Chapitre 58 - #3
C'est donc d'humeur plutôt joviale que nous arrivons sur Vichy. La ville est telle que nous l'avons laissée et je reconnais le trajet que nous avions effectué en camion avec Khenzo, la première fois que nous avons mis les pieds ici. Au poste de contrôle, nous déclinons notre identité et bien que certains d'entre eux m'aient reconnue, les soldats consultent leur fiche pour vérifier nos autorisations.
— Vous pouvez y aller, nous informe l'un d'eux en demandant qu'on ouvre les barrières. Présentez-vous au bâtiment administratif, quelqu'un viendra vous accueillir. Bonne journée.
Nous lui rendons la politesse et Thomas fait vrombir le moteur pour se diriger vers l'entrée de la base. Là, une deuxième unité nous contrôle et vérifie à nouveau le contenu de nos sacs après avoir passé la moto au détecteur d'explosifs.
Les portes s'ouvrent enfin, découvrant derrière elles une fourmilière en ébullition. C'est étrange. J'ai le sentiment de rentrer à la maison et en même temps, je n'arrive pas à me sentir à ma place dans cette forteresse impressionnante.
Thomas roule au pas jusqu'au pied de l'escalier du bâtiment administratif, qui se tient au centre de la grande place. Là, il coupe le moteur, met la béquille et retire son casque. Je lève les yeux vers la bâtisse imposante. Quand je pense que j'ai passé dix jours dans ses obscurs sous-sols, j'en frissonne encore.
Nous montons les marches quatre à quatre pour pénétrer dans le hall. Il n'y a pas un chat, hormis le réceptionniste derrière son immense comptoir d'accueil.
— Thomas Duval et Xalyah Lisandin.
L'homme attrape le combiné sans fil du téléphone et répète nos noms et prénoms pour nous annoncer.
— Vous pouvez patienter ici, nous dit-il alors en pointant du doigt des sièges adossés au mur à côté de l'entrée.
Dix minutes plus tard, les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur Aimée Jardeau. Ses cheveux blond vénitien sont attachés en queue de cheval et elle porte le costume traditionnel des commandants. Taillé sur mesure, il épouse parfaitement ses formes, soulignant sa poitrine, marquant sa taille et galbant ses fesses. Rakia avait vu juste.
— Xalyah, comme je suis contente de te revoir ! m'accueille-t-elle en me serrant dans ses bras.
Cette effusion de sentiments me surprend et je réponds en lui tapotant rapidement l'épaule avant de m'écarter.
— Bonjour Aimée.
— Thomas, ravie de te revoir également. Comment se passe la vie à Corbeilles ?
Nous lui racontons brièvement les dernières nouvelles, avant de rentrer dans le vif du sujet.
— Pourquoi le général a-t-il voulu me convoquer une semaine plus tôt que ce qui était prévu ? l'interrogé-je.
— Question de calendrier, répond-elle laconiquement. Vous n'êtes que tous les deux ?
— Oui.
— Et comment êtes-vous venus ?
— En moto.
— Bien, vous pourrez la laisser devant votre immeuble, alors. Venez, je vais vous montrer où vous logerez.
Nous lui emboîtons le pas, sac sur le dos, casque sous le bras. Thomas pousse la moto à travers les rues alors qu'Aimée nous guide jusqu'à nos quartiers provisoires. Dans mes souvenirs, la base était déjà très active, mais il n'y avait pas autant de monde.
— Combien de personnes ont été officiellement intégrées depuis que nous sommes partis ?
— Environ quatre mille.
Thomas siffle entre ses dents. Ils ont fait vite. Mais il en reste au moins le double avec ce que l'accord de Bellegarde nous a apporté en volontaires supplémentaires.
— Hé oui, qu'est-ce que vous croyez ? On n'a pas chômé ici non plus.
— Et ça se passe bien ? lui demandé-je.
— Globalement ? Oui. On a bien quelques incidents par-ci, par-là, précise la quadragénaire, mais rien de bien grave. La plupart du temps, quelques jours en cellule suffisent à apaiser les tensions. Le test d'admission reste efficace, même si on sait maintenant qu'il n'est pas infaillible.
Aimée me lance un regard en coin que je préfère ignorer. Inutile de revenir là-dessus.
La commandante s'arrête au pied d'un immeuble et fait signe à Thomas de laisser la moto là. Nous la suivons dans le hall puis jusqu'au cinquième étage, avant de nous arrêter devant une porte.
— Comme vous n'êtes que deux, on ne va réquisitionner qu'un seul appartement. Rassurez-vous, ajoute-t-elle en avisant notre tête, chacun aura sa chambre, c'est un trois-pièces. Vous ne serez pas à l'étroit. On n'allait pas mettre une commandante dans un cagibi.
— Je me serais contenté d'un canapé, affirme Thomas.
— Moi aussi.
— Ça tombe bien, il y en a un aussi. Vous pourrez vous battre pour le canapé si vous préférez.
Aimée ouvre la porte et nous laisse passer.
— Tiens, voilà les clés. Il n'y a qu'un jeu, donc ne les perdez pas.
Elle me glisse le trousseau dans les mains.
— On se retrouve à 14 heures pour la réunion, Xalyah ! En attendant, installez-vous et reposez-vous.
La commandante nous laisse là, pour retourner à des occupations autrement plus intéressantes que d'escorter les nouveaux venus. Je me demande d'ailleurs pourquoi ils n'ont pas chargé quelqu'un d'autre de nous accueillir.
— Je te laisse la plus grande chambre, me lance Thomas depuis le fond de l'appartement. Je prends celle-là.
Je pose mon sac sur le lit et me laisse aller en arrière pour m'enfoncer dans la couette moelleuse. Alors que je contemple le plafond en faisant le vide dans mon esprit, mon compagnon passe la tête par la porte pour m'interpeller :
— On a deux heures à tuer avant ta réunion, ça nous laisse le temps d'aller manger un morceau, si ça te dit.
Sans me redresser, j'attrape mon sac et fouille dedans pour sortir un peu de liquide. Nous avons touché nos deux premières soldes et j'ai pensé à prendre un peu d'argent pour faire quelques achats ici. Je rejoins Thomas devant la porte d'entrée et nous repartons aussitôt.
Nos pas nous mènent devant une brasserie que je n'ai pas encore eu l'occasion d'essayer.
— Tu verras, on y mange bien pour pas cher, m'informe Thomas en ouvrant la porte pour me céder le passage.
À l'intérieur les places sont déjà prises d'assaut malgré qu'il soit encore tôt. Preuve que Thomas doit avoir raison. L'un des serveurs s'empresse de nous accueillir et après avoir balayé la salle des yeux de longues secondes, il nous désigne un recoin.
— Là-bas, j'ai une table de deux qui vient de se libérer. Je passe dans cinq minutes pour la nettoyer et prendre votre commande. Je vous accompagnerais bien, mais comme vous le voyez c'est le rush et on a deux serveurs malades aujourd'hui.
Nous acquiesçons sans faire d'histoire et allons nous installer à ladite table. C'est loin du confort des brasseries d'avant la Rupture, mais bien mieux que le grand réfectoire de l'entrepôt de Corbeilles.
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