Chapitre bonus - Mousha Aba - #2
Motivé pour nous quatre, Théo déplace la plaque à lui tout seul et se glisse dans l'ouverture pour descendre le long de l'échelle rouillée qui se présente à nous. Je m'engage en deuxième. Fabrice me suit de près et Lens ferme la marche. En bas de l'échelle, nous nous regroupons pour observer les alentours ; la bouche ouverte nous éclaire, mais le reste du tunnel est plongé dans l'obscurité. Je sors une lampe poche que j'avais accroché à ma ceinture et mes gars m'imitent aussitôt. Nous pataugeons dans une flaque d'eau croupie et en balayant les murs avec mon nouvel éclairage, je ne vois rien de suspect pour l'instant.
Pris d'une soudaine angoisse inexplicable, j'hésite un instant à remonter à la surface pour poursuivre notre route initiale, mais la curiosité de Théo m'a contaminé. Si quelqu'un se terre ici, j'aimerais bien savoir qui et pourquoi. Enfin, le pourquoi, je pense que j'ai déjà la réponse. Pour échapper aux gars comme nous. Ceux qui font partie des oppresseurs. Des méchants. Pourtant, je ne me vois pas comme tel. Je ne vois pas mes camarades de cette façon non plus. Nous avons juste fait un choix. Celui de survivre, en étant bien nourri et au chaud. Les autres ont fait le choix de rester dans le froid et la misère.
Nos semelles s'enfoncent dans le petit centimètre de bouillasse qui s'est formé au milieu du tunnel et je plisse le nez dans un réflexe débile bien que ça ne sente pas mauvais. Plus nous progressons et plus il parait évident que les lieux sont habités. Des signes de vie récente s'étalent un peu partout sous nos yeux : quelques jouets abandonnés, plusieurs vêtements en plutôt bon état, des caisses qui contiennent du matériel médical. On dirait que ces objets ont été laissés là à la hâte et les lieux paraissent bien trop propres pour des galeries souterraines. J'ai inspecté minutieusement une partie de la paroi de gauche, mais pour le moment, je n'ai pu distinguer aucun renfoncement.
— Où est-ce qu'ils se terrent ? grogne Lens dans un murmure.
— T'imagine vivre ici toute l'année ? poursuit Théo d'un ton plus léger. Les mecs doivent ressembler à des cadavres ambulants, j'en suis sûr.
— Ouais, mais au moins ils sont libres de faire ce qu'ils le veulent, lâche Fabrice. Je ne sais pas pour vous, mais moi j'en ai ma claque d'être fliqué à chaque fois que je vais aux chiottes.
Le silence retombe sur nous. Pour la première fois, Fabrice énonce tout haut ce que nous pensons tout bas. Ils sont libres. Nous, non. Ils vivent dans la misère. Nous, non. Cruel dilemme.
Soudain, un mouvement attire mon regard au loin. Une silhouette plutôt fine tente de disparaître dans l'angle que forme le tunnel.
— Hey ! Toi, là-bas ! Ne bouge plus ! m'écrié-je.
La silhouette s'arrête. C'est une femme, maintenant j'en suis certain.
— Arrête-toi et lève les mains, salope ! répète Lens, moins commode que moi.
— Ne tirez pas ! Je ne suis pas armée !
Sa voix parait si douce dans cet environnement sombre, mais je ne m'y trompe pas. Mon instinct me dit que cette fille n'est pas comme les autres. Elle nous tourne toujours le dos et je détaille sa silhouette avec attention. Ses cheveux blonds lui tombent en cascade sur les épaules et elle porte un manteau qui tombe jusqu'au milieu de ses cuisses ainsi qu'un pantalon marron rentré dans des rangers en cuir de la même couleur. Son corps peu épais et tendu trahit une musculature bien entretenue. Elle ne semble pas armée, mais c'est une combattante, j'en mettrais ma main à couper.
— Qu'est-ce que tu fous ici ? lui lance Théo de sa voix la plus rauque.
La femme lève les mains et se retourne doucement. Nous ne sommes plus qu'à vingt mètres d'elle. Elle est plutôt pas mal, mais je préfère les brunes aux yeux sombres avec une peau mate. Je décide de la brusquer un peu.
— Réponds ! Qu'est-ce que tu fous là ?!
Mon ton agressif la fait tressaillir et j'esquisse un sourire victorieux. Dans mon dos, Lens et Fabrice ont sorti leur pistolet pour la mettre en joue. Nous avons l'avantage du nombre et en plus elle ne semble pas armée, pourtant quelque chose me dit de rester sur mes gardes. Un miaulement de chat me fait hausser un sourcil et j'aperçois en effet un petit matou noir assis au milieu de la galerie, derrière elle.
— Je me baladais...
Cette fille se balade ici avec un chat ? Elle nous prend vraiment pour des cons.
— Au beau milieu des anciens réseaux de transport en commun ? raillé-je. Te fous pas de ma gueule. Avec tout le merdier que vous avez laissé derrière vous, on sait que vous vous réfugiez ici. Alors où sont les autres ?
À mon tour je sors mon arme pour pointer le canon vers elle. D'un geste vif, je retire le cran d'arrêt. Théo attrape son fusil d'assaut et la met en joue également. Elle reste immobile et le chat miaule de plus en plus fort. Je peux voir à son regard qu'elle l'étriperait sur place si elle le pouvait. Je la comprends, moi aussi je déteste les chats.
Tandis que nous la menaçons tous les quatre et que nous nous rapprochons davantage, je la vois réfléchir à toute allure.
— Vous êtes des soldats ? demande-t-elle, alors.
— Tu es perspicace, ma jolie ! ricane Théo, qui se tient à ma gauche.
— Non, je veux dire : vous êtes des soldats de l'IPOC ? Des vrais ?
— Dis, Mouss, elle le fait exprès ou quoi ?
Tout en grognant, Théo frappe son insigne du poing. Je sais qu'il fait ça quand il est stressé. Visiblement, je ne suis pas le seul à ressentir que nous sommes en danger.
— Tu m'emmerdes, Théo. Combien de fois je vais te demander d'arrêter de m'appeler comme ça ?!
La fille enlève son manteau avec gestes lents, pour rester en t-shirt par-dessus lequel elle porte un veston qui ne se ferme pas. Doucement, sa main se dirige vers sa ceinture pour en extirper un couteau de chasse.
— J'ai entendu dire que vous étiez de redoutables combattants au sabre, mais je suis sûre que c'est de l'intox.
Je dois reconnaître que cette blonde a du cran de nous tenir tête comme elle le fait avec un simple couteau.
— Dis, Mouss, elle déconne là ?
— Ta gueule, Théo, soufflé-je, agacé par mon camarade.
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