Chapitre 59
« Ça fait des jours qu'ils cherchent à m'arracher les vers du nez. Pourtant, je n'en sais toujours pas plus sur cette pseudo tentative d'évasion. En était-ce bien une, d'ailleurs ? Je n'ai pas revu Matieu depuis. J'aurais bien aimé lui poser une ou deux questions. Peut-être a-t-il fini comme Soraya ? Enfin, même si c'était le cas, je n'irai pas pleurer sur son sort...
Deux mastodontes font irruption dans ma cellule, m'arrachant à mes pensées. Sans ménagement, ils m'éjectent de la petite pièce sombre. Je m'affale de tout mon long sur le sol, avant de me relever avec quelques difficultés. Du regard, je les défie de recommencer, alors l'un d'eux sort sa matraque et commence à m'asséner de violents coups sur le corps.
Je résiste un petit peu, tentant de parer l'objet métallique et froid qui cherche mes côtes avec avidité, puis, épuisée, je finis par me laisser faire. Le deuxième garde me relève par un bras, comme si j'étais une poupée désarticulée.
— Ça va, t'es calmée ? aboie-t-il sèchement.
— On dirait bien.
Ma voix n'est qu'un murmure qu'il entend à peine et je me sens perdre connaissance alors qu'ils m'empoignent chacun d'un côté. Je reprends rapidement mes esprits, mais mon corps ne répond pas encore et je garde les yeux clos, la tête dodelinant de gauche à droite au rythme des pas de mes geôliers.
— J'comprends pas pourquoi on perd notre temps avec elle, grogne celui qui se tient à ma droite. Là ça fait des mois qu'il s'acharne sur elle, sans rien obtenir de concluant.
— Va savoir.
Le silence retombe et je me laisse toujours traîner comme un poids mort.
— En tout cas faut lui reconnaître qu'elle a du cran de résister comme elle le fait. Tous les gars que je connais et qui se sont occupés d'elle le disent : elle sera peut-être la première à le faire échouer. Et qui sait ce qu'ils en diront dans les hautes sphères.
J'ouvre les yeux et lève la tête vers lui. Il a une figure ronde, les cheveux ras, des yeux enfoncés dans des orbites caverneuses et des lèvres quasi inexistantes. Un visage qui prêterait presque à rire. Presque parce que son air peu commode indique qu'il vaut mieux ne pas trop plaisanter avec le bonhomme. Sa carrure de taureau y est pour beaucoup aussi.
Voyant que j'ai repris connaissance et le dévisage avec insistance, il me foudroie du regard et me broie le bras.
— Je te déconseille de jouer avec moi, me prévient-il.
— Ce n'est pas moi qui joue avec vous, répliqué-je avec le peu de force qu'il me reste. C'est vous. Et je compte bien le faire échouer.
Je ne sais pas trop de quoi il parlait, mais ça me plaît de savoir que j'ai encore un peu de pouvoir sur l'enfoiré qui est à l'origine de tous mes tourments. Son acolyte me flanque un coup de matraque sur la cuisse, ce qui manque de me faire chuter. Il me retient par le bras et mon articulation émet un sinistre craquement. Je serre les dents, étouffant un cri de douleur. Les deux hommes s'arrêtent et d'un coup sec ils me remettent l'épaule en place. Les larmes me montent aux yeux, mais là encore, j'enfouis la douleur au fond de moi pour garder la tête haute.
— Le doc va pas être content.
— C'est elle qui a trébuché, rétorque celui qui vient de me déboîter l'articulation.
— Ouais, on va dire ça.
Quelques minutes plus tard, ils me jettent dans une pièce faiblement éclairée, avant de refermer la porte sans dire un mot de plus. Au centre, la blouse blanche aux yeux vairons m'attend à côté d'un fauteuil. Il fait un pas dans ma direction, mais je lui fais signe de s'arrêter. D'un air impassible, il me regarde me relever, traverser la pièce et m'installer sur l'unique siège qui s'y trouve. Je grimace de douleur en tendant les bras pour sangler mes pieds, mais j'y parviens seule. Je fais la même chose pour mon poignet gauche, puis je lui fais signe de terminer.
— On peut y aller, lui dis-je d'une voix rauque.
Sur la table, posé parmi les différentes machines et moniteurs qu'il contrôle, l'homme attrape le casque et le pose sur ma tête. Un vrombissement sourd m'éclate dans les oreilles, une violente douleur contracte tous mes muscles pour me plaquer sur le fauteuil et une vive lumière m'éblouit.
— Tu sais ce qui t'attend ? l'entends-je me demander.
— Oui.
— Bien.
L'obscurité s'abat sur ma tête et peu à peu une image prend forme sous mes yeux, devenant de plus en plus nette, de plus en plus réelle.
Kraeffer se tient debout dans une pièce. Il claque ses mains l'une contre l'autre et la porte derrière lui s'ouvre, laissant passer un soldat qui tient un jeune enfant entre ses bras. Le regard du garçon exprime une immense terreur. Je sais ce qui va se passer. J'aimerais m'élancer pour empêcher ce qui va suivre, mais mon corps refuse d'obéir. Son bras se lève et un éclat brillant scintille dans la pénombre.
Je suis impuissante...
La lame s'abat.
Je suis impuissante...
Le sang gicle au-dessus de nos têtes.
Je suis impuissante...
La mort le frappe, encore et encore. Il n'y a rien que je puisse faire. Il le sait et son rire s'enfonce dans ma chair avec une frénésie démoniaque, comme le poignard dans le corps tendre de cet enfant qui avait toute la vie devant lui. »
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Il est temps pour moi de conclure mes posts sur Wattpad concernant Horizons... maintenant il n'y a plus qu'à attendre la sortie officielle, le 6 décembre !
Merci à tous ceux qui m'ont suivie jusque là :) Votre soutien m'a été précieux durant tout ce temps.
J'espère pouvoir bientôt partager de nouveaux récits avec vous ici !
Lysiah
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