier semblait tout autant touché positivement par l'offre que douloureusement par celle-ci.

- J'ai pas besoin de vous, lâcha-t-il pourtant, j'ai besoin de rien venant de vous, continua-t-il alors que sa voix s'éteignait en un couinement à l'instant même où l'ascenseur se stoppa définitivement.

N'attendant pas une seule milliseconde de plus, Sehun s'échappa à toute vitesse, s'éloignant même en courant vers l'extérieur, disparaissant de la vue de l'alpha en un éclair. L'adulte sortit ensuite à son tour, plus lentement et une fois hors du bâtiment et son élève ayant disparu au détour d'une rue au loin, il releva les yeux vers le dernier étage.

Etrangement, il avait un mauvais présentiment à l'idée de laisser son nouvel et si jeune oméga seul ce soir-là. Mais il avait promis. Il souffla lourdement puis il enfila son manteau avant d'y enfoncer ses mains bien profondément dans les poches. Il regardait tout autour de lui, comme s'il risquait de rater un détail important et ce, jusqu'à ce qu'il atteigne sa voiture. Il s'y engouffra et une fois installé sur le siège conducteur, il appuya ses mains contre son visage, fermant ses yeux, profondément inquiet pour ses deux élèves, chacun pour des raisons bien différentes.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top