Chapitre bonus - Nathan Champrin - #3

Tandis que mon groupe rejoint nos quartiers d'un bon pas, je bifurque dans une petite bretelle du tunnel, passant alors par un raccourci pour gagner du temps. Le QG de Max est légèrement excentré du reste de la Cité et il me faut dix bonnes minutes pour y arriver. Je salue les deux armoires à glace qui campent devant la porte du boss et pénètre dans la grande pièce. L'odeur âcre du cigare m'agresse aussitôt les narines. Bien qu'il m'arrive de fumer une clope ou deux de temps en temps, je n'aime pas l'odeur du cigare.

Je passe une main calleuse sur mon visage et me dirige vers Max qui est penché devant les écrans affichant visiblement les informations de la jeune femme qui est à l'origine de tout le bordel qui secoue la Cité. Le patron des lieux pianote rapidement sur un clavier pour faire défiler les fiches d'identité des autres membres de son groupe avant de soupirer bruyamment. Autour, personne n'ose lui parler et tout le monde préfère vaquer à ses occupations en l'ignorant. Je me racle alors la gorge pour signaler ma présence.

— Ah, Nathan ! Je t'attendais.

Sa voix caverneuse tonne au-dessus de moi alors que je suis obligé de pencher la tête pour le regarder. Pour un homme de sa taille, Max en impose. Il a ce charisme dont rêve tout bon leader. Un charisme que je suis loin d'avoir et pourtant cela n'empêche pas les miens de se tourner vers moi à chaque fois qu'il faut prendre une décision importante ou qu'ils sont dans le besoin.

Je lui résume succinctement notre matinée qui a été assez plate jusqu'à l'altercation sur le marché.

— Cette fille m'emmerde, lâche-t-il finalement.

— Que vas-tu faire ?

Non que j'en ai quelque chose à faire d'elle, mais j'ai toujours aimé savoir ce qu'il se passe autour de moi, pour anticiper les merdes qui pourraient arriver.

— Je vais l'exclure de la communauté, tout comme son groupe, mais ça m'emmerde profondément parce qu'ils faisaient partie de nos meilleurs éléments avec ceux qui résident dans le secteur Nord des galeries.

Je le savais déjà que nous faisions partie des meilleurs, mais ça fait toujours plaisir de se l'entendre dire.

— Il s'agit de Tim Boimeurin et de ses hommes, c'est ça ?

— Oui.

Je fouille dans ma mémoire et me rappelle alors qu'il est toujours fourré avec un mec qui s'appelle Khenzo. Khenzo Anour... Ernour... ou quelque chose du genre. Nous ne résidons pas dans le même tunnel parce qu'ils sont arrivés après nous, mais j'ai entendu beaucoup de bien sur eux. Dommage qu'ils aient pris cette débile de gonzesse sous leur aile.

— Le temps que je les reçoive, lui et la fille, j'aimerais que tu restes devant la porte pour remplacer Americ. Il a une course à faire pour moi qui ne devrait pas durer plus de trente minutes.

— À tes ordres, patron.

Max esquisse un sourire qui étire ses fines lèvres et me fait signe d'y aller. Je ressors donc pour patienter devant la porte en compagnie d'Erwan, Sébastien et William, trois molosses du même gabarit que moi et arborant également des tatouages sur les bras et le visage. À peine quinze minutes plus tard, les voilà qui débarquent : Tim, le même gars qui était avec la fille plus tôt – je suppose donc qu'il s'agit du fameux Khenzo – et Xalyah. Le premier fait clairement la gueule tandis que le second a l'air contrarié. La nana, elle, reste en retrait, apparemment peu enjouée de se retrouver ici.

— Vos armes, ordonne Sébastien en désignant le mur à ses pieds.

Sans faire d'histoire, ils déposent leurs armes et s'avancent vers l'intérieur du QG de Max alors que William leur fait signe d'entrer. Lorsque le jeune homme s'apprête à suivre son aîné, Erwan le refoule sèchement sur le côté et arrache le sac de la gonzesse pour le lui fourrer dans les bras.

— Toi, tu restes là.

Les deux jeunes gens échangent un bref regard, mais la dénommée Xalyah n'oppose aucune résistance et finit par suivre le vieux. La porte se referme et le silence reprend ses droits. J'observe attentivement l'homme qui est intervenu pour sortir la jeune femme du merdier dans lequel elle était fourrée sur la place du marché. Il m'est effectivement arrivé de le croiser à plusieurs reprises, mais nous n'avons jamais parlé et ce ne sera pas aujourd'hui qui nous ferons plus ample connaissance. Pourtant il a la tête du mec bien. Un peu réservé, peut-être, mais j'ai l'impression qu'il fait partie des gens sur qui il est possible de compter. Enfin, ça se trouve, je me fais peut-être des idées.

Les minutes passent et je vois l'anxiété se dessiner sur ses traits progressivement. Il fait les cent pas, à quelques mètres de nous, en fourrageant de temps à autre sa chevelure brune pour la mettre davantage en bataille.

Soudain, la porte s'ouvre et la fille passe entre nous. Le vieux la suit de près et elle a à peine le temps de se retourner qu'il fonce sur elle pour lui administrer un coup de poing magistral. Sa lèvre inférieure se couvre de sang alors qu'elle s'écroule au sol.

— Je vais te tuer, pétasse ! s'écrie Tim en enserrant violemment sa gorge comme un fou. J'aurais dû le faire le premier jour où je t'ai vue !

— Putain... lâ... lâche-moi... connard...

Sa voix étranglée nous parvient à peine tandis qu'elle essaye de le frapper. Je fais mine de vouloir intervenir mais Erwan me retient du bras.

— Laisse-les régler leur compte.

C'est finalement le jeune homme qui tente de les séparer en attrapant le vieux par les épaules, mais ce dernier ne se laisse pas faire et envoi son coude dans le visage de Khenzo. Il jure et relâche sa prise en se tenant le nez. À côté de moi, les trois hommes commencent à lancer des paris sur qui pourrait y passer. Je reste en retrait, attendant de savoir si je dois mettre un terme à cet acharnement ou si quelqu'un d'autre s'en chargera. La fille a l'air de plus en plus mal et son visage commence à changer de couleur. Le jeune homme revient alors à la charge et avec le vieux, ils s'empoignent violemment. C'est le moment que choisit Sébastien pour intervenir et les séparer avec l'aide de William.

— Je te l'ai déjà dit, gamin, mais t'es vraiment con quand tu veux ! crache le quinquagénaire avant de disparaître dans le tunnel.

Khenzo donne un coup de pied derrière lui dans les gaines qui courent le long du sol et finit par se laisser tomber aux côtés de la jeune femme qui peine à reprendre ses esprits. Elle marmonne quelque chose que je ne comprends pas et il lui répond sur le même ton en essuyant le sang qui coule le long de son menton. Puis, il se relève, l'air passablement énervé. Xalyah en fait de même, avec plus de difficulté et lui emboite le pas. Je les regarde s'éloigner jusqu'à ce que leurs silhouettes disparaissent dans la courbure du tunnel par lequel ils sont arrivés plus tôt.

Je suis resté simple spectateur de la scène qui vient de se dérouler et je ne sais pas si je dois en être fier, mais la colère et l'empathie livrent toujours bataille dans ma tête, si bien que j'ai du mal à prendre position. Je lâche un soupir. Je ne la reverrai plus, à quoi bon se prendre le chou avec ça. Et de toute façon, à moins d'un miracle, tôt ou tard nous aurions dû partir d'ici.

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Hey la compagnie !

Je sais que normalement je publie le samedi, mais le weekend qui s'annonce va être chargé, alors j'avance de quelques heures la publication pour être sûre que vous puissiez la suite et fin de ce chapitre inédit.

D'ailleurs, qu'en avez-vous pensé de ce chapitre du point de vue de Nathan ? Est-ce que le bonhomme vous a plu ? Et son groupe ? J'avoue qu'après avoir écrit ces lignes, je me serais bien vu développer un peu ces personnages... :D

Et vous vous demandez sûrement qui est ce gaillard et pourquoi lui et pas un autre, n'est-ce pas ? Et bien sachez que c'est un personnage que vous serez amenés à revoir plus tard dans l'histoire. Quand ? Comment ? Pourquoi ? Je ne vous le dirai pas, niark ! Mais je vous aime quand même et si vous avez vos théories sur ces questions, je serais ravie de les connaître !

J'espère que vous avez apprécié ce petit supplément !

A très bientôt (mardi pour être exacte) ;)

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