Chapitre 33 - #3

Je lève les mains, attendant qu'il s'approche encore un peu plus. Lorsqu'il est à portée, j'attrape son poignet et le désarme pour pointer son flingue sur lui. Aussitôt ses camarades me mettent en joue.

— Qu'est-ce que tu crois faire comme ça ? me demande ma cible. Si tu me tues, tu mourras également dans la seconde qui suit.

Il a raison. Mais je ne pouvais pas me rendre aussi facilement. Je remets le cran de sûreté de son arme et retire le chargeur pour le faire tomber au sol avant de lever une nouvelle fois les mains. Les soldats se jettent sur moi pour me mettre à terre. Ils me fouillent sans ménagement et récupèrent toutes mes armes avant de me menotter. Puis ils me remettent sur pieds et m'escortent jusqu'à l'un des véhicules.

Avant de me faire monter à l'arrière d'une des jeeps, celui que j'ai désarmé s'arrête à mon niveau pour me toiser de haut.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

Je soutiens son regard, sans répondre. Son bras se lève et je me prends un revers de main qui me fait perdre l'équilibre. Les deux soldats qui m'entourent me retiennent.

— D'où tu viens ? insiste-t-il.

Même silence de ma part. Je me prends une deuxième gifle et cette fois les hommes me laissent heurter la portière de la voiture.

— T'inquiète pas, on te fera parler, conclut celui qui doit être le chef de cette unité. Allez les gars, on remballe et on l'emmène au PCA.

Assise sur la banquette arrière et entourée des deux gorilles, je baisse la tête. T'es dans une putain de merde, ma vieille. Une merde que j'ai sans doute bien méritée après ce que j'ai fait. La gorge nouée, je peine à déglutir. Le convoi de jeeps se met en branle et se dirige vers le centre d'Orléans à vive allure.

Nous traversons la Loire et passons devant la Grand-Place. Les monticules de terre se dessinent encore sous la fine couche de neige. Mon cœur se serre et je me concentre sur ma respiration pour contenir les larmes qui se forment au bord de mes yeux. Vous me manquez tellement. Le convoi continue et s'engage dans les rues pour s'éloigner des abords du fleuve. Rapidement nous arrivons près de la cathédrale et les véhicules s'arrêtent.

Est-ce qu'ils ont établi leur poste de commandement avancé ici ? Si c'est le cas, ces enflures n'ont vraiment aucun respect. Que l'on croie ou non en Dieu, laissons au moins les actes de guerre en dehors des lieux de culte.

Les hommes me font descendre de la voiture en m'empoignant violemment. L'un d'eux me balaye volontairement les jambes pour que je m'étale au sol.

— Lève-toi, salope ! s'écrie-t-il alors en m'envoyant son pied dans les côtes.

Son comparse me relève et je crache à la figure de celui qui m'a fait tomber. Il arme alors le poing pour me menacer.

— Recommence encore une fois et je te...

— Arrête Francis, tu sais qu'ils n'aiment pas qu'on amoche les prisonniers avant de les interroger dans les règles.

L'homme hausse les épaules et suit ses coéquipiers. Je pensais que nous allions nous diriger vers la cathédrale, aussi suis-je surprise de constater que nous prenons la direction opposée. Nous passons un haut portail noir pour entrer dans une cour pavée. Un long bâtiment en pierre en forme de U se dresse devant nous sur plusieurs étages. En arrivant sur le perron, je distingue une plaque indiquant que nous sommes à l'Académie d'Orléans-Tours.

— Allez, avance, s'impatiente Francis. T'es pas là pour faire du tourisme.

— Ah bon ? Je croyais, pourtant, ironisé-je.

Le soldat mal luné lève une nouvelle fois le bras, mais son acolyte intervient avant qu'il m'en mette une pour de bon :

— Laisse-la parler. Va retrouver les autres pour le débriefing, je vous rejoins une fois que je l'ai amenée en salle d'interrogatoire.

Francis franchit la porte en premier, nous laissant seuls sur le perron. Je pourrais tenter quelque chose, mais je ne parierais pas sur mes chances de réussite. L'homme me pousse dans le dos et nous entrons à notre tour dans le bâtiment. Le hall est immense et contrairement à la façade extérieure qui a gardé son cachet d'antan, tout a été rénové de façon moderne. Le plastique a remplacé le bois, les dalles en PVC le parquet et l'aluminium les rambardes en fer forgé.

De part et d'autre du hall, des escaliers mènent à des coursives qui s'étendent sur plusieurs niveaux et desservent de nombreuses portes. Mon garde du corps attitré me guide vers la droite et nous empruntons un escalier en colimaçon pour descendre vers les sous-sols. L'humidité me fait déraper sur les marches en pierre et l'homme me rattrape par mon manteau pour m'éviter de plonger la tête la première.

— Heureusement que ce n'est pas Francis qui m'accompagne, dis-je cyniquement.

— Je crois que tu ne réalises pas dans quelle merde tu es, rétorque simplement l'homme qui garde une main sur mon épaule.

— Malheureusement si, marmonné-je.

En bas nous traversons plusieurs caves qui se succèdent et qui sont restées dans leur état d'origine. Celles-ci sont vides, jusqu'à ce que nous arrivions devant un comptoir en teck. Derrière, deux hommes en blouse blanche pianotent sur des écrans tactiles et surveillent des moniteurs. J'ai comme un mauvais pressentiment sur ce qui m'attend.

— Salut Max, salut Djibril.

— Salut Ahmed, répond l'un d'eux, un grand brun aux yeux enfoncés sous d'épais sourcils. Qu'est-ce que tu nous amènes ?

— On l'a choppée au sud d'Orléans. C'est elle qui a buté l'équipe Charlie tout à l'heure. Et c'est probablement elle qui a éliminé Tango également.

— Elle ?

— Ouais, Max. Elle ne paye pas de mine comme ça, mais elle nous a donné du fil à retordre pour l'attraper.

— Vous avez réussi à lui soutirer des informations ?

— Non.

— Elle sera plus coopérative avec nous, assure Max en adressant un clin d'œil à son collègue.

— Sans aucun doute, affirme Ahmed à son tour.

— C'est ce qu'on verra, murmuré-je d'une voix sourde.

Le soldat qui me tient le bras me foudroie du regard.

— Corentin va vous descendre ses affaires tout à l'heure. Vous y trouverez des drapeaux noirs. Elle a tagué des cercles blancs imbriqués les uns dans les autres. Ce serait bien de savoir pourquoi et d'où lui vient ce symbole. Avec toutes ces rumeurs qui courent en ce moment, en haut ils ont envie d'y voir plus clair dans tout ce foutoir.

— On va essayer. Est-ce que tu peux accompagner Djibril pour la mettre en cellule ? J'ai un peu de paperasse à terminer.

Ahmed hoche la tête et suit l'homme à la peau noire qui vient de faire le tour du comptoir. Il me pousse à nouveau dans le dos, néanmoins cette fois je ne suis pas décidée à le suivre sagement. J'essaye d'échapper à sa poigne, mais le soldat est plus vif qu'il n'en a l'air et me colle contre le mur du couloir.

— Tu vas nous suivre sans faire d'histoire, sinon...

— Sinon quoi ? Je sais très bien que vous n'allez pas « juste » m'interroger.

Ahmed soupire et avec Djibril, ils me prennent chacun un bras pour me forcer à avancer. Je suis tentée de leur donner du fil à retordre, comme l'a si bien dit Ahmed, mais objectivement, il vaut mieux que je garde mon énergie pour ce qui va suivre.

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